Licenciement : un risque toujours présent

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Licenciement : un risque toujours présent
CARRIÈRE
Licenciement :
un risque
toujours présent
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Ça n’est pas parce
qu’on travaille dans
la fonction publique
qu’on ne peut pas être
licencié. Même pour
les fonctionnaires,
la possibilité existe,
essentiellement
pour des motifs
disciplinaires.
L
e risque de licenciement de la fonction
publique territoriale existe bien, et ce,
pour différents motifs et suivant
diverses procédures selon les faits reprochés
et la situation de l’agent. Celui-ci se doit de
connaître toutes ces procédures afin d’éviter
d’en être victime
LE LICENCIEMENT DES NON-TITULAIRES
LES CONTRACTUELS
Le licenciement intervient en cours de
contrat (durée indéterminée et déterminée)
pour un motif disciplinaire1, pour inaptitude
physique2 ou encore pour insuffisance professionnelle ou à l’issue d’une période d’essai
non concluante. Le non-renouvellement d’un
contrat à durée indéterminée (le renouvellement n’est pas de droit), ne peut pas être
considéré comme un licenciement.
LA NON-TITULARISATION
La titularisation en fin de stage n’est pas un
droit. L’administration, si elle envisage de ne
pas titulariser le stagiaire, doit saisir pour
avis la commission administrative paritaire
compétente. Elle n’est pas liée par l’avis et n’a
ni à motiver sa décision, ni à inviter l’agent à
présenter des observations. Le juge administratif ne sanctionnera sur les motifs qu’une
erreur manifeste d’appréciation4. Le stagiaire
peut aussi être licencié en cours de stage soit
pour un motif disciplinaire, soit, après la moitié au moins de la durée du stage, pour insuffisance professionnelle5. Dans ces hypothèses, la décision doit être motivée et ne
peut être prise qu’après avoir invité l’agent,
informé des motifs de licenciement, de la
possibilité de présenter des observations.
RESSOURCES HUMAINES
LE LICENCIEMENT DES FONCTIONNAIRES
Î
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Dans la plupart des cas, un préavis est dû à
l’agent ainsi que le solde des congés annuels
qui peut être indemnisé ou pris avant la rupture du contrat. Afin de respecter les droits à
la défense, la collectivité doit informer l’agent
lors d’un entretien de son licenciement lequel
peut présenter des observations (article 42
du décret du n° 88.145 du 15 février 1988).
La décision de licenciement doit être motivée3. Elle est ensuite notifiée par lettre
recommandée avec accusé de réception.
Pierre Larroumec
[email protected]
L’agent licencié en cours de contrat a droit à
une indemnité, de même qu’en cas de nonréemploi à la suite de certains congés (congé
parental, formation professionnelle, mandat
électif ; voir articles 43 à 49 du décret du
15 février 1988). Si le licenciement est disciplinaire, l’agent n’a droit ni à préavis ni à indemnité. La décision doit être motivée et ne peut
intervenir qu’après information de l’intéressé
de son droit à communication de son dossier.
LE LICENCIEMENT DÉCOULANT DU COMPORTEMENT
DE L’AGENT
Le fonctionnaire peut :
- décider de démissionner (article 96 de la loi du
26 janvier 1984). La démission doit être acceptée par l’administration et prend effet à la date
fixée par cette dernière ce qui permet de l’assimiler à un licenciement. Aucune indemnité
n’est due au fonctionnaire démissionnaire ;
- être radié des cadres pour abandon de poste
après mise en demeure. Il ne bénéficie d’aucune des garanties de la procédure disciplinaire. L’abandon de poste n’ouvre droit à
aucune indemnité ;
“ Le licenciement d’un agent
public est souvent
contesté devant le juge
administratif ”
La Lettre du cadre territorial • n° 413 • 15 décembre 2010
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“ L’agent licencié en cours
de contrat a droit à une
indemnité, de même qu’en
cas de non-réemploi à la
suite de certains congés ”
- être radié des cadres pour perte des droits
civiques ou interdiction d’exercer une mission de service public, peines complémentaires prononcées par le juge pénal. La collectivité est tenue de radier l’agent, qui n’a pas
de droit à réintégration à l’expiration de la
peine pénale ;
- être révoqué ou mis à la retraite d’office à la
suite d’une faute disciplinaire. Les faits reprochés sont soumis pour avis au conseil de discipline et éventuellement au conseil de discipline de recours. La décision prise à l’issue
d’une procédure contradictoire, doit être
motivée, le juge s’assurant de l’exacte qualification des faits et de l’absence d’erreur
manifeste dans l’adéquation entre la gravité
de la faute et la sanction prononcée. Ces sanctions disciplinaires fondées sur une faute
grave peuvent être précédées d’une suspension, mesure conservatoire qui n’a pas à être
prise contradictoirement ni à être motivée6.
Le licenciement pour insuffisance professionnelle intervient à l’issue d’une procédure
identique à la procédure disciplinaire.
L’insuffisance professionnelle doit reposer
sur des faits établis par l’administration, faits
non qualifiables de faute disciplinaire et
concernant la manière de servir7.
LE LICENCIEMENT INDÉPENDANT
DU COMPORTEMENT DE L’AGENT
Le fonctionnaire peut d’abord être physiquement inapte à exercer ses fonctions (article 81
de la loi du 26 janvier 1984). L’administration
doit rechercher un poste de reclassement. À
défaut, il est placé en disponibilité d’office, sans
rémunération, pour une année, à l’issue de
laquelle, il est soit mis à la retraite soit licencié.
Ensuite, l’administration peut mettre fin au
détachement sur un emploi fonctionnel qui
concerne les DGS et DGA des collectivités de
plus de 2000 habitants. Après un délai nécessaire de six mois, le fonctionnaire est placé
sur un emploi correspondant à son grade
même en surnombre dans sa collectivité. À
l’expiration de cette année, soit il perçoit une
indemnité, soit il bénéficie d’un congé spécial
s’il a plus de 55 ans, a plus de vingt de service
et occupe depuis au moins deux ans l’emploi
fonctionnel, soit il est pris en charge par le
CNFPT ou le CDG qui le rémunère, l’employeur versant une contribution (article 97
bis de la loi du 26 janvier 1984). Il est licencié
après trois refus d’offres d’emploi.
Enfin, l’emploi peut être supprimé par l’assemblée délibérante après avis du comité technique paritaire. Dans ce cas, un poste nouveau
correspondant à son grade est proposé au
fonctionnaire. La loi du 3 août 2009 relative à
la mobilité dans la fonction publique pose le
principe du reclassement du fonctionnaire
dont l’emploi est supprimé (article 97 de la loi
du 26 janvier 1984). À défaut de poste dans le
cadre d’emplois, ou avec son accord dans un
autre cadre d’emplois, le fonctionnaire est
maintenu en surnombre pendant une année
laquelle tout emploi créé ou vacant lui est prioritairement proposé. Sont également recherchées les possibilités de détachement, d’intégration directe ou d’activité au sein d’une autre
collectivité. À l’expiration de l’année, il est pris
en charge par le CNFPT ou le CDG qui le rémunère. S’il refuse trois postes (situés dans le
département ou dans un département limitrophe pour les agents de catégorie C), il est
licencié. La collectivité qui a supprimé l’emploi
verse une contribution au CNPFT ou au CDG
tant que le fonctionnaire est pris en charge.
Le licenciement d’un agent public est, quelle
que soit la procédure suivie, une mesure souvent contestée devant le juge administratif.
Il appartient à l’agent d’être vigilant pour
éviter la mise en œuvre d’une telle procédure
à son encontre et pour relever toutes les irrégularités que pourrait avoir commises la personne publique. ■
1. CE, 14 novembre 1994, commune de Bourbourg
n° 128994.
2. CE, 23 juin 1995, Héredia n° 120472.
3. CE, 25 mars 1996, commune de Saint-François
n° 136910.
4. CE, 12 juin 1998, Robert n° 157776.
5. CE, 16 février 2005, commune d’Olivet n° 262820.
6. CE, 8 mars 2006, Mme X n° 262129.
7. CAA Nancy, 11 décembre 2003, Mme E n° 98NX01478.
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À lire
Sur www.lettreducadre.fr, rubrique
« au sommaire du dernier numéro » :
« Décret licenciement : la territoriale est-elle
concernée ? », La Lettre du cadre territorial
n° 397, 15 mars 2010.
« Licenciement illégal : la porte ouverte aux primes »,
La Lettre du cadre territorial n° 383, 1er juillet 2009.
Pour aller plus loin
« La fin d’activités », un ouvrage des Éditions
Territorial. Sommaire et commande sur
http://librairie.territorial.fr
Une condamnation
pénale entraîne-telle la révocation ?
Une condamnation pénale
prononcée à l’encontre d’un
fonctionnaire n’entraîne pas
nécessairement sa révocation.
La personne publique doit,
comme elle le fait lors du
recrutement en vertu de
l’article 5 de la loi du 13 juillet
1983 relative aux droits et
obligations des fonctionnaires,
apprécier si cette condamnation
est compatible avec l’exercice
des fonctions. Si elle estime
que non, et en l’absence de
condamnation explicite à la
perte des droits civiques ou
d’interdiction d’exercer une
fonction publique (articles 13126 et 132-21 du Code pénal),
elle doit engager une procédure
disciplinaire pour pouvoir se
séparer de son agent.
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