Vol de carte bancaire : notion de faute lourde du

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Vol de carte bancaire : notion de faute lourde du
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Vol de carte bancaire : notion de faute lourde du
titulaire
le 28 octobre 2012
AFFAIRES | Banque - Crédit
Commet une faute lourde le titulaire d’une carte bancaire volée qui avait laissé, comme d’habitude,
cette carte dans son véhicule et son code confidentiel dans la boîte à gants.
Com. 16 oct. 2012, F-P+B, n° 11-19.981
Aux termes de l’ancien article L. 132-3 du code monétaire et financier, issu de la loi n° 2001-1062
du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, le titulaire d’une carte bancaire supporte la
perte subie, en cas de perte ou de vol, avant la mise en opposition, dans la limite d’un plafond qui
ne peut dépasser 150 €. Toutefois, ce plafond est écarté en deux séries de circonstances : s’il a agi
avec une négligence constituant une faute lourde ou si, après la perte ou le vol de cette carte, il n’a
pas effectué la mise en opposition dans les meilleurs délais, compte tenu de ses habitudes
d’utilisation de la carte.
En l’occurrence, le banquier se prévalait d’une faute lourde. La jurisprudence se montre, on le sait,
particulièrement exigeante quant à l’obligation du banquier de prouver celle-ci. Elle ne saurait se
déduire, à elle seule, de l’utilisation, par un tiers, de la carte avec composition du code confidentiel
(Com. 2 oct. 2007, Bull. civ. IV, n° 208 ; D. 2007. Chron. C. cass. 2764, obs. M.-L. Bélaval ; ibid. AJ
2604, obs. V. Avena-Robardet ; ibid. 2008. 454, note A. Boujeka ; RTD com. 2007. 813, obs. D.
Legeais ; JCP E 2007, n° 46, p. 12, note P. Bouteiller ; ibid. 2008. II. 10014, note E. Bazin ; Banque
et Droit janv.-févr. 2008. 22, obs. T. Bonneau ; Civ. 1re, 28 mars 2008, Bull. civ. I, n° 91 ; D. 2008. AJ
1136, obs. V. Avena-Robardet ; ibid. 2009. 1492, chron. A. Hontebeyrie ; RTD com. 2008. 607,
obs. D. Legeais ; JCP E 2008, n° 16, p. 20, obs. M. Roussille ; ibid., n° 23, p. 11, note P. Bouteiller ; ibid. 2008. II. 10109, note E. Bazin ; RD banc. fin. 2008, n° 122, obs. E. Caprioli ; Banque et Droit
mai-juin 2008. 18, obs. T. Bonneau) mais doit être établie à partir d’autres éléments extrinsèques
imputables au titulaire de la carte (incitation au vol, etc.).
La faute lourde se déduit très certainement d’une approche subjective du juge, fondée sur une
analyse concrète du comportement du titulaire de la carte. De telle sorte que l’on ne peut guère
attendre de la Cour de cassation qu’elle nous fournisse une définition, voire des critères généraux
de la faute lourde. En l’occurrence, elle valide l’arrêt d’appel qui, pour faire ressortir la faute lourde,
a relevé que le titulaire de la carte avait indiqué aux services de police, en déclarant le vol de sa
carte, qu’il avait laissé, comme d’habitude, cette carte dans son véhicule et son code confidentiel
dans la boîte à gants, ce dont il résulte, de son propre aveu, qu’il a commis une imprudence grave
en laissant son code personnel à proximité de sa carte de retrait dans un lieu sans surveillance.
C’est dire que la victime d’un vol de carte bancaire a tout intérêt à être peu disert, dans sa
déposition retranscrite dans le procès-verbal établi par la police, sur les circonstances dans
lesquelles le rectangle de plastique a été soustrait. Une déposition trop détaillée, si elle est au
désavantage de la victime, ne peut que se retourner contre elle.
Le titulaire de la carte dérobée n’a donc pas eu gain de cause sur le terrain du droit bancaire. Il
s’est efforcé de se rattraper sur le terrain du droit de la responsabilité en invoquant la « négligence
fautive » du banquier, lequel n’avait pas détecté les nombreux retraits d’argent opérés par le
voleur avec la carte bancaire dérobée. Il serait, en quelque sorte victime d’une perte de chance,
celle du banquier, de mettre fin aux retraits d’argent en bloquant la carte dérobée. Cet argument
aurait pu faire mouche si le compte à partir duquel les débits ont été opérés était peu «
mouvementé », autrement dit faisait l’objet de peu d’opérations. En effet, en pareille circonstance,
le nombre important de retraits (19) opérés par le voleur en l’espace de trois semaines seulement
aurait dû amener le banquier à réagir. Tel n’était pas le cas, en l’occurrence, puisque le compte
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litigieux était largement créditeur et qu’il s’agissait « d’un compte d’entrepreneur aux nombreux
mouvements ». Dès lors, les anomalies constatées ne pouvaient être qualifiées d’apparentes, seule
circonstance qui fait que le banquier doit prendre à sa charge le risque de l’opération bancaire
litigieuse (V., par ex., Com. 5 nov. 2002, Bull. civ. IV, n° 157 ; D. 2002. AJ 3268, obs. V.
Avena-Robardet ; JCP E 2003, n° 1, p. 36, note T. Bonneau ; RD banc. fin. 2003, n° 1, obs. F.-J.
Crédot et Y. Gérard ; Gaz. Pal. 2003. Somm. 2474, obs. S. Piedelièvre, à propos d’un chèque
falsifié).
En tout état de cause, l’arrêt commenté ne reflète plus l’état du droit positif, puisque l’article L.
132-3 du code monétaire et financier a été abrogé par l’ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009
relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiement et portant création des
établissements de paiement. C’est même l’ensemble des dispositions applicables aux cartes
bancaires qui ont été diluées dans la notion plus vaste, d’origine communautaire, d’« opération de
paiement ». Or le droit nouveau ne fait plus référence à la notion de faute lourde, mais à l’«
agissement frauduleux » ou à la « négligence grave » du titulaire de l’instrument de paiement (C.
mon. fin., art. L. 133-19 nouv.).
par Xavier Delpech
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