N° 80 MAI 14 page 1 Procédure disciplinaire : 12

Transcription

N° 80 MAI 14 page 1 Procédure disciplinaire : 12
N°
80
MAI 14
LA LETTRE
SOCIALE
FOCUS
FOCUS
Procédure disciplinaire : 12 mois de jurisprudence
Depuis la loi du 4 août 1982, le pouvoir disciplinaire de l’employeur est fermement encadré par une procédure pointilleuse aux délais particulièrement stricts protégeant les droits de la défense des salariés. Le
non-respect de la procédure disciplinaire fait constamment l’objet de contestations au cours des litiges
relatifs à la rupture du contrat de travail, donnant ainsi l’occasion à la Cour de cassation d’affiner son interprétation des textes législatifs. Quelques arrêts de ces 12 derniers mois doivent ainsi retenir l’attention.
1. L’engagement des poursuites disciplinaires fait partie des prérogatives de l’employeur et ne saurait
à lui seul caractériser un manquement à ses obligations contractuelles « dès lors que sa mise en œuvre ne
procède pas d’une légèreté blâmable ou d’une intention malveillante » (Cass. Soc. 25 septembre 2013
n°12-11.832).
La procédure disciplinaire organise la protection des droits des salariés et permet à l’employeur, lors de l’entretien préalable, d’évaluer la légitimité de la sanction qu’il envisage. En l’espèce, un employeur apprend que
le concubin et le frère d’une salariée, gestionnaire dans son entreprise, ont créé une entreprise directement
concurrente à la sienne. Il convoque sa salariée à un entretien préalable à un licenciement, lui reprochant
lors de l’entretien de ne pas l’avoir informé de cette création. Finalement, l’employeur notifie à la salariée
qu’il renonce à toute sanction disciplinaire. La salariée saisit la juridiction prud’homale de demandes
tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur. La Cour d’appel lui
donne raison : l’employeur ne pouvait engager les poursuites disciplinaires sur un fait tiré de la vie privée
de la salariée alors qu’il ne pouvait arguer d’aucun trouble objectif dans l’entreprise. Suivre ce raisonnement
aurait alors impliqué que le seul engagement des poursuites disciplinaires ne peut être légitime que sur une
culpabilité établie du salarié. Fort heureusement, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel : l’engagement
d’une procédure disciplinaire ne peut être reproché à l’employeur dès lors qu’il agit sans légèreté blâmable
et sans intention malveillante.
S’il peut renoncer à une sanction, l’employeur ne peut unilatéralement annuler une sanction notifiée pour
en prononcer une autre. En effet, la notification d’une sanction épuise le pouvoir disciplinaire de l’employeur vis-à-vis des faits sanctionnés (Cass. soc. 14 nov. 2013 n°12-21.495). En écartant la possibilité
pour l’employeur d’annuler unilatéralement une sanction disciplinaire, la Cour paraît a contrario admettre
une annulation en accord avec le salarié, ainsi qu’elle l’admet en matière de licenciement. En effet, il est de
jurisprudence constante que dès l’instant où il est notifié, le licenciement ne peut être annulé unilatéralement
par l’employeur, qui ne peut revenir sur sa décision qu’avec l’accord du salarié.
7 bis, rue de Monceau, 75008 Paris - France - Tél. : 33 (0)1 58 36 16 50 - Fax : 33 (0)1 58 36 16 51
page 1
N°
80
MAI 14
LA LETTRE
SOCIALE
2. Les sanctions dites « mineures », c’est-à-dire celles qui n’ont pas d’incidences, immédiates ou non, sur
la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié, doivent être notifiées mais
ne sont pas soumises en principe à la procédure de l’entretien préalable.
Il en va autrement lorsque, au regard des dispositions d’une convention collective, l’avertissement peut
avoir une influence sur le maintien du salarié dans l’entreprise. (Cass. soc. 13 février 2013 n°11-27.615).
En l’espèce, la convention collective des acteurs du lien social et familial du 4 juin 1983 subordonnait le
licenciement (hors faute grave) d’un salarié à l’existence de deux sanctions antérieures, pouvant être des
avertissements. En conséquence, les juges ont considéré que l’avertissement pouvait avoir une incidence,
même non immédiate, sur la présence du salarié dans l’entreprise. L’avertissement devait être alors soumis à
la procédure des sanctions « lourdes » à défaut, il devait être annulé par le juge.
En conséquence, il est préconisé de vérifier avec attention le contenu du règlement intérieur ou des dispositions conventionnelles applicables à l’entreprise avant de mettre en œuvre la procédure disciplinaire.
3. Les délais de la procédure
L’article L. 1332-2 du Code du travail prévoit qu’une sanction disciplinaire ne peut intervenir plus d’un
mois après le jour fixé pour l’entretien préalable. La Cour de cassation a précisé que l’arrêt de travail pour
maladie non professionnelle n’a pas pour effet de suspendre le délai d’un mois pour notifier le licenciement
disciplinaire (Cass. soc 27 février 2013 n°11-27.130). Elle a donc étendu aux arrêts pour cause non professionnelle, la solution dégagée en 2005 pour les arrêts de travail pour cause professionnelle.
La faute est prescrite dans un délai de deux mois, à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance. La
Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 15 janvier 2013 (n°11-28.109) les règles applicables en matière
de prescription des fautes dans l’hypothèse d’une sanction initiale refusée par le salarié (une modification du
contrat ne peut lui être imposée même à titre disciplinaire).
La notification de la sanction initiale interrompt une première fois le délai de prescription. Un nouveau délai
de deux mois commence alors à courir. Le refus du salarié interrompt une seconde fois le délai. L’employeur
a alors deux mois à compter du refus pour convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable à une nouvelle
sanction en remplacement de la première refusée.
4. Mise à pied conservatoire/mise à pied disciplinaire. Si la première n’est pas une sanction, elle doit impérativement être concomitante à l’engagement de la procédure disciplinaire. La Cour de cassation a ainsi
considéré qu’une mise à pied suivie dès le lendemain de la convocation du salarié à l’entretien préalable gardait sa nature conservatoire (Cass. soc. 20 mars 2013 n°12-15.707). En revanche, une mise à pied prononcée
6 jours avant l’engagement de la procédure de licenciement sans que l’employeur ne justifie d’aucun motif
à ce délai avait la nature d’une sanction disciplinaire (Cass. soc. 30 octobre 2013 n°12-22.962).
7 bis, rue de Monceau, 75008 Paris - France - Tél. : 33 (0)1 58 36 16 50 - Fax : 33 (0)1 58 36 16 51
page 2
N°
80
MAI 14
LA LETTRE
SOCIALE
La nécessité de mener à bien une enquête sur les faits reprochés peut constituer un motif pour un délai plus long entre la mise à pied à titre conservatoire et l’engagement de la procédure disciplinaire
(par exemple dans le cas d’un détournement de fonds –Cass. soc. 13 septembre 2012 n°11-16.434).
La chambre criminelle de la Cour de cassation vient d’opérer un revirement de jurisprudence à propos
de la mise à pied à titre conservatoire d’un salarié protégé. Désormais, la seule mise à pied d’un salarié protégé, qui ne suspend pas l’exécution de son mandat, ne constitue pas en soi une entrave (cass. crim 8 avril 2014 n°12-85.800). En effet, la mise à pied (disciplinaire ou conservatoire)
ne suspend pas le mandat du représentant du personnel et, même injustifiée, la mise à pied n’empêche
donc pas ce dernier d’exercer son mandat. Il appartiendra donc au représentant du personnel d’apporter des éléments constitutifs du délit d’entrave autres que la seule invocation d’une mise à pied.
5. CDD et procédure disciplinaire
Le contrat à durée déterminée peut être rompu de manière anticipée pour faute grave, la Cour de cassation a
précisé pour la première fois que la rupture était alors soumise aux seules prescriptions des articles L.13321 à L.1332-3 du code du travail, qui ne prévoient aucune formalité pour la convocation à l’entretien
préalable à la sanction disciplinaire (Cass. Soc. 20 novembre 2013 n°12-30.100). Il est donc acquis que
la rupture anticipée d’un CDD n’est pas soumise à l’application de la procédure de licenciement de droit
commun, laquelle prévoit que la convocation à l’entretien préalable doit être effectuée par lettre recommandée ou lettre remise en main propre contre décharge.
La procédure disciplinaire prévue aux articles L. 1332-1 à L. 1332-3 du Code du travail impose toutefois
la tenue d’un entretien. En conséquence, il est conseillé d’en rester à une convocation par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans la mesure où il appartiendra à l’employeur
d’apporter la preuve qu’il a bien convoqué le salarié à un entretien préalable. Dans un arrêt du 14 mai 2014
(n°13-12.071) la Cour de cassation confirme que l’absence d’entretien préalable constitue une simple
irrégularité de procédure, ouvrant droit, certes, à des dommages et intérêts dont le montant est laissé à
l’appréciation des juges du fond, mais n’affectant pas le bien-fondé de la rupture anticipée du CDD. En
revanche, la notification écrite des motifs de la rupture est une garantie de fond. L’absence de lettre de
rupture motivée rend la rupture abusive, le salarié sera dès lors en droit de percevoir une indemnité au moins
égale aux rémunérations courant jusqu’au terme initial du contrat.
7 bis, rue de Monceau, 75008 Paris - France - Tél. : 33 (0)1 58 36 16 50 - Fax : 33 (0)1 58 36 16 51
page 3