Exercice illégal de la profession d`avocat : deux

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Exercice illégal de la profession d`avocat : deux
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Exercice illégal de la profession d’avocat : deux
prévenus à la barre
le 13 juin 2014
AVOCAT | Déontologie
La 30e chambre correctionnelle de Paris examinait, hier, les dossiers de deux prévenus poursuivis
pour l’exercice illégal de la profession d’avocat.
Le premier prévenu s’est avancé – avec une certaine assurance – à la barre et a décliné son
identité. Le président, Yves Madre, a rappelé la plainte d’une femme, rencontrée à la Bourse du
travail lors de permanences gratuites. L’homme y est en effet salarié, quelques heures par
semaine. Il conseille l’employée, qui vient d’être licenciée alors qu’elle était en arrêt maladie. Selon
elle, il lui propose de prendre en charge son dossier, dans le cadre de « ses activités annexes ». Il
est par ailleurs dirigeant d’une société de conseil, qui exploite un site internet.
L’employée licenciée, qu’il contacte hors de la permanence, accepte de lui donner son dossier,
moyennant une rémunération forfaitaire d’un peu plus de 1 000 €. Le « consultant » écrit alors à
l’avocat de l’employeur une lettre – truffée de fautes d’orthographe selon la victime – pour lui
proposer une transaction. Ce dernier refuse de dialoguer avec lui et signale les faits à l’Ordre, qui
s’est constitué partie civile.
Relatant son parcours, le prévenu met en avant son expérience. Il est délégué syndical et a été
conseiller prud’homal. Il nie se servir de ses fonctions à la Bourse du travail pour amener les gens à
faire appel à ses activités de consultant. « Je dirige les gens vers des avocats, ils retrouvent ma
société sur les pages jaunes ». Le président, et l’avocat de l’Ordre des avocats de Paris, Zoé Royaux
se sont interrogés sur la confusion du prévenu entre ses différentes fonctions. « Vous jouez sur
votre triple casquette de salarié, de délégué syndical et de consultant », a observé le président. « Il
revendique plusieurs casquettes qui lui permettent d’être toujours au bon endroit au bon moment,
souligne l’avocate de l’Ordre, mais en l’espèce, il n’agissait ni comme délégué syndical, ni comme
délégué de la Bourse du travail ».
Le ministère public, représenté par Bernadette Martin-Lécuyer, a rappelé que le parquet était très
sensible à ce type d’affaires, « pas pour protéger le fonds de commerce des avocats, mais pour
protéger les justiciables », et a requis une amende ferme de 3 000 €. En défense, l’avocate, Natalia
Sklenarikova, soulignant qu’il avait remboursé la quasi-totalité de ce que lui avait versé la victime
(sauf 210 € que la personne réclamait), a plaidé l’exception au monopole de la postulation et de la
représentation en faveur des représentants syndicaux. « Si l’on interdit aux délégués syndicaux de
représenter, il faut également l’interdire aux conjoints, aux concubins, et aux autres », a-t-elle
estimé. Le prévenu, pour ses dernier mots, a souligné que l’affaire de la lettre à l’avocat avait été le
coup d’une fois et qu’on ne l’y reprendrait plus. « J’ai bien compris la leçon » a-t-il affirmé. La
société de conseil n’existe plus et le prévenu est en train de constituer une société qui, entre autres
activités, donnera « des cours de RH dans des écoles privées ».
« Quand le président me demande d’avancer, j’avance »
La seconde prévenue n’a pas la même assurance. Présidente d’une association de victimes, elle
évoque les personnes qu’elle a « accompagnées » aux audiences ou pour d’autres démarches.
C’est une avocate qui, la voyant intervenir lors d’audiences du tribunal de police, du tribunal
d’instance ou de la 19e chambre correctionnelle, notamment pour demander des renvois au nom
des victimes d’infraction qu’elle accompagnait, a alerté l’Ordre. « Elle est tellement connue dans
ces juridictions que plus personne ne lui demande de pouvoir », a écrit l’avocate. Cette dernière n’a
finalement pas déposé contre elle et les deux dépositions qui figurent dans le dossier, émanant de
victimes qu’elle a « accompagnées » ne permettent pas de savoir ce qui a effectivement été
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effectué. Les recherches faites auprès des greffes n’ont rien donné. Très clairement, la prévenue a
expliqué son rôle : elle est aux côtés des victimes, parfois à l’audience, dans la salle. Et quand
l’avocat de la victime, la plupart du temps désigné à l’aide juridictionnelle, ne se présente pas, c’est
elle que la victime désigne au président comme connaissant le dossier. « Quand le président me
demande d’avancer pour expliquer, je m’avance, c’est humain. Je n’ai jamais plaidé, c’est bien trop
difficile ». Indiquant être « choquée et peinée » de comparaître, elle a rappelé qu’elle agissait
toujours à titre bénévole, émue par le manque de considération de la justice et des avocats envers
les victimes. « Elles ont besoin de quelqu’un, l’avocat ne suffit pas » a martelé la prévenue.
L’Ordre parisien a plaidé que si la cause est certes noble sur le papier, l’activité de la prévenue
n’entre pas dans le cadre de la loi de 1971. Sa plaidoirie a été brutalement interrompue par le
départ précipité de l’avocat de la prévenue, parti dans une chambre voisine sous le regard médusé
de sa cliente. Pendant ces quelques minutes d’absence, le tribunal a ironisé en disant que cela
confortait les propos de la prévenue sur la carence des avocats. « L’Ordre ne s’est pas constitué
partie civile pour lui pourrir la vie », a terminé Zoé Royaux, une fois son confrère revenu, disant que
la prévenue fréquentait assidument le bureau pénal, à l’Ordre, dans le but de démarcher les
victimes d’infraction, ce qu’elle a nié. « Déposer des statuts ne suffit pas pour pouvoir représenter
les victimes », a renchéri le représentant du ministère public qui a requis 1 000 € d’amende avec
sursis.
Délibéré le 4 septembre prochain.
par Anne Portmann
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