La responsabilite du fait des choses
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La responsabilite du fait des choses
Claire Debourg Fiche de niveau 2. Droit de la responsabilité / 05 décembre 2007 La responsabilité du fait des choses A côté de la responsabilité délictuelle pour faute, il existe un régime de responsabilité, fondé sur l’article 1384 al 1er C. civ., spécifique aux dommages qui ont été causés par le fait d’une chose. Historique L’hypothèse n’avait pas été envisagée de manière générale par le Code civil 1804, responsabilité du fait des animaux (1385 C. civ.) et du fait des bâtiments (1386 C. civ.) mises à part. L’article 1384 al. 1er était alors considéré comme une transition entre la responsabilité générale et les cas spécifiques de responsabilité du fait d’autrui et du fait des choses. Les autres cas de responsabilité étaient rattachés à la responsabilité de l’art 1382 C. civ. En raison des progrès techniques, de la multiplication des dommages causés par des machines et de la conception indemnitaire de la responsabilité civile, la matière a évolué vers une objectivation de la responsabilité du fait des choses qui consiste à s’éloigner de plus en plus de l’idée de faute. Principe général de responsabilité du fait des choses L’article 1384 al 1er C. civ. dispose qu’ « on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ». La jurisprudence a utilisé cet article pour fonder un principe général de responsabilité du fait des choses. Cette évolution a été initiée par un arrêt Civ. 16 juin 1896, Teffaine, dit du remorqueur (D. 1897, I, 433 ; S. 1897, I, 17) et s’est concrétisée dans un arrêt des Chambres Réunies du 13 février 1930, l’arrêt Jeand’heur (DP 1930, I, 57 ; S. 1930, I, p. 21 ; GAJC n°193) dont résultent les grandes lignes du régime de la responsabilité du fait des choses. Présomption de responsabilité La jurisprudence a établi une « présomption de responsabilité » à l’encontre de celui qui a sous sa garde une chose qui a causé un dommage. Cette responsabilité ne repose pas sur l’idée de faute. L’expression a été critiquée. Certains considèrent que la Cour aurait pu se référer à la notion de présomption de faute. D’autres l’expliquent par sa volonté de mettre en place une responsabilité de plus en plus objective. En renversant la charge de la preuve, la Cour permet à la victime du fait d’une chose d’engager la responsabilité du gardien sans avoir à prouver de faute de sa part, ce qui fait de la responsabilité du fait des choses un fondement privilégié par les demandeurs aux actions en réparation. Les conditions d’exonération du gardien en découlent. Il s’agit du cas fortuit, de la force majeure et de la cause étrangère. La preuve de l’absence de faute est inopérante. Conditions de mise en oeuvre de la responsabilité du fait des choses La mise en œuvre de la responsabilité du fait des choses suppose qu’un certain nombre de conditions soient réunies : En premier lieu, il faut qu’il y existe un fait d’une chose. La notion de chose est entendue de manière extensive. La responsabilité est en effet attachée à la garde de la chose et non à la chose elle-même. Il peut donc s’agir d’un bien meuble ou immeuble, d’une chose affectée ou non d’un vice interne, dangereuse ou non, inerte ou en mouvement, actionnée ou non par l’homme, entrée ou non en contact avec l’objet du dommage. Il faut toutefois rapporter un fait actif de la chose. Le demandeur doit donc prouver l’intervention matérielle de la chose dans la réalisation du dommage ainsi que le rôle causal de cette intervention. Il est parfois présumé, en particulier lorsque la chose était en mouvement et est entrée en contact avec l’objet du dommage. Dans les autres cas, le demandeur doit en principe rapporter la preuve d’un mouvement, d’une position anormale, ou d’un défaut. En cas de rôle passif de la chose, la responsabilité du gardien ne peut pas être engagée. Enfin, la mise en œuvre de cette responsabilité suppose que soit désigné un responsable. Il s’agit de celui qui a la garde de la chose. Régimes spéciaux En application de la règle specilia generalibus derogant, le principe général de responsabilité du fait des choses est évincé par des textes spéciaux, notamment par la loi du 5 juillet 1985 sur les accidents de la circulation, par la loi du 19 mai 1998 sur la responsabilité du fait des produits défectueux, par article 1384 al 2 du C. civ. sur incendies d’immeubles et par les articles 1385 et 1386 du C. civ. Bibliographie F. LEDUC, La responsabilité du fait des choses, réflexions autour d’une centenaire, Economica, 1997. G. DURRY, L’irremplaçable responsabilité du fait des choses, L’avenir du droit, Mélanges en hommages à François Terré, 1999, p. 707.