Test de paternité : un refus à l`épreuve de la

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Test de paternité : un refus à l`épreuve de la
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Test de paternité : un refus à l’épreuve de la
Convention EDH
le 3 juillet 2015
CIVIL | Droit international et communautaire | Filiation
EUROPÉEN ET INTERNATIONAL | Famille - Personne | Principes - Généralités
Refuser de se soumettre à un test de paternité peut être valablement retenu par le droit national
comme un élément de preuve au sens de l’article 8 de la Convention européenne des droits de
l’homme.
CEDH 25 juin 2015, req. n° 22037/13, Canonne c. France
Quelle est la portée probatoire d’un refus ? Défini simplement comme le fait de ne pas consentir à
ce qui est proposé, il est perçu avant tout comme un acte négatif. Sur le terrain procédural, un
refus n’est pas sans incidence et autorise le juge à en tirer toutes les conséquences probatoires.
C’est ainsi que, dans le cadre de l’action en recherche de paternité, la Cour de cassation admet des
juges du fond qu’ils prennent souverainement en compte le refus de se soumettre à un examen de
sang pour confirmer la paternité, sans que cela porte atteinte au droit au procès équitable garanti
par la Convention européenne des droits de l’homme (V. Civ. 1re, 11 juill. 2006, n° 05-17.814, D.
2006. 2275 ; ibid. 2007. 1460, obs. F. Granet-Lambrechts ). Dans la présente décision, il en est de
même du droit à la vie privée et familiale avec l’expertise biologique. Sauf que cette fois, la solution
est consacrée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) elle-même.
En l’espèce, le requérant invoquait la violation de l’article 6, § 1, et 8 [Droit au respect de la vie
privée et familiale] de la Convention. Sur le premier chef, il soutenait à tort que la procédure
d’admission préalable des pourvois était incompatible avec un procès équitable. Cet argument a
été rejeté lapidairement par la CEDH, la procédure en cassation ayant déjà été déclarée conforme à
la Convention (V. CEDH 9 janv. 2014, n° 71658/10, Viard c. France, Dalloz actualité, 15 janv. 2014,
obs. A. Portmann ; AJ pénal 2014. 241, obs. S. Lavric ).
Sur le second point, le requérant reprochait aux tribunaux français d’avoir admis la filiation de son
refus de procéder à l’expertise ADN ordonnée par le tribunal et ce, en méconnaissance de son droit
à la vie privée. Sans surprise, le moyen n’a pas prospéré, la Cour européenne relevant que les
juridictions internes « ne se sont pas fondées exclusivement sur le seul refus de M. C. de se
soumettre à l’expertise génétique demandée » (pt 30), le qualifiant simplement « d’élément
supplémentaire tendant à prouver » la paternité du requérant, ajouté à des documents et à des
témoignages allant dans le même sens. Par conséquent, le seul refus est bel et bien inopérant d’un
point de vue probatoire s’il en peut être corroboré par d’autres indices sérieux et concordants,
comme l’illustre l’espèce, tendant à prouver la paternité alléguée.
Cette solution n’est pas sans fondement. La CEDH avait déjà conclu en 2002, dans son arrêt
Mirkulic que violait l’article 8 l’incapacité des juridictions françaises à statuer sur l’action en
recherche de paternité à cause du refus du père désigné de se plier aux expertises biologiques
nécessaires (V. CEDH 7 févr. 2002, n° 53176/99, RTD civ. 2002. 795, obs. J. Hauser ; ibid. 866, obs.
J.-P. Marguénaud ). Toutefois, parce que le droit français ne peut contraindre le père prétendu à se
plier à un test ADN, il ne faudrait pas priver un enfant du droit à chercher sa filiation, et dont «
l’intérêt doit être défendu » (pt 31), par l’attitude récalcitrante et dilatoire d’un requérant qui croit
tirer un profit abusif du principe d’inviolabilité du corps humain (dont la violation était alléguée en
l’espèce devant la Cour de cassation, pt 12).
Cette solution trouve un écho médiatique dans l’affaire de Dominique Desseigne, reconnu par le
tribunal de grande instance de Versailles en octobre 2014, comme le père de la fille de Rachida
Dati. Les juges avaient également fondé leur conviction sur plusieurs éléments, dont le refus de
celui-ci de se soumettre à une analyse ADN. La Cour européenne offre au raisonnement, avec la
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présente décision, sa consécration.
Site de la Cour européenne des droits de l’homme
par Thomas Coustet
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