Sous-traitance : notion de « travaux de bâtiment

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Sous-traitance : notion de « travaux de bâtiment
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Sous-traitance : notion de « travaux de bâtiment »
le 2 octobre 2014
IMMOBILIER | Construction | Marchés de travaux
La sous-traitance de travaux de démolition relève de la notion de « travaux de bâtiment » au sens
de l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975.
Civ. 3e, 24 sept. 2014, FS-P+B+I, n° 13-14.404
La notion de « travaux de bâtiment » doit-elle être entendue dans une acception large – au sens de
travaux portant sur un bâtiment, ou de façon plus restrictive – au sens de réalisation d’une
construction sur le sol ? Telle est la question soumise à la troisième chambre civile dans un litige
opposant un maître d’ouvrage professionnel à un sous-traitant en présence d’un entrepreneur placé
en liquidation judiciaire.
Le premier recherchait, en effet, à échapper aux obligations imposées par les dispositions de
l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance (présentation et acceptation
du sous-traitant par le maître d’ouvrage, agrément de ses conditions de paiement ou justification
d’une caution par l’entrepreneur), en ce qu’elles n’auraient vocation à s’appliquer qu’aux seuls
contrats de « travaux de bâtiment », excluant partant, les travaux de démolition.
À l’inverse, les juges du fond avaient reconnu la recevabilité de l’action directe en paiement du
sous-traitant, en condamnant le maître d’ouvrage au paiement d’une somme restant due, en
exécution de la mission confiée au sous-traitant par l’entrepreneur principal.
La solution de la Cour de cassation s’inscrit dans ce dernier raisonnement. Le mécanisme de la
compensation sollicité par le maître d’ouvrage est par ailleurs rejeté, faute pour lui d’avoir procédé
à la déclaration d’une créance personnelle au passif de l’entrepreneur principal placé en liquidation
judiciaire.
La jurisprudence avait déjà reconnu l’application de l’article 14-1 de la loi de 1975 à un contrat dont
l’objet portait pourtant sur une prestation intellectuelle (établissement du dossier de consultations
d’entreprises dans le cadre d’un appel d’offre), s’attachant pour ce faire au critère de la finalité de
cette convention : « l’exécution d’un programme de construction immobilière » (Civ. 3e, 26 mai
2004, Bull. civ. III, n° 108 ; D. 2004. 1866 ; RDI 2004. 444, obs. H. Périnet-Marquet ; CCC 2004.
Comm. 124, Leveneur). Cela s’inscrit dans l’esprit du législateur lorsqu’il a modifié la loi de 1975 en
y insérant l’article 14-1, dont la volonté était de renforcer la protection des sous-traitants
intervenant dans le cadre d’un chantier d’ouvrage, privé comme public d’ailleurs (L. n° 86-13, 6
janv. 1986 relative à diverses simplifications administratives en matière d’urbanisme et à diverses
dispositions concernant le bâtiment). Il reste que ce critère n’est pas impératif, puisque plus
récemment, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rappelé que ce même article
s’applique à la sous-traitance industrielle (en application de la réforme de la loi de 1975 par la L. n°
2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises), y compris en l’absence de marché de
travaux ou de bâtiment, est-elle venue préciser (Com. 5 nov. 2013 – travaux de construction
navale, n° 12-14.645, Dalloz actualité, 19 nov. 2013, obs. X. Delpech ; D. 2013. 2638 ; RDI 2014.
38, obs. H. Périnet-Marquet ; CCC 2014. Comm. 33, Leveneur).
L’arrêt présenté s’inscrit dans cette conception extensive de la notion de « travaux de bâtiment », y
incluant les travaux de démolition qui ne visent pas directement à construire mais qui font toutefois
bien appel à la mise en œuvre de techniques de construction par ailleurs. L’efficacité de la
protection des entreprises sous-traitantes recherchée par le législateur continue à être soutenue
par la Cour régulatrice.
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Il est intéressant de relever, au-delà des apports de l’arrêt, le rapprochement avec la législation
relative au régime de l’assurance construction. En effet, d’une part, l’article 14-1 de la loi de 1975
exclut de son champ d’application « la personne physique construisant un logement pour l’occuper
elle-même ou le faire occuper par son conjoint, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son
conjoint » (C. assur., art. L. 243-2). D’autre part, avant la réforme du droit des assurances par
l’ordonnance du 8 juin 2005, l’ancien article A. 241-2, a) du code des assurances, disposait que les
travaux de bâtiment étaient ceux dont l’objet était de « réaliser ou de modifier les constructions
élevées sur le sol (…) ». Depuis cette ordonnance, le code des assurances vise désormais, pour
l’application des assurances obligatoires, les « travaux de construction » (C. assur., art. L. 241-1 et
L. 242-1). L’arrêt soumis s’inscrit effectivement dans le mouvement d’extension de la notion de «
travaux de bâtiment », une réforme sémantique de la loi de 1975, à l’instar de celle opérée en 2005
dans le code des assurances serait toutefois la bienvenue, afin d’harmoniser les dispositions
transversales régissant le domaine du droit de la construction.
Site de la Cour de cassation
par Fanny Garcia
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