Les services - Institut national de la consommation

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Les services - Institut national de la consommation
INC
1543-Jurisp services v04.qxp
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JURISPRUDENCE
LES SERVICES
VICES CACHÉS ET OBLIGATION DE DÉLIVRANCE CONFORME
DANS LES VENTES D’AUTOMOBILES
Obligation de délivrance – Kilométrage erroné
Un consommateur fait l’acquisition d’un véhicule d’occasion
en 2001 auprès d’un garagiste. À la suite d’une panne en 2004,
le propriétaire découvre que le compteur kilométrique avait été
changé de sorte que le kilométrage indiqué était erroné. Il assigne le vendeur en résolution de la vente sur le fondement des
vices cachés. Les juges de la cour d’appel d’Aix-en-Provence font
droit à sa demande et condamnent le vendeur à reprendre le
véhicule et à rembourser à l’acheteur 17 774 €.
L’arrêt est cassé par les juges de la Cour de cassation, qui posent
que «l’indication d’un kilométrage erroné caractérise un manquement à l’obligation de délivrer une chose conforme aux spécifications convenues par les parties et non un vice caché ».
Cass. civ. I, 8 octobre 2009, pourvoi no 08-20 282.
Obligation de délivrance – Bref délai –
Kilométrage erroné
Une consommatrice acquiert en septembre 2000 un véhicule
d’occasion de treize ans d’âge avec un kilométrage élevé. L’annonce est rédigée de la manière suivante : « Range Rover Vogue
GPL, vert métallisé, en excellent état, avec de nombreuses op-
tions…» Au bout de six mois d’utilisation, après avoir parcouru
6738 km, le moteur expire. Une expertise révèle alors que le moteur du véhicule n’était pas celui d’origine : il s’agit d’une pièce
de « seconde monte », beaucoup plus ancienne, équipée d’un
carburateur et non d’une injection, au kilométrage réel inconnu.
La consommatrice assigne alors le vendeur sur le fondement
de la garantie des vices cachés et sur celui du défaut de conformité (au sens d’une délivrance conforme). La Cour de cassation approuve les juges de la cour d’appel d’avoir déclaré l’acquéreur irrecevable sur le fondement de la garantie des vices
cachés (car l’exigence du «bref délai», prescrite par l’article 1648
du code civil dans sa rédaction antérieure au 17 février 2005,
n’avait pas été respectée), tout en le déclarant recevable au titre
de l’inexécution de l’obligation de délivrance conforme (article 1604 du code civil).
Les juges reconnaissent que le véhicule était effectivement affecté de vices cachés notables le rendant impropre à l’usage auquel il était destiné, mais relèvent que le vendeur était également tenu de mettre à disposition de l’acheteur un véhicule
conforme aux stipulations de l’annonce parue. Or, une différence notable sur la qualité du moteur constitue un défaut de
conformité justifiant la résiliation de la vente.
Cass. civ. I, 18 février 2009, pourvoi no 07-20 404.
RESPONSABILITÉ DU GARAGISTE
Responsabilité délictuelle – Étendue
de la réparation
Obligation de résultat – Charge de la preuve
Un garage est reconnu responsable, après expertise contradictoire, des dommages survenus à un véhicule. Le véhicule appartient à M. Y… qui le prête régulièrement à M. X… Ces derniers
assignent la société en réparation de leurs préjudices. La juridiction de proximité condamne le garagiste à indemniser le propriétaire du véhicule de la moitié de la somme demandée, au
motif qu’il faut tenir compte de l’âge du véhicule (mis en circulation en 1993), du kilométrage (162221 km) et du fait qu’un moteur «échange standard» va conférer une plus-value indéniable
au véhicule. La décision est censurée par les juges de la Cour de
cassation qui rappellent qu’en vertu de l’article 1382 du code
civil, la victime doit être replacée dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit. Il n’y
a donc pas lieu d’appliquer un coefficient de vétusté au moteur.
Un consommateur achète un véhicule d’occasion dont la climatisation se révèle défectueuse. Il en confie la réparation à un
garagiste. Après deux interventions inopérantes du professionnel,
le consommateur assigne ce dernier en indemnisation de son
préjudice.
La juridiction de proximité déboute le consommateur au motif qu’il n’existe pas de commencement de preuve que les interventions du garagiste n’ont pas été faites dans les règles de l’art
de la profession. L’arrêt est cassé par la Cour de cassation : il n’est
pas contesté que la défaillance persistait, il incombait au garagiste de prouver que la persistance de la défectuosité ne découlait
pas de prestations insatisfaisantes au regard de son obligation
de résultat.
Cass. civ. I, 2 avril 2009, pourvoi no 08-12 065.
Cass. civ. II, 11 juin 2009, pourvoi no 08-16 507.
INC Hebdo
No 1543
21 - 27 décembre 2009
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RESPONSABILITÉ DE LA POSTE
Limitation au forfait souscrit
pour le recommandé
Une banque envoie par lettre recommandée avec accusé de réception une carte bancaire à un client. Celui-ci ne la reçoit pas,
mais elle est utilisée frauduleusement pour des retraits d’un montant de 4 336,64 €.
Le client se retourne contre la banque, qui le rembourse. La
banque se retourne à son tour contre La Poste pour obtenir le
remboursement des sommes versées. La Poste propose à la
banque un remboursement de 8 €, conformément au taux de
recommandation choisi parmi les trois options proposées.
La banque saisit alors les tribunaux. Les juges du fond font droit
à sa demande et condamnent La Poste à indemniser intégralement la banque. En effet, la cour d’appel fait la distinction entre
la perte matérielle de la carte, qui est couverte par le forfait de
8 €, et les retraits frauduleux, conséquence de la perte de la carte
et qui ne sont pas indemnisés. Ils condamnent donc La Poste
à rembourser la banque du montant des retraits.
L’arrêt est cassé par la Cour de cassation qui rappelle que l’indemnisation forfaitaire prévue par la réglementation répare l’entier
préjudice subi.
Rappelons que, pour les recommandés, l’usager a le choix entre
trois niveaux de dédommagement. Le premier était, à l’époque
des faits, à 8 € ; il est passé depuis à 16 €. Les plafonds de responsabilité sont donc censés indemniser l’intégralité du préjudice
subi, quel que soit son montant.
Depuis cet arrêt, les règles de responsabilité de La Poste ont
évolué.
Désormais, le principe est que les prestataires postaux sont
responsables sur la base du code civil – articles 1134 et suivants
et 1382 et suivants – pour les pertes et avaries, ainsi que pour
les dommages causés par le retard dans la distribution d’un envoi postal si le prestataire a souscrit un engagement portant sur
le délai d’acheminement. Mais, malheureusement, ce principe
de responsabilité, qui semble a priori très large, est très limité
par les plafonds d’indemnisation édictés par décret. Et la solution adoptée par la Cour de cassation ne serait pas différente
aujourd’hui.
Cass. civ. I, 18 février 2009, pourvoi no 08-12 855.
VICES CACHÉS DANS LES VENTES D’IMMEUBLES
Garantie des vices cachés – Vice apparent –
Appréciation
Garantie des vices cachés – Clause
d’exclusion de garantie – Application
Un couple achète une maison et découvre que le bois des charpentes est attaqué par des insectes xylophages. Les acheteurs
assignent les vendeurs pour obtenir une réduction du prix et
des dommages et intérêts. La cour d’appel fait droit à leur demande. Les vendeurs forment un pourvoi, estimant qu’il s’agissait d’un vice apparent. Ils avaient informé les acheteurs qu’il
y a plus de dix ans, ils avaient fait réaliser des travaux de remise
en état destinés à l’éradication de ces insectes : selon eux, les
acheteurs auraient dû faire preuve d’une prudence élémentaire
en s’assurant de l’éradication définitive de ces parasites.
La Cour de cassation rejette le pourvoi. La cour d’appel a souverainement constaté qu’il s’agissait bien d’un vice caché. La
charpente se trouvait au moment de la vente en mauvais état
à la suite d’une infestation quasi généralisée qui avait dégradé
de nombreux éléments (lames de parquet, combles, solives). Par
ailleurs, les juges du fond relèvent qu’«il ne peut être imposé aux
acquéreurs de soulever la laine de verre qui recouvrait les bois
de la charpente pour voir les pièces dégradées ».
La décision est plus favorable au consommateur que les décisions antérieures.
En effet, en 2003, la Cour de cassation avait estimé que le consommateur informé de la présence de capricornes devait faire preuve d’une prudence élémentaire et faire appel à un spécialiste, comme le lui avait recommandé l’agent immobilier. Dans
ces conditions, la découverte de termites après la vente n’était
pas constitutive d’un vice caché (Cass. civ. III, 26 février 2003,
pourvoi no 01-12 750).
De même, en 1995, la présence de termites n’a pas été considérée comme un vice caché. Selon les juges, le fait que des contrats de traitement et de désinsectisation aient été annexés à
l’acte authentique devait attirer l’attention de l’acheteur sur le
risque de retour des termites. Il ne devait pas se contenter d’attestations décrivant sommairement l’état sanitaire et parasitaire
de l’immeuble (Cass. civ. III, 22 novembre 1995, pourvoi no 9315 347).
Les acheteurs d’une maison découvrent que celle-ci est atteinte
de mérule. Ils assignent alors les vendeurs sur le fondement de
la garantie des vices cachés et demandent réparation de leur
préjudice incluant le coût des travaux de réparation. Les vendeurs leur opposent une clause d’exclusion de garantie figurant
au contrat de vente.
Les juges de la cour d’appel limitent la réparation due par les
vendeurs, en faisant une distinction entre les différentes parties de la maison et la connaissance que les vendeurs avaient
ou non de leur état.
Ainsi, les juges relèvent que les vendeurs savaient que le plancher était atteint de mérule, car ils avaient mis en place des poutres de soutien quelques années auparavant. La cour d’appel
retient donc la mauvaise foi des vendeurs pour écarter l’application de la clause de non-garantie.
En revanche, pour ce qui concerne les habillages en bois de façade, au premier étage et dans les chambres du deuxième étage,
les juges estiment que rien ne permet de retenir que les vendeurs avaient connaissance des vices au moment de la vente.
La clause de non-garantie a donc, selon les juges du fond, vocation à s’appliquer.
L’arrêt est cassé par la Cour de cassation, qui indique que « la
connaissance de la présence de mérule dans l’immeuble obligeait
le vendeur de mauvaise foi à réparer tous les désordres imputables
à ce vice ».
La Cour de cassation estime donc que la mauvaise foi des vendeurs est indivisible. Les vendeurs auraient dû avertir que l’immeuble était touché par la mérule. La clause de non-garantie
ne peut donc pas s’appliquer.
Cass. civ. III, 19 novembre 2008, pourvoi no 07-16 746.
Françoise Hébert-Wimart
Cass. civ. III, 17 décembre 2008, pourvoi no 07-20 450.
II
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