Abrogation de la passerelle politique-avocat

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Abrogation de la passerelle politique-avocat
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Abrogation de la passerelle politique-avocat
le 18 avril 2013
AVOCAT | Formation
CIVIL | Profession juridique et judiciaire
Comme annoncé il y a quelques jours, un décret n° 2013-319 du 15 avril 2013, supprimant les
conditions particulières d’accès à la profession d’avocat des personnes exerçant des responsabilités
publiques, a été publié au Journal officiel du 17 avril 2013.
Décr. n° 2013-319 du 15 avr. 2013, JO 17 avr.
Abrogation de l’article 97-1 du décret de 1991
Abrogation pure et simple
Conformément à l’engagement pris par l’actuel président de la République durant la campagne
présidentielle et comme l’avait à plusieurs reprises rappelé le garde des Sceaux, notamment lors
de l’assemblée générale extraordinaire du Conseil national des barreaux (CNB) du 5 octobre 2012,
l’article 97-1 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 est abrogé (Dalloz actualité, 10 avr. 2013,
obs. M. Babonneau ).
Cette disposition, issue du décret n° 2012-441 du 3 avril 2012 relatif aux conditions particulières
d’accès à la profession d’avocat, dispensait de la formation théorique et pratique et du CAPA les
personnes ayant exercé des responsabilités publiques les faisant directement participer à
l’élaboration de la loi.
Cette facilité offerte aux hommes politiques devait cependant susciter l’émoi du barreau, qui y
voyait un texte décrédibilisant la profession d’avocat en l’ouvrant dans la précipitation et quasi
automatiquement à la veille d’échéances électorales.
Il avait pu un temps être envisagé de permettre aux membres du gouvernement et aux
parlementaires de conserver, dans des conditions plus strictes un accès dérogatoire à la profession
d’avocat conforme au droit commun (V. not. Rép. min., 13 nov. 2012), au profit d’un nouvel alinéa à
l’article 98 du décret de 1991 disposant que « les députés, sénateurs et membres du
gouvernement ayant exercé l’une ou l’autre de ces fonctions pendant au moins huit ans » peuvent
devenir avocat, à condition non seulement d’être titulaire d’une maîtrise en droit ou d’un diplôme
équivalent mais, également, de réussir un examen de contrôle des connaissances en déontologie et
réglementation professionnelle. La passerelle, simplement réaménagée, aurait alors été conservée
dans les faits, l’idée étant notamment de « légaliser » une pratique en cours dans certains barreaux
qui consistait à assimiler des parlementaires à des fonctionnaires de catégorie A (D. Avocats 2013.
7, obs. L. Dargent ).
C’est cependant un refus de principe du dispositif de la passerelle que devait finalement opposer la
profession, quels qu’en soient les aménagements, au motif que le mandat de parlement ou de
ministre ne garantirait pas à lui seul un niveau de droit suffisant. C’est ainsi notamment que le
conseil de l’Ordre des avocats du barreau de Paris lors de sa séance du 23 octobre 2012 et
l’assemblée générale du Conseil national des barreaux (CNB), réunie en séance le 17 novembre
2012, avaient rejeté purement et simplement le texte qui leur était ainsi soumis par la Chancellerie.
C’est finalement à cette seconde option à laquelle se range la Chancellerie, le dispositif de la
passerelle étant purement et simplement supprimé.
Contentieux judiciaire du décret « passerelle »
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Aussi, le sort réservé aux recours formés par le CNB et le conseil de l’ordre de Paris contre le décret
du 3 avril 2012 instruits devant le Conseil d’État reste-t-il posé.
En toute occurrence, le recours de la FNUJA (Fédération nationale des unions de jeunes avocats) qui
portait à la fois sur l’abrogation des dispositions des articles 97-1 et 98 du décret du 27 novembre
1991 devrait conduire finalement le Conseil d’État à statuer, l’objet du recours étant plus large que
l’abrogation du seul article 97-1 précité.
Reste que l’abrogation ne vaut que pour l’avenir et que les situations juridiques issues de
l’application du décret « passerelle » doivent se conformer à ses exigences. C’est ce qu’a rappelé la
cour d’appel de Versailles (Versailles, 23 janv. 2013, RG n° 12/05898, D. Avocats 2013. 119, obs. L.
Dargent ) dans une espèce dans laquelle le Conseil de l’ordre du Val d’Oise, pour toute réponse à
la demande d’une ancienne sénatrice d’intégrer le barreau sur le fondement de l’article 97-1, avait
opposé, espérant sans doute l’abrogation pure et simple du texte entre-temps, son silence valant
rejet. Saisie, la cour d’appel juge ainsi que doit être inscrite, sans délai, au tableau de l’Ordre, une
ancienne sénatrice qui a suivi une formation en déontologie et réglementation professionnelle
d’une durée de vingt heures dispensée par un centre régional de formation professionnelle des
avocats, conformément aux dispositions de l’article 93, 3° du décret de 1991. Elle devait ainsi
rejeter l’argumentaire du conseil de l’ordre qui tentait de faire valoir, au soutien du rejet de
l’inscription, différents manquements aux principes essentiels de la profession, les juges
considérant notamment que les poursuites pénales dont la demanderesse était l’objet à raison de
ses actions militantes ne pouvaient être retenues en l’absence de condamnation, sauf à violer la
présomption d’innocence, et qu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne permet pas à lui
seul de faire grief à son auteur d’avoir commis un manquement à la délicatesse et à la modération.
Encore faut-il, cependant, pour que l’article 97-1 du décret de 1991 s’applique, que ses conditions
soient remplies. C’est ce que rappellent deux récents arrêts (Nîmes, 22 janv. 2013, RG n° 12/03599
; D. avocats 2013. 119, obs. L. Dargent ; Versailles, 10 avr. 2013, RG n° 12/08/780, Dalloz
actualité, 16 avr. 2013, obs. M. Babonneau ) aux termes desquels la condition de diplôme (maîtrise
en droit ou diplôme équivalent) posée de manière générale l’article 11, 2e, de la loi n° 71-1130 du
31 décembre 1971 s’impose, l’article 97-1 du décret, pas plus d’ailleurs que l’article 98, 4°, ne
prévoyant expressément de dérogation à cette règle, à l’inverse de l’article 97 du même décret.
Collaborateurs d’avoués
Le décret est également l’occasion de corriger une erreur de plume s’agissant de l’accès
dérogatoire ouvert aux collaborateurs d’avoués. L’article 98, 7°, du décret du 27 novembre 1991,
issu du décret n° 2011-451 du 22 avril 2011, disposait que bénéficient de la dispense de la
formation théorique et pratique et du CAPA les personnes mentionnées à l’article 22 de la loi n°
2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant la cour d’appel. Or cette
dernière disposition prévoit que sont dispensés de la condition de diplôme, de la formation
théorique et pratique et du certificat d’aptitude à la profession d’avocat les personnes ayant
travaillé en qualité de collaborateur d’avoué postérieurement au 31 décembre 2008 et justifiant, au
plus tard au 1er janvier 2012, de la réussite à l’examen d’aptitude à la profession d’avoué. L article
22 de la loi de 2011 ajoute en son alinéa 2 que bénéficient également de cette dispense les
collaborateurs d’avoué qui justifient d’un nombre d’années de pratique professionnelle fixé par
décret en Conseil d’État en fonction du niveau de diplôme obtenu. On le voit, alors que l’article 98
du décret de 1991 excluait une dispense de la condition de diplôme, l’article 22 de la loi du 25
janvier 2011 la consacrait expressément… Il convenait donc de faire prévaloir la loi sur le décret et
de faire bénéficier les collaborateurs d’avoués de la dispense de diplôme. Le décret commenté
vient corriger cette erreur de rédaction. L’article 98, 7°, est supprimé et il est inséré un nouvel
alinéa à l’article 93 du décret de 1991 qui permet aux personnes mentionnées à l’article 22 de la loi
n° 2011-94 du 25 janvier 2011 d’être inscrites au barreau sans conditions de diplôme.
Accès dérogatoire des docteurs en droit maintenu
Enfin, on relèvera, comme cela était prévu, que le texte n’envisage pas la suppression de la
dispense d’examen en faveur des docteurs en droit, contrairement aux vœux du CNB. On se
souvient, en effet, que la position du CNB avait suscité une vive opposition du milieu universitaire
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et collectif pour une valorisation professionnelle du doctorat en droit, auteur d’une pétition contre
les positions du CNB qui avait récolté quelque 2650 signatures (V., dernièrement, D. 2012. 2460,
Point de vue, par D. Tricot).
Vers une réforme globale de l’accès dérogatoire
Au-delà, c’est une réforme globale des voies d’accès dérogatoires à la profession d’avocat
qu’entend proposer le CNB (AG CNB, 17 nov. 2012 préc.) afin d’en assurer la cohérence et de
garantir le niveau de pratique du droit et de connaissance des règles déontologiques indispensables
à l’exercice de la profession d’avocat, dans l’intérêt des justiciables.
par Laurent Dargent
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