dossier Sous-traitance

Transcription

dossier Sous-traitance
dossier
Texte fondamental pour la protection des sous-traitants, la loi de 1975 concerne
tous les acteurs et partenaires de l’acte de construire : maîtres d’ouvrage,
maîtres d’oeuvre, comptables publics, entreprises, banquiers, etc.
30 années de pratique permettent de faire un bilan satisfaisant de son application.
Ce dossier rappelle les dispositions légales dans les marchés publics et privés,
et leur interprétation par la jurisprudence.
Sous-traitance
Droit et bonnes pratiques
© M. Lesaffre/FFB
Sommaire
•
•
•
•
Champ d’application de la loi*
Marchés publics : paiement direct
Marchés privés : garanties et recours
Contrats de sous-traitance
* Loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975.
dossier
Sous-traitance : les bonnes pratiques
Champ d’application de la loi de 1975
Qu’est-ce que
la sous-traitance ?
La loi définit la sous-traitance comme
l’opération par laquelle un entrepreneur
– appelé entrepreneur principal – confie
sous sa responsabilité à un autre
entrepreneur – appelé sous-traitant –
l’exécution :
• de tout ou partie du marché privé,
• ou d’une partie du marché public
conclu avec le maître de l’ouvrage.
La sous-traitance visée par la loi
implique donc l’intervention de trois
personnes et la conclusion consécutive
d’au moins deux contrats d’entreprise :
• le marché principal conclu entre le
maître de l’ouvrage et l’entrepreneur
principal,
• et le contrat de sous-traitance
(appelé aussi « sous-traité ») conclu entre
l’entrepreneur principal et le soustraitant.
Le sous-traitant chargé de l’exécution
d’une partie des travaux ne contracte
qu’avec l’entrepreneur principal et
pas avec le maître de l’ouvrage, ce qui
distingue d’ailleurs la sous-traitance de
la cotraitance.
Il est à noter que, dès son article 2,
la loi a prévu la sous-traitance en
chaîne : le sous-traitant qui sous-traite
a, alors, qualité d’entrepreneur principal
et assume toutes les obligations qui en
découlent.
avoir la qualité de sous-traitant s’il réalise
un travail spécifique destiné à un chantier
déterminé(2).
Le loueur de matériels et d’engins n’est
pas un sous-traitant car l’entrepreneur
utilise librement la chose louée et l’affecte
à l’exécution des travaux dont il ne se décharge pas(3).
La sous-traitance de pose
est-elle possible ?
OUI. La loi n’interdit pas à l’entrepreneur de sous-traiter la pose de matériaux
mis à la disposition du sous-traitant. Mais
les juges peuvent requalifier le contrat en
contrat de travail si le sous-traitant exécute
les travaux en situation de subordination
juridique permanente(4).
Quand le sous-traitant emploie des salariés et les met à la disposition de l’entrepreneur principal, les juges peuvent
constater un prêt illicite de main d’œuvre
et un délit de marchandage(5).
Afin d’éviter la requalification du contrat
et les sanctions pénales et civiles qui en
découlent, il convient de respecter le critère fondamental du contrat d’entreprise,
à savoir l’indépendance du sous-traitant
dans l’exécution des travaux. Cela implique notamment que le contrat comporte
une tâche précise et une rémunération
L’entrepreneur principal est-il tenu
de déclarer son sous-traitant
au maître de l’ouvrage ?
OUI. La loi de 1975 est d’ordre public.
Elle impose à l’entrepreneur principal de
faire accepter et agréer les conditions de
paiement de son sous-traitant par le maître de l’ouvrage, ce qui permet au soustraitant de bénéficier du paiement direct
dans les marchés publics. Les formalités
d’acceptation et d’agrément s’imposent
également dans les marchés privés, mais
le formalisme est moins important et la
règle du paiement direct ne s’applique pas
(d’autres garanties sont prévues).
Si l’entrepreneur principal n’a pas fait
accepter son sous-traitant ni agréer ses
conditions de paiement par le maître de
l’ouvrage, l’entrepreneur principal est tenu
envers le sous-traitant mais il ne peut invoquer le contrat de sous-traitance à l’encontre du sous-traitant(7). Le sous-traitant
dispose ainsi pendant toute la durée du
contrat d’une faculté de résiliation unilatérale(8). Mais il est tenu de livrer exempts
de vices et de malfaçons les ouvrages dont
il a obtenu ou dont il réclame le paiement à
l’entrepreneur principal(9).
Exemple de relations de sous-traitance
Maître de
l’ouvrage
Est-il nécessaire d’intervenir
sur le chantier pour être sous-traitant ?
NON. La définition légale implique seulement que le sous-traitant participe à l’exécution du contrat d’entreprise passé par le
maître de l’ouvrage à l’entrepreneur principal. Un bureau d’études peut donc avoir
qualité de sous-traitant au sens de la loi dès
lors qu’il réalise des calculs ou des plans
d’exécution qui engagent sa responsabilité
vis-à-vis de l’entrepreneur principal(1).
En revanche, le fournisseur de matériaux n’est pas sous-traitant car le contrat
conclu avec l’entrepreneur est un contrat
de vente, lequel n’entre pas dans le champ
de la loi de 1975. Mais un fabricant peut
forfaitaire, et que le sous-traitant dirige
lui-même ses salariés(6).
Maçon
Menuisier
Couvreur
=contrats régis
par la loi de 1975
Sous-traitant
carreleur
Sous-traitant
poseur
II Bâtiment actualité n° 6 • dossier • 21 mars 2006
Fournisseur
des matériaux
Sous-traitant
couvreur
Loueur de
matériels
= contrats NON régis
par la loi de 1975
dossier
Sous-traitance : les bonnes pratiques
Marchés publics
Paiement direct du sous-traitant
© A. Despert/FFB
si le montant de son contrat
de sous-traitance est d’au
moins 600 € TTC(11).
Formellement, une déclaration de sous-traitance doit être
présentée par l’entrepreneur
principal en annexe à son acte
d’engagement ou dans un acte
spécial transmis au maître de
l’ouvrage avant l’exécution
des travaux sous-traités(12).
La notification du marché,
lorsque la demande de soustraitance est présentée dans
l’offre, ou le silence de la collectivité ou de l’établissement
public contractant gardé pendant 21 jours après réception
de l’acte spécial, emportent
l’acceptation du sous-traitant
et l’agrément de ses conditions de paiement(13).
Quels sont les maîtres d’ouvrage
concernés ?
Le titre II de la loi de 1975 instituant le
paiement direct des sous-traitants par le
maître de l’ouvrage s’applique aux marchés passés par l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics et
les entreprises publiques. Ce sont donc
essentiellement les maîtres d’ouvrage publics qui doivent payer directement les
sous-traitants.
Mais relèvent aussi du titre II de la loi des
maîtres d’ouvrage qui, bien que personnes
morales de droit privé (SEM, SA d’HLM),
sont considérés comme des entreprises
publiques dès lors que leur capital social
est majoritairement détenu par une ou
plusieurs personnes publiques(10).
L’entrepreneur principal
peut-il nantir son marché
et sous-traiter ?
OUI. Mais le montant maximum de la créance que l’entrepreneur principal est
autorisé à céder ou à donner
en nantissement à sa banque
est limité aux travaux qu’il
effectue personnellement. En
cas de nantissement ou de cession de la totalité des créances,
l’entrepreneur principal désirant sous-traiter doit donc
réduire le nantissement ou la
cession (et en justifier auprès
du maître de l’ouvrage par
une attestation de sa banque)
afin de ne pas faire obstacle
au paiement direct du soustraitant(14).
Le sous-traitant de second rang (ou de rang plus éloigné)
peut-il bénéficier du paiement direct ?
NON. L’article 6 de la loi de 1975 limite
le droit au paiement direct au sous-traitant « direct du titulaire du marché »
(sous réserve qu’il ait été accepté et
que ses conditions de paiement aient
été agréées par le maître de l’ouvrage).
Mais le sous-traitant de second rang
doit néanmoins être déclaré au maître
de l’ouvrage par le sous-traitant de premier rang, lequel doit en outre fournir
une caution ou une délégation de paiement pour garantir le paiement de son
sous-traitant.
Le sous-traitant doit être accepté et les
conditions de paiement prévues au contrat
de sous-traitance doivent être agréées par
le maître de l’ouvrage. Ces formalités
remplies, le sous-traitant sera payé directement par le maître de l’ouvrage pour la
part du marché dont il assure l’exécution,
© V. Leloup/FFB
Comment obtenir le paiement direct
de façon certaine ?
Bâtiment actualité n° 6 • dossier • 21 mars 2006 III
dossier
Sous-traitance : les bonnes pratiques
Quand le maître de l’ouvrage public
doit-il régler le sous-traitant ?
Le délai de paiement du sous-traitant est
identique à celui prévu au marché pour
le paiement du titulaire(15). Ce délai est au
maximum de 45 jours (50 jours pour les
établissements publics de santé).
Le délai court à partir de la réception de
la demande de paiement par le maître de
l’ouvrage ou par le maître d’œuvre ou
toute autre personne désignée au marché.
Préalablement, le sous-traitant doit adresser sa demande de paiement à l’entrepreneur principal par lettre recommandée
avec accusé de réception.
L’entrepreneur
principal
dispose
d’un délai de 15 jours pour la revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé ;
le défaut de réponse de l’entrepreneur principal équivaut à l’acceptation
de la demande de paiement du soustraitant(16).
Si l’entrepreneur principal n’a pas adressé
la demande de paiement du sous-traitant
au maître de l’ouvrage ou à la personne
habilitée, le sous-traitant doit l’envoyer
directement par lettre recommandée ou la
remettre contre un récépissé.
Le maître de l’ouvrage ou la personne habilitée met aussitôt en demeure l’entrepreneur principal de prouver s’il a contesté la
demande de paiement du sous-traitant
dans le délai légal ; au cas où l’entrepreneur principal ne serait pas en mesure
d’apporter cette preuve dans un délai de
15 jours, le maître de l’ouvrage doit payer
les sommes dues au sous-traitant(17).
Schéma du paiement direct
Comptable
Maître de l’ouvrage
Paiement du
sous-traitant :
dans le délai
de 45 jours
à compter
de la réception
de la demande
de paiement par
le maître d’œuvre
Maître d’œuvre
100 000 €
Entreprise principale
50 000 €
Situation du sous-traitant :
- l’entrepreneur principal doit
la vérifier dans les 15 jours
- le sous-traitant peut l’envoyer
directement au maître d’oeuvre
en l’absence de réaction
de l’entrepreneur principale
Sous-traitant
Quelle est l’assiette
Le maître de l’ouvrage
du paiement direct ?
doit-il veiller à la régularité
Le maître de l’ouvrage est tenu de payer des opérations de sous-traitance ?
directement les sommes dues au soustraitant par prélèvement sur celles qui reviennent à l’entrepreneur principal. Mais
le maître de l’ouvrage ne peut pas refuser
de payer le sous-traitant au prétexte que
les sommes réclamées ont déjà été réglées
à l’entrepreneur principal(18).
De même, les pénalités de retard prévues
au marché principal sont inopposables au
sous-traitant qui ne signe pas le marché(19).
Le sous-traitant a droit au paiement des intérêts moratoires sur les sommes retenues
par le maître de l’ouvrage, dès lors qu’une
demande de paiement pour les prestations
réalisées par le sous-traitant a été transmise
dans les formes et délais requis par le code
des marchés publics(20).
Les intérêts courent à compter du jour
suivant l’expiration du délai de paiement et
ce, jusqu’à la date de mise en paiement du
principal(21).
OUI. Le maître de l’ouvrage tolérant l’intervention sur son chantier de sous-traitants
occultes commet une faute (alors qu’il
dispose des mesures coercitives prévues par
le Cahier des clauses administratives générales des marchés publics de travaux pour
contraindre l’entrepreneur principal à déclarer son sous-traitant). Selon la jurisprudence administrative, la responsabilité du
maître de l’ouvrage est toutefois atténuée
par la faute commise par l’entrepreneur
principal, et par celle du sous-traitant qui
est demeuré passif. Le partage de responsabilité aboutit généralement à la réparation d’un tiers seulement du préjudice
subi par le sous-traitant impayé(22). La
responsabilité du maître de l’ouvrage peut
être plus importante, notamment lorsqu’il
accepte le sous-traitant dans des conditions ne permettant pas au sous-traitant
de bénéficier du paiement direct(23).
Marchés privés
Garanties et recours du sous-traitant
© DR
L’entrepreneur principal
doit-il déclarer son sous-traitant
au maître de l’ouvrage privé
comme dans les marchés publics ?
OUI. Comme dans les marchés publics,
l’entrepreneur principal a le droit de soustraiter, mais il doit faire accepter son
sous-traitant et faire agréer ses conditions
de paiement par le maître de l’ouvrage,
conformément à l’article 3 alinéa 1er de
la loi de 1975. Une simple lettre adressée
par l’entrepreneur principal au maître
de l’ouvrage suffit. Mais il est nécessaire
IV Bâtiment actualité n° 6 • dossier • 21 mars 2006
de demander au maître de l’ouvrage de
répondre également par écrit, afin de se
ménager une preuve de l’accord du maître
de l’ouvrage.
La norme NF P 03-001 prévoit une règle
d’acceptation tacite : si le maître de
l’ouvrage n’a pas répondu à la demande
de sous-traitance présentée par l’entrepreneur principal dans une lettre adressée
en recommandé avec avis de réception ou
remise contre reçu, l’acceptation et l’agrément des conditions de paiement du soustraitant sont réputés acquis(24).
dossier
Sous-traitance : les bonnes pratiques
Quelle garantie de paiement
est due au sous-traitant ?
L’article 14 de la loi de 1975 impose
à l’entrepreneur principal de fournir à
son sous-traitant soit une caution bancaire, soit une délégation du maître de
l’ouvrage, afin de garantir les paiements
des sommes dues au sous-traitant.
La caution prévue par la loi doit consister en un engagement personnel et solidaire d’un établissement financier
permettant au sous-traitant d’être réglé
par ce dernier en cas de défaillance de
l’entrepreneur principal. La jurisprudence exige que le cautionnement soit
nominatif et chiffré, ce qui condamne la
technique des cautions « flotte » établies
à l’avance pour garantir l’ensemble des
sous-traitants(25).
L’entreprise principale peut remplacer
la caution par une délégation de paiement, c’est à dire un engagement du
maître de l’ouvrage à payer directement
le sous-traitant en exécution d’un accord passé avec l’entrepreneur principal. Aucune formalité particulière n’est
requise, seul le consentement des trois
parties intéressées doit être établi de
façon certaine.
Il n’existe aucun ordre de priorité entre la
caution ou la délégation : l’entrepreneur
principal doit fournir l’une ou l’autre des
garanties lors de la conclusion du contrat
de sous-traitance.
Les constructeurs de maisons
individuelles sont-ils tenus
de garantir leurs sous-traitants ?
OUI. Mais en vertu de la loi du 19 décembre 1990 qui régit le contrat de
construction d’une maison individuelle,
le constructeur peut remplacer la caution ou la délégation par « toute autre
garantie, délivrée par un établissement
de crédit ou une entreprise d’assurance,
de nature à garantir le paiement des
sommes dues au titre du sous-traité(26) ».
Cette disposition vise le but à atteindre
et non la forme de la garantie. A ce titre,
une assurance crédit peut être souscrite
par le constructeur pour le compte de ses
sous-traitants(27).
Quelles sont les sanctions en cas
d’absence de garantie ?
La disposition prévue par l’article 14 de
la loi de 1975 pour sanctionner le défaut
Caution de sous-traitance
Maître de l’ouvrage
100 000 €
Entreprise principale
50 000 €
Sous-traitant
de garantie de paiement est la nullité
du contrat de sous-traitance. Le soustraitant peut l’invoquer à tout moment,
y compris après l’exécution des travaux
(jusqu’à 5 ans à compter de la conclusion du contrat). La loi étant d’ordre
public, aucune clause du contrat de soustraitance ne peut conduire le sous-traitant
à renoncer à la caution ou la délégation
prévue par la loi, ni l’empêcher d’invoquer la nullité du contrat(28).
En cas d’annulation du contrat, le soustraitant n’a plus aucune obligation
contractuelle vis-à-vis de l’entrepreneur
principal : qu’il s’agisse du délai d’exécution, des pénalités de retard, de la retenue
de garantie, etc., la nullité anéantit le
contrat tout entier. En outre, lorsque le
sous-traitant a déjà exécuté des travaux,
les juges vont estimer la valeur des prestations effectuées sans pouvoir se référer
au prix défini dans le contrat. Selon la jurisprudence, le sous-traitant doit recevoir
le juste prix de ses prestations calculé par
un expert judiciaire à partir des déboursés
et charges ou à l’aide d’un bordereau de
prix(29).
Le constructeur de maisons individuelles est, en outre, passible de sanctions
pénales s’il ne conclut pas un contrat
de sous-traitance par écrit avant l’exécution des travaux, et s’il ne délivre pas
de garantie de paiement à son soustraitant(30).
Banque
La caution bancaire
doit mentionner
le nom
du sous-traitant
et le montant
du sous-traité
Caution
Qu’est-ce que « l’action directe »
du sous-traitant ?
L’action directe est un recours simple à
mettre en oeuvre, qui permet au soustraitant impayé par l’entrepreneur principal de saisir les sommes restant dues par le
maître de l’ouvrage sans qu’une procédure
judiciaire soit nécessaire.
Selon la jurisprudence, seul le sous-traitant accepté par le maître de l’ouvrage, et
dont les conditions de paiement ont été
agréées par ce dernier, dispose de l’action
directe. Si l’entrepreneur principal n’a pas
fait le nécessaire pour recueillir l’accord
du maître de l’ouvrage lorsqu’il a soustraité, l’action directe risque d’échouer.
Mais ni l’entrepreneur principal qui a
manqué à son obligation de faire accepter le sous-traitant, ni les créanciers de
cet entrepreneur, ne peuvent soulever le
défaut d’acceptation du sous-traitant(31).
De plus, l’acceptation et l’agrément peuvent intervenir au moment de l’exercice
de l’action directe(32), y compris après le
jugement d’ouverture du redressement
judiciaire de l’entrepreneur principal(33).
Quelle est la procédure pour exercer
l’action directe ?
Selon l’article 12 de la loi de 1975, le soustraitant doit mettre en demeure l’entrepreneur principal de payer, et adresser au
maître de l’ouvrage une copie de sa mise en
demeure. Un mois après, le sous-traitant
Bâtiment actualité n° 6 • dossier • 21 mars 2006 V
dossier
Sous-traitance : les bonnes pratiques
Action directe
Maître de l’ouvrage
Envoi au maître
de l’ouvrage de
la copie de la
mise en demeure
Entrepreneur principal
© PhotoAlto, J. Hardy
Mise en
demeure
de payer
adressée à
l’entrepreneur
principal
Sous-traitant
doit être payé par le maître de l’ouvrage.
Le sous-traitant peut exercer cette action
en adressant simplement des lettres recommandées avec accusé de réception.
Si l’entrepreneur principal a déposé son
bilan, le sous-traitant a intérêt à déclarer sa
créance auprès du représentant des créanciers. Mais la jurisprudence considère que
le sous-traitant n’est pas tenu d’accomplir
cette démarche, puisque l’action directe
subsiste lorsque l’entrepreneur principal a
déposé le bilan(34).
Comme prévu par la loi de 1975, le soustraitant peut donc mettre en demeure
de payer l’entrepreneur principal, c’està-dire l’administrateur judiciaire lorsque
celui-ci est le seul représentant légal de
l’entreprise (en cas de liquidation judiciaire, la mise en demeure doit impérativement être adressée au liquidateur).
En cas de sous-traitance en chaîne, les soustraitants peuvent exercer l’action directe de
la même manière et sans distinction selon
leur rang. Cette action directe s’exerce à
l’encontre du maître de l’ouvrage qui reste
toujours le même, quelle que soit la succession des sous-traitants. Il s’agit d’une
jurisprudence constante. Conformément à
l’article 12 de la loi de 1975, c’est donc au
maître de l’ouvrage, destinataire final des
travaux, qu’il convient d’adresser la copie
de la mise en demeure.
Quelle est l’assiette
de l’action directe ?
L’obligation du maître de l’ouvrage à
l’égard du sous-traitant est limitée à ce
qu’il doit encore à l’entrepreneur principal, sans distinction selon la nature des
travaux déjà payés. Cette assiette globale
s’apprécie à la date de la réception par
le maître de l’ouvrage de la copie de la
mise en demeure, d’où la nécessité pour le
sous-traitant d’agir vite.
Les sous-traitants ayant exercé l’action
directe doivent être traités à égalité, dès
lors qu’ils s’étaient manifestés avant
paiement par le maître de l’ouvrage
de certains d’entre eux. La loi de 1975
n’établit aucune priorité ou privilège
au profit de l’un des sous-traitants. Si
les sommes restant dues par le maître de
l’ouvrage sont insuffisantes pour désintéresser l’ensemble des sous-traitants,
il sera nécessaire de répartir l’assiette
disponible au prorata des créances des
sous-traitants.
En vertu de son droit tiré de la loi de 1975,
le sous-traitant prime sur le banquier cessionnaire des créances de l’entrepreneur
principal. En revanche, le banquier l’emporte s’il a escompté une traite acceptée
avant que le sous-traitant ne mette en
œuvre l’action directe.
VI Bâtiment actualité n° 6 • dossier • 21 mars 2006
Le maître de l’ouvrage
commet-il une faute vis-à-vis
du sous-traitant impayé ?
OUI. Le sous-traitant qui n’a obtenu
aucune des protections prévues par la loi
de 1975, et qui se heurte à l’insolvabilité
de l’entrepreneur principal, peut exercer
contre le maître de l’ouvrage un ultime
recours fondé sur la notion de responsabilité pour faute.
L’article 14-1 de la loi de 1975 impartit en
effet au maître de l’ouvrage (sauf le particulier construisant un logement pour luimême ou sa famille) de veiller au respect
des obligations légales de l’entrepreneur
principal (acceptation par le maître de
l’ouvrage du sous-traitant, et délivrance à
celui-ci de la garantie de paiement prévue
à l’article 14), quitte à prendre des mesures coercitives à l’égard de l’entrepreneur
principal(35).
Le maître de l’ouvrage engage sa responsabilité s’il a connaissance de l’intervention d’un sous-traitant non déclaré sur
son chantier et ne met pas en demeure
l’entrepreneur principal de faire accepter
son sous-traitant(36), ou ne s’assure pas de
la bonne délivrance de la garantie de paiement(37). Le maître de l’ouvrage qui n’a
pas rempli ses obligations doit indemniser
le sous-traitant à concurrence du solde du
prix des travaux lui restant dû(38).
dossier
Sous-traitance : les bonnes pratiques
Contrats de sous-traitance
La forme et les mentions du contrat de soustraitance ne sont pas réglementées (sauf dans
le secteur de la maison individuelle).
Pour sous-traiter l’exécution d’un marché
public ou d’un marché privé, les entreprises
peuvent donc librement rédiger le contrat
de sous-traitance mais des précautions
s’imposent.
Le contrat de sous-traitance
du BTP
Il a été mis au point par la Profession pour
aider les entreprises à établir des relations
contractuelles de sous-traitance claires et
équilibrées. Ce contrat type a été actualisé
en 2005 à l’initiative du Conseil national
de la sous-traitance de la FFB. Il comporte
plusieurs parties.
Des « explications
et recommandations » indiquant...
• la possibilité pour le sous-traitant de justifier de ses compétences par tout moyen
de son choix, et, pour les marchés publics,
l’exigence d’avoir à produire les mêmes
documents que ceux exigés de l’entrepreneur principal,
• la recommandation de remettre au soustraitant le contrat de sous-traitance signé
au plus tard au démarrage des travaux
sous-traités,
• la mention des nouvelles dispositions légales introduites en 2001 dans les marchés
publics (indication des sous-traitants lors
de la soumission, limitation du paiement
direct au sous-traitant de premier rang,
responsabilité du maître de l’ouvrage sur
le terrain(39),
• l’engagement d’établir un avenant ou un
ordre de service préalable à des travaux
supplémentaires,
• la réception des supports avant l’intervention de l’entreprise sous-traitante sur
les ouvrages exécutés par d’autres entreprises,
• l’encouragement du règlement des litiges
par voie amiable.
Des conditions générales précisant
(entre autres)...
• une règle de comptage des délais en jours
calendaires(40).
Il faut notamment :
• se mettre d’accord sur les prestations, sur
leur prix et les conditions de paiement,
• s’assurer de l’acceptation du soustraitant par le client maître de l’ouvrage,
• demander au sous-traitant des attestations
d’assurance couvrant ses responsabilités,
• formaliser ces accords dans un contrat écrit.
• des précisions sur les obligations générales du sous-traitant en matière d’hygiène et sécurité et en cas de travaux
soumis à coordination SPS(41).
• une règle en matière d’évacuation et de
traitement des déchets du sous-traitant(42).
• la mention que les prix fixés aux conditions particulières rémunèrent le soustraitant de tous ses débours, charges et
obligations normalement prévisibles(43).
• les règles de paiement direct du soustraitant dans les marchés publics (identité
de délai de paiement et de taux d’intérêts
moratoires, procédure d’envoi direct des
situations au maître d’œuvre en cas de
non-réponse de l’entrepreneur principal
dans le délai légal de quinze jours(44).
• l’indication dans les marchés privés d’un
délai supplétif de paiement de 30 jours
et de pénalités de retard de paiement au
taux de l’intérêt légal augmenté de sept
points(45).
• l’engagement d’établir entre les parties
au contrat de sous-traitance un nouveau
calendrier d’exécution en cas de retards
non imputables au sous-traitant(46).
• l’application de pénalités en cas de retard
d’exécution des travaux au taux du CCAG
Travaux en cas de marché principal public, et de celui de la norme NF P 03-001
lorsque le marché est privé, avec dans les
deux cas une règle de plafonnement à 5 %,
sauf disposition différente prévue aux
conditions particulières(47).
• l’obligation pour l’entrepreneur principal de remettre au sous-traitant une copie
du procès-verbal de réception dès qu’il
l’obtient(48).
• la possibilité de prévoir dans les conditions particulières une clause de réserve
de propriété en faveur du sous-traitant(49).
• la faculté pour les entreprises de régler à
l’amiable leurs litiges à tout moment(50).
Pour vous procurer les contrats de soustraitance sur support papier ou version
électronique (cd-rom ou Internet),
adressez-vous à la SEBTP,
6/14 rue La Pérouse, 75784 Paris Cedex 16,
01 40 69 53 16
Des conditions particulières
Elles permettent de préciser l’objet du
contrat, les pièces contractuelles (CCTP,
plans…), les délais d’exécution, les prix et
les conditions de paiement, les documents
et attestations sur l’honneur à fournir par
le sous-traitant dans le cadre de la lutte
contre le travail illégal, etc.
Une version simplifiée de ce contrat type
a été mise au point.
Maisons individuelles
Lorsque le marché principal est un contrat
de construction de maison individuelle régi
par la loi du 19 décembre 1990, il convient
d’établir un contrat de sous-traitance
spécifique.
Celui-ci doit en effet préciser notamment le
nom de l’organisme qui délivre la garantie
de livraison due par le constructeur au
maître de l’ouvrage, mais aussi le délai
de règlement du sous-traitant (30 jours
maximum à compter du versement effectué
par le maître de l’ouvrage ou le prêteur au
constructeur).
Un contrat type de sous-traitance pour ce
secteur a également été mis au point.
Bâtiment actualité n° 6 • dossier • 21 mars 2006 VII
dossier
Sous-traitance : les bonnes pratiques
1) Cass. Civ. 3e, 28 février 1984 - CA Paris, 5 mai 2000.
2) Exemples : armatures métalliques, Cass. Civ. 3e, 5 fév. 1985 ;
panneaux de façades en béton, CA Paris, 1er oct. 1993.
3) Exemple : location de grues, Cass. Com., 12 mars 1991 – location de nacelles élévatrices, TA Rouen, 19 juin 2000 – location
d’échafaudages, Cass. Civ. 3è, 23 janvier 2002.
4) Art. L.120-3 du code du travail.
5) Art. L.125-1 et L.125-3.
6) Bâtiment actualité, n° 11 du 10 juin 2002.
7) Art. 3 Loi 1975.
8) Cass. Civ. 3e, 24 avril 2003.
9) Cass. Civ. 3e, 13 avril 1988.
10) Cass. Com. 27 février 1990 ; Cass. Com. 5 février 1991.
11) Art. 6 Loi 1975 – art. 115 CMP.
12) Art. 114 CMP – un modèle d’acte spécial DC13 est en ligne
sur www.minefi.gouv.fr
13) Art. 114 CMP.
14) Art. 9 Loi 1975.
15) Art. 4 Décret n° 2002-232 du 21 février 2002.
16) Art. 8 Loi 1975.
17) Art. 116 CMP – art. 13.54 du CCAG.
18) CE, 17 octobre 2003, Commune de Chalabre.
19) CAA Lyon, 28 juin 2001, Commune de Genay.
20) Art. 116.
21) CAA Marseille, 27 avril 2004, Société Sima Entreprise.
22) CE, 6 mai 1988, Ville de Denain.
23) CAA Paris, 5 novembre 1991, Commune d’Orgeval.
24) Art. 4.4 norme P 03-001 - édition 2000 – Cahier des clauses
administratives générales applicables aux marchés privés qui s’y
réfèrent.
25) Cass. Civ. 3e, 18 décembre 2002 et 15 décembre 2004.
26) Art. L.231-13, g du code de la construction et de l’habitation-CCH.
27) Bâtiment actualité, n° 21 du 6 décembre 2005, page 11.
28) Art. 15 Loi 1975.
29) CA Paris, 9 novembre 2001.
30) Art. L.241-9 CCH.
31) Cass. Mixte, 13 mars 1981.
VIII Bâtiment actualité n° 6 • dossier • 21 mars 2006
32) Cass. Civ. 3e, 16 décembre 1987.
33) Cass. Civ. 3e, 31 mars 1993.
34) Cass. Civ. 3e, 29 février 1984.
35) CA Paris, 19e ch., 3 février 2003.
36) CA Bordeaux, 23 novembre 1993.
37) CA Versailles, 9 juin 1994.
38) Cass. Civ. 3e, 5 juin 1996 – jurisprudence constante.
39) Art. 14-1 de la loi de 1975.
40) Art. 1-6.
41) Art. 2-32.
42) Art. 2-4.
43) Art. 5-1.
44) Art. 6-1.
45) Art. 6-2.
46) Art. 7-4.
47) Art. 7-51.
48) Art. 8-1.
49) Art. 14.
50) Art. 15.