Andrea von Hülsen-Esch (Hg.), Inszenierung und Ritual in Mittelalter

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Andrea von Hülsen-Esch (Hg.), Inszenierung und Ritual in Mittelalter
Francia-Recensio 2008/4
Mittelalter – Moyen Âge (500–1500)
Andrea von Hülsen-Esch (Hg.), Inszenierung und Ritual in Mittelalter und
Renaissance, Düsseldorf (Droste) 2005, 322 p. (Studia Humaniora –
Düsseldorfer Studien zu Mittelalter und Renaissance, 40), ISBN 3-7700-0850-2,
EUR 25,80.
rezensiert von/compte rendu rédigé par
Florian Defferrard, Fribourg
Mise en scène et rituel sont actuellement des sujets qui passionnent le monde de la recherche
scientifique et le grand public. En leur consacrant un cours public au semestre d’hiver 2004/05,
l’Institut de recherche pour le Moyen Âge et la Renaissance de l’université Heinrich-Heine de
Düsseldorf s’est proposé d’ouvrir ces thématiques à une vision pluridisciplinaire. La diversité des
éclairages et des sources des onze contributions de l’ouvrage a rendu pratiquement impossible leur
classement. L’éditeur s’y est essayé sans grand succès. Ni la chronologie, ni la thématique propre des
articles n’ont suffi à leur donner une impression de suite logique. Donner une synthèse de ces
contributions eût relevé de la gageure. Le volume n’en contient évidemment pas. Dans l’introduction,
A. von Hülsen-Esch se limite à présenter brièvement les articles un à un. Le compte-rendu de
l’ouvrage suivra la même démarche que l’éditeur.
L’article de Ch. Kann s’articule autour de la quaestio disputata et montre comment cette dernière est
mise en scène dans les universités médiévales. La dispute, avec sa dramaturgie savamment calculée,
devient un rituel de transmission du savoir à part entière, ce qu’illustre la tenue régulière des séances
et le déroulement préparé de celles-ci. L’auteur n’oublie pas de mettre en exergue l’énorme décalage
entre les sources et la réalité des disputes: les textes suivent un canevas établi auxquels ils ne
peuvent pas déroger, loin de la vivante émotion des débats.
B. Haupt explique, sur la base des Minnesang de la fin du XIIe siècle au début du XIIIe siècle, la mise
en scène de la laideur. Le laid ne sert pas seulement à mettre en valeur le beau dans la littérature
courtoise. L’aspect physique repoussant ne reflète pas nécessairement une nature intérieure
mauvaise. Tel la sibylle du Roman d’Enée d’Heinrich von Veldeke, les êtres laids appartiennent
pleinement à l’humanité en servant de pont entre le réel et le surnaturel.
L’église abbatiale de Saint-Denis est le résultat du programme de renovatio de l’abbé Suger et de la
capacité des maîtres d’œuvre à retranscrire ce même programme dans la pierre. J. Wiener tend à
démontrer qu’il faut situer l’invention du gothique, nouveau langage architectural, en 1144 dans
l’abbaye royale. Synthèse des fonctions liturgique, mémoriale et sacramentelle, le chœur de SaintDenis constitue la mise en scène d’une réalité nouvelle. L’architecture devient la scène d’où doit jaillir
la lumière. J. Laudage vient affiner les récentes recherches de Gerd Althoff sur la mise en scène du
pouvoir et de ses rituels en considérant un ensemble de sources beaucoup plus important: grâce à
tous les écrits impériaux et à tous les objets (cuve baptismale, monnaies, sceaux, tapisseries,
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miniatures et peintures) représentant le souverain, l’auteur montre comment Frédéric Barberousse, un
illettré, a su mettre en scène sa souveraineté dans l’univers oral des chevaliers ainsi que dans celui
écrit des lettrés. Cette dramaturgie apparaît avant tout rythmée de moments religieux, de rituels où le
pouvoir saisit l’occasion de se mettre en scène.
L’article de St. Weinfurter s’intéresse au rituel d’investiture et à son corollaire la destitution. Dès le X e
s., l’investiture royale se rapproche de celle des évêques, faisant du roi, représentant de l’Autorité, un
serviteur de Dieu. Le roi exerce un pouvoir ritualisé lors des cérémonies de destitution, lorsque le sujet
repentant vient demander la gratia. L’influence du droit canon entraîne dès 1150 un changement
conséquent: le vassal s’oblige envers son souverain non plus par un serment personnel, mais par la
loi. Dès lors, l’octroi ou le refus de la grâce est soumis à la loi et non plus à la bonne volonté royale. H.
Hecker décrit, selon des sources russes du XIIIe au XVe s., comment le Khan organise la réception de
ses hôtes étrangers. Cette contribution montre à quel point le Khan domine son interlocuteur et à quel
point l’accomplissement d’un rituel selon des règles précises s’avère nécessaire au bon déroulement
de la rencontre, qui plus est entre deux cultures antagonistes. T. Mischalsky s’intéresse aux
monuments funéraires de la noblesse napolitaine vers 1500. L’examen des chapelles familiales
révèlent la présence de deux éléments distincts formant un ensemble: le sarcophage et le banc de
marbre. Si la symbolique du sarcophage est connue, la signification d’un élément de mobilier courant
sous une forme pétrifiée et à des dimensions monumentales requiert une explication. Le banc de
marbre invite à la pratique des actes rituels de mémoire envers le défunt nommé par une inscription.
Au-delà de sa fonction sacramentelle, le sediale reflète l’ordre de la société nobiliaire napolitaine qui
se constitue, grâce à ces monuments, une identité propre par rapport aux dirigeants aragonais.
Après une brève introduction au concept de »Inszenierung« dans l’historiographie allemande, A.
Landwehr propose une analyse de la mise en scène du territoire. L’espace est délimité par des limites
fictives: tout tangibles qu’ils soient, les bornes, éléments du paysage naturel, bâtiments ou lignes sur
une carte servant à manifester une frontière ne sont que les représentations de celle-ci. C’est bien
plus le discours qui permet de dresser le contour d’un territoire comme l’illustre l’exemple de la Venise
du XVIe siècle. Cette description verbale de l’espace remet en question la vision aplatie que nous en
donnent aujourd’hui les cartes et images satellites. Ayant déjà réalisé une étude sur l’influence de la
mythologie antique à la cour anglaise de la fin du XV e au début du XVIIe siècle, U. Baumann reprend
le même cadre chronologique pour analyser la mise en valeur de la tradition arthurienne. La dynastie
des Tudor puis celle des Stuart semble plus attachée au cycle arthurien qu’à la mythologie classique.
Henri VII et Henri VIII s’affichent comme des chevaliers de la Table Ronde et redynamisent la pratique
des tournois. Le roi Arthur sera inclus dans la généalogie de la reine Elisabeth I ère alors que Jacques
Ier, unificateur des deux couronnes, s’identifiera directement au roi légendaire qui a rassemblé sous
son autorité les Angles et les Saxons. Moyen de clore un conflit au Moyen Âge, le rituel de la deditio
change de signification à la cour de l’empereur Charles Quint au XVI e siècle. Il devient une obligation
pour les vaincus. Ces derniers, partisans de la Réforme, considèrent que la génuflexion devant Dieu
ne s’impose pas. Le fait de les contraindre publiquement à une génuflexion devant l’empereur
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s’apparente clairement à une humiliation ritualisée. B. Stollberg-Rilinger montre comment l’Empereur
Charles Quint use de cette pratique entre 1547 et 1554 avant de devoir se résigner devant les princes
protestants en 1555. V. Borsò étudie la théâtralisation collective figurée dans l’art baroque espagnol.
Les souverains espagnols, dès Felipe II, ambitionnent de restaurer la grandeur politique de l’Espagne
en appuyant les desseins de l’Église. L’Escorial constitue une éloquente illustration des liens
idéologiques entre l’Église et la monarchie. Pour appuyer les visées absolutistes des rois
habsbourgeois, la pratique rituelle fait un retour au Moyen Âge en s’inspirant de la cour de Bourgogne
du XVe s. C’est dans cette entreprise empreinte de nostalgie qu’il faut comprendre l’intervention à la
cour royale des peintres sévillans comme Zurbaran et Vélasquez. L’Espagne du XVII e s. interprète son
présent avec des rituels significatifs basés sur un passé idéalisé.
En définitive, ce quarantième volume des »Studia humaniora« a les défauts de ses qualités. Les
contributions empruntent souvent le ton libre du cours pour lequel elles ont été préparées et cela rend
leur lecture agréable. Chaque article contient d’abondantes notes de bas de page et est parfois
agrémenté d’illustrations dans les annexes. La diversité des points de vue invoqués ainsi que celle
des sujets abordés montrent la richesse de réflexions engendrées par les thèmes de la mise en scène
et du rituel. La faiblesse de l’ouvrage se situe néanmoins dans cet éclatement de la thématique
proposée par les différents auteurs. Le chercheur en quête d’une vue globale sur la mise en scène et
le rituel n’y trouvera que quelques détours sur les notions et concepts. Le spécialiste restera sur sa
faim car les articles n’ont pas été conçus dans le but d’être exhaustifs mais dans celui de s’adresser à
un large public. À ce propos aussi, j’émets quelques réserves car il me semble que, si le grand public
accueille bienveillamment des séances de cours sans lien évident entre elles, il cherchera plutôt à
acquérir un livre offrant une vision générale, plus compacte et plus efficace, de la thématique.
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