La confiance ou la soumission
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La confiance ou la soumission
ÉDITORIAL Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives.rfg.revuesonline.com JACQUES BARRAUX La confiance ou la soumission D eux espaces, deux sources de conflits, deux logiques d’arbitrage pour les entreprises et les organisations. D’un côté, l’espace de l’État avec ses lois, ses règlements et son pouvoir de contrainte. De l’autre, le monde extérieur – européen et mondial – avec sa dynamique, ses désordres et ses séductions. En 1776, Adam Smith publiait son grand livre Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations. Il y comparaît les performances respectives des nations libérales et des régimes dirigistes en fonction de l’intensité d’initiative privée accordée aux entrepreneurs. Convaincu de la supériorité du modèle britannique et hollandais, il soulignait les risques élevés de corruption et de conflits d’intérêts dans l’entourage du prince d’un État autoritaire et mercantiliste. Pour lui, le meilleur aiguillon du comportement éthique des acteurs économiques à la recherche du profit maximum tenait à deux facteurs : la garantie d’une vraie concurrence et l’accès de tous à une bonne information. Trois siècles plus tard, le débat sur la corruption, la concurrence et l’information, a pris une dimension nouvelle dans un pays conscient de ses contradictions. Une France immergée dans l’économie mondialisée mais attachée à sa tradition d’économie mixte. Le coup de tonnerre de l’inculpation d’un ministre de l’Impôt d’un gouvernement de gauche soupçonné d’évasion fiscale Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives.rfg.revuesonline.com 8 Revue française de gestion – N° 231/2013 illustre jusqu’à la caricature les limites d’un modèle ni vraiment libéral ni vraiment socialiste. L’éternel conflit entre la France des frontières ouvertes et celle de l’économie administrée a souvent paralysé la lutte contre la corruption et les pratiques ambiguës. Le combat prend aujourd’hui une dimension nouvelle à la suite de deux phénomènes majeurs : l’accélération de la mondialisation de l’économie d’une part, l’explosion des réseaux internet d’autre part. Deux phénomènes qui transforment les rapports de force traditionnels entre secteur privé et secteur public. En France comme dans le reste du monde, un troisième acteur est venu bousculer le face à face tendu entre l’entreprise privée et l’État : le « secteur pluriel ». Il regroupe la multitude des organisations issues de mouvements sociaux comme les ONG, les associations, les cercles d’études, les collectifs X ou Y, etc. Autant d’organismes plus ou moins autonomes, qui inondent les réseaux sociaux et jouent un rôle déterminant dans la « fabrique » de l’opinion publique. Une opinion publique par ailleurs alimentée en continu par les perceurs de coffres-forts numériques et qui se découvre un véritable pouvoir de vie et de mort sur les vieilles hiérarchies du public et du privé. Les administrations publiques et les entreprises ont toujours navigué entre deux stratégies pour asseoir leur pouvoir : la confiance ou la soumission. Gagner la confiance des administrés ou des clients par la qualité du service rendu et la volonté explicite de participer au bien commun. Se prévaloir de la supériorité de son offre pour soumettre les administrés ou les clients à sa volonté de domination. L’exposition permanente aux regards indiscrets, l’interpellation quotidienne des relais de l’opinion publique, l’obligation de rendre des comptes sont autant d’obstacles sur le chemin des organisations arrogantes. Mais la confiance ne se gagne pas facilement dans une France façonnée par des siècles de centralisme, de relation d’autorité et d’organigrammes verticaux. Les vents dominants à l’extérieur et le désir de reconstruction morale à l’intérieur ouvrent la voie vers un nouveau contrat social entre la société française, l’État et l’entreprise. Ce serait la meilleure façon de sortir de la crise par le haut. SOMMAIRE Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives.rfg.revuesonline.com numéro 231 mars 2013 7 Éditorial – Jacques Barraux 11 Ont contribué à ce numéro 15 La difficile institutionnalisation d’une GRH territoriale. Une étude de cas exploratoire Nicolas Arnaud, Stéphane Fauvy, Hadj Nekka 35 Confiance ou défiance, le paradoxe de l’auto-entrepreneuriat Brigitte Pereira, Alain Fayolle 55 Substitution d’enseignes. Impact sur l’image de marque du distributeur Pauline de Pechpeyrou, Isabelle Collin-Lachaud, Maud Herbert Dossier : Fraude et gestion Sous la direction de Julien Le Maux, Nadia Smaili, Walid Ben Amar 73 De la fraude en gestion à la gestion de la fraude. Une revue de la littérature Julien Le Maux, Nadia Smaili, Walid Ben Amar 87 Peut-on faire mentir les chiffres ? L’embellissement des informations financières par la comptabilité d’intention Nathalie Dagorn, Guillaume Biot-Paquerot, Aurélien Didierjean 103 La bienveillance, un remède antifraude ? Une analyse compréhensive étayée par un cas d’intégrité occupationnelle Philippe Jacquinot 117 La maîtrise du risque de fraude par des mécanismes informels. Le cas d’une PME familiale Cindy Zawadzki 133 Fraudes à l’information comptable et financière et contrôle de l’AMF. Une étude des réactions du marché financier français Constant Djama 159 Summary 163 Note aux auteurs Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives.rfg.revuesonline.com Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives.rfg.revuesonline.com ONT CONTRIBUÉ À CE NUMÉRO Nicolas ARNAUD est professeur de management des ressources humaines à Audencia Nantes École de management. Il a en charge la spécialisation en gestion des ressources humaines et occupe également le poste de directeur adjoint du programme grande école. Ses recherches portent sur la communication dans les situations de travail, les pratiques des managers intermédiaires lors de situations de changement, le pilotage des restructurations ainsi que la gestion territoriale des ressources humaines. Il est l’auteur de nombreuses communications scientifiques et de plusieurs articles au niveau national et international ainsi que d’un manuel aux éditions Ellipses intitulé Nouveaux enjeux de la GRH. Pratiques actuelles et études de cas. Walid BEN AMAR est professeur agrégé de comptabilité à l’École de gestion Telfer de l’Université d’Ottawa. Il est titulaire d’un Ph.D. en administration des affaires de HEC Montréal. Ses domaines de recherche comprennent la gouvernance d’entreprise, les fusions et acquisitions ainsi que les stratégies de communication financière des sociétés cotées. Il a publié les résultats de ses travaux de recherche dans différentes revues francophones et anglophones. Guillaume BIOT-PAQUEROT est titulaire d’un doctorat en sciences de gestion, il est professeur associé au sein du Groupe Sup de Co La Rochelle, et affilié à l’Institut de recherche en gestion des organisations (IRGO) de l’Université de Bordeaux IV. Ses travaux portent la gouvernance publique et la création de valeur. Aujourd’hui, il s’intéresse à l’application des approches partenariales aux systèmes d’information. Isabelle COLLIN-LACHAUD est professeur des universités en sciences de gestion à l’Université Lille Nord de France – IMMD (Institut du marketing et du management de la distribution). Ses travaux de recherche portent, d’une part, sur les nouveaux comportements du consommateur et d’autre part, sur l’analyse des stratégies que les entreprises (de la distribution notamment) adoptent pour s’y adapter. Elle a publié plusieurs chapitres d’ouvrages ainsi que des articles dans des revues françaises et internationales. Nathalie DAGORN est professeur assistant à ICN Business School NancyMetz et membre du laboratoire CEREFIGE. Titulaire d’un doctorat en sciences de gestion, ses thématiques de recherche portent principalement sur la sécurité de l’information mais peuvent dépasser ce cadre dans une perspective interdisciplinaire (ressources humaines, audit, comptabilité, etc.). Elle est auteur ou coauteur de chapitres d’ouvrages et d’articles de revues internationales classées en économie et gestion, ainsi que de nombreuses communications dans des conférences internationales. Elle est également relectrice pour la revue Systèmes d’Information et Management (ESKA) et pour les principales conférences académiques en systèmes d’information (ICIS, ECIS, AIM, etc.). Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives.rfg.revuesonline.com 12 Revue française de gestion – N° 231/2013 Constant DJAMA est maître de conférences en sciences de gestion et membre du Centre de recherche en management (CRM) de l’Université de Toulouse – Capitole/IAE. Ses travaux de recherche portent d’une part, sur différents aspects du contenu et de la qualité des informations comptables et financiers, et d’autre part, sur les liens entre le droit et la comptabilité. Ces recherches ont donné lieu à plusieurs communications dans des congrès et à des publications dans des revues scientifiques et ouvrages collectifs. Aurélien DIDIERJEAN, diplômé de master CCA (contrôle comptabilité audit) à l’ISAM-IAE de l’Université Nancy 2 a obtenu son diplôme supérieur de comptabilité et de gestion) DSCG en 2010. Débute sa carrière professionnelle (octobre 2010) au sein du cabinet CFGS à Épinal, membre du réseau national Eurus. Expert-comptable stagiaire il est responsable de portefeuille et en charge diverses missions telles : les professions libérales, l’élaboration de comptes consolidés, le commissariat aux comptes ou bien encore la mise en place d’indicateurs de gestion pour les créateurs d’entreprise. Stéphane FAUVY est professeur associé, responsable des enseignements de gestion des ressources humaines à l’ESSCA École de Management et co-responsable du master 2 ESSCA-UCO « Ingénierie des ressources humaines ». Ses travaux de recherche portent sur la contribution de la GRH aux situations de changement stratégique et organisationnel. Ses dernières publications concernent la gestion territoriale des emplois et des compétences, la professionnalisation en gestion des ressources humaines et les spécificités des dispositifs de GRH au sein des entreprises de l’économie sociale et solidaire. Alain FAYOLLE est professeur et directeur de centre de recherche à EM Lyon Business School. Il est par ailleurs chercheur au CERAG (Unité mixte de recherche CNRS/Université Pierre Mendès France de Grenoble), professeur visiteur à l’École hôtelière de Lausanne et éditeur associé de Journal of Small Business Management. Il est également rédacteur en chef de la Revue de l’Entrepreneuriat et d’Entreprendre & Innover. Ses principaux centres d’intérêt recouvrent l’étude des processus de création d’activités innovantes, l’entrepreneuriat organisationnel, la création d’entreprise par nécessité et l’enseignement en entrepreneuriat. Il est l’auteur de plus d’une centaine de publications académiques et professionnelles. Il vient de recevoir un prix international pour ses travaux sur l’éducation entrepreneuriale. Maud HERBERT est maître de conférences en sciences de gestion à l’Université Lille Nord de France – IMMD (Institut du marketing et du management de la distribution). Ses centres d’intérêt en recherche s’inscrivent dans une approche culturelle de la consommation et reposent sur un intérêt fondamental pour les méthodologies qualitatives. Ses travaux concernent l’analyse des phénomènes de consommation, en particulier les phénomènes minoritaires et les effets des pratiques normatives en marketing (membre ANR jeune chercheur sur l’ethnicité dans la consommation, membre du projet interdisciplinaire Sobriétés). Dans le cadre de l’IMMD, ses compétences méthodologiques permettent de participer aux travaux concernant les nouvelles Ont contribué à ce numéro Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives.rfg.revuesonline.com formes de commerce dans le secteur de la distribution. Philippe JACQUINOT, après avoir exercé pendant dix ans des responsabilités financières dans des groupes internationaux, est actuellement maître de conférences en sciences de gestion à I’Université d’Évry Val d’Essonne et chercheur au TEM Research. Il s’intéresse, d’un point de vue fondamental, aux questions de la fragilité humaine et de l’intégrité personnelle. Ses travaux s’appliquent sur la prévention de la fraude, la gestion des conflits collectifs de travail et l’inclusion des personnes handicapées. Il donne des cours en éthique et responsabilité de l’entreprise. Julien LE MAUX est professeur agrégé à HEC Montréal. Titulaire d’un doctorat en sciences de gestion de l’Université Paris I Panthéon Sorbonne, ses travaux de recherche portent sur le gouvernement d’entreprise, la protection des actionnaires minoritaires, les fusions et acquisitions, les introductions en bourse et la rémunération des auditeurs. Il a publié les résultats de ses travaux dans des revues académiques, françaises et anglo-saxonnes Hadj NEKKA est maître de conférences-HDR à l’Université d’Angers (IUTGRANEM). Ces travaux abordent les interfaces entre le management stratégique et la gestion des ressources humaines. Il a publié de nombreux articles dans des revues à comité de lecture ou des colloques nationaux et internationaux. Il est actuellement membre permanent du conseil scientifique de l’ADERSE et secrétaire général de l’observatoire des pratiques de gestion dans les 13 pays du Maghreb. Il vient de coordonner un dossier spécial dans Revue Business Management Review sur les pratiques de gestion des ressources humaines dans les filiales des multinationales implantées au Maghreb. Pauline de PECHPEYROU est maître de conférences en sciences de gestion à l’Université Paris Ouest Nanterre la Défense. Ses recherches couvrent trois champs principaux : les réactions des consommateurs face aux offres promotionnelles (notamment leur degré de scepticisme), la prise en compte de la recommandation interpersonnelle dans le calcul de la valeur client (la Referral Customer Value) et le privacy paradox, notamment dans le cadre des applications mobiles basées sur la géolocalisation. Ses recherches ont été présentées lors de conférences internationales et ont donné lieu à des publications dans des revues françaises et internationales. Brigitte PEREIRA est professeur de droit et de responsabilité sociale des entreprises à l’École de management de Normandie. Elle est chercheure en droit et RSE au sein du Centre de recherche METIS et du Laboratoire NIMEC de l’IAE de Caen. Ses travaux concernent l’éthique pénale des entreprises, l’entrepreneuriat illicite, les rapports contractuels et sociaux entre entreprises, organisations, fournisseurs, et soustraitants. Elle est l’auteur de plus d’une trentaine de publications académiques et professionnelles, relatives à l’intégration des droits de l’homme en entreprise dans le contexte de la mondialisation, à la prévention de la fraude en entreprise, à la flexisécurité, et aux plans sociaux. Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives.rfg.revuesonline.com 14 Revue française de gestion – N° 231/2013 Nadia SMAILI est professeure au département sciences comptables à l’École des sciences de la gestion (ESG-UQAM). Elle est détentrice d’un Ph.D. en administration de HEC Montréal. Sa thèse portait sur la prévention et la détection de la fraude aux états financiers et le rôle de la gouvernance. Ses principaux thèmes de recherche sont dans le domaine de la gouvernance, la fraude, et la transparence des états financiers. Elle est auteure de plusieurs articles portant sur la structure du conseil d’administration et la fraude. Elle est chercheure associée à la chaire en droit des affaires et du commerce internationale dirigée par S. Rousseau et à la chaire en gouvernance et juricomptabilité dirigée par R. Labelle. Cindy ZAWADZKI est enseignant-chercheur en contrôle de gestion à Reims Management School depuis septembre 2009. Elle est membre du Value And Persuasion Research Center à RMS et du laboratoire HuManiS de l’EM Strasbourg. Ses travaux de recherche portent sur la qualité des prises de décision et l’introduction de dispositifs de gestion dans les organisations, plus particulièrement les PME.