Susan Signe Morrison, A Medieval Woman`s

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Susan Signe Morrison, A Medieval Woman`s
Francia­Recensio 2016/3
Mittelalter – Moyen Âge (500–1500)
Susan Signe Morrison, A Medieval Woman’s Companion, Oxford (Oxbow Books) 2015, VIII–244 p., num. b/w ill., (Women’s Lives in the European Middle Ages) ISBN 978­1­78570­079­8, GBP 16,95.
rezensiert von/compte rendu rédigé par
Thérèse de Hemptinne, Gent
Ce livre est un manuel destiné à des élèves des high schools et à des undergraduates des collèges universitaires américains ignorant tout de l’histoire, de la littérature et des arts du Moyen Âge européen, sinon ce que des séries télévisées, le cinéma ou des bandes dessinées leur en ont fait découvrir. Il s’agit de ce que les Anglo­Saxons appellent un textbook pour accompagner les étudiants dans leur découverte du Moyen Âge, de l’histoire des femmes à cette époque et des sources dont disposent les chercheurs pour appréhender ce passé. Les jeunes Européens seront surpris du niveau infime de connaissances et même de l’illettrisme présupposé (voir le glossaire, dans lequel bizarrement »nuns«, »misogyny«, »fast« (jeûne) sont expliqués, mais pas »Pre­Raphaelites«, ni »synode«) par l’auteure, professeure d’anglais à la Texas State University, spécialiste des études de genre et de la littérature médiévale comparée ainsi que de l’histoire des pèlerinages. Outre le glossaire, l’ouvrage comprend des encadrés explicatifs et exemplatifs, une bibliographie (des titres en anglais uniquement), des recommandations de lecture »pour en savoir plus«, les URL de sites internet où trouver des sources en traduction, et la référence au blog de l’auteure pour des mises à jour; une édition digitale est disponible. Les illustrations comprennent des images plus ou moins contemporaines de l’époque à laquelle les femmes dont il est question ont vécu, mais aussi des portraits modernes (surtout XIXe siècle) issus de l’imaginaire (romantique) sur le Moyen Âge qui peuvent prêter à confusion auprès de lecteurs peu avertis.
L’auteure veut que son livre soit une introduction à l’histoire du Moyen Âge, aux vies de femmes, aux croyances catholiques, à l’art et à la littérature de l’époque (p. 14). Il est divisé en six parties à peu près en ordre chronologique et chaque partie en chapitres consacrés à des figures féminines qui sont souvent prétextes à aborder des thèmes plus généraux concernant le Moyen Âge européen: politique générale, conquêtes, croisades, langage, théories médicales concernant le corps féminin, hérésie et béguines (qui ne sont pourtant pas à proprement parler des hérétiques), Grand Schisme, vêtement féminin et travestissement … Le dernier chapitre est le plus ambitieux: il suggère que des théories féministes et du genre récentes peuvent aider à appréhender les vies de femmes au Moyen Âge et qu’on peut comprendre comment les expériences de ces dernières ont pu former ces théories.
Le titre est significatif pour l’approche pédagogique de l’auteure: »woman« au singulier, c’est­à­dire qu’elle a choisi de présenter à ses lecteurs »la« femme, et plus particulièrement celle dont la célébrité Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der Creative­Commons­Lizenz Namensnennung­Keine kommerzielle Nutzung­Keine Bearbeitung (CC­BY­NC­ND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: https://creativecommons.org/licenses/by­nc­nd/4.0/
est parvenue jusqu’à nous: des héroïnes de légende (de saga islandaises) ou des femmes exceptionnelles, des saintes, des reines, des écrivaines, des mystiques, des pèlerines intrépides … Bref, il s’agit des »usual suspects« des catalogues de femmes célèbres, d’Anne Comnène à Jeanne d’Arc, de Hroswitha de Gandersheim à Margery Kempe, pour n’en citer que quelques­unes. L’aire géographique abordée est, à quelques exceptions près, l’Europe du Nord­Ouest, surtout les pays anglo­saxons. Ces figures exemplaires d’un certain mode de vie de femme au Moyen Âge sont le plus souvent traitées comme des cas uniques et la littérature citée les concerne uniquement. Ainsi par exemple en ce qui concerne la recluse Christine de Markyate: aucune comparaison avec d’autres représentantes de ce genre de vie dévote, aucune citation de littérature sur le sujet dans une perspective européenne. C’est le cas aussi pour ce qui est de sainte Brigitte de Suède, dont la figure est présentée isolément, sans la mettre en rapport avec les mouvements de spiritualité féminine de son temps, mis à part un encadré sur sainte Catherine de Sienne et sur sainte Claire (encadré p. 146), cette dernière n’étant cependant pas sa contemporaine. L’important ouvrage de Sabine Geldsetzer, »
Frauen auf Kreuzzügen 1096–1291
«,
Darmstadt 2003, manque dans la bibliographie du chapitre 8, consacré à la participation de femmes aux croisades. Quant à la pèlerine et combattante croisée Margaret de Beverley, personnage qui reflète bien les intérêts scientifiques de l’auteure pour les pèlerinages médiévaux (p. 74 et suiv.), dont les aventures ont été racontées par son frère Thomas, moine de l’abbaye cistercienne de Froidmont, il n’est pas fait référence à une édition critique ni à un manuscrit de ce récit. Au sujet des béguines et des béguinages le livre fondateur de Walter Simons, »Cities of Ladies. Beguine Communities in the Low Countries, 1200–1565«, Philadelphie 2001, n’est mentionné ni dans les notes, ni dans la bibliographie.
Des citations de sources (en traduction), le plus souvent littéraires, illustrent les propos de l’auteure, mais elle omet de mettre l’accent dans son commentaire sur les termes typiquement genrés de ces sources, ce qui aurait pu alimenter la réflexion chez ses lecteurs, en allant plus loin que l’histoire des femmes. En général d’ailleurs, l’enseignement de la critique historique semble absent de l’ambition pédagogique de l’auteure, bien qu’elle dise vouloir faire comprendre les sources selon l’esprit du temps et non selon des critères actuels (p. 12). On trouve pourtant de nombreuses références à des séries télévisées, des films, des romans et des musiques populaires parmi les adolescents de nos jours. Ainsi, pour expliquer ce qu’est le réfectoire d’une abbaye le terme »cafétéria« est utilisé (p. 34); l’auteure compare Aliénor d’Aquitaine à une »cougar« (p. 68), les trobairitz aux chanteuses Beyoncé, Taylor Swift et Rihanna d’aujourd’hui (p. 127); beaucoup des femmes présentées sont qualifiées de féministes (Marie de France, Christine de Pizan, Teresa de Cartagena …), alors que selon le glossaire »feminism« est »un mouvement politique et social et une approche scientifique pour comprendre et améliorer les vies des femmes et des personnes identifiées comme telles«. Quelques bizarreries sont à signaler: l’Europe du Moyen Âge est qualifiée »a unified area« (p. 5), Notre­Dame de Paris est située »on the Île­de­France in Paris« (p. 113).
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Bref, »A Medieval Woman’s Companion«, doit être apprécié comme la tentative d’une professeure en littérature médiévale d’intéresser de jeunes étudiants (américains) au Moyen Âge et à l’histoire des femmes en mettant en parallèle des vies de femmes exceptionnelles du temps passé avec des personnages et des événements du quotidien de ces jeunes, tout en prenant pour acquis que leurs connaissances en théories féministes et du genre sont meilleures que celles concernant cette époque éloignée. Il faut espérer que l’idée qu’ils s’en feront sera plus réaliste que celle présentée ici et qu’ils auront la curiosité d’ouvrir les nombreuses fenêtres qu’offre ce livre pour aller découvrir d’autres sources et d’autres domaines (économiques et sociaux) de l’histoire du Moyen Âge et du rôle que les femmes sans histoire ont joué dans la société de ce temps.
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