Police and Politics in Marseille, 1936–1945

Transcription

Police and Politics in Marseille, 1936–1945
Francia­Recensio 2015/3
19./20. Jahrhundert – Histoire contemporaine
Simon Kitson, Police and Politics in Marseille, 1936–1945, Leiden (Brill Academic Publishers) 2014, XVIII–307 p. (History of Warfare, 95), ISBN 978­90­04­24835­9, EUR 115,00.
rezensiert von/compte rendu rédigé par
Robert Mencherini, Marseille
Depuis de nombreuses années, Simon Kitson, aujourd’hui professeur associé à l’université d’Auckland, en Nouvelle­Zélande, est connu pour d’excellentes recherches sur la police en France au XX e siècle, ancrées dans la région de Marseille, mais de portée nationale. Jusqu’à ce jour, on en trouvait les résultats, en France, dans diverses publications issues d’enquêtes et de colloques1. La parution de ce nouvel opus met en valeur les hypothèses de travail de l’auteur, en particulier sa volonté de questionner un certain nombre d’idées reçues, comme la soumission totale de la police au gouvernement de l’État français et aux nazis.
Kitson commence par démêler, dans une note préliminaire très bien venue, l’imbroglio des divers services de police depuis, d’une part, la Sûreté nationale qui devient Police nationale en 1941, avec ses trois branches de Police spéciale (modifiée en Renseignements généraux en 1941), Surveillance du territoire et Police mobile (transformée en Police judiciaire), et, d’autre part, la Police municipale, étatisée, dans le cas de Marseille, en 1908, et convertie en Police d’État.
L’objet principal de l’ouvrage est défini dans l’introduction: les forces dépendant du ministère de l’Intérieur, ce qui exclut, par exemple, la gendarmerie ou les Milices patriotiques, sinon dans leurs rapports avec la police. La délimitation géographique est liée au rôle joué par Marseille pendant la période, trop souvent ignoré ou sous­estimé, oblitéré par des légendes dorées ou noires, celles de la France des loisirs ou du gangstérisme. Au sein d’un pays éclaté depuis la défaite, Marseille joue un rôle essentiel du fait de sa position géographique et stratégique. La prise en compte des spécificités phocéennes permet aussi de fortement nuancer des études centrées sur la capitale et qui tendent à projeter la situation parisienne sur l’ensemble du territoire. L’auteur s’inscrit ainsi dans les recherches qui, depuis une vingtaine d’années, essaient d’écrire une autre histoire que celle des centres de pouvoir traditionnels. La période est celle des années de tourmente avec les sommets, à gauche du Front populaire et de la Libération, et à droite de Voir: Simon Kitson, À l’épreuve du politique. Marseille 1936–1938, dans: Jean­Marc Berlière, Denis Peschanski (dir.), La police française (1930–1950). Entre bouleversements et permanences, Paris 2000, p. 43–57; id., L’évolution de la Résistance dans la police marseillaise, dans: Jean­Marie Guillon, Robert Mencherini (dir.), La Résistance et les Européens du Sud, Paris 1999, p. 257–270; id., Vichy et la chasse aux espions nazis, 1940–1942. Complexité de la politique de collaboration, Paris 2005.
1
Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der Creative­Commons­Lizenz Namensnennung­Keine kommerzielle Nutzung­Keine Bearbeitung (CC­BY­NC­ND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: https://creativecommons.org/licenses/by­nc­nd/4.0/
Vichy. Les grands bouleversements font souvent apparaître des structures masquées en temps ordinaire.
L’ouvrage s’organise selon un plan chronologique, des années 1930 à celles de l’après­guerre, la majeure partie (plus de 200 pages sur 307) étant toutefois consacrée aux années 1940. Il analyse l’attitude de la police face aux grands événements qui touchent l’ensemble du pays (Front populaire, mise en place du gouvernement de Vichy, de sa politique de Collaboration, antisémite, et du Service du travail obligatoire (STO), Libération, etc.) et ceux qui bouleversent plus particulièrement la cité phocéenne comme l’évacuation et la destruction, en janvier­février 1943, des quartiers populaires du Vieux­Port.
Le grand intérêt de l’étude est que la police n’est pas considérée comme un univers clos. Son évolution interne est évidemment analysée, comme, par exemple, les effets centralisateurs des réformes de 1941. Mais le parti pris de l’auteur est de la situer comme un intermédiaire entre l’État et la population. Elle constitue également, de ce fait, un observatoire privilégié en matière sociale. Elle nécessite, en retour, la prise en compte des effets des évolutions sociales et politiques sur l’institution elle­même. Une analyse de ce type, en tension entre État et société, suppose une excellente connaissance à la fois des institutions et du contexte. Kitson, de ce point de vue, réussit parfaitement son pari.
L’auteur offre, pour chaque sous­période, des réflexions stimulantes. Il met en évidence, au temps du Front populaire, l’influence des socialistes et des francs­maçons au sein d’une Police devenue d’État, mais tout de même très liée aux autorités municipales. Pour la Seconde Guerre mondiale, dans la lignée des études les plus récentes qui réévaluent le rôle des policiers dans la Résistance, il interroge le stéréotype d’une police qui aurait servi, indifféremment, la République ou l’État français et même, parfois, aurait été, sans regimber, entièrement soumise à Vichy pendant toute la période. Kitson estime que cette représentation n’est pas totalement infondée, mais doit être passée au crible de la chronologie, des niveaux de responsabilité et des objectifs poursuivis. Ainsi, à une brève période d’enthousiasme succède rapidement une désillusion qui se traduit par l’inefficacité croissante d’une répression exercée plus facilement contre les communistes que contre les gaullistes, contre les juifs que contre les requis du STO ou les francs­maçons. Ce qui explique que le relais répressif soit ensuite pris en charge directement par les occupants ou les collaborationnistes, comme le Parti populaire français (PPF), puissant à Marseille ou la Milice. Avec le chapitre sur la chasse aux espions nazis, thème déjà développé dans un ouvrage précédent, l’auteur montre toute l’ambiguïté de l’action des services secrets qui relève de la défense d’un État soucieux de s’affirmer et non de la Résistance. Tous ces points sont bien documentés pour la période de l’Occupation. Ils mériteraient sans doute approfondissement et discussion pour la période de la Libération autour de la création des CRS, de la dissolution des Gardes civiques républicaines et de la crise de janvier 1945 qui voit le rappel du commissaire régional de la République, Raymond Aubrac, à Paris. Mais l’ensemble constitue une synthèse remarquable, dont les conclusions, selon l’auteur, peuvent Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der Creative­Commons­Lizenz Namensnennung­Keine kommerzielle Nutzung­Keine Bearbeitung (CC­BY­NC­ND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: https://creativecommons.org/licenses/by­nc­nd/4.0/
être étendues à la plus grande partie de la province française. Ce qui, selon nous, mérite aussi confirmation, compte­tenu de l’éclatement du pays pendant cette période.
La qualité des travaux de Simon Kitson repose aussi sur l’utilisation d’une abondante bibliographie (présentée en onze pages en fin d’ouvrage), sur le dépouillement de nombreux fonds d’archives écrites, fonds des Archives nationales (Paris et Fontainebleau), du Centre de documentation juive contemporaine, du Service historique de la Défense, des archives départementales (en particulier Bouches­du­Rhône et Seine Saint­Denis) et le recueil de témoignages. Ces sources sont indiquées en notes infrapaginales. L’ensemble est complété par un index. Le tout constitue un ouvrage de référence dont on souhaite qu’il puisse être rapidement traduit en français.
Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der Creative­Commons­Lizenz Namensnennung­Keine kommerzielle Nutzung­Keine Bearbeitung (CC­BY­NC­ND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: https://creativecommons.org/licenses/by­nc­nd/4.0/

Documents pareils