Les biens de l`avocat Jacques Vergès vendus aux
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Les biens de l`avocat Jacques Vergès vendus aux
Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) Les biens de l’avocat Jacques Vergès vendus aux enchères le 20 janvier 2014 AVOCAT Ils étaient nombreux venus visiter la demeure de Jacques Vergès, samedi dernier, cinq mois après la mort de l’illustre avocat. Une vente judiciaire de ses biens s’en est suivie. Tout est là. Le bureau hérissé des jeux d’échecs, les masques africains, la tapisserie. Le décor de Jacques Vergès est resté figé, et semble rendre hommage à son propriétaire, dans une ultime représentation. Même les bibelots ont l’air dignes, scrutés, détaillés et soupesés par un public considérable venu humer l’aura du maître une dernière fois. On se presse dans la demeure, un hôtel particulier au 20, rue de Vintimille (Paris 9e), comme on chine les bonnes affaires aux grands magasins. Tout est à vendre, de la grande tapisserie étendue derrière le bureau du maître au mobilier ordinaire de ses collaborateurs – en passant par le buste en porcelaine d’un Mao goguenard, des masques africains, des manuscrits et tapuscrits, des livres par milliers. C’est debout dans la cour de l’immeuble que les enchères se déroulent tant bien que mal. Tout n’est pas bien réglé. Des enchérisseurs se plaignent que leur voix soit ignorée par des maîtres d’œuvres pas assez attentifs. Plusieurs fois, des lots sont inversés, délicate erreur qui suscite incompréhension et quolibets. Dans l’assemblée une vieille dame se gausse : « des amateurs » pouffe-t-elle. Le commissaire priseur Alain Castor, qui est bien un professionnel, dirige la vente et augmente la mise à chaque main qui se lève. Beaucoup sont des mains d’avocats, des confrères venus enlever un petit morceau du « salaud lumineux ». Karim Achoui en est. Très attentif, l’ancien avocat, admirateur notoire du défunt, emportera un lutrin, une bibliothèque et du petit mobilier de mauvaise facture. La formidable collection de livres de Me Vergès est rapidement dispersée. Alloties à la truelle, des portions de bibliothèques sont dilapidées en quelques secondes : littérature, histoire, dictionnaires sont vendus au kilo. Soudain, la collection des « grands procès » entre en scène. Me Hervé Témime lève le bras, tapis dans l’ombre au fond de l’assemblée. Sûr de lui, appuyé au mur, il renchérit sans sourciller à la suite d’un autre amateur. C’est Pierre-Olivier Sur, très en forme cet après-midi, qui n’a pas remarqué qu’il bataillait avec son illustre confrère. « Ah, c‘est toi » s’esclaffe le bâtonnier après coup. Le ténor n° 1 remporte la mise. Prix sacrifiés et lutte acharnée Excepté cette rapide joute, tout au début part à prix bradés. « C’est la brocante ! » s’indigne presque un amateur. La lettre de Jean Genet est adjugée à 2 000 €. Le buste en bronze du bâtonnier Henri Robert (1883-1966), 4 000 euros, ornera le conseil de l’Ordre parisien qui a mandaté le membre du conseil Emmanuel Pierrat pour cette vente. Puis les « grosses pièces » entrent en jeu. Le bureau du maître est adjugé pour 38 000 € à un acheteur au téléphone – et le fauteuil à 10 500 €. C’est devant une assistance clairsemée que la vente s’achève. La foule s’est largement dispersée, mais les avocats sont encore là. Les jeux d’échecs. Dans une évidente stratégie de conserver la collection au sein de la confrérie, les robes noires se battent sur chaque pièce. Ce n’est plus la stratégie de la rupture, mais la stratège de la capture – rien ne doit leur échapper. L’ancien 9e secrétaire Antoine Vey, passif jusque là, lève son stylo à plusieurs reprises et emporte un jeu. Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017 Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) Pierre-Olivier Sur aussi. Christian Saint-Palais obtiendra le plus cher, à 1 100 €. À chaque lot remporté, les confrères se félicitent. Avec ces jeux d’échecs, on touche à la légende de cet incomparable stratège judiciaire. Comme si c’était l’avocat qui s’incarnait dans ces jeux, comme si on en emportait un petit morceau, et qu’en posséder un permettrait de percer les mystères du maître. par Julien Mucchielli Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017