Licenciement : un risque toujours présent
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Licenciement : un risque toujours présent
CARRIÈRE Licenciement : un risque toujours présent © DURIS Guillaume - Fotolia.com Ça n’est pas parce qu’on travaille dans la fonction publique qu’on ne peut pas être licencié. Même pour les fonctionnaires, la possibilité existe, essentiellement pour des motifs disciplinaires. L e risque de licenciement de la fonction publique territoriale existe bien, et ce, pour différents motifs et suivant diverses procédures selon les faits reprochés et la situation de l’agent. Celui-ci se doit de connaître toutes ces procédures afin d’éviter d’en être victime LE LICENCIEMENT DES NON-TITULAIRES LES CONTRACTUELS Le licenciement intervient en cours de contrat (durée indéterminée et déterminée) pour un motif disciplinaire1, pour inaptitude physique2 ou encore pour insuffisance professionnelle ou à l’issue d’une période d’essai non concluante. Le non-renouvellement d’un contrat à durée indéterminée (le renouvellement n’est pas de droit), ne peut pas être considéré comme un licenciement. LA NON-TITULARISATION La titularisation en fin de stage n’est pas un droit. L’administration, si elle envisage de ne pas titulariser le stagiaire, doit saisir pour avis la commission administrative paritaire compétente. Elle n’est pas liée par l’avis et n’a ni à motiver sa décision, ni à inviter l’agent à présenter des observations. Le juge administratif ne sanctionnera sur les motifs qu’une erreur manifeste d’appréciation4. Le stagiaire peut aussi être licencié en cours de stage soit pour un motif disciplinaire, soit, après la moitié au moins de la durée du stage, pour insuffisance professionnelle5. Dans ces hypothèses, la décision doit être motivée et ne peut être prise qu’après avoir invité l’agent, informé des motifs de licenciement, de la possibilité de présenter des observations. RESSOURCES HUMAINES LE LICENCIEMENT DES FONCTIONNAIRES Î 42 Dans la plupart des cas, un préavis est dû à l’agent ainsi que le solde des congés annuels qui peut être indemnisé ou pris avant la rupture du contrat. Afin de respecter les droits à la défense, la collectivité doit informer l’agent lors d’un entretien de son licenciement lequel peut présenter des observations (article 42 du décret du n° 88.145 du 15 février 1988). La décision de licenciement doit être motivée3. Elle est ensuite notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception. Pierre Larroumec [email protected] L’agent licencié en cours de contrat a droit à une indemnité, de même qu’en cas de nonréemploi à la suite de certains congés (congé parental, formation professionnelle, mandat électif ; voir articles 43 à 49 du décret du 15 février 1988). Si le licenciement est disciplinaire, l’agent n’a droit ni à préavis ni à indemnité. La décision doit être motivée et ne peut intervenir qu’après information de l’intéressé de son droit à communication de son dossier. LE LICENCIEMENT DÉCOULANT DU COMPORTEMENT DE L’AGENT Le fonctionnaire peut : - décider de démissionner (article 96 de la loi du 26 janvier 1984). La démission doit être acceptée par l’administration et prend effet à la date fixée par cette dernière ce qui permet de l’assimiler à un licenciement. Aucune indemnité n’est due au fonctionnaire démissionnaire ; - être radié des cadres pour abandon de poste après mise en demeure. Il ne bénéficie d’aucune des garanties de la procédure disciplinaire. L’abandon de poste n’ouvre droit à aucune indemnité ; “ Le licenciement d’un agent public est souvent contesté devant le juge administratif ” La Lettre du cadre territorial • n° 413 • 15 décembre 2010 RH-carriere.indd 42 14/12/10 15:25 “ L’agent licencié en cours de contrat a droit à une indemnité, de même qu’en cas de non-réemploi à la suite de certains congés ” - être radié des cadres pour perte des droits civiques ou interdiction d’exercer une mission de service public, peines complémentaires prononcées par le juge pénal. La collectivité est tenue de radier l’agent, qui n’a pas de droit à réintégration à l’expiration de la peine pénale ; - être révoqué ou mis à la retraite d’office à la suite d’une faute disciplinaire. Les faits reprochés sont soumis pour avis au conseil de discipline et éventuellement au conseil de discipline de recours. La décision prise à l’issue d’une procédure contradictoire, doit être motivée, le juge s’assurant de l’exacte qualification des faits et de l’absence d’erreur manifeste dans l’adéquation entre la gravité de la faute et la sanction prononcée. Ces sanctions disciplinaires fondées sur une faute grave peuvent être précédées d’une suspension, mesure conservatoire qui n’a pas à être prise contradictoirement ni à être motivée6. Le licenciement pour insuffisance professionnelle intervient à l’issue d’une procédure identique à la procédure disciplinaire. L’insuffisance professionnelle doit reposer sur des faits établis par l’administration, faits non qualifiables de faute disciplinaire et concernant la manière de servir7. LE LICENCIEMENT INDÉPENDANT DU COMPORTEMENT DE L’AGENT Le fonctionnaire peut d’abord être physiquement inapte à exercer ses fonctions (article 81 de la loi du 26 janvier 1984). L’administration doit rechercher un poste de reclassement. À défaut, il est placé en disponibilité d’office, sans rémunération, pour une année, à l’issue de laquelle, il est soit mis à la retraite soit licencié. Ensuite, l’administration peut mettre fin au détachement sur un emploi fonctionnel qui concerne les DGS et DGA des collectivités de plus de 2000 habitants. Après un délai nécessaire de six mois, le fonctionnaire est placé sur un emploi correspondant à son grade même en surnombre dans sa collectivité. À l’expiration de cette année, soit il perçoit une indemnité, soit il bénéficie d’un congé spécial s’il a plus de 55 ans, a plus de vingt de service et occupe depuis au moins deux ans l’emploi fonctionnel, soit il est pris en charge par le CNFPT ou le CDG qui le rémunère, l’employeur versant une contribution (article 97 bis de la loi du 26 janvier 1984). Il est licencié après trois refus d’offres d’emploi. Enfin, l’emploi peut être supprimé par l’assemblée délibérante après avis du comité technique paritaire. Dans ce cas, un poste nouveau correspondant à son grade est proposé au fonctionnaire. La loi du 3 août 2009 relative à la mobilité dans la fonction publique pose le principe du reclassement du fonctionnaire dont l’emploi est supprimé (article 97 de la loi du 26 janvier 1984). À défaut de poste dans le cadre d’emplois, ou avec son accord dans un autre cadre d’emplois, le fonctionnaire est maintenu en surnombre pendant une année laquelle tout emploi créé ou vacant lui est prioritairement proposé. Sont également recherchées les possibilités de détachement, d’intégration directe ou d’activité au sein d’une autre collectivité. À l’expiration de l’année, il est pris en charge par le CNFPT ou le CDG qui le rémunère. S’il refuse trois postes (situés dans le département ou dans un département limitrophe pour les agents de catégorie C), il est licencié. La collectivité qui a supprimé l’emploi verse une contribution au CNPFT ou au CDG tant que le fonctionnaire est pris en charge. Le licenciement d’un agent public est, quelle que soit la procédure suivie, une mesure souvent contestée devant le juge administratif. Il appartient à l’agent d’être vigilant pour éviter la mise en œuvre d’une telle procédure à son encontre et pour relever toutes les irrégularités que pourrait avoir commises la personne publique. ■ 1. CE, 14 novembre 1994, commune de Bourbourg n° 128994. 2. CE, 23 juin 1995, Héredia n° 120472. 3. CE, 25 mars 1996, commune de Saint-François n° 136910. 4. CE, 12 juin 1998, Robert n° 157776. 5. CE, 16 février 2005, commune d’Olivet n° 262820. 6. CE, 8 mars 2006, Mme X n° 262129. 7. CAA Nancy, 11 décembre 2003, Mme E n° 98NX01478. DOC DO OC DOC À lire Sur www.lettreducadre.fr, rubrique « au sommaire du dernier numéro » : « Décret licenciement : la territoriale est-elle concernée ? », La Lettre du cadre territorial n° 397, 15 mars 2010. « Licenciement illégal : la porte ouverte aux primes », La Lettre du cadre territorial n° 383, 1er juillet 2009. Pour aller plus loin « La fin d’activités », un ouvrage des Éditions Territorial. Sommaire et commande sur http://librairie.territorial.fr Une condamnation pénale entraîne-telle la révocation ? Une condamnation pénale prononcée à l’encontre d’un fonctionnaire n’entraîne pas nécessairement sa révocation. La personne publique doit, comme elle le fait lors du recrutement en vertu de l’article 5 de la loi du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires, apprécier si cette condamnation est compatible avec l’exercice des fonctions. Si elle estime que non, et en l’absence de condamnation explicite à la perte des droits civiques ou d’interdiction d’exercer une fonction publique (articles 13126 et 132-21 du Code pénal), elle doit engager une procédure disciplinaire pour pouvoir se séparer de son agent. La Lettre du cadre territorial • n° 413 • 15 décembre 2010 RH-carriere.indd 43 43 14/12/10 15:25