LE LICENCIEMENT DISCIPLINAIRE DANS L`ACTUELLE
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LE LICENCIEMENT DISCIPLINAIRE DANS L`ACTUELLE
LE LICENCIEMENT DISCIPLINAIRE DANS L’ACTUELLE CONFIGURATION LEGISLATIVE DE ROUMANIE Aurelia Gidro Lector univ., Université “Bogdan Vodă” de Cluj-Napoca Romulus Gidro Prof. univ. dr, Université “Petru Maior” de Tg. Mureş La discipline du travail représente une obligation juridique qui consiste dans le respect des normes qui règlent le déroulement naturel du processus du travail. Dans les rapports de travail, la subordination disciplinaire permet à l’employeur d’établir les règles spécifiques de fonctionnement de l’activité, ainsi que des sanctions spécifiques à chaque méfait commis par l’employé. Il est bien connu que, dans le droit du travail, le licenciement disciplinaire est la plus grave sanction applicable, c’est la raison pour laquelle le législateur est tenu d’imposer des règles fermes, la plupart du temps de nature impérative, pour contrecarrer certaines tendances abusives des employeurs. Le caractère préventif du licenciement disciplinaire ne peut lui non plus être négligé, permettant aux employeurs d’éliminer ceux de leurs salariés qui montrent un potentiel d’indiscipline. L’auteur met en relief le fait que dans la législation du travail de Roumanie l’application d’une sanction disciplinaire est laissée à l’appréciation de l’employeur (à part les situations expressément prévues par la loi), mais les aspects procéduraux doivent être respectés avec le maximum de rigueur. Tout vice de procédure a comme conséquence la déclaration de la nullité de la décision de licenciement même si le salarié est l’auteur coupable d’avoir commis un délit disciplinaire. La cessation du contrat individuel de travail se réalise en Roumanie de trois manières, expressément prévues par le Code du travail dans son article 55 : a) de droit ; b) par la suite de l’accord des parties ; c) comme effet de la volonté unilatérale d’une des parties. 138 Conformément à l’art. 58 du Code du travail le licenciement est une cessation du contrat individuel de travail à l’initiative de l’employeur. La législation du travail de Roumanie met en relief 6 cas dans lesquels un licenciement peut avoir lieu : 1) le licenciement pour motif économique ; 2) le licenciement pour inaptitude professionnelle ; 3) le licenciement pour inaptitude physique et/ou psychique ; 4) le licenciement dû à la détention préventive du salarié ; 5) le licenciement du salarié qui, bien qu’il accomplisse les conditions standard pour la mise à la retraite, refuse de la solliciter ; 6) le licenciement disciplinaire Le licenciement disciplinaire a lieu à l’initiative de l’employeur, mais pour des motifs liés à la personne du salarié et qui sont imputables à ce dernier. Il est indéniable que la discipline du travail représente le facteur décisif dans le bon déroulement des rapports de travail, et l’employeur, en vertu de son rapport de subordination, peut émettre des décisions qui soient en concordance avec le cadre législatif établi par le légiférant. En Roumanie, l’on a préservé même sous l’empire de l’actuel Code du travail la règle conformément à laquelle le licenciement ne peut avoir lieu que dans les situations expressément et de manière limitative prévues par la loi. Le licenciement disciplinaire peut être la conséquence du non respect des normes de discipline du travail, l’actuelle réglementation ne différant pas par rapport aux dispositions du Code du travail antérieur quant aux conditions de fond.1 Le non respect de la discipline du travail permet à l’employeur de déclencher l’action disciplinaire caractérisée comme étant non pas une action dans le sens juridictionnel, mais une prérogative de l’employeur découlant du contenu du contrat individuel de travail.2 Une sanction disciplinaire n’est pas la conséquence automatique et obligatoire de l’accomplissement d’un écart disciplinaire, l’employeur étant celui qui doit décider le déclenchement ou le non-déclenchement de la procédure disciplinaire. Par conséquent, le fait de l’accomplissement d’un écart disciplinaire peut n’attirer aucune sanction si celui qui est en droit de l’appliquer apprécie que, par une telle attitude, il maintient une bonne ambiance dans le collectif de travail et rend plus efficiente l’activité de ceux qui y sont impliqués. Toutefois, il est obligatoire que, lorsqu’on décide l’application d’une sanction disciplinaire, elle ne représente pas l’effet d’une attitude subjective, déterminée par des réactions émotionnelles et revanchardes. 1 R. Dimitriu, Concedierea salariaţ ilor, Ed. Omnia U.N.I.-S.A.S.T., Braş ov, 1999, p.274 ş i urm.; I.T.Ştefă nescu, Tratat de Dreptul muncii, Ed. Wolters Kluwer, Bucarest, 2007, p.344 2 I.T.Ştefă nescu, Tratat de Dreptul muncii, Ed. Lumina Lex, Bucarest, 2003, p.651; Al.Ţiclea, Tratat de dreptul muncii, Ed. Rosetti, Bucarest, 2006, p.693 139 En principe, la sanction de l’auteur de l’écart disciplinaire produit un effet préventif-éducatif aussi bien sur les autres membres du collectif de salariés. Il peut néanmoins arriver que le non-respect des procédures légales ou l’application d’une sanction exagérée génère au sein de la collectivité une réaction inverse, donnant naissance à une solidarisation, cas auquel l’effet éducatif et préventif de la sanction est annulé. Voilà pourquoi l’appréciation correcte et objective de l’opportunité de la sanction, dans certaines circonstances, de celui qui a accompli l’écart disciplinaire est très importante. La décision d’appliquer une sanction disciplinaire, ainsi que l’application proprement dite, représentent aussi bien une question de droit, qu’une question de sagesse managériale, ce qui suppose une juste appréciation de l’état de fait, de l’auteur de l’écart, en envisageant correctement les conséquences, tant sur le plan individuel, que sur le plan collectif. Le licenciement disciplinaire, dans les conditions établies par l’art. 61 lettre a du Code du travail, suppose soit l’accomplissement par le salarié d’un écart grave, soit la violation répétée des règles quant à la discipline du travail. Le Code du travail de Roumanie ne définit, ni n’énumère, les écarts graves, c’est pourquoi il revient à l’employeur d’apprécier la gravité de l’écart disciplinaire. Il est très utile pour l’employeur de mettre dans le Règlement intérieur des mentions par rapport à l’évaluation de la gravité des écarts commis en tenant compte du spécifique de l’activité, des conséquences négatives produites, ainsi que de la personne les ayant commis (attitudes antérieures, mentalités, formation professionnelle, expérience dans le travail, etc.). Il est évident que personne ne peut dresser une liste complète des écarts qui puissent être toujours considérés soit graves, soit moins graves. La nocivité d’un écart disciplinaire dépend d’une série de circonstances que doit établir l’employeur et dont la censure est accordée aux instances judiciaires compétentes. Dans le contenu du contrat individuel de travail, du contrat collectif de travail applicable, ainsi que des statuts disciplinaires, peuvent être indiqués les écarts qui sont considérés graves, mais leur énumération ne peut être qu’à titre d’exemple et aucunement exhaustive. La doctrine et la pratique judiciaire mettent en évidence, par la fréquence de leur apparition, les écarts qui peuvent être considérée, suivant les circonstances, comme étant graves : a) L’insubordination. Dans le cadre du rapport juridique de travail, on applique la règle de la subordination hiérarchique. En conséquence, le refus d’exécuter un ordre peut être circonscrit par la notion d’écart grave. Nous attirons l’attention sur le fait qu’il y a des situations où le non-accomplissement d’un ordre de service est exonératoire de responsabilité : - lorsque l’ordre de service est manifestement illégal et infondé ; - au cas de l’existence d’une clause de conscience et l’ordre de service, bien que fondé et légal, contrevient à la conscience du salarié qui doit l’exécuter. 140 b) La violence et les injures adressées aux chefs hiérarchiques ou aux collègues de travail. Chaque salarié est tenu à respecter les normes de conduite dans l’entreprise et dans les rapports avec les collègues. Les attitudes violentes, injurieuses ou calomnieuses peuvent être qualifiées comme graves si elles mettent en péril la dignité, l’intégrité physique d’une personne, mais aussi compte tenu des conséquences qu’elles ont sur le processus du travail. c) Le comportement qui implique des risques majeurs. Selon le lieu et le spécifique du travail, est considéré grave le fait de quitter le lieu de travail, les outillages en état de fonctionnement, ainsi que le non respect des normes d’hygiène du travail, les normes de protection du travail, etc. En même temps, peut être considérée comme conduite dangereuse pour soi et pour les autres : la consommation de stupéfiants et de boissons alcooliques, l’habitude de fumer dans les espaces où il est défendu de fumer ou la non utilisation des équipements de protection. d) La production de préjudices est, très souvent, la conséquence de l’accomplissement d’un écart disciplinaire. Il faut toutefois préciser que la simple existence d’un préjudice ne mène pas toujours à un licenciement disciplinaire, l’employeur pouvant se contenter de couvrir le préjudice sans déclencher la procédure disciplinaire. Parfois, la production de préjudices peut être la conséquence du non-respect de l’obligation de non-concurrence ou de confidentialité, tandis que l’existence du préjudice justifiera un éventuel licenciement pour inaptitude professionnelle. Le licenciement disciplinaire est possible comme suite à l’accomplissement d’un écart répété. La répétitivité des écarts détermine l’employeur à estimer que, s’il ne procède pas au licenciement, le danger de l’accomplissement de nouveaux écarts reste potentiel. Il est souligné, à juste titre, dans la doctrine roumaine le fait que ce n’est pas le nombre des écarts qui compte, mais leur composition qualitative.3 Il est néanmoins nécessaire l’accomplissement d’au moins deux écarts disciplinaires, sans que l’un d’entre eux soit considéré comme étant grave. L’argument des écarts répétés fonctionne aussi bien dans le cas où des écarts antérieurs à l’accomplissement d’un nouvel écart disciplinaire ont été sanctionnés, que si ont été accomplis des écarts disciplinaires qui sont restés non sanctionnés à condition que, pour ces derniers, ne soit pas intervenue la prescription de la responsabilité disciplinaire. Dans la matière du licenciement disciplinaire, les aspects d’ordre procédural sont règlementés par des normes à caractère impératif, tout vice de procédure pouvant mener à la déclaration comme illégale de la décision de sanction. La procédure du licenciement disciplinaire impose le parcours obligatoire de plusieurs étapes : 3 I.T.Ştefă nescu, Tratat de dreptul muncii, Ed. Wolters Kluwer, Bucarest, 2007, p.346 141 A. La constatation de l’écart disciplinaire L’existence d’un écart disciplinaire suppose sa découverte et son analyse dans le cadre d’une activité dénommée recherche disciplinaire. Après la découverte de l’écart, on procède généralement à la rédaction d’un compte rendu de constatation qui peut être dressé par un engagé ayant des attributions de conseil, de surveillance et de contrôle sur une personne ou sur un collectif de salariés. L’acte de constatation sera envoyé – après l’enregistrement – aux organes de direction de l’entreprise avec la proposition de prendre les mesures qui conviennent. B. La recherche disciplinaire Le déroulement de cette étape est règlementé aussi bien par l’art. 267 du Code du travail que par les dispositions de l’art. 75 du Contrat collectif de travail unique au niveau national pour les années 2007-2010. Les dispositions du contrat collectif de travail auront priorité car elles sont plus favorables aux engagés et ne transgressent pas les normes légales en vigueur.4 Sous sanction de la nullité absolue, aucune sanction ne peut être disposée avant la réalisation d’une recherche disciplinaire préalable. Toute instance judiciaire, une fois saisie, disposera l’annulation de la sanction, sans passer à l’analyse du fonds de la cause, si l’on constate la non réalisation de la recherche préalable. Une telle recherche doit être effectuée par les organes propres de l’employeur, sans être possible leur remplacement par d’autres organes de recherche. Il est évident que l’employeur non plus ne peut être qualifié comme organe de recherche pénale, mais il est tenu de prendre toutes les mesures d’enquête et de vérification afin d’avoir la certitude que le salarié en cause a accompli quelque fait qui constitue un écart disciplinaire. Une telle obligation est motivée par la mise en place de mesures légales de protection pour prévenir l’application de sanctions disciplinaires injustifiées. Pour le déroulement de la recherche disciplinaire dans les paramètres prévus par la loi, l’employeur est tenu de constituer une commission dans la composition de laquelle entrera, sans droit de vote, en qualité d’observateur, aussi bien un représentant de l’organisation syndicale à laquelle appartient en tant que membre le salarié enquêté. 5 Dans la doctrine juridique roumaine, il a été considéré nécessaire de préciser qu’une telle commission doit être composée d’au moins trois membres (car les décisions s’adoptent par vote) et qu’elle peut fonctionner soit pour une certaine durée (en considérant comme à préférer la variante de la durée correspondante à celle de valabilité du contrat collectif de travail applicable), soit ad hoc lorsqu’un écart disciplinaire a eu lieu. 6 4 Idem, p.459 Art. 75, alin. 2 du Contractul colectiv de muncăunic la nivel naţ ional pe anii 2007-2010 (cité par la suite le Contrat collectif de travail) 6 I.T.Ştefă nescu, op.cit., p.459 5 142 La commission constituée procédera à la convocation par écrit du salarié enquêté, avec au moins 5 jours à l’avance, en précisant le motif, la date, l’heure et le lieu de l’entrevue.7 La recherche disciplinaire ne peut pas se dérouler légalement sans la convocation du salarié enquêté. C’est pourquoi la communication de la convocation doit se réaliser avec beaucoup de rigueur, soit par signature de prise de connaissance, soit par l’intermédiaire du service postal par lettre à valeur déclarée avec accusé de réception. La convocation du salarié enquêté devant la Commission a comme finalité d’assurer une enquête objective et de garantir à celui qui est passible de sanction qu’il peut se défendre par toutes les voies légales, en prenant connaissance, en même temps, des actes et des faits de la recherche. Selon notre point de vue, malheureusement, les textes de l’art. 267, alin. 3 du Code du travail et ceux de l’art. 75 alin. 5 du Contrat collectif de travail unique au niveau national pour les années 2007-2010, sont défectueusement rédigés en donnant lieu à des interprétations des textes qui ne sont pas en concordance avec la finalité visée.8 Le problème controversé est de savoir si la présentation du salarié convoqué devant la Commission est obligatoire ou facultative. Certains doctrinaires, directement ou de manière plus nuancée, estiment que la non présentation du salarié à la convocation sans un motif objectif permet à l’employeur d’ouvrir une nouvelle procédure disciplinaire car, par son fait, l’engagé aurait commis un autre (nouvel) écart disciplinaire. Ce nouvel écart aurait le fondement dans le rapport de subordination qui ne permet pas au salarié de ne pas répondre à la convocation. On soutient que « ce n’est que la formulation de la défense à l’occasion de la convocation qui représente une droit (une faculté), tandis que la présentation à la convocation est obligatoire ».9 En ce qui nous concerne, nous nous situons sur la position de ceux qui soutiennent que la non présentation du salarié enquêté aux auditions ne peut pas constituer un nouvel écart, ni aggraver la sanction appliquée pour le premier écart qui était investigué10. Les dispositions de l’art. 257 du Code du travail, ainsi que 7 Art. 75, alin. 3 du Contrat collectif de travail ; Art. 267, alin. 2 du Code du travail. R. Gidro, A. Gidro, Considérations sur l’obligation du respect des normes procédurales en cas de l’application de sanctions disciplinaires, în Curentul juridic nr 1-2/2006, Tîrgu-Mureş 9 I.T.Ştefă nescu, Efectele refuzului nejustificat al salariatului de a se prezenta la cercetarea disciplinarăprealabilă, in Dreptul no 1/2005, p.76-80; I.T.Ştefă nescu, Tratat de dreptul muncii, Ed. Wolters Kluwer, Bucureş ti, 2007, p.461; M. Furtună , Constituie refizul nejustificat al salariatului de a se prezenta la convocarea prevă zutăde art. 276 alin. 2 din Codul muncii abatere disciplinară ?, in Dreptul no 1/2005, p. 73-75; S. Beligră deanu, Efectele refuzului nejustificat al salariatului de a se prezenta la cercetarea disciplinarăprealabilă(II), în Dreptul no 8/2005, p. 122; R. Dimitriu, Contractul individual de muncă. Prezent ş i perspective, in Tribuna Economică , Bucureş ti, 2005, p. 327 10 Sabin Duicu, Refuzul neîntemeiat al salariatului de a se prezenta la convocarea în vederea cercetă rii disciplinare prealabile poate constitui – el însuş i – o abatere disciplinară , in Dreptul n o 9/2004, p. 84; Costel Gîlcă , Efectele refuzului nejustificat al salariatului de a se prezenta la cercetarea disciplinarăprealabilă(I), in Dreptul n o 8/2005, p.116-117; Al. Ţiclea, op.cit., p.658; R. Gidro, A. Gidro, op.cit., 8 143 celles du Statut des cadres didactiques concernant la recherche préalable doivent être interprétées comme étant imposées par le législateur à la charge de l’employeur et en faveur du salarié présumé comme ayant accompli un écart disciplinaire. On accorde à celui-ci la possibilité de donner des explications, de proposer des preuves dans sa défense, de clarifier un certain état de fait. Les éventuelles notes explicatives et autres preuves proposées sont un droit du salarié enquêté et aucunement une obligation. Tout salarié impliqué dans une telle recherche préalable a le droit de se défendre seul ou d’être assisté par une autre personne, mais, en aucun cas, l’on ne peut lui imposer des modalités de défense ou l’administration des preuves dans sa faveur. Nous soulignons nous aussi que la recherche préalable naît des obligations impératives à la charge de l’employeur et seulement un droit de se défendre - qu’il exerce à sa volonté exclusive – en faveur du salarié passible d’une sanction disciplinaire11. A l’appui d’une telle opinion vient justement le texte de l’alinéa 4 de l’art. 267 du Code du travail et l’art. 120 du Statut des cadres didactiques, les deux actes normatifs mettant en relief le droit du salarié de formuler et soutenir des défenses, ainsi que le droit d’être assisté par un représentant du syndicat auquel il appartient. La recherche préalable est composée d’une succession d’étapes et a comme but final la formation d’une conviction fondée sur un état de fait correctement établi par rapport à l’accomplissement d’un écart disciplinaire, par rapport à l’auteur et à la mesure disciplinaire qui s’impose. La convocation du salarié aux auditions représente seulement l’une des nombreuses étapes successives qui forment le contenu de l’action de recherche préalable. Malheureusement, l’alinéa que nous incriminons permet à l’employeur de disposer la sanction même en absence de la recherche disciplinaire préalable si le salarié convoqué, sans un motif objectif, ne se présente pas aux auditions. Nous estimons que l’interprétation correcte devrait être dans le sens de l’obtention de la finalité pour laquelle le législateur a institué la recherche préalable. Le fait de ne pas se présenter, sans un motif objectif, aux auditions prive l’engagé du droit de donner des explications et de formuler des défenses devant la commission d’enquête. Toutefois, cette commission doit accomplir ses objectifs qui consistent à établir correctement l’état de fait, à évaluer l’auteur de l’écart et les conséquences produites, même si le salarié incriminé ne se présente pas à la convocation. La recherche préalable ne peut se restreindre uniquement à une simple présence à la suite d’une convocation, la commission d’enquête ayant l’obligation de conclure un compte-rendu à l’attention des organes compétents qui, à leur tour, y-compris sur la base de celui-ci, motivent la décision de sanction. Analysé de façon comparative, le texte de l’art. 267 alinéa 3 du Code du travail a été rédigé négligemment par rapport à l’art. 120 du Statut des cadres didactiques. De ce dernier texte de loi, l’on peut détacher beaucoup plus clairement 11 Al.Ţiclea, op.cit., p.659 144 le but pour lequel le législateur a disposé l’obligation de la réalisation de la recherche préalable : établir les faits, leurs conséquences, les circonstances dans lesquelles ces faits ont été accomplis, l’existence ou l’inexistence de la culpabilité, ainsi que toutes autres données concluantes. Dans l’art. 120 du Statut des cadres didactiques, il est prévu expressément que « Le refus de celui qui est enquêté de se présenter aux auditions, bien qu’il en a été informé par écrit avec au moins 48 heures à l’avance, ainsi que de donner des déclarations écrites, est constaté par procès-verbal et n’empêche pas la finalisation de la recherche ». Il y a aussi des solutions de pratique judiciaire qui viennent en faveur d’une telle interprétation en précisant que, dans la réalisation de la recherche préalable, l’employeur ne peut se limiter uniquement à prendre une note explicative ; il est tenu, par les dispositions de l’art. 268 alinéa 2, à vérifier tout l’état de fait, à se prononcer sur les moyens de défenses du salarié, en mentionnant aussi le fait que celui-ci n’a pas entendu formuler aucun moyen de défense 12. Si le salarié enquêté se présente à la convocation et exprime son point de vue, celui-là devra être contenu dans un procès-verbal qui peut constituer preuve en instance. Les membres de la commission qui ne sont pas des organes de juridiction prendront acte des réponses et des défenses du salarié qu’ils vérifieront, mais qu’ils ne commenteront pas et ne discuteront pas contradictoirement avec celui qui est enquêté. A la fin de la recherche préalable, la Commission est tenue de formuler ses conclusions et de proposer à l’employeur, selon le cas, soit la sanction disciplinaire de l’employé trouvé coupable, soit la non application de sanction si l’on constate l’innocence du salarié enquêté. L’employeur, par ses organes compétents, est le seul en mesure, sur la base de ses prérogatives disciplinaires, d’appliquer ou non de mesure disciplinaire, les conclusions et les propositions de la Commission ayant seulement un caractère de recommandation. C. L’émission de la décision de sanction L’application de la sanction disciplinaire se concrétise dans la formulation et l’émission d’une décision de sanction. Du point de vue formel, la décision doit être rédigée par écrit et sous la sanction de la nullité absolue elle contiendra obligatoirement :13 a) la description du fait qui constitue écart disciplinaire ; b) la précision des dispositions du statut du personnel, du règlement intérieur ou du contrat collectif de travail applicable que le salarié n’a pas respectées ; c) les motifs pour lesquels ont été écartées les défenses formulées par le salarié lors de la recherche disciplinaire préalable ou les motifs pour 12 Décision civile no 210/R/2006, Cour d’Appel Bucarest, Culegere de practicăjudiciară… , p.52 ; O. Ţinca, Despre cercetarea disciplinarăprealabilă , in Revista românăde dreptul muncii no 1/2006 13 Art. 268 alin. 2 du Code du travail 145 lesquels, dans les conditions prévues à l’art. 267 alin. 3, la recherche n’a pas été effectuée ; d) le fondement de droit sur la base duquel s’applique la sanction disciplinaire ; e) le délai pour contester la sanction ; f) l’instance compétente pour contester la sanction. Toute décision de sanction disciplinaire doit être motivée en fait et en droit, sinon la décision sera frappée de nullité. La précision des dispositions légales et conventionnelles violées est nécessaire pour permettre à l’instance de jugement « d’établir et vérifier si véritablement le fait du salarié constitue un écart disciplinaire et s’il peut être encadré parmi les obligations (de faire ou ne pas faire) imposées à celui-ci ».14 Du point de vue de l’exactitude juridique, nous remarquons que la motivation en droit de la décision de licenciement est représentée par le texte de l’art. 61 lettre a du Code du travail et non pas par l’art. 264 lettre f du même code. La décision de licenciement doit être émise dans un délai de 30 jours calendaires à compter de la date à laquelle l’employeur a pris connaissance de l’accomplissement de l’écart disciplinaire, mais sans dépasser 6 mois de la date de l’accomplissement de l’écart disciplinaire. Pour produire les effets escomptés, la décision doit être communiquée au salarié dans tout au plus 5 jours calendaires à compter de la date de l’émission. Ce délai a un caractère de recommandation et son non respect a comme conséquence l’absence de la production des effets. La non communication de la décision dans le délai de 6 mois à compter de la date de l’accomplissement de l’écart rend cet acte caduc. La communication de la décision produit deux effets très importants : à partir de ce moment elle devient exécutoire et, pour celui qui est sanctionné, la période de contestation de la sanction appliquée commence à s’écouler. C’est pourquoi la communication par écrit de la décision ne peut être remplacée par aucune autre preuve, elle devant être effectuée par la rémission de la décision avec accusé de réception de la part du destinataire ou par l’intermédiaire des services postaux avec l’adresse du domicile ou de résidence communiquée par le salarié. Conformément à la pratique judiciaire, la communication est considérée accomplie si elle a été effectuée à une adresse indiquée par le salarié à la date de la conclusion du contrat individuel de travail même si une modification du domicile de la personne a eu lieu sans que l’employeur soit informé quant à ce changement. A la fin de ce matériel, nous voulons traiter un aspect procédural qui met en relief des lacunes législatives qui génèrent des controverses et des solutions contradictoires. 14 Al. Ţiclea, op.cit., p. 664 146 Un problème est représenté par la possibilité du remplacement de la sanction disciplinaire appliquée par l’employeur par l’instance judiciaire saisie d’une contestation contre la mesure disciplinaire, si l’on constate une discordance entre la gravité de l’écart disciplinaire et la sanction appliquée, surtout s’il s’agit de licenciement. Dans la doctrine et la pratique judiciaire, la controverse par rapport à cette question dure depuis plus de quatre décennies et reste sans solution jusqu’à présent même si, pendant ce temps, ont eu lieu des changements sociaux-politiques radicaux et des modifications législatives substantielles, y-compris un nouveau code du travail. La controverse en cause pourrait être très facilement résolue par l’intervention du législateur s’il accordait, expressément, à la compétence des instances judiciaires le droit d’appliquer elles-mêmes des sanctions disciplinaires. Une telle intervention législative est depuis longtemps attendue, impérieusement nécessaire et à même d’unifier la pratique judiciaire si contradictoire. Voilà, brièvement, le film des événements : 15 1) Par une décision de l’année 1964, l’instance suprême a décidé l’inadmissibilité du remplacement d’une sanction disciplinaire par l’organe de juridiction du travail ;16 2) Vu certains arguments d’une partie de la doctrine juridique roumaine17, le Tribunal Suprême a décidé que les organes de juridiction du travail auraient le caractère d’instances disciplinaires et implicitement le droit d’appliquer ellesmêmes une sanction établie initialement par l’employeur.18 Dans la motivation de la solution, on montre que : « Aucun texte de loi n’interdit ce droit aux organes respectifs, cas où l’on doit appliquer les dispositions de droit commun de la législation civile, qui complètent celles du Code du travail. Conformément à ces dispositions, si l’on admet l’action ou la voie d’attaque exercée, la seule interdiction imposée aux organes de jugement – de fond et de contrôle judiciaire – du point de vue qui intéresse le problème en question, c’est de ne pas créer au pétitionnaire une situation encore plus difficile que celle qu’il a eu avant d’introduire l’action ou de déclencher la voie d’attaque.19 15 Idem, p. 668 et suivantes Le Tribunal Suprême, col. civ., déc. no 822/1964 17 S. Beligră deanu, În leg ă tură cu modul de soluţ ionare al plângerilor făcute împotriva sancţ iunilor disciplinare, in Revista românâ de drept no 12/1971 18 Le Tribunal Suprême, en composition spéciale, déc. no 60/1978 19 Le Tribunal Suprême, dans la composition prévue par l’art. 39 alin. 2 et 3 de la Loi no 58/1978, déc. no 60/1978, dans Culegere de decizii pe anul 1978, p. 210-212. Dans le même sens ont été rendues aussi de nombreuses autres décisions de la section civile du Tribunal Suprême, comme, par exemple, la déc. no 2339/1980 dans Culegere de decizii pe anul 1980, p. 158-159. 16 147 Or, en admettant la contestation et en remplaçant la sanction avec une autre moins lourde, on crée à celui qui est en cause une meilleure situation que celle eue antérieurement. Mais le droit des organes de juridiction ne résulte pas seulement des dispositions légales, mais, en premier lieu, de la nécessité réclamée par la nature même de l’institution disciplinaire, car, si ce droit n’est pas reconnu aux organes en cause, la réalisation même du but visé par l’institution de droit respective serait annihilé. Si l’admission de la contestation s’impose, sans reconnaître à l’organe de juridiction du travail aussi bien le droit de remplacer la sanction appliquée avec une autre moins lourde au cas où est retenue l’existence de l’écart, mais seulement l’annulation de la sanction initiale, cela signifierait que la personne endommagée reste sans sanction, ce qui est inconcevable car, d’une part la direction de l’institution ne peut plus appliquer une nouvelle sanction pour le même écart à celui qui est en cause après qu’il a attaqué par voie de contestation la décision de sanction, et, d’autre part, la sanction étant annulée par l’organe de juridiction et celui qui est en cause étant déchargé de tout sanction, la décision ayant l’autorité de chose jugée, l’organe de direction ne peut plus appliquer – aussi bien de ce point de vue – de sanction pour le même écart à celui qui est coupable. Une telle finalité serait contraire tant à la loi qu’au caractère éducatif que les solutions des organes de juridiction du travail devraient avoir, d’autant plus qu’elles sont appelées à juger les écarts à la discipline du travail ».20 3) En 1992, le Tribunal Suprême est revenu à la solution adoptée initialement, en précisant que les instances judiciaires, lorsqu’elles solutionnent des contestations contre le licenciement disciplinaire, doivent se limiter aux solutions offertes par la loi, pouvant confirmer la décision de l’employeur ou l’annuler, mais n’étant pas compétentes pour remplacer une décision appliquée par une autre moins dure.21 4) L’année 1995 signale une position plus nuancée de la Cour Suprême de Justice qui, sans infirmer expressément la solution de 1992, considère que le remplacement de la sanction disciplinaire par les instances judiciaires ne signifie pas une substitution dans les compétences d’un autre pouvoir dans l’Etat.22 Les inconséquences et les ambiguïtés de nos instances suprêmes ont transmis la même position aux instances inférieures qui rendent, jusqu’à ce jour, des solutions contradictoires. La position toujours changeante et non unitaire de la pratique judiciaire a été encouragée aussi par notre doctrine où nous trouverons des positions diamétralement opposées. 20 Al. Ţiclea, op.cit., p. 669 La Cour Suprême de Justice, section civile, déc. no 1319/1992 22 La Cour Suprême de Justice, section civile, déc. no 550/1995 21 148 De cette manière, certains auteurs convergent vers l’idée que l’instance judiciaire peut établir elle-même l’application d’une autre sanction disciplinaire (moins lourde).23 Par contre, d’autres auteurs soutiennent l’impossibilité légale de permettre aux instances de jugement de se substituer aux organes compétents en vue de l’application de sanctions disciplinaires.24 En ce qui nous concerne, bien que nous considérons comme séduisants les arguments par lesquels on tente de justifier l’extension de la compétence d’appliquer des sanctions disciplinaires aux instances judiciaires, ils restent valables uniquement au niveau de controverses théoriques et ne peuvent pas remplacer une grave lacune législative. Dans l’histoire de la législation du travail de Roumanie, il n’a pas existé et il n’existe pas aujourd’hui non plus quelque acte normatif qui permette aux instances d’appliquer elles-mêmes des sanctions disciplinaires. Nous avons déjà souligné que l’application d’une sanction disciplinaire supposait respecter avec une rigueur maximale certaines normes et étapes procédurales sans lesquelles la décision est frappée de nullité. Nous ne considérons pas que les instances soient le lieu et les organes convenables pour dérouler une nouvelle procédure disciplinaire obligatoire pour l’application de toute sanction disciplinaire. Nous reconnaissons que par notre position il y a le risque de porter atteinte à la nature de l’institution de la responsabilité disciplinaire par la non réalisation du but visé, mais nous considérons qu’il faut nous habituer à respecter la lettre de la loi et ne pas permettre des interprétations extra legem. C’est justement à cause des différentes interprétations doctrinaires et applications pratiques qu’un problème relativement facile à résoudre crée tant de difficultés, surtout sur le plan de l’application pratique. Où il n’y a pas de réglementation, la doctrine peut la proposer et la solliciter, mais elle ne peut pas se substituer aux organes législatifs. 23 I.T.Ştefă nescu, op.cit., p. 467; voir aussi Al. Ţiclea, op.cit., p. 668-672 Voir D.V.Firoiu, Inadmisibilitatea aplică rii unei alte sancţ iuni disciplinare de către organul de jurisdicţ ie a muncii învestit cu soluţ ionarea contestaţ iei împotriva sancţ iunii disciplinare impuse de către unitate, in Dreptul n o 2/1994, p. 60-63. Dans le même sens, voir Gh. Cristescu, În legă tură cu modul de soluţ ionare a plângerilor fă cute împotriva sancţ iunilor disciplinare, in Revista românăde drept n o12/1971; V. Buia, Disciplina muncii în unită ţ ile socialiste de stat, in V. Buia, Gh. Mohanu, Organizarea ş i disciplina muncii în unită ţ ile socialiste de stat, Ed. Ştiinţ ifică , Bucarest, 1975, p. 327 ; D.V.Firoiu, Câteva sublinieri cu privire la organele competente săaplice sancţ iunile disciplinare ş i cerinţ ele principiului legalită ţ ii socialiste, in Studia Universitatis Babeş Bolyai, Jurisprudenţ a n o 2/1987, p. 39-49 ; D.V.Firoiu, Dreptul muncii, Vol.II, Université de ClujNapoca, 1980, p.95-96 24 149