La cause

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La cause
Olivia Franco
Fiche de niveau 3. Le droit des contrats / Les conditions de validité /
2007
La cause
La cause permet de déterminer pourquoi le débiteur s’est engagé. Elle est régie aux
articles 1131 et suivants du Code civil. En cas d’absence de cause ou de cause illicite, la
nullité du contrat est encourue.
Le mot causa provient du latin. Cependant, le droit romain ne connaissait pas la théorie
de la cause en tant que telle, et si certaines solutions peuvent paraître identiques aux
nôtres, elles ne reposaient pas sur la notion de cause.
La notion de cause se développe avec les canonistes, mais c’est Domat qui, le premier, la
systématise pour en faire un élément fondamental de la théorie générale des contrats.
Pour Domat, la cause est toujours la même dans chaque type de contrat.
Si la cause a pendant longtemps été appréhendée par la jurisprudence de façon très
classique, une nouvelle utilisation de la notion a permis d’élargir ses contours, donnant
naissance à des débats doctrinaux passionnés.
L’existence de la cause
L’existence de la cause recouvre une conception objective. C’est la contrepartie objective
du contrat qui est envisagée. La cause est la même dans chaque type de contrat. Son
existence s’apprécie lors de la conclusion du contrat.
Ainsi, dans un contrat synallagmatique, la cause de l’obligation d’une partie est l’objet
de l’obligation de l’autre partie. Dans un contrat réel, la cause de l’obligation est la
remise de la chose. Dans un contrat aléatoire, la cause est l’aléa ; dans un contrat à
titre gratuit, il s’agit de l’intention libérale.
La licéité de la cause
La cause doit être licite : elle ne doit pas contrarier l’ordre public ou les bonnes
mœurs (l’article 1131 du Code civil reprend l’interdiction générale formulée par l’article 6
du Code civil).
La licéité de la cause recouvre une conception subjective, puisque l’on s’attache à
rechercher la cause « impulsive et déterminante », les raisons personnelles, subjectives,
qui ont poussé les parties à contracter.
Ainsi, s’il est licite d’acheter un immeuble, il est illicite de le faire dans le but d’y installer
une maison de tolérance.
De plus, il n’est pas nécessaire que les deux parties aient eu connaissance du mobile
illicite (Civ. 1ère, 7 octobre 1998, Bull. civ. I, n°285).
La cause, instrument de contrôle de l’équilibre contractuel
Une utilisation nouvelle de la cause a permis un contrôle de l’équilibre des conventions.
Deux arrêts ont joué un rôle majeur à cet égard.
Un contrat de location de cassettes vidéo au sein d’une petite agglomération a en effet
été annulé car dépourvu de cause au motif que « l’exécution du contrat selon l’économie
voulue par les parties était impossible » (Civ. 1ère , 3 juillet 1996, Bull. civ. I, n°286). La
Cour de cassation fait référence à « l’économie du contrat », c’est-à-dire à l’équilibre
initialement prévu par les parties. Il est intéressant de remarquer que le contrôle de
l’existence de la cause est effectué non pas lors de la conclusion du contrat mais lors de
son exécution.
Le recours à la notion de cause a également permis de réputer non écrite (ce qui était en
soi une sanction originale) une clause limitative de responsabilité qui, en raison du
manquement à une obligation essentielle, contredisait la portée de l’engagement pris
(Com. 22 octobre 1996, Bull. civ. IV, n°261, arrêt Chronopost). La clause limitait en
effet, au sein d’un contrat de transport, l’indemnisation de la victime au montant du coût
du transport, lequel était sans rapport avec le préjudice subi. Le fait de réputer une
clause non écrite permet alors de maintenir le reste du contrat, ce qui n’est pas toujours
le cas avec la nullité, et de faire comme si la clause illicite n’existait pas.
On a pu dire que ces arrêts participaient d’une « subjectivisation de la cause », en
prenant en compte, pour apprécier l’existence de la cause, l’intention des parties,
l’intérêt qu’elles pensaient retirer du contrat.
Les multiples raffinements doctrinaux et jurisprudentiels ont contribué à développer une
notion intéressante et utile à plus d’un titre. La cause apparaît souvent comme une
spécificité française, qui ne connaît que quelques équivalents en droit comparé. Cette
notion n’est au demeurant pas reprise par les projets de droit européen des contrats.
Bibliographie
D. Bonnet, Cause et condition dans les actes juridiques, LGDJ, 2005.
J. Ghestin, Cause de l’engagement et validité du contrat, LGDJ, 2006.
D. Mazeaud, « Les nouveaux instruments de l’équilibre contractuel. Ne risque-t-on pas
d’aller trop loin ? » In La nouvelle crise du contrat, sous la direction de Ch. Jamin et D.
Mazeaud, Dalloz, 2003, p. 143.
D. Mazeaud, « La cause », in 1804-2004. Le Code civil. Un passé, un présent, un avenir.
Dalloz, 2004.
R.-M. Rampelberg, « Le contrat et sa cause : aperçus historique et comparatif sur un
couple controversé », in Les concepts contractuels français à l’heure des principes du
droit européen des contrats, Dalloz, 2003, p. 19.

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