L`action directe du transporteur impayé dans les

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L`action directe du transporteur impayé dans les
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L’action directe du transporteur impayé dans les
relations internationales
le 1 octobre 2012
AFFAIRES | Contrat - Responsabilité
EUROPÉEN ET INTERNATIONAL | Transport
La Cour de cassation confirme son refus de considérer l’article L. 132-8 du code de commerce,
siège de la garantie de paiement du transporteur impayé, comme une loi de police. Elle accepte
d’appliquer cette disposition que si la loi française est désignée par la règle de conflits pour régir le
contrat de transport international.
Com. 18 sept. 2012, F-P+B, n° 11-20.789
La garantie de paiement du prix du transport prévue par l’article L. 132-8 du code de commerce a
vécu des heures mouvementées. Si dans l’ordre interne, elle est sortie renforcée d’un récent arrêt
de la Cour de cassation, lequel, à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité (que la
haute juridiction a d’ailleurs refusé de transmettre au Conseil constitutionnel), a confirmé la
conformité à la constitution de la disposition précitée. Cette institution, à lire l’arrêt, « est au
nombre des mesures qui tendent à assurer la conciliation par le législateur des droits patrimoniaux
des parties au contrat de transport » (Com., QPC, 13 avr. 2012, n° 12-40.016, BTL 2012. 255, obs.
Tilche).
En revanche, la garantie de paiement a plus de mal à s’imposer dans les relations internationales,
ce qui se conçoit d’ailleurs aisément, tant elle déroge au droit commun des contrats – en particulier
au principe de l’effet relatif des conventions – au nom de l’objectif supérieur de protection du
transporteur routier de marchandises impayées. En effet, la Cour de cassation, on le sait, a refusé
de retenir la qualification de loi de police à propos de l’article L. 132-8 du code de commerce,
considérant que cette disposition « n’est pas une loi dont l’observation est nécessaire pour la
sauvegarde de l’organisation politique, sociale et économique du pays au point de régir
impérativement la situation quelle que soit la loi applicable » (Com. 13 juill. 2010, Bull. civ. IV, n°
131 ; D. 2010. 2339, note V. Da Silva ; ibid. Actu. 1863, obs. X. Delpech ; ibid. Pan. 2323, obs. L.
d’Avout et S. Bollée ; ibid. 2011. Pan. 445, obs. H. Kenfack ; RTD com. 2010. 779, obs. B. Bouloc
; Rev. crit. DIP 2010. 720, rapp. A. Potocki ; JDI 2011. 2011. 91, note F. Jault-Seseke ; JCP E 2010,
n° 1937, note Chabert ; ibid. n° 1772, spéc. n° 9, obs. Bon-Garcin ; JCP 2010, n° 972, note Bureau
et L. d’Avout ; RJDA 2010, n° 1152 ; RJ com. 2010. 546, obs. Berlioz ; Dr. et patr. déc. 2010. 114,
obs. Ancel ; RD transp. 2010. Étude 12, par Legros ; ibid., n° 183, obs. Paulin ; ibid., n° 184, obs.
Delebecque ; RDC 2011. 217, obs. Deumier). En conséquence, en toute logique, si cette disposition
devait s’appliquer à un transport international, ce devrait être uniquement en se fondant sur une
analyse en termes de conflit de lois, parce que la loi française a été choisie par les parties ou, à
défaut de choix, désignée par le juge pour régir le contrat de transport.
La Cour de cassation fait sienne cette analyse. Il s’agit, en l’occurrence, d’un transport entre l’Italie
et la France, pris en charge par un transporteur français…. que, malheureusement, l’expéditeur
italien ne paye pas. D’où une action en paiement contre le destinataire de la marchandise, une
entreprise française, actionné en garantie du paiement, précisément sur le fondement de l’article L.
132-8 du code de commerce. Les juges du fond rejettent sa demande, estimant que le contrat de
transport est régi par la loi italienne (laquelle ne confère pas une garantie équivalente au
transporteur impayé). Certes, les parties n’avaient formulé aucun choix en faveur d’une quelconque
loi, mais ils ont estimé, en se fondant sur l’article 4, § 5, de la Convention de Rome du 19 juin 1980
applicable dans l’espèce jugée, que, d’après l’ensemble des circonstances de la cause (ordre de
chargement rédigé en italien et signé en Italie, prise en charge des marchandises transportées
dans ce même pays, etc.), c’était avec l’Italie que le contrat de transport avait les liens les plus
étroits. D’où l’application de la loi italienne au détriment de la loi française.
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Si le jugement est cassé, ce n’est nullement que cette approche conflictualiste est condamnée par
la Cour de cassation. Bien au contraire, même. Cela tient à ce que l’article 4, § 5, précité présente
un caractère subsidiaire par rapport à l’article 4, § 4, de la même convention, dont le transporteur
français se réclamait. Il ne s’applique que si l’article 4, § 4, doit être écarté parce que le contrat de
transport « présente des liens plus étroits avec un autre pays » que celui désigné par l’article 4, § 4.
Selon ce dernier texte, en effet, « si le pays dans lequel le transporteur a son établissement
principal au moment de la conclusion du contrat est aussi celui dans lequel est situé le lieu de
chargement ou de déchargement ou l’établissement principal de l’expéditeur, il est présumé que le
contrat a les liens les plus étroits avec ce pays ». Le transporteur impayé voulait faire jouer en sa
faveur la présomption édictée par l’article 4, § 4, et on est tenté de lui donner raison dans la
mesure où le transporteur a son principal établissement en France et que la France est également
le pays de déchargement de la marchandise transportée. La cassation, pour manque de base
légale, est prononcée, faute pour le juge du fond, d’avoir apprécié le bien fondé de la demande.
Il est peu douteux que cette solution soit maintenue sous l’empire du règlement du 17 juin 2008 sur
la loi applicable aux obligations contractuelles (dit Rome I), qui a remplacé la convention de Rome
de 1980 (V. Règl. n° 593/2008, art. 5 – pour une explication, V. T. Azzi, La loi applicable à défaut de
choix selon les articles 4 et 5 du règlement Rome I, D. 2008. Chron. 2169, spéc., n° 10 ). D’autant
que ce règlement paraît soucieux de limiter, la possibilité d’application par le juge, des lois de
police interne (L. d’Avout, Le sort des règles impératives dans le règlement Rome I, D. 2008. Chron.
2165, spéc., nos 10 s. ). Aujourd’hui, comme hier, par conséquent, l’article L. 132-8 du code de
commerce n’est définitivement donc pas une loi de police !
par Xavier Delpech
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