Brigitte, étudiante en droit, vient d`être élue Miss étrangère à Mai
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Brigitte, étudiante en droit, vient d`être élue Miss étrangère à Mai
___________________________________________________ Brigitte, étudiante en droit, vient d'être élue Miss étrangère à Mainz en RFA. Elle est revenue à Nantes où elle poursuit ses études de droit. Elle s'étonne des sourires sur son passage et finit par confier à un ami qu'elle n'aurait jamais cru que la simple élection de Miss étrangère lui aurait conféré une telle sympathie. Son ami lui annonce alors que des photographies de nus sont publiées sur un site internet allemand. Ces photos ont été prises le soir de l'élection alors qu'elle passait différentes tenues. Elle veut saisir le juge français pour faire condamner cette atteinte à la vie privée. Sur quel fondement ? La question posée suppose la détermination de la loi applicable. En effet, un conflit de lois nait de différents éléments d’extranéité. Brigitte, Française, a été prise en photo à Mainz en RFA. Se photos ont été publiées sur un site internet allemand. Mais elles sont consultables en France par tous et notamment les étudiants de Nantes. La qualification de la situation juridique doit se faire conformément à la lex fori, soit la loi française du juge saisi en l’espèce, un juge français (Cass, Caraslanis, 22 juin 1955). Conformément à la jurisprudence française, les questions de vie privée et d’atteinte à l’image relèvent de la responsabilité extracontractuelle (civ. 1re, 13 avril 1988, Bull. civ. I, n° 98). En matière extracontractuelle, le Règlement n° 864-2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, la Convention de La Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d'accidents de la circulation routière et la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits peuvent être envisagées. Directement applicable en France, Etat membre de l’Union européenne (v. art. 1 § 4), le Règlement prime les autres normes (CJCE, Costa c/ Enel, 1964). Il doit donc être envisagé dans un premier temps. Le Règlement (CE) No 864/2007 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles («Rome II») est applicable, à partir du 11 janvier 2009, aux faits générateurs de dommages survenus après son entrée en vigueur, soit le 20 août 2007(v. Art. 31 et 32). Conformément à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 17 novembre 2011 (CJUE, 17 nov. 2011, Deo Antoine Homawoo contre GMF Assurances SA, C412/10), le règlement est applicable aux faits générateurs de dommages survenus à partir du 11 janvier 2009. L’on suppose que les faits de l’espèce sont postérieurs à cette date de sorte que le règlement paraît bien applicable. L’article 1er dispose dans son paragraphe 1 que « Le présent règlement s'applique, dans les situations comportant un conflit de lois, aux obligations non contractuelles relevant de la matière civile et 1 commerciale. Il ne s'applique pas, en particulier, aux matières fiscales, douanières et administratives, ni à la responsabilité encourue par l'État pour les actes et omissions commis dans l'exercice de la puissance publique ("acta iure imperii"). ». La question posée par Brigitte conduit bien à un conflit de lois entre la loi française et allemande. Il s’agit bien d’obligations non contractuelles et cela relève bien de la matière civile (il convient ici de préciser que la notion d’obligation non contractuelle est une notion autonome qui relève de l’interprétation de la CJUE qui considère qu’est extracontractuelle la responsabilité qui n’est pas contractuelle, le contrat étant défini comme un lien librement assumé entre les parties). Comme il n’y a aucun contrat en l’espèce, la question posée relève bien du champ d’application positif du règlement. Toutefois, l’article 1 § 2 prévoit qu’il ne s’applique pas aux obligations non contractuelles découlant d'atteintes à la vie privée et aux droits de la personnalité, y compris la diffamation. En conséquence, il ne saurait s’appliquer pour déterminer la réparation du préjudice subi par Brigitte du fait d’une atteinte à la vie privée et à l’image. Les deux conventions de La Haye précitées concernent les accidents de la circulation routière et les produits défectueux. Elles doivent donc être écartées. Aucune autre convention internationale n’étant à notre connaissance envisageable, il convient dès lors d’en revenir au droit commun. En matière de responsabilité délictuelle, le critère de rattachement dégagé dans l’arrêt Lautour ( Cass. 25 mai 1948, D. 1948.357) « lex loci delicti (la loi applicable est celle du lieu du délit) a laissé place à la loi du fait dommageable en cas de délit complexe. La Cour de cassation considère que ce critère peut être compris de deux manières, loi du lieu du fait générateur ou loi du lieu du dommage : « Mais attendu que la loi applicable à la responsabilité extracontractuelle est celle de l'Etat du lieu où le fait dommageable s'est produit ; que ce lieu s'entend aussi bien de celui du fait générateur du dommage que celui du lieu de réalisation de ce dernier »(Civ. 1re, 28 oct. 2003, Bull. Civ. I, n° 219). Mais dans son arrêt de 1988, la Cour de cassation avait admis que les conséquences de l’atteinte à la vie privée d’une personne ou de la violation du droit qu’elle possède sur son image relève de la loi du lieu où les faits ont été commis (Civ. 1re, 13 avr. 1988, rev. Crit. DIP 1988,546). La prise en compte de ce critère semble conduire à appliquer le droit allemand où les photographies ont été prises et publiées. Toutefois, ces photographies peuvent être consultées n’importe où dans le monde où elles sont diffusées. La notion même de lieu où les faits ont été commis soulève des interrogations. Le lieu de diffusion pourrait ainsi être considéré comme le lieu où les faits ont été commis. La jurisprudence de la Cour de cassation n’est pas très lisible. Dans un arrêt portant sur des actes de concurrence déloyale, la cour de cassation a admis, dans un arrêt du 14 janv. 1997 (rev. Cr. Dip 1997. 504,note Bischoff), que le lieu où le fait dommageable s’est produit s’entend aussi bien de celui du fait générateur du dommage que du lieu de réalisation de ce dernier. La Cour de cassation n’a pris parti ni pour le lieu du fait générateur ni pour celui du lieu du préjudice. Les arrêts ultérieurs ne permettent pas de trancher en faveur de l’un ou de l’autre des critères, la Cour de cassation semblant rejeter le lieu fortuit au détriment de l’autre (Civ. 1re, 27 mars 2007, Bull. civ. I, n° 132) ou privilégier celui qui fait apparaître les liens les plus étroits avec tel ou tel système juridique (civ. 1re 11 mai 1999, mobil north sea Ltd , rev. crit. Dip 2000.199)). 2 Dans le cas de publication par le biais de l’internet, la loi du pays de l’émission (loi du fait générateur) est parfois opposée à la loi du pays de réception (loi du lieu où le dommage a été subi). Mais le lieu de l’émission est difficile à identifier (loi du fournisseur d’hébergement du site ou loi du fournisseur d’accès, lieu du serveur, etc…). Quant au lieu de la réception, il conduit potentiellement à l’application de la loi de n’importe quel Etat où l’on peut se connecter à l’internet. La préférence peut alors aller à l’application de la lex fori qui s’appliquera à la demande des dommages subis localement (v. par ex. TGI Paris, 22 mai 2000, JCE éd. E. 2000.1856, n° 6). En ce sens, la jurisprudence de la Cour de cassation relative à la compétence en cas de cas de contrefaçon sur internet peut être citée (Civ. 1re, 9 déc. 2003, Bulletin 2003 I N° 245 p. 195). Elle admet (en application de la Convention de Bruxelles de 1968) que « la victime peut exercer son action soit devant la juridiction de l'Etat du lieu d'établissement de l'auteur de la contrefaçon, compétente pour réparer l'intégralité du préjudice qui en résulte, soit devant la juridiction de l'Etat contractant dans lequel l'objet de la contrefaçon se trouve diffusé, apte à connaître seulement des dommages subis dans cet Etat ». Mais il faut également alors tenir compte de la jurisprudence la plus récente de la CJUE en matière de compétence. la Cour de Justice a, le 25 octobre 2011 (CJUE, 25/10/2011, eDate Advertising GmbH contre X et Olivier Martinez, Robert Martinez c/ MGN Limited, C-509/09 et C-161/10), après avoir rappelé que « le lieu où le fait dommageable s’est produit » vise à la fois le lieu de l’évènement causal et celui de la manifestation du dommage » r a décidé que « L’article 5, point 3, du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que, en cas d’atteinte alléguée aux droits de la personnalité au moyen de contenus mis en ligne sur un site Internet, la personne qui s’estime lésée a la faculté de saisir d’une action en responsabilité, au titre de l’intégralité du dommage causé, soit les juridictions de l’État membre du lieu d’établissement de l’émetteur de ces contenus, soit les juridictions de l’État membre dans lequel se trouve le centre de ses intérêts. Cette personne peut également, en lieu et place d’une action en responsabilité au titre de l’intégralité du dommage causé, introduire son action devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l’a été. Celles-ci sont compétentes pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l’État membre de la juridiction saisie. » Il convient d’observer qu’en l’espèce, Brigitte veut agir devant le juge français afin de demander réparation du préjudice qu’elle subit. Mais dès lors que le centre de ses intérêts est situé en France, elle pourrait demander la réparation de l’entier préjudice subi du fait de la diffusion des images dans les différents pays de l’Union et donc de la RFA. En l’état de la jurisprudence française, et plus particulièrement de la Cour de cassation, la question reste donc entière de savoir si la lex fori pourrait être admise pour gouverner la question de la réparation de l’entier préjudice subi par la victime. En l’espèce, il apparaît cependant que la loi française pourrait être appliquée, au moins pour le préjudice que Brigitte subit en France. Elle pourrait s’appliquer en tant que loi du lieu du préjudice subi ou en tant que loi du lieu de diffusion des images, voire en tant que lex fori. 3