Déclaration des créances : portée de l`effet

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Déclaration des créances : portée de l`effet
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Déclaration des créances : portée de l’effet interruptif
de prescription
le 5 février 2015
AFFAIRES | Entreprise en difficulté
La décision qui annule l’ouverture d’une liquidation judiciaire ne prive pas la déclaration de créance
de son effet interruptif de prescription, qui se prolonge jusqu’à cette décision.
Com. 27 janv. 2015, FS-P+B, n° 13-20.463
Rendu encore sous le régime de la loi du 25 janvier 1985, dont on vient de célébrer sans tambour ni
trompette le trentième anniversaire, le présent arrêt énonce deux solutions, l’une et l’autre
désormais affectées par la récente réforme opérée par l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014,
la première en surface seulement, la seconde (un peu) plus en profondeur.
Sur le premier moyen, donc, la Cour de cassation énonce que : « la décision qui annule l’ouverture
d’une liquidation judiciaire ne prive pas la déclaration de créance de son effet interruptif de
prescription, qui se prolonge jusqu’à cette décision ». Ainsi, contrairement à ce que se plaisait à
soutenir l’associé unique d’une société dissoute auquel le patrimoine de celle-ci avait été dévolu
par voie de transmission universelle, poursuivi par la banque créancière de la société, l’annulation
de l’ouverture de sa liquidation judiciaire ne rend pas « non avenu » l’effet interruptif de la
prescription attaché à la déclaration de créance. De sorte que la nouvelle déclaration effectuée,
dans la nouvelle procédure de liquidation judiciaire ouverte d’office par le tribunal (c’était encore
possible en 2003) plus de dix ans après le début du cours de la prescription (de dix ans encore,
avant la réforme du 17 juin 2008, qui l’a ramenée à cinq ans), suivie d’une ordonnance
d’admission, était bien valable.
Sans précédent, dans ce cas de figure particulier, la décision de la Cour de cassation ne se rattache
pas moins très directement à sa position en la matière, selon laquelle l’effet interruptif de la
déclaration de créance se prolonge jusqu’à la clôture de la procédure collective (V., not., Com. 26
sept. 2006, n° 04-19.751, Bull. civ. IV, n° 190 ; D. 2006. Actu. 2460, obs. A. Lienhard ). Par
analogie, dès lors que la procédure collective ne s’achève pas par une clôture, mais par un
jugement d’annulation de la décision d’ouverture, il apparaît logique que ce dernier constitue le
terme de l’interruption, à l’instar du rôle normalement joué par le jugement de clôture. Plus
généralement, la solution participe de la volonté de sécurité juridique de la Cour de cassation quant
à la déclaration de créance, le créancier ayant procédé à celle-ci dans les délais devant se voir
soustrait aux avatars ultérieurs de la procédure, tel, par exemple, le risque d’infirmation par la cour
d’appel du jugement de liquidation judiciaire et d’ouverture d’une procédure de redressement
judiciaire (V. Com. 24 juin 2014, n° 13-21.074, Bull. civ. IV, n° 110 ; Dalloz actualité, 10 juill. 2014,
obs. V. Avena-Robardet ; RTD com. 2014. 861, obs. A. Martin-Serf ).
Cette jurisprudence demeure aujourd’hui pleinement valable. Mais, pour les procédures ouvertes à
compter du 1er juillet 2014, son fondement n’est plus seulement prétorien. C’est désormais la loi
elle-même, à travers l’article L. 622-25-1 du code de commerce, ajouté par l’ordonnance du 12
mars 2014, qui, dans le cadre de la reconstruction du mécanisme de la déclaration de créance,
dispose : « La déclaration de créance interrompt la prescription jusqu’à la clôture de la procédure ;
elle dispense de toute mise en demeure et vaut acte de poursuites ».
Sur le second moyen, en réponse à la contestation par le débiteur de l’admission de la créance par
un moyen de défense au fond pris de la responsabilité de la banque, au motif qu’elle aurait laissé
croire qu’elle interviendrait à première demande en cas de défaillance de la société, qu’à tort les
juges du fond avaient jugé irrecevable, la chambre commerciale énonce, pour casser l’arrêt d’appel
au visa de l’article L. 621-104 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n°
2005-845 du 26 juillet 2005, que : « le juge de la vérification des créances qui est saisi d’une
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contestation ne relevant pas de son pouvoir juridictionnel et susceptible d’avoir une incidence sur
l’existence, le montant ou la nature de la créance déclarée est tenu de surseoir à statuer sur
l’admission de celle-ci, après avoir invité les parties à saisir le juge compétent ». Cette formulation,
sous forme d’attendu de principe, correspond à la jurisprudence traditionnelle de la Cour de
cassation, confrontée, non à l’incompétence au sens strict du juge-commissaire statuant en matière
d’admission des créances, mais à son défaut de pouvoir juridictionnel.
Sans être totalement dépassée, cette solution classique ne saurait plus être affirmée de manière si
péremptoire. Non seulement parce que la Cour de cassation a récemment adopté une lecture
extensive de l’ancien article R. 624-5 du code de commerce, en jugeant explicitement que le délai
de forclusion prévu par ce texte « s’applique aussi lorsque le juge commissaire constate que la
contestation ne relève pas de son pouvoir juridictionnel et sursoit à statuer après avoir invité les
parties à saisir le juge compétent » (V. Com. 13 mai 2014, n° 13-13.284, Bull. civ. IV, n° 86 ; Dalloz
actualité, 16 mai 2014, obs. A. Lienhard ; D. 2014. 2147, obs. P.-M. Le Corre et F.-X. Lucas ; Rev.
sociétés 2014. 405, obs. L. C. Henry ). Cette solution de revirement s’applique aux procédures
ouvertes avant le 1er juillet 2014, date d’entrée en vigueur de la réforme de 2014. Mais surtout
parce que l’ordonnance du 12 mars 2014 a apporté ce tempérament, dans l’article L. 624-2 du
code, pour les procédures ouvertes à compter de cette date : « En l’absence de contestation
sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence
matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande
d’admission ». Cependant, cet assouplissement ne devrait guère modifier la donne, puisque est
maintenue la réserve de l’absence de contestation sérieuse.
Ainsi, en l’espèce, le juge-commissaire n’aurait sûrement pas pu statuer sur la responsabilité du
banquier, laquelle relève, sauf hypothèse improbable où ce dernier ne la contesterait pas, de la
compétence du tribunal de commerce.
par Alain Lienhard
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