Pour en finir avec le mythe d`un statut protecteur…

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Pour en finir avec le mythe d`un statut protecteur…
Article paru dans la revue Gestions Hospitalières, n°520, p.573 –
Décembre 2012
Jean-Yves COPIN
Juriste,
Consultant Centre de droit JuriSanté
Pour en finir avec le mythe d’un statut protecteur…
Il est des légendes tenaces. Par exemple, celle d’un statut de la fonction publique
protecteur. Non, le statut n’est pas un ensemble immuable. Non, le statut ne constitue pas
le frein incontestable à toute mise en place d’une réelle politique managériale à l’hôpital.
Le statut comporte des outils dont la mise en œuvre laisse à désirer….
Certes, pour appliquer le statut il y a des règles à respecter, des procédures à suivre, des
instances à consulter. Certes, il n’est pas possible de révoquer ou de licencier pour
insuffisance professionnelle sans organiser un conseil de discipline. Certes, il est impossible
de licencier un agent stagiaire sans avoir rassemblé un minimum de pièces.
Mais lequel d’entre nous contesterait ce formalisme si notre propre compétence était
remise en cause ? Lequel d’entre nous considérerait comme normal de ne pas pouvoir
contester une décision défavorable devant le juge ?
Alors oui, le statut de la fonction publique encadre les possibilités de se séparer d’un
fonctionnaire (ou futur fonctionnaire) de « garde-fou ». Mais non, le statut n’est pas cette
« chape de plomb » tant décriée.
A force de prétendre que rien n’est possible contre un fonctionnaire, l’imaginaire collectif a
fini par le croire. Tout est possible, dans la fonction publique comme dans le privé.
Rejeter la faute de l’inaction aux organisations syndicales est une erreur. Ils défendent les
agents, c’est leur rôle. Mais les instances ne sont que consultatives…
Il n’est pas toujours facile de réunir les preuves nécessaires. C’est certain. Mais à se
convaincre que les dossiers sont impossibles à constituer il ne se passe rien.
Et tout le monde y perd…Les managers, puisqu’un mauvais agent, une charge de travail mal
répartie ou un stagiaire que l’on titularise malgré son incompétence démotive l’ensemble
d’une équipe. Les syndicats, puisqu’une poignée de personnes jette le discrédit sur la
fonction publique dans son ensemble. Les fonctionnaires eux-mêmes qui risquent de voir
leur statut contesté pour ne pas avoir été appliqué.
Pour illustrer le propos, quatre points vont être ici rappelés : le licenciement d’un agent
stagiaire, le licenciement pour insuffisance professionnelle, la révocation pour motif
disciplinaire et la perte d’emploi.
De quoi rappeler que ce n’est pas le statut qui est protecteur, mais ce que nous en avons
fait…
Le licenciement de l’agent stagiaire
Dans l’esprit du texte, lorsqu’un poste est vacant, on le propose aux autres fonctionnaires.
Dans l’attente de ce recrutement, le poste peut être occupé, et pour un an, renouvelable
une fois, par un contractuel. Si aucun fonctionnaire ne se présente, le poste est ouvert au
concours. Le lauréat du concours va alors être nommé. Cette nomination ne va pas lui
conférer le statut de fonctionnaire. Il sera stagiaire, et ce n’est qu’à l’issue de ce stage, et s’il
démontre son aptitude à la fonction pour laquelle il a été recruté, qu’il sera titularisé et
rentrera dans « la carrière ».
Le stage est prévu à l’article 37i du statut de la fonction publique hospitalière : « La
titularisation des agents nommés […] est prononcée à l'issue d'un stage dont la durée est
fixée par les statuts particuliers. »
Mais le dernier alinéa de cet article précise également que « l'agent peut être licencié au
cours de la période de stage après avis de la commission administrative paritaire
compétente, en cas de faute disciplinaire ou d'insuffisance professionnelle. Dans ce dernier
cas, le licenciement ne peut intervenir moins de six mois après le début du stage. »
Ainsi, l’agent stagiaire peut être licencié :
-
En cours de stage pour insuffisance professionnelle, à la condition d’avoir réalisé six
mois de stage ;
En cours de stage et à tout moment, pour faute disciplinaire,;
En fin de stage, pour insuffisance professionnelle.
Il n’est pas question ici d’inciter au licenciement d’agents stagiaires. Mais bien de rappeler
que le stage est une période d’essai. Que cette période d’essai doit donner lieu à des
évaluations régulières et qu’en cas de doute, il convient soit de prolonger le stage, soit de
mettre un terme à la situation en procédant à un licenciement.
Et lorsqu’il s’agit d’une promotion interne, il n’est pas exclu qu’un fonctionnaire soit
excellent dans un métier (et donc dans la réalisation des tâches qui lui sont dévolues par son
grade) et moins bon dans un autre. Il n’y a donc pas à craindre de ne pas titulariser un agent
dans un corps et de le réintégrer dans son corps d’origine…
La discipline
Là encore, la procédure existanteii ne doit pas faire hésiter : il est des situations où le recours
à des sanctions disciplinaires est indispensable.
N’oublions pas que l’avertissement et le blâme, sanctions du premier groupe, peuvent être
infligés sans saisine du conseil de discipline. Certes, un minimum de formalisme est
nécessaire. Il convient d’inviter l’agent à consulter son dossier administratif individuel et de
le convoquer à un entretien. Entretien au cours duquel il pourra se faire assister de la
personne de son choix. Sanctionner par un blâme un agent (pour des retards, des incivilités,
des négligences dans la réalisation) peut permettre une amélioration générale dans
l’attitude ou être un point d’étape à une sanction plus lourde.
Il semble cependant peu utile d’utiliser l’avertissement qui n’est pas inscrit au dossier du
fonctionnaireiii.
Le statut prévoit également des sanctions :
 Du deuxième groupe (la radiation du tableau d'avancement, l'abaissement
d'échelon, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze
jours) ;
 Du troisième groupe (la rétrogradation, l'exclusion temporaire de fonctions pour une
durée de trois mois à deux ans) ;
 Du quatrième groupe (la mise à la retraite d'office, la révocation).
Enfin, les agents stagiaires peuvent eux aussi être disciplinairement sanctionnés. Dans ce
cas, les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées sontiv :
 L'avertissement ;
 Le blâme ;
 L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de deux mois, avec
retenue de rémunération à l'exclusion du supplément familial de traitement ;
 L'exclusion définitive.
L’insuffisance professionnelle
Rarement utilisé, le licenciement pour insuffisance professionnelle est prévu à l’article 88 du
statut de la fonction publique hospitalière. Le fonctionnaire qui fait preuve d'insuffisance
professionnelle peut soit être admis à faire valoir ses droits à la retraite, soit être licencié. La
procédure à suivre est celle prévue en matière disciplinaire.
Un tel licenciement, pour pouvoir être prononcé, doit être basé sur une démonstration de
l’inaptitude d’un agent à « assumer les fonctions qu'il est appelé à exercer en tant que
fonctionnaire soumis à un statut définissant ses droits et obligations. v»
Cependant, le juge à pu préciser que d’autres éléments pouvaient être constitutifs d'une
insuffisance professionnelle. Ainsi, le directeur général du Centre National de la recherche
scientifique (CNRS) a pu, en 1998, prononcer le licenciement d’un chargé de recherche en se
fondant sur l'absence de toute publication depuis 1986 et sur l'absence de tout projet de
recherche depuis 1988 quand bien même aucun texte réglementaire ne prévoyait une telle
obligation pour l’agentvi.
Bien entendu, l’instruction du dossier d’insuffisance professionnelle de l’agent titulaire devra
faire l’objet d’une attention toute particulière. Une telle situation aurait pu, bien souvent,
être détectée dès le stage. Il convient alors de rassembler les témoignages et les rapports
des supérieurs hiérarchiques, de conserver les preuves, afin d’être en mesure de démontrer
l’exactitude matérielle des faits reprochés.
Cette procédure, trop souvent écartée par les établissements pour ne jamais avoir été mise
en œuvre « de mémoire de gestionnaire » peut être pourtant salutaire. Il est préférable en
effet d’assumer, dans les règles, et dans le respect de la personne un licenciement que de
« placardiser » un agent. Car dans ce cas, non seulement les effets déjà décrits nuiraient au
fonctionnement du service, mais en plus, le responsable de la situation pourrait être
poursuivi pour harcèlement moral…
La perte d’emploi
Encore plus méconnue la perte d’emploi figure pourtant dans le statut depuis 1986vii !. Il
s’agit de la suppression d’un emploi prononcé après avis du comite technique
d’établissement. De plus, si des suppressions d'emplois sont envisagées dans plusieurs
établissements d'une même région, la suppression effective de ces emplois ne peut
intervenir qu'après consultation, par le représentant de l'Etat dans la région, des conseils de
surveillance et des directeurs des établissements concernés ainsi que des organisations
syndicales représentatives.
Les réfractaires aux statuts pourront affirmer que cette procédure n’est jamais appliquée. Ils
auront raison. Cependant, elle existe. Et là encore la question n’est pas celle du statut mais
de son utilisation.
Ainsi, il est possible de supprimer des emplois dans un établissement. Il convient de
proposer un autre emploi (correspondant à son grade) à l’agent. Si l’établissement est dans
l’impossibilité et si l'intéressé ne peut pas prétendre à une pension de retraite à jouissance
immédiate et à taux plein, le fonctionnaire bénéficie d'une priorité de recrutement sur tout
emploi correspondant à son grade et vacant.
Le préfet doit alors proposer à l’agent trois emplois vacants correspondant à son grade.
Pendant la période de « replacement » le fonctionnaire reçoit de son établissement
d'origine sa rémunération principale. Cette prise en charge cesse lorsque le fonctionnaire a
reçu une nouvelle affectation ou a refusé le troisième poste proposé et, en tout état de
cause, six mois après la suppression d'emploi. Le fonctionnaire est alors soit licencié ( il
perçoit alors une indemnité) soit placé en disponibilité. Il continue alors de bénéficier d'une
priorité de recrutement sur le premier emploi correspondant à son grade, devenu vacant
dans son établissement d'origine.
L’indispensable rôle des cadres de santé
A l’exception de la perte d’emploi, l’utilisation des outils statutaires ne peut s’appliquer à
l’hôpital sans prise de conscience du rôle essentiel des cadres dans la gestion statutaire.
Il n’y aura pas à l’hôpital de licenciement en fin de stage, pas de sanction disciplinaire, et pas
de licenciement pour insuffisance professionnelle sans implication des cadres. Ils seront les
artisans de la constitution des dossiers. Mais ils ne seront pas les artisans isolés. Ils doivent
être formés mais surtout entendus et soutenus lorsqu’ils signaleront les difficultés
rencontrées avec un agent. Le développement d’un lien entre les cadres et le service des
ressources humaines est la condition indispensable à la mise en œuvre de ces procédures.
Mais pas uniquement. Il est le lien nécessaire à une réelle gestion des ressources humaines
qui, bien entendu, ne saurait avoir pour seule finalité de punir. Le statut n’a pas été créé
pour cela. Mais dire qu’il est en tout point protecteur est faux. Et ses défenseurs doivent
accepter de l’appliquer… s’ils veulent le sauver.
Pour tout renseignement:
Nadia HASSANI
[email protected]
01 41 17 15 43
i
Loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière
Décret n°89-822 du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires
relevant de la fonction publique hospitalière
iii
Le blâme, lui, est effacé automatiquement du dossier au bout de trois ans si aucune sanction n'est intervenue
pendant cette période (concernant les principes généraux de la discipline dans la fonction publique
hospitalière, se reporter aux articles 81 à 84 du statut).
iv
Décret n°97-487 du 12 mai 1997 fixant les dispositions communes applicables aux agents stagiaires de la
fonction publique hospitalière
ii
v
Conseil d’Etat, publié au recueil Lebon, 27 septembre 2000, n°19071.
Conseil d’Etat, publié au recueil Lebon, 27 septembre 2000, n°19071.
vii
Articles 92 à 94 du Titre IV.
vi

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