Margaret C. Jacob, The First Knowledge Economy

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Margaret C. Jacob, The First Knowledge Economy
Francia­Recensio 2016/2
Frühe Neuzeit – Revolution – Empire (1500–1815)
Margaret C. Jacob, The First Knowledge Economy. Human Capital and the European Economy, 1750–1850, Cambridge (Cambridge University Press) 2014, X–257 p., 11 b/w fig., ISBN 978­1­107­61983­8, GBP 29,99.
rezensiert von/compte rendu rédigé par
Yaman Kouli, Chemnitz
La discussion sur l’économie du savoir est rentrée au centre des débats. Bien qu’il y ait aucun doute qu’il s’agisse d’un phénomène décisif pour l’économie moderne, il y a encore de nombreuses questions sans réponses. Sans surprise, les perspectives des disciplines diverses se distinguent nettement. Selon les sociologues, l’économie du savoir est un développement nouveau, qui est en train de transformer l’économie, et la société, contemporaine de manière imprévisible. Comme les économistes, ils s’intéressent moins à la production qu’aux innovations et aux conditions les plus optimales pour qu’une entreprise ou un individu soit exceptionnellement productif.
Cependant, pour les historiens, le savoir jugé économiquement productif ne se révèle pas uniquement dans l’innovation, mais également dans la production. Quant à l’histoire économique, il y a dans les faits deux groupes de chercheurs. Les historiens qui s’occupent de l’histoire économique quantitative et qui essaient de décoder l’essentiel des racines de l’économie du savoir en mesurant le nombre d’étudiants, la corrélation entre la croissance économique d’une ville ou région et la présence d’une université1 ou l’aptitude du calcul (numeracy)2, et ceux qui ne nient pas que ces facteurs ont leur importance, mais reconnaissent qu’il y a des explications non quantifiables. Ici, c’est la culture qui constitue le socle de l’argumentation. L’auteur de la publication »The First Knowledge Economy« appartient à ce deuxième groupe.
Sa publication est notamment basée sur la comparaison de la Grande Bretagne et la France. Elle mentionne néanmoins les Pays­Bas et la Belgique pour renforcer la démonstration concernant la France. Jacob développe une argumentation très simple: l’histoire commence traditionnellement avec la machine à vapeur et son rôle dans l’industrialisation de l’Europe. Cependant, elle rejette les explications générales de sa première expansion en Angleterre, qui dominent jusqu’à aujourd’hui – avant tout le niveau de salaire élevé et l’accès facile au charbon – et examine l’éducation et la situation de la société anglaise. Elle le fait en réinterprétant la vie de James Watt et Matthew Boulton, dont les noms sont liés au succès économique de la Grande Bretagne. Jusqu’à présent, on estimait que Watt avait inventé une machine à vapeur exceptionnelle, la Newcomen, alors que Boulton Ralph Hippe, Spatial clustering of human capital in the European regions, dans: Économies et sociétés (série AF) 46 (2013), p. 1077–1104.
1
Jörg Baten, Kitae Sohn, Impoverished, but Numerate? Early Numeracy in East Asia (1550–1800) and its Impact on 20th and 21st Century Economic Growth, CEPR Discussion Papers no. 9991, C.E.P.R. Discussion Papers 2014­05 (http://econpapers.repec.org/paper/cprceprdp/9991.htm).
2
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disposait lui, du capital pour la mettre sur le marché. Jacob montre que tous deux avaient les connaissances nécessaires pour comprendre la machine à vapeur et pour en profiter sur le plan économique. De plus, Jacob »complète« le concept de l’entrepreneur exposé par Max Weber en soulignant, qu’à l’époque ce concept était également caractérisé par une vision du monde »scientifique« et non seulement religieuse (p. 47). Selon elle, Boulton et Watt étaient issus d’un milieu social qui valorisait le savoir scientifique. Le partenariat entre John Kennedy et de James M’Connel, deux »barons du coton«, ressemble à l’association entre Boulton et Watt qui montre que cet exemple était certes exceptionnel, mais pas unique.
L’analyse de la France explique à l’inverse le processus du »retard économique« tout en renforçant son argumentation sur le développement anglais. Jacob estime que les institutions d’éducation en France, avant tout les universités et les bibliothèques, n’étaient pas adaptées aux étudiants qui s’intéressaient aux sciences techniques. Il a fallu attendre la Révolution de 1789 pour voir entrer la science dans l’éducation. Cependant, la Restauration après 1815, a réinstauré la situation antérieure. Pour le démontrer, Jacob analyse le développement des Pays­Bas et de la Belgique. La Révolution y avait également produit ses effets, et la science était donc devenue un élément important de l’éducation. Toutefois, après la défaite de la France en 1813, les Pays­Bas ont restauré le système ancien et le curriculum d’avant la Révolution française. À l’inverse, la Belgique a certes modifié le curriculum, mais sans effacer les sciences techniques. En ce sens, la Belgique a plus profité de la Révolution française que la France elle­même.
Que peut­on en déduire? Jacob ne se réfère pas explicitement à ce qu’on appelle la »deuxième révolution économique«, c’est­à­dire à la montée de la production de la valeur ajoutée immatérielle de Douglas North3, bien qu’il y ait de bonnes raisons. En effet, dans son analyse, North argumente que l’introduction du savoir scientifique dans l’économie a eu lieu pendant la deuxième moitié du XIXe siècle. Évidemment, North lui­même sait très bien qu’il s’agit en fait d’un processus qui avait commencé avant les années 1870. Néanmoins, les explications de Jacob montrent, qu’industrialisation et »économie du savoir« sont liées depuis le début, et qu’il faut s’interroger sur la distinction de la montée de l’économie du savoir dans le processus d’industrialisation.
Ils restent néanmoins des questions: Jacob n’écrit pas non plus explicitement que l’économie du savoir contemporaine prend ces racines dans le XVIIIe siècle. Pourtant, les raisons de sa montée semblent très modernes: l’éducation, une culture qui valorise les sciences techniques, le nombre et la qualité des instituts de recherche … En effet, sont bien des éléments très importants aujourd’hui encore. À partir de cet ouvrage, on pourrait aller plus loin en se demandant s’il y a vraiment eu une révolution économique ou industrielle, ou si, en fin de compte, nous ne profitons pas tout simplement d’un processus qui a commencé il y a plus que 250 ans?
3
Douglas North, Structure and Change in Economic History, New York 1981, p. 159.
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