L`incidence de la vie privée sur le contrat de travail Un fait de la vie

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L`incidence de la vie privée sur le contrat de travail Un fait de la vie
L'incidence de la vie privée sur le contrat de travail
Un fait de la vie personnelle ne peut donner lieu à un licenciement disciplinaire, et ce même si ce fait occasionne
un trouble objectif dans l'entreprise (Cass. Soc. 9 mars 2011).
En revanche, l'exercice de la liberté d'expression en dehors de l'entreprise, notamment par le biais de réseaux
sociaux, peut justifier un licenciement s'il dégénère en abus...
Spécialité(s) :
Sommaire
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Un fait de la vie privé ne peut entraîner un licenciement disciplinaire...
... Même s'il occasionne un trouble dans l'entreprise
En revanche, dénigrer sa hiérarchie sur Facebook justifie un licenciement disciplinaire
Auteur : Céline CHASSANG, Juriste / MAJ : 12/05/2016
Un fait de la vie privé ne peut entraîner un licenciement disciplinaire...
La vie privée est protégée par l'article 9 du Code civil (« chaque personne a droit au respect de sa vie privée ») et par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme).
La vie privée d'un salarié ne peut servir de fondement à un licenciement disciplinaire.
Exemples d'arrêts dans ce sens :
Cass. Soc. 14 mai 1997 * : Il s'agit d'un arrêt relatif à un gardien d'immeuble licencié pour faute grave en raison d'un comportement agressif envers un locataire. La Cour a
considéré que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où les faits reprochés au salarié relevaient de la vie personnelle du gardien, s'étaient déroulés en
dehors du temps de travail et constituaient une querelle de voisinage.
● Cass. Soc. 16 décembre 1998 * : Dans cette affaire la Cour a refusé de valider un licenciement prononcé par un établissement bancaire au motif que le salarié, par ailleurs client
de la banque, n'avait pas respecté dans le cadre d'un prêt consenti, son engagement de ne pas contracter ultérieurement d'autres dettes bancaires.
● Cass. Soc. 21 octobre 2003 * : Même solution s'agissant d'une secrétaire médicale, dont l'employeur découvre qu'elle poursuit parallèlement une activité de voyante-tarologue et
qui la licencie de ce fait, celle-ci, de par ses fonctions, ayant accès à des dossiers médicaux confidentiels. Ici le licenciement fondé sur la vie privée de la salariée est jugé abusif en
l'absence de manquement à l'obligation de confidentialité.
● Cass. Soc. 9 mars 2011 * : le directeur général adjoint d'une radio du secteur public publie un livre qui provoque une polémique dans les médias ainsi qu'au sein de la rédaction de
sa propre radio. S'estimant calomnié par un quotidien d'information, il avait adressé à ce dernier une lettre sous forme de droit de réponse. Il avait également transféré cette lettre à
ses collègues de radio, via son ordinateur professionnel, occasionnant un certain trouble au sein de l'entreprise, au point que l'ensemble des organisations syndicales avait appelé
le personnel à tenir une assemblée générale au cours de laquelle une motion avait été adoptée. L'intéressé est par la suite licencié pour faute grave en raison - selon son
employeur - de ses agissements et des troubles engendrés au sein de l'entreprise. Le 6 mars 2009, la Cour d'Appel de Paris fait droit aux demandes du salarié et juge le
licenciement abusif. L'employeur décide de former un pourvoi en cassation. A l'appui de ce pourvoi, l'employeur estime que les faits reprochés au salarié relèvent bien de la vie
personnelle du salarié mais qu'un tel fait peut justifier un licenciement dès lors que le comportement du salarié, compte tenu de ses fonctions et de la finalité propre de l'entreprise,
a causé un trouble objectif caractérisé au sein de celle-ci. La Cour confirme l'arrêt de la Cour d'Appel et rappelle le principe selon lequel "un fait de la vie personnelle occasionnant
un trouble dans l'entreprise ne peut justifier un licenciement disciplinaire."
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... Même s'il occasionne un trouble dans l'entreprise
En l'espèce l'employeur soutenait que si, en principe, un fait tiré de la vie personnelle d'un salarié ne pouvait constituer une faute, tel n'était pas le cas si le comportement de
l'intéressé, compte tenu de ses fonctions et de la finalité propre de l'entreprise, a causé un trouble objectif au sein de cette dernière.
Mais la Cour rappelle qu'un trouble objectif dans le fonctionnement de l'entreprise ne permet pas à lui seul de prononcer une sanction disciplinaire (principe déjà affirmé dans un arrêt
de Chambre Mixte le 16 mai 2007).
Ce faisant la Cour de cassation renforce la distinction (initiée en 2007) entre le trouble objectif causé à l'entreprise et la faute disciplinaire, le premier ne pouvant à lui seul justifier le
second.
En revanche, dénigrer sa hiérarchie sur Facebook justifie un licenciement disciplinaire
Trois salariés avaient échangé un samedi soir, en dehors de leur temps de travail, sur la page personnelle de l'un d'eux, sur le club virtuel «des néfastes».Ce groupe était destiné à
rassembler les salariés de la société autour d'un « rite » consistant à tourner en ridicule une supérieure hiérarchique nommément désignée afin de « lui rendre la vie impossible
pendant plusieurs mois ».
Manifestement choqué, un collègue de travail qui avait accès à ces échanges en tant qu' « ami » avait transféré à l'employeur une capture d'écran de la page concernée.
L'employeur a immédiatement réagi par 3 licenciements pour faute grave, aux motifs d'incitation à la rébellion contre la hiérarchie et dénigrement envers la société.
Deux des salariés ont alors saisi le CPH (Conseil des Prud'hommes) en faisant valoir d'une part que les propos ne constituaient pas un dénigrement de l'entreprise et d'autre part, que
l'employeur ne pouvait pas se prévaloir de conversations strictement privées, protégées par les articles 9 du Code civil et 8 de la CEDH.
Le CPH a tranché en faveur de l'employeur.
Deux questions étaient principalement posées à la juridiction :
- L'employeur peut-il, sans violer le droit au respect de la vie privée, fonder le licenciement et produire aux débats la page mentionnant des propos litigieux ?
Le CPH apporte une réponse positive en expliquant que le salarié avait choisi dans les paramètres de son compte facebook de partager sa page avec « ses amis ou leurs amis »
permettant ainsi un accès ouvert au plus grand nombre.
Ce mode d'accès à Facebook dépassait donc la sphère privée et il ne saurait être reproché à l'employeur d'avoir violé le droit au respect de la vie privée en s'appuyant sur des propos
considérés de fait comme publics.
Le moyen de preuve était donc licite.
- La teneur des propos caractérisait-elle une faute grave ?
Sur ce point, également, le CPH apporte une réponse positive : les échanges ne pouvaient être considérés comme simplement humoristiques.
La Cour considère que les salariés ont abusé de leur liberté d'expression et ont nui à l'image de l'entreprise en raison notamment des postes qu'ils occupaient et de la large diffusion
des échanges.
Il s'agit d'une décision rendue par le Conseil des Prud'hommes et donc susceptible de faire l'objet d'un appel.
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Auteur : Céline CHASSANG, Juriste / MAJ : 12/05/2016

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