Sonorisations et fixations d`images : nullités

Transcription

Sonorisations et fixations d`images : nullités
Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr)
Sonorisations et fixations d’images : nullités,
formalités et pouvoirs des policiers
le 11 février 2013
PÉNAL | Criminalité organisée et terrorisme | Instruction
En matière de sonorisations ou de captations d’images, un mis en examen ne peut se prévaloir de
l’atteinte au droit au respect de la vie privée d’un tiers, le juge d’instruction peut délivrer une
commission rogatoire commune à plusieurs actes mis en œuvre simultanément et les policiers
peuvent procéder à des constatations visuelles.
Crim. 23 janv. 2013, FS-P+B, n° 12-85.059
Par un arrêt du 23 janvier 2013, la chambre criminelle apporte de nombreuses précisions
concernant les sonorisations et fixations d’images régies par l’article 706-96 du code de procédure
pénale. Mis en examen pour des infractions de criminalité organisée, les demandeurs au pourvoi
ont soulevé toute une série de moyens tendant à contester le refus par la chambre de l’instruction
d’annuler certains actes de la procédure.
La chambre criminelle affirme, pour rejeter un des moyens proposés, que, si l’opération contestée
consistait en une captation de l’image d’un véhicule se trouvant dans un box, le moyen de nullité
soulevé par les demandeurs devait être rejeté : en ce qu’ils ne revendiquent aucun droit sur le box
et le véhicule en cause, ils « ne sauraient se prévaloir d’une prétendue atteinte au droit au respect
du domicile ou de la vie privée d’un tiers, dont ils ne démontrent pas en quoi elle aurait porté
atteinte à leurs intérêts ».
L’article 706-96 du code de procédure pénale régit seulement les dispositifs de captation, fixation
et enregistrement de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel dans un lieu public ou privé
ou de l’image d’une ou plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé. C’est ainsi que la
chambre de l’instruction avait déclaré irrégulière la mise en place d’une caméra de surveillance
enregistrant l’image des personnes qui pénétraient dans le box. Mais, pour ce qui est de l’opération
contestée, il ne s’agissait ici d’aucun de ces cas, les enquêteurs ayant capté, dans un lieu privé,
l’image d’une chose. Si les dispositions de l’article 706-96 ne trouvent pas à s’appliquer, il s’agit
cependant d’une atteinte à la vie privée qui n’est pas prévue par la loi et qui constitue, en cela, une
cause de nullité.
Ce faisant, la Cour de cassation en limite la recevabilité en affirmant qu’on ne peut se prévaloir de
l’atteinte au droit au respect du domicile ou de la vie privée d’un tiers et rappelle ainsi sa
jurisprudence habituelle en la matière, qu’il s’agisse, comme en l’espèce, de la visualisation de
biens se trouvant dans un box (Crim. 12 mars 2008, n° 07-88.604, Dr. pénal 2008. Comm. 75, obs.
Maron et Haas) ou d’écoutes téléphoniques (Crim. 15 janv. 2003, Bull. crim. n° 10 ; D. 2003. IR 604
; Dr. pénal 2003. Comm. 54, obs. Maron et Haas) : le demandeur ne peut se prévaloir de la nullité
que s’il a été porté atteinte, de quelque manière que ce soit, à l’intimité de sa vie privée.
Pour ce qui est du formalisme prévu par l’article 706-96, les sonorisations ou les fixations d’images
ne peuvent être mises en œuvre que par une ordonnance motivée du juge d’instruction, après avis
du procureur de la République. Les officiers de police judiciaire sont autorisés à mettre en place un
tel dispositif par une commission rogatoire spéciale. La Cour de cassation précise, d’une part, que
l’avis du procureur de la République n’est soumis à aucun formalisme, ce qui ne semble pas faire
de doutes à la lecture de l’article 706-96 mais, d’autre part, que le juge d’instruction peut délivrer
une commission rogatoire spéciale commune aux diverses mesures de sonorisations ou de
captations d’images simultanément ordonnées, affirmation en revanche plus contestable.
La chambre criminelle a déjà eu l’occasion de dire « qu’il résulte [de l’article 706-96] que le juge
d’instruction qui décide de faire procéder à la mise en place d’un dispositif technique aux fins de
Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017
Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr)
captation, fixation, transmission et enregistrement […] est tenu, d’une part, d’autoriser par
ordonnance motivée les officiers de police judiciaire à mettre en place le dispositif technique
destiné à cette opération, d’autre part, de leur délivrer une commission rogatoire spéciale en vue
de l’exécution de ladite ordonnance ». La Cour de cassation ne s’était toutefois pas prononcée sur
la mise en place simultanée de plusieurs dispositifs de sonorisations ou de captations d’images. Il
ressort de la lettre de l’article 706-96 que la commission rogatoire a exclusivement pour objet la
mise en place « d’un dispositif technique ». De l’esprit de cet article, on peut avancer que le
législateur a voulu circonscrire le recours à ces actes particulièrement attentatoires à l’intimité de
la vie privée : le respect des formes prescrites par la loi est protectrice des libertés et fonde la
constitutionnalité de la mesure (Cons. const., 2 mars 2004, décis. n° 2004-492 DC, Loi portant
adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, § 62 s., D. 2004. 2756, obs. B. de Lamy ;
ibid. 956, chron. M. Dobkine ; ibid. 1387, chron. J.-E. Schoettl ; ibid. 2005. 1125, obs. V.
Ogier-Bernaud et C. Severino ; RSC 2004. 725, obs. C. Lazerges ; ibid. 2005. 122, étude V. Bück
; RTD civ. 2005. 553, obs. R. Encinas de Munagorri ). On aurait pu penser qu’une commission
rogatoire spéciale devait être délivrée pour chaque acte de sonorisation ou de captation d’images
afin de mieux circonscrire encore le recours à ces dispositifs.
Enfin, la chambre criminelle affirme que les policiers chargés de mettre en œuvre un dispositif de
sonorisation d’un véhicule peuvent transcrire sur procès-verbal leurs constatations visuelles faites à
l’ouverture du véhicule, sans pouvoir cependant procéder à aucune recherche. L’article 706-96,
alinéa 2, prévoit pourtant que les opérations de mise en place du dispositif technique « ne peuvent
avoir d’autre fin ». La chambre criminelle déduit logiquement de cet article que toute recherche est
proscrite mais n’y trouve étonnamment pas le fondement d’une interdiction de procéder à la
transcription de constatations visuelles.
Une constatation visuelle au sein d’un véhicule, transcrite ensuite par procès verbal, est pourtant
un acte de police judiciaire relevant du régime de la perquisition (C. pr. pén., art. 78-2-2 s.) ; il
semblait, dès lors, évident que l’introduction dans un véhicule ou tout autre lieu privé pour
procéder à l’installation du dispositif technique excluait de telles constatations visuelles (V. H.
Vlamynck, Le point sur la captation de l’image et des paroles dans l’enquête de police, AJ pénal
2011. 574 ). La Cour de cassation ne l’a pas entendu ainsi et valide la transcription de telles
constatations qui relèvent d’un régime différent sur le fondement duquel n’agissaient pas les
policiers.
par Sébastien Fucini
Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017