Assurances : notions de contrat d`entreprise et de

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Assurances : notions de contrat d`entreprise et de
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Assurances : notions de contrat d’entreprise et de
faute intentionnelle
le 27 juillet 2012
IMMOBILIER | Assurance | Construction | Marchés de travaux
L’entreprise, qui fournit un kit de ferraillage avec plan fabriqué par une société qui n’est pas son
sous-traitant, n’est pas chargée d’un travail spécifique. Est censuré l’arrêt qui, pour estimer que le
dommage ne présentait aucun caractère aléatoire, retient qu’un locateur d’ouvrage a fait, en
connaissance de cause, un choix de construction inadapté, de tels motifs ne caractérisant pas la
volonté de créer le dommage.
Civ. 3e, 11 juill. 2012, FS-P+B, n° 11-16.414
Les faits d’espèce qui ont donné lieu à l’arrêt commenté permettent d’illustrer la jurisprudence bien
établie de la Cour de cassation sur la question de la distinction entre contrat d’entreprise et contrat
de vente et sur celle de la faute intentionnelle au sens de l’article L. 113-1 du code des assurances.
Pour qualifier le contrat de vente ou le contrat d’entreprise, la jurisprudence se réfère au critère de
la spécificité. Est un contrat de location d’ouvrage le contrat qui porte non pas sur des choses
déterminées à l’avance mais sur un travail spécifique destiné à répondre aux besoins particuliers
exprimés par le donneur d’ordre (Civ. 1re, 14 déc. 1999, Bull. civ. I, n° 340). Si ce critère semble
aujourd’hui bien affirmé sur le plan juridique, il est parfois difficile à appliquer en pratique. Comme
le souligne Françoise Labarthe, « il convient de savoir alors où placer le curseur sur la ligne de
fabrication, entre le produit tellement adapté qu’il ne peut plus être déterminé d’avance et le
produit déterminé d’avance mais devant subir des adaptations pour satisfaire le client » (D. 2010.
741 , obs sous Civ. 3e, 18 nov. 2009). L’arrêt commenté en donne un exemple.
En l’espèce, le propriétaire d’un terrain y avait fait édifier une maison individuelle. Des fissures
généralisées étant apparues, il avait choisi de procéder à sa démolition puis à sa reconstruction.
D’importantes fissures ayant de nouveau été constatées, il avait assigné l’entrepreneur et son
assureur en responsabilité décennale. L’entrepreneur avait appelé en garantie le fournisseur et le
fabricant du kit de ferraillage. Il avait été débouté de son action au motif que le contrat conclu avec
le fournisseur était un contrat de vente.
Reprenant les critères jurisprudentiels, l’entrepreneur relevait que des calculs avaient été
nécessaires pour réaliser le kit avec plan, ce qui indiquait, selon lui, que les caractéristiques du
produit avaient été déterminées à l’avance pour les besoins du maître de l’ouvrage.
Pour la cour d’appel, cependant, la circonstance que le kit de ferraillage ait été accompagné d’un
plan n’était pas un élément suffisant à emporter la qualification. Il ne pouvait y avoir de travail
spécifique dès lors que le fournisseur n’avait pas sous-traité sa prestation auprès du fabricant du
kit. La Cour de cassation approuve cette motivation. Le fournisseur ayant acheté lui-même, et non
pas fait fabriquer spécialement le matériau, il n’avait fait que revendre ce produit à l’entrepreneur.
L’article 113-1 du code des assurances prévoit que l’assureur ne répond pas des pertes et
dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré. Dès lors que la survenance
du dommage est certaine, cette faute a pour effet de retirer au contrat son caractère aléatoire.
A été débattu le fait de savoir s’il suffisait que l’assuré ait commis délibérément la faute ou s’il
fallait en plus qu’il ait voulu le dommage. La Cour de cassation estime qu’au sens de ce texte, la
faute intentionnelle qui exclut la garantie de l’assureur est celle qui suppose la volonté de causer le
dommage et pas seulement d’en créer le risque. Ainsi, comme le développait le pourvoi de l’arrêt
commenté, la simple conscience chez l’assuré que son action ou son omission volontaire aura pour
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effet de créer le dommage n’est pas suffisant pour établir que l’assuré a eu la volonté de causer le
dommage tel qu’il est survenu (Civ. 1re, 10 avr. 1996, Bull. civ. I, n° 172 ; Civ. 3e, 9 nov. 2005, RDI
2006. 40, obs. G. Leguay ; Civ. 2e, 9 juill. 2009, RDI 2009. 654, obs. D. Noguéro ; 16 juin 2011,
RCA 2011. 340, obs. H. Groutel).
Les faits d’espèce témoignent de ce que la Cour de cassation entend conserver cette définition
stricte de la faute intentionnelle. L’entrepreneur qui avait réalisé les fondations avait assisté les
maîtres de l’ouvrage lors des opérations d’expertise du premier sinistre. Il avait donc connaissance
de la nature du sol et de la nécessité de réaliser des fondations spécifiques. La cour d’appel, pour
dénier la garantie de la compagnie d’assurance, arguait qu’il avait dès lors nécessairement
conscience, en réalisant la construction sans réaliser les fondations adaptées, que les désordres ne
pouvaient que se reproduire. Il s’agissait d’un préjudice futur et certain. Elle est censurée par la
Cour de cassation au motif que cette motivation ne caractérise pas la volonté de l’entrepreneur de
créer le dommage tel qu’il est survenu (V. égal. Civ. 1re, 1er juill. 2010, RCA 2010. 263, 2e esp., obs.
H. Groutel).
par Camille Dreveau
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