Le Bulletin - Faculté Libre de Droit
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Le C3RD en Action Manifestations Ça s’est passé… Le diagnostic prénatal : quels risques ? : A partir d’un cas clinique exposé par un professeur de médecine, la question du diagnostic prénatal fut abordée sous l’angle médical, éthique et juridique. Ce fut l’occasion pour les étudiants en droit d’être confrontés, l’espace d’un instant, aux réalités du terrain. (Atelier du 21 janvier 2010) FLD et le C3RD ont invité les étudiants à se réunir autour d’une table ronde accueillant des représentants de la vie économique et des universitaires, afin de faire avancer le débat en précisant le contenu de cette question de société. (Atelier du 25 février 2010) « Le Traité de Lisbonne, de nouvelles compétences pour l’Union ? » : Le traité de Lisbonne entré en vigueur le 1er décembre 2009, a substantiellement modifié l’ordonnancement juridique de l’Union Européenne. L’Union souffre d’une incompréhension de l’opinion publique, et les experts se doivent d’expliquer les enjeux des nouveaux transferts de compétences. Tel fut l’objectif de cette journée d’étude. Hommes politiques, fonctionnaires européens, représentants d’association et universitaires sont venus discuter autour de quatre thématiques : modernisation institutionnelle de l’Union, défense et justice, renforcement des politiques de l’Union, droits de l’Homme et charte des droits fondamentaux. (Colloque du 04 mars 2010) Le Rôle de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE) : « Frédérique Ast, juriste à la HALDE, est venue présenter le statut et la composition de la Haute autorité, ses missions principales, ses pouvoirs d’enquête ainsi que les modalités de son intervention (conditions de sa saisine, pouvoirs de médiation, de recommandation, d’observation, de transaction pénale etc.) ». (Conférence du 11 février 2010) La rémunération des dirigeants : La question de la rémunération des dirigeants revient régulièrement au cœur de l’actualité. Au-delà du débat public et politique, elle pose sans conteste un grand nombre de difficultés économiques, juridiques, sociales et morales. La Présentation de l’ouvrage : « histoire de la Justice en France » : De 1715 : une histoire de la justice entièrement refondue : de nouveaux sujets touchant la Révolution, la justice coloniale, une ouverture à la justice sociale…, à 2010 : des problèmes contemporains comme les relations entre le pouvoir et la justice, le rôle du conseil constitutionnel, et la prochaine réforme de la justice pénale. (Conférence du 25 mars 2010, par les auteurs : Jean-Pierre ROYER, Nicolas DERASSE, Bruno DUBOIS, Jean-Paul JEAN, Bernard DURAND 4ème édition, 1305 pages, PUF) « Circuler dans la société numérique: droits et limites » : Comment s’exercent les droits de « la personne en mouvement » dans la société numérique ? Le traçage, produit des nouvelles technologies, ne constitue t-il pas une ingérence dans les droits de la personne en mouvement ? L’intensité de l’in- 5 n° 4 Juillet 2010 gérence est-elle la même selon qu’il est subi ou consenti ? Le traçage n’est-il pas symptomatique de la confrontation entre plusieurs libertés/impératifs antinomiques ? N’est-il pas susceptible d’aboutir, dans certaines hypothèses, à une déresponsabilisation de l’individu ? Cette journée d’études fut divisée en fonction de l’intensité du consentement de l’individu au traçage : le traçage consenti : l’hypothèse de l’usager et du salarié ; le traçage non consenti : l’hypothèse du délinquant et de la personne vulnérable. (Colloque du 01 avril 2010) « La médecine à l’épreuve du risque pénal » : La thématique générale de cette journée d’études fut l’impact de la donne juridique et particulièrement pénale sur l’exercice de l’art médical. Dans l’affaire du petit Marc (enfant violenté par son beau père et décédé) deux médecins généralistes ont été mis en cause et condamnés pour non assistance à personne en danger. Il leur est reproché de n’avoir pas su s’immiscer dans l’intimité familiale et de réagir en conséquence. On peut s’interroger sur ce rôle désormais confié par la société aux soignants. Interrogation d’autant plus opportune que les seules réponses données à l’heure actuelle sont judiciaires et pénales. (Colloque du 29 avril 2010) Le C3RD en Action Le Bulletin “ n° 4 Juillet 2010 ✍ Ils ont publié… Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ 6 « Grands-parents et petits enfants face à l’établissement des liens de filiation », revue lamy, n° 70, avril 2010, p 39. Alexandre DUMERY 6 « Assistance à personne en péril avortée mais gestion d’affaires affirmée », La Semaine Juridique Edition Générale n° 19, 10 mai 2010, 532. Amaury LAURIN 6 « Le trésor indochinois d’Alençon : in memoriam Francis Deron (19522009) », Histoire@Politique, n° 10, janvier-avril 2010. 6 « Le troisième anniversaire de la mort de l’abbé Pierre », Croix du Nord, n° 2144, 5-11 février 2010, p. 9. 6 « L’Europe face à son passé colonial », Histoire@Politique, n° 10, janvieravril 2010. 6 « Traits d’architecture : Hanoi à l’heure française », Histoire@Politique, n° 10, janvier-avril 2010. 6 « Subversion, anti-subversion, contresubversion », Histoire@Politique, n° 11, mai-août 2010. 6 « Pour une histoire coloniale, nuancée : à propos d’Olivier Le Cour Grandmaison », « La République impériale : politique et racisme d’Etat », Paris, Fayard, 2009, Outre-mers, revue d’histoire (revue de la Société française d’histoire d’outre-mer), n° 366-367, 1er semestre 2010, p. 369-377. Franck LESIEUR 6 « Réflexions sur les risques sanitaires liés aux organismes génétiquement modifiés : entre principe de précaution et ordre public », Revue générale de droit médical, numéro 33, décembre 2009, p. 339-348. 6 « Risque sanitaire ou environnemental lié aux essais et cultures d’OGM » Commentaire CE, 30 décembre 2009, « Département du Gers », Petite affiches, mars 2010. Centre de Recherche sur les Relations entre le Risque et le Droit - C3RD - Editorial Des droits et des devoirs Sylvie HUMBERT 6 « Les facultés de droit de Douai et de Lille » dans Les facultés de droit de province au XIXe siècle, bilan et perspectives », (dir) Ph. Nélidoff, Presse de l’université de Toulouse 1 Capitole, p. 83 à 93. octobre 2009. 6 « L’ébauche d’un Corpus juris internationalis avec les crimes contre l’humanité » dans J.L. Blaquart et J.B. Lecuit (dir) : Repenser l’humain, la fin des évidences, L’Harmattan, mai 2010, ChV, p. 89 à 108. Sur chaque carte d’électeur figure la mention suivante : « voter est un droit, c’est aussi un devoir ». Cet impératif citoyen paraît, aux yeux d’un certain nombre de nos compatriotes, relever plus d’un simple vœu pieu que d’une véritable sujétion. Le taux d’abstention enregistré lors des dernières élections régionales en mars 2010 conforte malheureusement cette réalité. Qu’une société démocratique confère à chaque citoyen un certain nombre de droits est tout à fait audible. A l’inverse, il n’est pas insensé que cette même société lui impose, en retour, les obligations afférentes, ne serait-ce que dans un souci d’équilibre. Lina WILLIATTE-PELLITTERI 6 « Droit du divorce », Recueil Dalloz 2010, p. 1243. Ils l’ont fait… Agrégation Droit Public Monsieur Julian FERNANDEZ, MCF à la FLD, a été reçu cinquième au concours d’agrégation de Droit Public. HDR Madame Lina WILLIATTE-PELLITTERI et Madame Sylvie HUMBERT, MCF à la FLD, ont obtenu respectivement le 19 mars et le 05 juillet 2010, leur Habilitation à Diriger des Recherches (HDR). Elles ont depuis accédé au statut de professeur des universités catholiques. Prix de thèse Mlle Sophie MOREIL, maître de conférences à la FLD, a reçu le prix de thèse de l’Université Paris 2, pour son travail sur « les obligations nées du contrat d’entreprise ». 6 Directeur de la publication : Alexis MASSART Rédacteur en chef : Placide M.MABAKA Rédaction : Membres du C3RD Conception / Réalisation : Fabienne CUVELIER Contribution : Alice FRETIN, Cédric CARAVETTA Crédits photos : Faculté Libre de Droit Tirage : 600 exemplaires Contacts : «Bulletin du C3RD» - Faculté Libre de Droit 60 boulevard Vauban - BP 109 59016 LILLE CEDEX Tél : 03 59 30 25 48 - Fax : 03 20 13 40 97 [email protected] En effet, la discussion sur l’équilibre entre droits et devoirs dans notre société n’est pas en soi un phénomène d’un genre nouveau. Cette question fait l’objet d’un débat itératif depuis la fin du XVIIIe siècle et, plus spécialement, depuis 1789. A cette époque déjà, l’idée d’adjoindre à la Constitution une « déclaration des droits de l’Homme » fut vivement critiquée. Pour certains membres de l’Assemblée constituante, cette « déclaration des droits de l’Homme » ne pouvait avoir de sens que si elle était symboliquement, accompagnée d’une « déclaration des devoirs ». Mais comme nous le savons tous, seule la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, proclamée le 26 août 1789, servit de préambule à la Constitution de la première République et devint une référence vénérée non seulement par les institutions républicaines mais aussi et surtout par les citoyens. Bulletin d’information trimestriel du C3RD - n° 4 Juillet 2010 Depuis cette illustre « déclaration des droits », la société dans laquelle nous vivons nous laisse croire – à tort ou à raison – que l’individu humain serait plus possesseur de droits plutôt que sujet de devoirs. Ceci explique le comportement tendancieux de la majorité de nos concitoyens à la revendication tous azimuts de leurs prétendus droits, sans se préoccuper de ce que pourraient être leurs devoirs. Le degré de maturité démocratique d’une société s’appréciant à la lumière de la place et du rôle que celle-ci réserve ou accorde à l’idée de devoir, une telle vision des choses risque – à terme – de produire une société barbare, chaotique, décadente, sans repères ni valeurs morales. C’est donc pour réduire un tel risque au minimum que les rédacteurs de la Constitution française du 22 août 1795 (Constitution du 5 fructidor An III) décidèrent de contrebalancer les droits proclamés en 1789, en énonçant un ensemble de devoirs que toutes les composantes de la société se devaient de connaître et de remplir. Dans leur esprit, la notion de devoir apparaît comme étant le principe et la fin de tout droit subjectif quelconque. Dans ce même ordre d’idée, la déclaration des principes essentiels de l’ordre social et de la République, votée par la Convention le 23 germinal An III, dit de « celui qui parle aux citoyens (…) de leurs droits sans leur rappeler leurs devoirs », qu’il « est un flatteur qui les trompe, ou un fripon qui les pille, ou un ambitieux qui cherche à les asservir. Le véritable ami du peuple est celui qui lui adresse courageusement des vérités dures ; c’est lui que le peuple doit chérir, honorer, et préférer dans les élections »1. relative. Un droit n’est pas efficace par lui-même, mais seulement par l’obligation à laquelle il correspond ; l’accomplissement effectif d’un droit provient non pas de celui qui possède, mais des autres hommes qui se reconnaissent obligés à quelque chose envers lui. (…). Une obligation ne serait-elle reconnue par personne, elle ne perd rien de la plénitude de son être. Un droit qui n’est reconnu par personne n’est pas grand-chose. (…). Un homme, considéré en lui-même, a seulement des devoirs, parmi lesquels se trouvent certains devoirs envers luimême. Les autres, considérés de son point de vue, ont seulement des droits. Il a des droits à son tour quand il est considéré du point de vue des autres, qui se reconnaissent des obligations envers lui. Un homme qui serait seul dans l’univers n’aurait aucun droit, mais il aurait des obligations »2. Quoi qu’il en soit, la problématique de l’équilibre entre droits et devoirs dans la vie en société renvoie, plus généralement, à la question de la responsabilité, c’est-à-dire à « l’obligation de répondre de ses actes ». La condamnation, le 20 mai 2010, d’une mère à une peine de prison avec sursis pour « soustraction à ses obligations légales » ou encore la polémique autour du cumul des mandats et/ou des rétributions (salaires, retraites, indemnités, etc.) des femmes et/ou des hommes politiques suscitent des interrogations diverses quant à l’avenir de l’Etat de droit, de l’idéal démocratique et, en définitive, de « l’humanitude » de l’Homo sapiens sapiens du XXIe siècle. Pr Placide M. Mabaka Directeur du C3RD Article Ier. Simone Weil, L’enracinement. Prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain, in Œuvres, Gallimard, collection Quarto, 1999, p. 1027. Nous insistons. 1 2 Autrement dit, c’est bien la notion de devoir qui fonde le droit et non l’inverse. Aussi Simone Weil souligne-t-elle, à juste titre, que « la notion d’obligation prime celle de droit, qui lui est subordonnée et 1 Veille Juridique… Sur le risque Législation Risque Pénal Le risque de récidive criminelle et autres dispositions de procédure pénale : Une loi du 10 mars 2010 vient adapter les mesures issues de la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour trouble mental. Le placement sous surveillance de sûreté pourra intervenir à l’issue d’une surveillance judiciaire ayant accompagné une libération anticipée, ou directement à la sortie de prison. Le texte instaure également le traitement inhibiteur de la libido dans le cadre du prononcé d’une injonction de soins. En cas de refus par le condamné, celui-ci encourt la suspension de la mesure d’aménagement de peine, l’incarcération ou le placement en rétention de sûreté selon le cas. (Loi n° 2010-242 du 10 mars 2010, J.O. 11 mars 2010, p. 4808) (F.L) Risque d’inconstitutionnalité Risque d’inconstitutionnalité ou d’inconventionnalité d’une interdiction totale du port du voile intégral : Dans une étude relative aux possibilités juridiques d’interdiction du port du voile intégral remise au Premier ministre le 30 mars 2010, le Conseil d’Etat considère qu’une interdiction générale du port du voile intégral en tant que tel ou de tout mode de dissimulation du visage dans l’ensemble de l’espace public, serait exposée à de sérieux risques au regard de la Constitution ou de la CEDH. (D.P) A noter : En Belgique, Le 29 avril 2010, la Chambre des Représentants (députés) a adopté la proposition de loi du Mouvement Réformateur (droite libérale) visant à interdire le port de tout vêtement cachant totalement ou de manière principale le visage. Prévention du risque Financier Création d’une nouvelle autorité de supervision des secteurs de la banque et de l’assurance : L’ordonnance du 21 janvier 2010 crée une nouvelle autorité de supervision, l’Autorité de contrôle prudentiel. Celle-ci naît de la fusion des anciennes autorités d’agrément et de contrôle des établissements des secteurs de la banque et de l’assurance, qu’elle remplace, et dont elle assure l’ensemble des missions depuis son installation, le 9 mars 2010. (Ordonnance n° 2010-76, du 21 janvier 2010 : JO du 22 janvier 2010) (S.M) Risque de révision des lois bioéthiques Remise du rapport Léonetti à l’Assemblée Nationale le 20 janvier 2010 : Sans grande surprise, la mission d’information de révision des lois bioéthiques incite au maintien entre autres de l’interdiction de la gestation pour autrui, de l’anonymat du don de gamètes et de l’absence d’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples homosexuels et aux femmes célibataires. Néanmoins, le rapport Léonetti préconise d’autoriser dans des circonstances exceptionnelles, le transfert post-mortem d’embryon et de supprimer le délai de deux ans d’accès à la procréation médicalement assistée pour les couples liés par un PACS. (A.F) Risque d’Entreprendre Entreprise : Choisir et limiter son niveau de risque par la création d’un véritable patrimoine d’affectation : L’entrepreneur individuel peut désormais décider du niveau de risque qu’il souhaite assumer sur ses biens personnels. Le nouveau statut de « l’Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée » (EIRL) issu de la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 a pour objectif de permettre principalement aux entrepreneurs individuels de séparer leur patrimoine personnel de leur patrimoine professionnel. A la différence d’une société qui permet à l’entrepreneur de ne pas être responsable sur ses actifs personnels, l’entreprise individuelle a un inconvénient majeur : son dirigeant est responsable sur la totalité de son patrimoine personnel des dettes nées de son activité professionnelle. La création d’un patrimoine d’affectation permet d’éviter cet inconvénient. Ce dispositif n’est pas encore complet et nécessite d’une part des dispositions réglementaires et, d’autre part, des ordonnances procédant aux modifications du droit des entreprises en difficulté et aux harmonisations nécessaires en droit des sûretés et des voies d’exécution et en matière de surendettement des particuliers. (N.L) Jurisprudence Risque et filiation Accouchement sous X : quels risques ? En octobre dernier, pour la 1ère fois, un juge avait accordé aux grands-parents le droit de prouver leur lien de filiation avec leur petitefille née sous X en autorisant une expertise de sangs comparés. Sans grande surprise, la filiation génétique de la fillette a été confirmée. Justifiant de l’intérêt de l’enfant d’être maintenu dans son milieu familial, les grandsparents ont contesté le statut de pupille de l’Etat de l’enfant et sollicité la garde du bébé. La mère de l’enfant, entendue par le juge, s’est déclarée fermement opposé à cette demande. Le juge angevin a déclaré l’action des grands-parents irrecevable en précisant que les grands-parents « ne peuvent se prévaloir d’une filiation rompue par l’accouchement sous X et ne peuvent justifier d’un lien affectif 2 n° 4 Juillet 2010 avec l’enfant n’ayant aperçu le nouveau-né qu’une fois au travers d’une vitre dans le service néo-natal ». Cette décision prouve que la volonté de la mère d’accoucher sous X prime sur l’éventuel intérêt de l’enfant de vivre avec des membres de sa famille biologique démontrant ainsi que l’accouchement sous X a encore de beaux jours devant lui. (TGI Angers 26 avril 2010) (A.F) Congé paternité et couple homosexuel : La haute juridiction refuse d’accorder à une femme homosexuelle le bénéfice des indemnités journalières due au titre du congé de paternité à l’occasion de la naissance de l’enfant de sa compagne avec laquelle elle a conclu un pacte civil de solidarité. La compagne invoquait à l’appui de son pourvoi une discrimination fondée sur le sexe, sur l’orientation sexuelle et une atteinte à sa vie privée et familiale. Ne se prononçant guère sur une éventuelle discrimination, la 2ème chambre civile rejette le pourvoi au motif que le bénéfice du congé paternité est uniquement ouvert en raison de l’existence d’un lien de filiation juridique à l’égard du père de l’enfant. (Civ. 2ème 11 mars 2010, n° 09-65.853) (A.F) Transcription des actes de naissance suite à une gestation pour autrui : La Cour d’appel de Paris n’opère aucune résistance, suivant ainsi la jurisprudence de la Cour de Cassation qui considère que la transcription des actes de naissance de deux fillettes nées de mère porteuse en Californie doit être annulée, car ces actes sont indissociables de la décision juridictionnelle américaine, contraire à l’ordre public français, qui en constitue le soutien. Précisons que la Cour d’appel a refusé de surseoir à statuer dans l’éventualité d’une prochaine révision des lois bioéthiques. En outre, la Cour prend le soin de préciser que « les notions que les parties invoquent, en particulier celle de l’intérêt supérieur de l’enfant, ne sauraient permettre en dépit des difficultés concrètes engendrées par une telle situation, de valider a posteriori un processus dont l’illicéité, consacrée par le législateur français à la suite du juge, ressortit, pour l’heure, au droit positif » (CA Paris 18 mars 2010, renvoi après cassation Civ. 1ère 17 décembre 2008) (A.F) Risque et sécurité juridique Le prêteur professionnel et les risques de la preuve : Par un arrêt du 14 janvier 2010, la Cour de cassation vient préciser le régime du prêt consenti par un professionnel d’une manière inattendue. Après avoir rappelé que ce prêt est un contrat consensuel, elle énonce que c’est au prêteur, qui sollicite l’exécution de l’obligation de restitution de l’emprunteur, de rapporter la preuve de l’exécution préalable de son obligation de remise des fonds. (Civ. 1ère, 14 janvier 2010 : pourvoi n° 08-13.160) (S.M) Gestion d’affaires plutôt que convention d’assistance : La Cour de cassation, dans une classique affaire d’assistance à autrui, utilise la gestion d’affaires afin d’indemniser la personne ayant proposé son aide à titre gratuit à des personnes éprouvant les pires difficultés à regagner le rivage d’une place, et s’étant noyée dans son entreprise. Cette utilisation est à saluer, tant la solution classique, fondée sur une prétendue convention d’assistance, peine à convaincre. Comment une personne en péril peut-elle librement consentir à la conclusion d’un contrat ? C’est ainsi que la gestion d’affaires est davantage appropriée, elle qui ne nécessite pas de volonté de la part de la personne dont l’affaire est gérée. (Civ. 1° 28 janvier 2010, n° 08-16844) (A.D) La réforme de la représentativité syndicale sécurisée : Alors qu’un jugement du tribunal d’instance de Brest remettait en cause la loi du 20 août 2010 en jugeant le critère de l’audience électorale contraire aux conventions de l’OIT, la chambre sociale affirme catégoriquement que cette exigence tend « à assurer la détermination par les salariés eux-mêmes des personnes les plus aptes à défendre leurs intérêts dans l’entreprise ». (Cass. soc 14 avril 2010, n° 09-60.426 FPP+B+R) (E.L) Risque médical La portée du devoir d’information : Un arrêt du 8 avril 2010 donne l’occasion à la Cour de cassation de préciser la portée du devoir d’information du médecin. Elle semble considérer que ce devoir porte sur les risques d’infection nosocomiale, dès lors que ces risques sont scientifiquement connus comme étant en rapport avec le type d’intervention qu’il souhaite réaliser. (Civ. 1ère, 8 avril 2010 : pourvoi n° 08-21.058) (S.M) Transmission de maladie suite à une greffe d’organe : responsabilité pour faute de l’hôpital : En cas de contamination du bénéficiaire d’une greffe par un agent pathogène dont le donneur est porteur, la responsabilité des hôpitaux qui ont prélevé l’organe et procédé à la transplantation n’est engagée que s’ils ont manqué aux obligations qui leur incombaient afin d’éviter l’accident. (CE, 27 janvier 2010, Hospices civils de Lyon, Centre hospitalier universitaire de Besançon, requête n° 313568) (L.A) Risque et perte de chance Obligations d’information du médecin (1) : En matière médicale, les mêmes faits peuvent engendrer plusieurs préjudices. C’est ce qu’illustre un arrêt du 11 mars 2010. Un patient atteint de tétraplégie à la suite d’une opération chirurgicale recherchait la responsabilité du médecin qui l’avait opéré. Ce dernier n’avait pas commis de faute dans le choix ou la réalisation de l’acte. Mais son patient pourra malgré tout prétendre à indemnisation. La Cour de cassation estime en effet qu’il a subi deux préjudices distincts. Le premier découle du manquement du praticien à son obligation d’information. Il consiste en la perte d’une chance d’éviter le dommage, et sera réparé directement par le médecin. Le second, l’atteinte corporelle, résulte de la réalisation d’un risque médical. Il relève de la solidarité nationale. (Civ. 1ère, 11 mars 2010 : pourvoi n° 0911.270) (S.M) Obligations d’information du médecin (2) : Un patient sollicite la réparation de son préjudice devant les juridictions judiciaires car il n’a pas été informé des risques d’impuissance inhérent à une adénomectomie prostatique. Il était depuis quelques années constant que la réparation du manquement à un tel devoir d’information du professionnel de santé résulte de la perte de chance d’échapper au risque qui s’est finalement réalisé. Le consentement hypothétique du patient s’il avait été correctement informé devait ainsi être recherché par les magistrats pour évaluer cette perte de chance. En l’espèce, la haute juridiction ne retient aucune perte de chance car il très peu (ou au contraire très) probable que le patient dûment averti des risques de troubles érectiles aurait tout de même consenti à l’opération. Toutefois, la 1ère chambre civile au visa des articles 16, 16-3, alinéa 2, et 1382 du code civil énonce que le non-respect « du devoir d’information cause à celui auquel l’information était légalement due, un préjudice, qu’en vertu du dernier des textes susvisés, le juge ne peut laisser sans réparation ». La Cour de cassation franchit ici une étape supplémentaire en systématisant la réparation de la faute éthique, proche des valeurs constitutionnelles de dignité humaine et bien loin du contrat médical comme en témoigne l’utilisation du fondement délictuel. (Civ. 1ère. 3 juin 2010, pourvoi n° 09-13.591) (A.F) Responsabilité du notaire : Une Cour d’appel avait débouté des époux de leur demande de réparation au titre de la perte d’une chance, puisque cette demande s’appuyait sur un dommage purement éventuel, les époux demandant la mise en œuvre de la responsabilité du notaire auteur de la vente de leur bien pour défaut d’information : il n’avait en effet pas inséré dans l’acte de vente une clause stipulant que l’acheteur supporterait toute condamnation postérieure relative à la maison vendue, et les époux avaient été condamnés pour défaut de permis de construire suite à la vente. La Cour de cassation censura la décision, en précisant qu’elle avait ainsi exclu un dommage qui pouvait être réparé sur le fondement de la perte d’une chance. On pourrait y voir une extension de la notion de perte d’une chance à l’hypothèse du risque de dommage. (Civ. 1° 14 janvier 2010, n° 08-16.760 et 08-21.562) (A.D) 3 Risque et Constitution La question prioritaire de constitutionnalité ou le risque d’inconstitutionnalité de la législation en vigueur : En application de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, précisée par la loi organique du 10 décembre 2009 et entrée en vigueur le 1er mars dernier, introduisant la question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil d’Etat a renvoyé au Conseil constitutionnel, par trois arrêts du 14 avril 2010, l’examen de trois premières questions de constitutionnalité. Cf. CE 14 avril 2010 Union des familles en Europe, req. n° 323830 ; CE 14 avril 2010 Mme L., req. n° 329290 ; CE 14 avril 2010 Consorts L., req. n° 336753. Dans la première affaire, le Conseil constitutionnel (décision n° 2010-3 QPC du 28 mai 2010) a jugé que l’article L. 211-3 alinéa 3 du code de l’action sociale et des familles qui habilite l’UNAF et l’UDAF à représenter les familles auprès des pouvoirs publics n’est pas contraire aux droits et libertés que la Constitution garantit (pas de méconnaissance du principe d’égalité ; pas d’atteinte à la liberté d’expression ni à la liberté d’association). Dans la deuxième affaire, le Conseil constitutionnel (décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010) a jugé que le régime de responsabilité instauré par l’article 1er de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (dispositif « anti-Perruche ») est conforme aux droits et libertés que la Constitution garantit (il ne censure que les dispositions transitoires relatives à l’application de la loi de 2002). Dans la troisième affaire, le conseil constitutionnel (décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010) a jugé que les dispositions législatives relatives à la cristallisation des pensions (c’est-à-dire au régime spécial des pensions applicables aux ressortissants des pays et territoires autrefois sous souveraineté française et, en particulier, aux ressortissants algériens) sont contraires au principe d’égalité que la Constitution garantit et donc inconstitutionnelles. Il a fixé au 1er janvier 2011 la date d’abrogation de ces dispositions pour permettre au législateur d’intervenir sur la question. (D.P) Question prioritaire de constitutionnalité : la rigueur de la Cour de cassation : Par deux arrêts (Cass. QPC, 31 mai 2010, n° 0587.745, et 4 juin 2010, n° 09-83.936), la Cour de cassation a accepté la transmission au Conseil constitutionnel, aux fins d’examen de leur constitutionnalité, de plusieurs dispositions du Code de procédure pénale. Pour le premier, elle a estimé que les articles 62, 63, 63-1, 63-4, 77 et 706-73 C.pr.pén., relatifs à la garde à vue, concernent la garantie de la liberté individuelle et les droits de la défense. Pour le second, elle considère que l’article 575 C.pr.pén., limitant la possibilité pour la partie civile de se pourvoir en cassation contre les arrêts de la chambre de l’instruction, intéresse notamment les principes d’égalité devant la loi et d’égal accès à la justice. Ces décisions sont notables au vu de l’appréciation stricte des conditions de l’art. 23-2 de la loi n° 20091523 du 10 décembre 2009 à laquelle s’est livrée la Haute juridiction jusqu’alors. Ainsi, au travers de deux arrêts des 7 mai (n° 0980.774) et 31 mai 2010 (n° 10-80.637), la Cour de cassation apprécie le défaut de sérieux de la QPC en opérant un véritable contrôle de constitutionalité a minima. Celuici a pour objet d’empêcher une remise en cause de l’interprétation des dispositions législatives déjà effectuée par la Cour de cassation (Cass., QPC, 19 mai 2010, n° 09-83.328, et 31 mai 2010, n° 09-87.578). Par ailleurs, le défaut de sérieux est aussi retenu lorsque la question porte sur une théorie et non sur les dispositions d’un article de loi (Cass. QPC, 19 mai 2010, n° 09-87.651 ; à propos de l’article 578 C.pr.pén. fondant la théorie de la peine justifiée) (F.L) Risque d’Entreprendre Obligation de sécurité de résultat absolue ? : La chambre sociale apprécie de plus en plus sévèrement l’obligation de prévention à laquelle l’employeur est tenu en matière de protection de la santé des travailleurs. Celui-ci manque à son obligation de sécurité de résultat lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail de violences physiques ou verbales, ou de harcèlement, exercés par l’un ou l’autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser de tels agissements. Dès lors, faut-il en déduire que l’employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat absolue ? (Cass. soc 3 février 2010, n° 08-40.144 FP-P+B+R ; Cass. soc 3 février 2010, n° 08-44.019 FP-P+B+R) (E.L) Risque et compétence Conflit de compétences (antennes relais, incompétence du juge judiciaire) : L’utilisation des fréquences hertziennes relève, du domaine public de l’Etat (article L.2111-17 du code général de la propriété des personnes publiques-CGPPP). Ainsi l’utilisation de ces fréquences par un opérateur constitue un mode d’occupation privatif du domaine public de l’Etat, qui ne peut être remis en cause que devant le juge administratif (l’article L.2331-1 du CGPPP). En conséquence, le juge judiciaire doit être déclaré incompétent pour traiter de l’autorisation donnée à un opérateur de téléphonie d’installer des antennes relais utilisant des fréquences hertziennes. (CA Angers, 24 février 2010, n° 09/00745) (C.C) Répartition de compétences (un département peut s’opposer à la culture d’OGM sur son territoire) : Le Conseil d’Etat juge légale la délibération par laquelle le conseil général du Gers a manifesté son opposition à la culture d’OGM sur son territoire. La Haute juridiction estime en effet qu’il est loisible aux conseils généraux d’adopter des délibérations qui se bornent à des vœux, des prises de position ou des déclarations d’intention, et que de telles délibérations peuvent porter sur des questions à caractère politique ou sur des sujets qui relèvent de la compétence d’autres personnes publiques, dès lors qu’ils présentent un intérêt départemental. (CE, 30 décembre 2009, Département du Gers, requête n° 308514) (L.A) ; 3- Permettre une meilleure ouverture des formations juridictionnelles du CE sur la société, en leur permettant de recueillir les observations de toute personne dont la compétence et les connaissances seraient de nature à les éclairer utilement (philosophes, économistes, sociologues…). (JO du 23 février 2010, p. 3325) (D.P) Risquons-nous ailleurs Annulation partielle du fichier ELOI : Le Conseil d’Etat annule partiellement le décret portant création d’un traitement automatisé des données personnelles relatives aux étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement du territoire, dit fichier ELOI. S’agissant de l’enregistrement dans ce fichier du numéro national d’identification utilisé dans le système informatisé de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France ayant demandé un titre de séjour, la Haute juridiction juge que la pertinence et l’adéquation de cette donnée aux finalités du traitement, à savoir, la mise en œuvre des mesures d’éloignement, ne sont pas établies. Par ailleurs, l’élévation à trois ans de la durée de conservation des données relatives à l’identification de l’étranger et ses enfants, aux caractéristiques de la mesure d’éloignement, à la soustraction éventuelle à l’exécution de la mesure d’éloignement, à l’exercice de recours contentieux et aux demandes de laissez-passer consulaires est excessive au regard de la durée nécessaire à la gestion des différentes étapes des procédures d’éloignement. (CE, 30 décembre 2009, Association SOS Racisme, Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) et autres, requête n° 312051) (L.A) Législation Ce qui est arrivé… Réforme de la juridiction administrative : Le décret n° 2010-164 du 22 février 2010 modifie le code de justice administrative dans sa partie réglementaire. Il procède notamment à une réduction de la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d’Etat au profit des tribunaux administratifs, ainsi qu’à la création de nouvelles formations de jugement au sein des juridictions administratives. Il contient également une réforme de l’expertise et un nouveau mode de clôture de l’instruction avec effet immédiat (JO du 23 février 2010, p. 3325) (L.A) Assignation à résidence avec surveillance électronique et protection des victimes de violences au sein du couple : Pris en application de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, le décret n° 2010-355 du 1er avril 2010, précise le moment et les modalités de l’accord de la personne mise en examen à une telle mesure. Celle ci peut également concerner un mineur. Par ailleurs, le texte prévoit les dispositions relatives au contrôle judiciaire et à l’assignation à résidence applicables en cas de violences au sein du couple. (JO 3 avril 2010, p. 6498) (F.L) Décret n°2010-164 du 22 février 2010 relatif aux compétences et au fonctionnement des juridictions administratives : Ce décret s’inscrit dans la réforme en cours de la justice administrative (il s’ajoute au décret du 6 mars 2008 relatif à l’organisation et au fonctionnement du Conseil d’Etat et au décret du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l’audience devant ces juridictions) et modifie un certain nombre d’articles du code de justice administrative. Ce texte poursuit un triple objectif : 1- Réformer la compétence du CE en 1er ressort pour la recentrer sur les affaires dont la nature et l’importance justifient effectivement qu’il soit dérogé à la compétence naturelle des TA ; 2- Rendre l’instruction plus prévisible pour les parties, notamment par l’instauration de calendriers de procédure 4 Jurisprudence Droit au mariage entre l’auteur d’un viol et sa victime : Un délinquant sexuel détenu s’étant vu refuser le droit de se marier avec la victime du viol pour lequel il purge une lourde peine de prison a saisi la cour européenne jugeant qu’il s’agissait d’une atteinte illégitime au droit au mariage. La Cour lui a donné raison en condamnant la Pologne pour violation de l’article 12 de la CESH aux motifs que le choix de son partenaire de se marier est strictement une affaire personnelle et qu’il n’y a aucun modèle universel de référence ou communément accepté pour ce type de choix. (CEDH 5 janvier 2010 Frasik / Pologne) (A.F) Présence de l’avocat dès le début de la garde à vue : Dans sa décision n° 09101766 du 19 janvier 2010, la cour d’appel de Nancy a écarté des débats les procès-verbaux de garde à vue au motif que les suspects, poursuivi pour trafic de stupéfiants n’avaient pu voir leur avocat avant la 72e heure de leur audition. Un pourvoi en cassation a été formé par le parquet. (F.L)