Cass. 2 civ., 3 oct. 2013, n° 12-19.320, inédit Obs
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Cass. 2 civ., 3 oct. 2013, n° 12-19.320, inédit Obs
ACTUASSURANCE – LA REVUE NUMERIQUE EN DROIT DES ASSURANCES Publication n° 33 NOV - DEC 2013 Cass. 2ème civ., 3 oct. 2013, n° 12-19.320, inédit Assurance des risques divers – MRH – Exclusion de la responsabilité contractuelle – Convention d’assistance bénévole – Responsabilité du fait des choses Obs : Le contrat d'assurance MRH garantissait les conséquences de la responsabilité civile encourue par l'assuré sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1, du code civil. L’arrêt rendu par la deuxième Chambre civile le 3 octobre 2013 mérite quelques mots à l’attention des conseils des victimes et des assurés en responsabilité. En l’espèce le propriétaire d’une maison a souscrit un contrat multirisques habitation. Celui-ci comporte, comme à l’accoutumée, un volet responsabilité civile. Toutefois, une stipulation de la police exclut de la couverture la responsabilité contractuelle. Seule la responsabilité civile délictuelle est donc assurée. Un jour que la nièce de l’assuré vient lui prêter main forte, elle se blesse en marchant sur le plancher des combles, qui cède. Elle assigne alors son oncle en responsabilité afin d’être indemnisée de son dommage corporel et exerce l’action directe contre l’assureur. Le succès de sa prétention contre ce dernier suppose donc que la responsabilité de son oncle relève des articles 1382 et suivants du Code civil et non de l’article 1147. Deux fondements peuvent être invoqués. Le premier est la responsabilité du fait des choses dont les conditions sont indubitablement remplies en l’espèce : le plancher, d’une fragilité anormale, a bien été l’instrument du dommage subi par la victime. Au demeurant, la cour d’appel retient cette responsabilité et le premier moyen du pourvoi, qui critique le raisonnement de la cour d’appel quant au fait de la chose est d’ailleurs voué à l’échec (selon la terminologie de la Haute juridiction, il n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi). Un second fondement, bien moins habituel, peut être envisagé, celui de la convention d’assistance bénévole, qui s’analyse en un contrat. Selon la jurisprudence, désormais bien établie, cette convention emporte pour l’assisté non seulement obligation d’indemniser l’assistant des dommages subis à l’occasion de l’exécution de la convention d’assistance (Cass. 1ère civ., 10 oct. 1995, n° 93-19.142 : Contrats, conc. consom. 1996, comm. 1, obs. L. Leveneur ; Resp. civ. et assur. 1996 comm. 3), mais encore obligation de garantir l’assisté pour la responsabilité sans faute qu’il encourt à l’égard des tiers lorsque l’opération d’assistance a causé pour ces derniers un dommage (Cass. 1ère civ., 17 déc. 1996, n° 9421.838 : Bull. civ. I, n° 463 ; D. 1997. 288, note Ph. Delebecque ; RTD civ. 1997. 431, obs. P. Jourdain). Il se trouve que l’on pouvait certainement retenir l’existence d’une telle convention en l’espèce – à condition de passer outre les critiques de la doctrine quant au concept de convention d’assistance bénévole et à l’opportunité de recourir à celui-ci (v. notamment, G. Viney, Introduction à la responsabilité, LGDJ, 3ème éd., 2008, n° 184). Dès lors, en raison du principe de non-option entre le délictuel et le contractuel (ou de non-cumul, si l’on tient à la terminologie habituelle), la responsabilité du propriétaire étant de nature contractuelle, la garantie de l’assureur était exclue. En effet, les articles 1382 et suivants du Code civil sont, en principe, inapplicables à la réparation d'un dommage se rattachant à l'inexécution d'un engagement contractuel de sorte qu'une Cour d'appel ne saurait se fonder sur l'article 1384, alinéa 1er, du même Code, alors qu'elle retient l'existence d'un contrat d'assistance bénévole et qu'elle constate que le dommage invoqué avait été subi au cours de l'exécution de ce contrat (Cass. 1ère civ., 27 janv 1993, n° 91-12.131 : Bull. civ. I, n° 42 ; JCP G 1993, I, 3727, n° 5, obs. G. Viney ; RTD civ. 1993. 584, obs. P. Jourdain). Néanmoins, raisonner ainsi revient à oublier que la responsabilité fondée sur la convention d’assistance bénévole a une vocation subsidiaire, qu’elle a été imaginée pour pallier le défaut de toute autre voie juridiquement solide. Sans doute la jurisprudence n’a-t-elle jamais affirmé cette subsidiarité, bien au contraire (Cass. 1ère civ., 27 janv. 1993, préc. – adde, Cass. 1ère civ., 19 janv. 1999 : Resp. civ. et assur. 1999, comm. 10, obs. H. Groutel, condamnant l'assisté à réparer le dommage subi par l’assistant à l’occasion d’un accident de la circulation sur le fondement des règles de la responsabilité contractuelle et non sur celui de la loi du 6 juillet 1985, mais dans une hypothèse où le véhicule de l’assisté, dans lequel se trouvait l’assistant, n’était pas assuré). Toutefois, il serait temps qu’elle le fît, dès lors que la responsabilité contractuelle est souvent bien moins protectrice que la responsabilité délictuelle pour les victimes. Des signes avant-coureurs peuvent d’ailleurs être décelés ici ou là (à propos non pas d’une convention d’assistance bénévole mais d’une entraide agricole, Cass. 2ème civ., 17 nov. 2005, n° 03-20.551 : Bull. civ. II, n° 291 ; D. 2005. 2971, obs. E. Chevrier ; RTD civ. 2006. 134, obs. P. Jourdain ; Resp. civ. et assur. 2005, étude 19 par H. Groutel, jugeant que les ayants droit de la victime d'un accident mortel survenu au cours d'une entraide agricole sont recevables à exercer une action en réparation sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985). La convention d’assistance bénévole est un ultime fondement pour la victime qui ne trouve ni dans la responsabilité du fait personnel, ni dans la responsabilité du fait des choses, ni dans la responsabilité du fait d’autrui une source de réparation. Confortant cette idée de subsidiarité, une partie de la doctrine suggère de faire de l’assistance bénévole un quasi-contrat (Ph. Le Tourneau, Rép. civ. Dalloz, V°-quasi contrat, n° 58 – adde, R. Bout, La convention dite « d’assistance », Mél P. Kayser, PUAM, 1979, p. 158). En d’autres termes, d’une certaine manière, la convention d’assistance bénévole n’a de vocation à s’appliquer que pour profiter à la victime, en aucun cas pour lui nuire. Ce serait conforme à l’éthique contemporaine du droit de la responsabilité civile. La victime l’avait d’ailleurs bien compris puisqu’elle avait fondé sa demande principale sur l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil et mentionné, à titre seulement subsidiaire, la responsabilité de son oncle à son égard en raison de la convention d’assistance bénévole. La Cour d’appel ayant retenu la responsabilité du propriétaire gardien du fait du plancher qui s’était effondré, elle avait toutefois écarté la garantie de l’assureur en motivant son arrêt sur la convention d’assistance bénévole dont elle estimait que l’existence n’était pas contestée (en s’appuyant sur la demande subsidiaire de la victime…). Son arrêt se situait ainsi, mais de manière très maladroite, en droite ligne de celui rendu par la Haute juridiction le 27 janvier 1993 (préc), puisqu’il convoquait simultanément l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil et la convention d’assistance. Il est cassé et l’on s’en réjouira. Néanmoins, faute de publication et en raison du flou qu’entretient sa rédaction, il n’est pas certain qu’il faille voir dans l’arrêt commenté, l’affirmation que la convention d’assistance bénévole joue un rôle subsidiaire en matière de responsabilité. Il est sans doute plus prudent de n’y voir que la censure d’une décision rendue au mépris du principe de non-option entre responsabilités délictuelle et contractuelle. A l’attention des victimes et des assurés en responsabilité, on ajoutera enfin qu’il est de bonne stratégie d’éviter d’invoquer la convention d’assistance, sauf à ce que les circonstances n’offrent pas d’autre possibilité. Le cas échéant, ce sont les clauses d’exclusion du contrat d’assurance qui entreront dans la bataille transactionnelle ou judiciaire. Matthieu Robineau L’arrêt : Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X..., venue aider son oncle, M. Y..., à débarrasser une maison dont ce dernier était propriétaire, s’est blessée en marchant sur le plancher des combles, qui a cédé ; que Mme X... a assigné en responsabilité et indemnisation de ses préjudices M. Y... et son assureur multirisques habitation l’assureur de ce dernier, la société Axa France (l’assureur), ainsi que la société Thelem, autre assureur de M. Y... ; Attendu que le premier moyen n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ; Mais, sur le second moyen : Vu l’article 1134 du code civil ; Attendu que pour exclure la garantie de l’assureur, ou pour faire application de la clause d’exclusion de garantie, l’arrêt, après avoir retenu la responsabilité de M. Y... sur le fondement de l’article 1384, alinéa 1, du code civil , énonce que l’assureur a refusé sa garantie au motif que M. Y... avait fait intervenir sa nièce au titre d’une convention d’assistance bénévole et que la police d’assurance prévoit expressément que ne sont pas garantis au titre des responsabilités les conséquences d’engagements contractuels ; que l’existence de cette aide bénévole ponctuelle à l’occasion de laquelle le dommage est survenu est admise tant par M. Y... qui l’évoque dans son attestation et sa déclaration de sinistre que par sa nièce qui fonde sa demande subsidiaire sur cette assistance ponctuelle ; Qu’en statuant ainsi, alors que le contrat d’assurance multirisques habitation souscrit par M. Y... garantissait les conséquences de la responsabilité civile encourue par l’assuré sur le fondement de l’article 1384, alinéa 1, du code civil, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et énonciations et a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS : Met hors de cause la société Thelem ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a déclaré la société Axa France hors de cause, l’arrêt rendu le 1er mars 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Limoges ;