Conflit de lois : action en nullité de la période suspecte
Transcription
Conflit de lois : action en nullité de la période suspecte
Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) Conflit de lois : action en nullité de la période suspecte le 10 octobre 2012 AFFAIRES | Entreprise en difficulté EUROPÉEN ET INTERNATIONAL | Droit économique En droit international privé commun, l’action qu’exercent les organes d’une procédure collective en annulation, révocation ou inopposabilité d’actes passés par le débiteur avant l’ouverture de celle-ci et estimés préjudiciables aux créanciers est, en raison de son lien avec la procédure, soumise au droit applicable à celle-ci, y compris en ce qui concerne les délais pour agir. Com. 2 oct. 2012, FS-P+B, n° 10-18.005 Com. 2 oct. 2012, FS-P+B, n° 11-14.406 La force d’attraction du règlement 1346/2000, en cours de révision, dans les relations transfrontalières est telle que les applications des règles de conflits de lois classiques dans l’espace européen se font rares. Mais ici la procédure d’insolvabilité ouverte en Allemagne, dont était né le litige déféré à la Cour de cassation, échappait au règlement du 29 mai 2000 en raison de l’activité de la société débitrice, vraisemblablement une entreprise d’investissement au sens de l’article 1er, 2, du texte. D’où le retour au droit international privé « commun », selon l’expression du présent arrêt, bâti en France sur le fondement de l’article 3 du code civil, combiné, en l’espèce, au visa de cet arrêt de cassation, puiqu’il s’agissait d’une question de prescription, celle de l’action en révocation des actes de la période suspecte, à l’article 2221 de ce code, issu de la réforme du 17 juin 2008. Selon ce dernier, « la prescription extinctive est soumise à la loi régissant le droit qu’elle affecte ». La Cour de cassation en déduit alors, pour écarter la prescription biennale de l’article L. 137-2 du code de la consommation, l’application de la lex concursus : « En droit international privé commun, l’action qu’exercent les organes d’une procédure collective en annulation, révocation ou inopposabilité d’actes passés par le débiteur avant l’ouverture de celle-ci et estimés préjudiciables aux créanciers est, en raison de son lien avec la procédure, soumise au droit applicable à celle-ci, y compris en ce qui concerne les délais pour agir ». L’action exercée par le syndic allemand devant le tribunal de grande instance de Strasbourg relevait donc du droit allemand, qui, à l’en croire, « l’autorisait, sur une période suspecte pouvant remonter jusqu’à quatre années avant l’ouverture de la procédure, à recouvrer les bénéfices fictifs distribués par la société débitrice ». Ce dont la Cour de cassation conclut que les juges du fond devaient appliquer cette loi, « après en avoir vérifié la teneur » (à cet égard, V. J.-L. Vallens, L’insolvabilité des entreprises en droit comparé, Joly éditions, 2011, n° 124). La solution n’étonne pas, qui correspond tant à la jurisprudence française, en matière d’exequatur (Com. 5 févr. 2002, n° 98-22.683, Bull. civ. IV, n° 24 ; D. 2002. AJ 957, obs. A. Lienhard ; V. F. Mélin, La faillite internationale, LGDJ, 2004, n° 55) qu’à la position adoptée par la Cour de justice de l’Union européenne, dans son arrêt Seagon, s’agissant de l’application du règlement 1346/2000 : « L’article 3, § 1, doit être interprété en ce sens que les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel la procédure d’insolvabilité a été ouverte sont compétentes pour statuer sur une action révocatoire fondée sur l’insolvabilité et dirigée contre un défendeur ayant son siège statutaire dans un autre État membre » (CJCE 12 févr. 2009, C-339/07, D. 2009. 1311, et les obs. , note J.-L. Vallens ; ibid. 2384, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; RTD com. 2010. 211, obs. J.-L. Vallens ). Avec cette nuance, subtile mais compréhensible, récemment apportée, qu’il en va différemment en cas d’exercice de l’action, non par un organe de la procédure, mais par le cessionnaire d’un droit (CJUE 19 avr. 2012, C-213/10, D. 2012. Actu. 1185 ; ibid. Pan. 2341, obs. L. d’Avout ). Il s’agit donc là, aux termes de la formule jurisprudentielle consacrée, d’une décision « qui dérive directement de la procédure d’insolvabilité et qui s’y insère étroitement ». Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017 Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) Dans la même affaire, la chambre commerciale a rendu un second arrêt du 2 octobre 2012, de rejet celui-ci, qui, à quelques mots près, ne dit pas autre chose : « L’annulation, la révocation ou l’inopposabilité, prononcées à la requête des organes d’une procédure collective, d’actes passés par le débiteur avant l’ouverture de celle-ci et estimés préjudiciables aux créanciers est une conséquence de la procédure et, à ce titre, relève, en droit international privé commun, du domaine de la loi qui la régit, y compris après exequatur en France du jugement d’ouverture » (Com. 2 oct. 2012, FS-P+B, n° 11-14.406, Dalloz jurisprudence). par Alain Lienhard Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017