Indivision : la demande d`expulsion d`un occupant sans droit ni titre

Transcription

Indivision : la demande d`expulsion d`un occupant sans droit ni titre
Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr)
Indivision : la demande d’expulsion d’un occupant sans
droit ni titre est une mesure conservatoire
le 5 septembre 2012
CIVIL | Procédure civile
IMMOBILIER | Propriété
L’action engagée par le mandataire-liquidateur tendant à l’expulsion d’occupants sans droit ni titre
et au paiement d’une indemnité d’occupation entre dans la catégorie des actes conservatoires que
tout indivisaire peut accomplir seul, sans avoir à justifier d’un péril imminent.
Civ. 1re, 4 juill. 2012, F-P+B+I, n° 10-21.967
En principe un indivisaire ne peut pas agir seul en justice au nom de l’indivision. Celle-ci n’a, en
effet, pas de personnalité juridique lui permettant d’ester (Civ. 3e, 25 avr. 2001, n° 99-14.368, D.
2001. 1591, et les obs. ; RTD. civ. 2002. 130, obs. J. Patarin ). L’article 815-3 du code civil exige
qu’au moins les deux tiers des droits soient détenus pas un co-indivisaire pour que celui-ci puisse
procéder à certains actes relevant du principe de l’unanimité.
La question soumise ici à la troisième chambre civile était précisément de savoir si l’action d’un
indivisaire visant à faire expulser un occupant sans droit ni titre nécessite une telle exigence
d’unanimité, des deux tiers ou peut au contraire être réalisée seule.
Deux couples avaient acheté en indivision un terrain sur lequel chacun d’eux fit édifier une maison.
Le membre de l’un des couples fut placé en liquidation judiciaire, ce qui explique l’intervention
ultérieure d’un mandataire-liquidateur. Ce dernier obtint le partage de l’indivision en 2008 entre
deux lots correspondant aux droits des deux couples.
Le mandataire engagea également une procédure contre un couple qui occupait la maison de la
personne en liquidation. Ces occupants avaient en effet bénéficié d’une promesse de vente restée
sans suite et s’étaient donc installés de leur seule initiative.
En dépit du partage judiciaire, la cour d’appel jugea que le bien litigieux était toujours soumis au
régime de l’indivision puisque le jugement réalisant le partage n’avait pas été signifié aux parties
en cause et l’acte de partage n’avait jamais été régularisé (V. Rép. civ, v° Partage [2° Droit
commun], par C. Brenner, nos 205 s).
Fort de la nature de ce bien, les occupants sans titre ont alors remis en cause la capacité du
représentant de l’indivisaire – le mandataire liquidateur – à agir seul aux fins d’obtenir leur
expulsion. Ils considèraient que les actions en justice relatives à un bien indivis constituent en
principe des actes d’administration et qu’ils imposent donc que leur auteur dispose d’au moins les
deux tiers des droits, ce qui n’était pas le cas dans la présente hypothèse. Ils précisaient que la
mesure conservatoire pouvant être prise par un indivisaire seul est subordonnée à l’existence d’un
péril que la mesure est destinée à parer.
Autrement dit, les occupants sans titre arguaient du défaut de pouvoir à agir, ce qui constitue une
irrégularité de fond empêchant la demande d’être examinée.
La Cour de cassation écarte cette critique en considérant que « l’action engagée par le
mandataire-liquidateur tendant à l’expulsion d’occupants sans droit ni titre et au paiement d’une
indemnité d’occupation, qui avait pour objet la conservation des droits des coïndivisaires, entrait
dans la catégorie des actes conservatoires que tout indivisaire peut accomplir seul ».
Il ne s’agit pas d’une remise en cause des précédentes décisions dans lesquelles elle a affirmé que
l’exercice d’une action en justice relève de la catégorie des actes d’administration nécessitant au
Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017
Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr)
moins les deux tiers de droits indivis pour pouvoir être impulsée par une seule personne (Civ. 3e, 19
juin 2002, n° 00-21.869, AJDI 2003. 58 ; AJ fam. 2002. 305, obs. S. D.-B. ) mais d’une décision qui
vient au contraire compléter la distinction que réalise la troisième chambre civile entre les actes de
disposition et les actes conservatoires.
À l’instar d’une action en revendication de parcelle (Civ. 3e, 19 juin 2002, n° 01-01.201, Dalloz
jurisprudence), une action tendant à l’expulsion d’occupant sans droit ni titre constitue un acte
conservatoire pouvant être réalisé par un seul indivisaire.
C’est n’est pas la première fois que la Cour de cassation admet cette qualification au sujet d’une
action en justice. Elle s’inscrit d’ailleurs dans un élargissement de cette catégorie permettant de
diminuer corollairement les risques de blocages au sein des indivisions. La troisième chambre avait
ainsi déjà eu l’opportunité de se prononcer en ce sens concernant une demande d’expulsion (Civ. 3
e
, 17 avr. 1991, n° 89-15.898, GADI 2001, n° 8 ; RTD. civ. 1992. 804, obs. J. Patarin ; ibid. 1995.
400, obs. F. Zenati ).
L’argument du pourvoi titré de l’absence de péril avait pour sa part peu de chance de prospérer
puisque depuis la modification opérée par la loi de 2006, cette exigence a disparu des conditions de
recours à la notion d’acte conservatoire.
L’arrêt est néanmoins censuré, car les juges du fond ont condamné les occupants à payer
l’indemnité dans les mains du liquidateur alors qu’il aurait fallu s’en acquitter auprès de l’ensemble
des indivisaires.
Site de la Cour de cassation
par Nicolas Le Rudulier
Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017

Documents pareils