Évaluation de la valeur du rapport à la succession

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Évaluation de la valeur du rapport à la succession
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Évaluation de la valeur du rapport à la succession du
bien immobilier donné en avancement d’hoirie
le 11 juin 2013
CIVIL | Succession - Libéralité
Dans le cadre de l’évaluation de la valeur du rapport à la succession d’un bien immobilier objet
d’une donation en avancement d’hoirie, il n’y a pas lieu de retenir une moins-value en raison de la
faible superficie de celui-ci, dès lors qu’à l’époque du partage, l’état de ce bien est modifié pour une
cause étrangère à l’industrie du gratifié. Civ. 1re, 29 mai 2013, F-P+B, n° 12-11.821
L’arrêt commenté concerne la délicate question de l’évaluation du rapport à la succession de biens
donnés. L’article 860 du code civil dispose que « le rapport est dû de la valeur du bien donné à
l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation ». La Cour de cassation a, par le
passé, eu l’occasion de préciser son interprétation de l’article 860 du code civil introduit par la loi
n° 71-523 du 3 juillet 1971 et qui substitua à la règle du rapport en nature celle du rapport en
valeur, à la fois quant à sa date (Civ. 1re, 26 sept. 2012, n° 11-14.033, Dalloz jurisprudence,
évaluation au jour du partage et non au jour du jugement ; 13 févr. 2013, n° 11-24.138, Dalloz
actualité, 7 mars 2013, obs. J. Marrocchella ; AJ fam. 2013. 191, obs. N. Levillain , évaluation non
au jour du partage mais par référence à un événement hypothétique) et quant à l’évaluation de la
valeur du rapport (Civ. 1re, 31 mai 2005, n° 03-11.133, D. 2005. 1734 ; AJ fam. 2005. 327, obs. F.
Bicheron ; RTD civ. 2005. 813, obs. M. Grimaldi , à propos de la viabilisation d’un terrain donné ; 4
oct. 2005, n° 02-16.576, Bull. civ. I, n° 362 ; D. 2005. 2551 ; AJ fam. 2005. 454, obs. F. Bicheron ;
RTD civ. 2005. 811, obs. M. Grimaldi , prise en compte de la valeur vénale du bien au jour du
partage). C’est précisément sur cette question que porte l’arrêt commenté.
En l’espèce, le 26 avril 1974, des époux ont consenti à leur fils une donation en avancement
d’hoirie d’un terrain sur lequel était édifié un corps de ferme et sont décédés en 1982 et 2001. La
liquidation et le partage de leur communauté et de leur succession ont créé des difficultés entre le
donataire et l’autre enfant du couple notamment à propos de l’évaluation de la valeur de rapport à
la succession de l’immeuble donné. La cour d’appel a considéré que le bien devait être rapporté à
la succession pour une valeur de 320 700 €.
Le donataire a formé un pourvoi en cassation. Se fondant sur l’article 860 du code civil, il affirme,
en s’appuyant sur les conclusions d’un expert ayant fixé la valeur du rapport à 210 000 € compte
tenu d’un abattement de 10 % en raison de la petitesse du terrain donné qui constitue un frein à
son acquisition, que la cour d’appel ne pouvait pas supprimer l’abattement en prenant en compte le
fait que l’autre héritière acceptait l’attribution au donataire, dans le cadre de la liquidation et du
partage de la succession, d’une parcelle de terre voisine du bien donné, en estimant que cette
circonstance était étrangère à l’industrie du gratifié. En d’autres termes, pour l’auteur du pourvoi,
l’abattement devait s’appliquer et réduire d’autant son obligation.
La Cour de cassation rejette le pourvoi. Dans ses motifs, elle reprend in extenso le premier alinéa
de l’article 860 du code civil et énonce que les juges du fond « ont exactement déduit qu’il n’y avait
pas lieu de retenir une moins-value en raison de la faible superficie du bien donné dès lors qu’à
l’époque du partage, l’état de ce bien était modifié pour une cause étrangère à l’industrie du
gratifié ». Cette solution est conforme à l’article précité qui pose les conditions de l’évaluation du
rapport des donations. Le rapport correspond à la valeur du bien au jour du partage en fonction de
son état à l’époque de la donation. La règle de principe – l’évaluation du rapport à la valeur du bien
au jour du partage – vise à prendre en compte les fluctuations de sa valeur au cours du temps,
qu’elle s’apprécie ou se déprécie. Elle correspond à sa valeur vénale. Consécutivement, l’obligation
du donataire peut s’être accrue avec le temps ou au contraire avoir diminué en fonction des
circonstances.
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La règle correctrice, à savoir la prise en compte de l’état du bien à l’époque de la donation pour
évaluer le montant du rapport, vise à tenir compte de l’appréciation ou de la dépréciation du bien
résultant de l’activité du donataire. Son résultat n’est pas pris en compte pour évaluer la valeur du
rapport. La règle s’explique par une « considération élémentaire de justice » (M. Grimaldi, Droit
civil. Successions, Litec, 1998, n° 689, qui précise qu’« il serait manifestement inique que la
succession profitât des plus-values ou souffrît des moins-values advenues au bien par le fait du
gratifié »). Par comparaison, si la modification de l’état du bien entraînant son appréciation ou sa
dépréciation a lieu pour une autre cause, il en est tenu compte pour l’évaluation du rapport qui se
fait alors tout simplement par référence à la valeur vénale du bien au jour du partage (Civ. 1re, 31
oct. 1989, n° 87-17.948, Bull. civ. I, n° 338 ; D. 1990. 359 , note J. Maury ; RTD civ. 1990. 694,
obs. J. Patarin : « Attendu qu’aux termes de ce texte, le rapport est dû de la valeur du bien à
l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation ; qu’il en résulte qu’en cas de
changement dans la destination du bien depuis la date de la donation, il ne peut être tenu compte
de ce changement que s’il résulte d’une cause fortuite ou étrangère à l’industrie du gratifié » ; Civ.
1re, 6 mai 1997, n° 95-12.480, Dalloz jurisprudence).
Dans l’espèce commentée, l’abattement de 10 % sur la valeur vénale du bien pour tenir compte de
sa petitesse retenue par l’expert devait logiquement être écarté : à l’époque du partage, l’état du
bien avait, en effet, été modifié par une cause étrangère à l’activité du donataire, à savoir
l’acceptation par la cohéritière de l’attribution au donataire d’un terrain voisin de celui de
l’immeuble donné.
par Thibault Douville
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