Commercialisation de l`image d`autrui, liberté d
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Commercialisation de l`image d`autrui, liberté d
Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) Commercialisation de l’image d’autrui, liberté d’expression et poupée vaudou le 6 novembre 2008 CIVIL | Droit et liberté fondamentaux | Famille - Personne Le tribunal de grande instance de Paris, en référé, a le, 29 octobre 2008, jugé que la représentation non autorisée de l’image de Nicolas Sarkozy, s’incarnant dans les traits d’une poupée Vaudou, ne constitue pas une atteinte à la dignité humaine ni une attaque personnelle et s’inscrit dans les limites autorisées de la liberté d’expression et du droit à l’humour. TGI Paris, réf., 29 octobre 2008, n° 08/58400 La dernière action en justice, en tant que demandeur, de Nicolas Sarkozy depuis son élection concernait la diffusion sans son autorisation d’une poupée vaudou à son effigie, qui constituerait une atteinte « à ses droits sur la reproduction et la divulgation de son image », sur le fondement de l’article 9 du code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Le tribunal de grande instance de Paris, en référé, ne l’entend pas ainsi. En effet, s’il est vrai que « la reproduction de l’image d’une personne sous forme de caricature n’est licite, selon les lois du genre, que pour assurer le plein exercice de la liberté d’expression mais n’implique pas le droit de commercialiser cette reproduction » (Civ. 1re, 13 janv. 1998, Bull. civ. I, no 14 ; D. 1999. 120, note Ravanas ; RTD civ. 1998. 341, obs. Hauser ; JCP 1998. II. 10082, note Loiseau), encore faut-il que la commercialisation soit le premier objet de la diffusion litigieuse. Or, le tribunal considère que la poupée – et les douze aiguilles destinées à la transpercer – ne constituent pas un produit purement commercial, « même si les considérations financières ne sont pas étrangères à la société d’édition ». La figurine est, à l’inverse, « le prolongement nécessaire et indissociable d’un manuel avec lequel elle forme un ensemble ». Il s’agit donc, toujours selon le tribunal, d’une « œuvre de l’esprit, composée de deux supports indissociables ». L’argument permet de sortir du cadre de l’exploitation commerciale de l’image d’autrui, qui est en général sanctionnée par les juges (V. Ravanas, La liberté de la caricature ne permet pas son exploitation commerciale, D. 1999. 120, préc.). Il suffit pour s’en convaincre de rappeler l’affaire du bateau de Pompidou (TGI Paris, réf., 4 avr. 1970, JCP 1970. II. 16328, note RI) ; l’affaire du « Giscarte », le jeu de carte à l’effigie de Giscard (TGI Nancy, réf. 15 oct. 1976, JCP 1977. II. 18526, note Lindon) ; celle du santon de Caroline de Monaco (Versailles, 1re ch., 30 juin 1994, D. 1995. 645, J. Ravanas ) ; celle du pin’s de Dechavanne (Civ. 1re, 13 janv. 1998, préc.) ; ou plus récemment celle de la publicité Ryanair montrant Carla Bruni et Nicolas Sarkozy aux débuts de leur relation (TGI Paris, réf., 5 févr. 2008, JCP Actu. 117, obs. Durieux ; RTD civ. 2008. 273, obs. Hauser )… Peu importe dans ces cas que l’image litigieuse soit une simple reproduction ou une caricature, malgré les critiques doctrinales (V. Hauser, Caricature et personnalité : fallait-il épingler les épinglettes ?, RTD civ. 1998. 341, préc.). En revanche, lorsque le support de l’image est un « véhicule porteur de la liberté d’expression », comme un livre ou une émission télévisée, si les considérations commerciales ne sont pas exclues, elles n’en sont pas la finalité. Comme l’indique Bernard Edelman, dans un cas « l’objet achève son principe dans la vente », dans l’autre « la vente est le moyen de communiquer des valeurs » (B. Edelman, Caricature par les Guignols de l’Info du président des automobiles Peugeot, D. 1999. 449 ; en l’espèce, la question était de savoir si l’émission « les Guignols de l’info » était une émission commerciale ou un véhicule porteur de la liberté d’expression). Dès lors, le tribunal a pu apprécier l’utilisation de l’image du demandeur au regard des règles classiques de la liberté d’expression, et de considérer que cette utilisation s’inscrivait dans les Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017 Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) limites autorisées par la loi. Pour ce faire, il rappelle que « le juge n’a pas à apprécier le bon ou mauvais goût du concept proposé » (V. déjà, TGI Paris, 2 juill. 1997, Légipresse, juill. 1998, no 153) mais seulement si l’image est volontairement dévalorisante (Civ. 1re, 16 juill. 1998, Bull. civ. I, no 259 ; D. 1999. 541, note Saint-Pau ), porte atteinte au respect de la dignité de la personne humaine ou encore contient une volonté de nuire (V. TGI Paris, 25 avr. 2003, Légipresse, juill. août 2003, no 203). Et, selon le TGI, ce n’est pas le cas en l’espèce, « le manuel [expliquant] de manière volontairement fantaisiste et burlesque comment planter les aiguilles, celle-ci n’étant jamais dirigées contre la personne même dont les traits sont reconnaissables sur la figurine, mais visant à brocarder ses idées et prises de positions politiques, comme ses propos et comportements publics, en guise de protestation ludique et d’exutoire humoristique ». Il énonce enfin que la caricature est d’autant plus admise que le demandeur est un personnage public, qui de plus a « focalisé l’attention du public sur [sa] personne en mettant en avant [son] image dans [sa] communication politique ». Notons que, le demandeur ayant interjeté appel, la décision n’est pas définitive. par C. Le Douaron Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017