1407-Jurisp banques - Institut national de la consommation

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1407-Jurisp banques - Institut national de la consommation
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JURISPRUDENCE
SECTEUR BANCAIRE
Récemment, la Cour de cassation a précisé les conditions dans lesquelles un établissement de crédit peut voir
engager sa responsabilité envers un particulier excédant ses facultés de remboursement. La divergence entre la
jurisprudence de sa première chambre civile et celle de sa chambre commerciale s’est atténuée sur ce point.
Il semble intéressant de faire ici un petit rappel de l’évolution jurisprudentielle sur la question de la responsabilité
de la banque pour octroi d’un crédit excessif au regard de la capacité de remboursement de l’emprunteur.
Crédit – Point sur la responsabilité du
banquier – Devoir de mise en garde
Pour la première fois, dans un arrêt du 8 juin 1994 1, la première
chambre civile de la Cour de cassation a admis la responsabilité d’une banque qui avait agi envers l’emprunteur avec une
légèreté blâmable pour lui avoir accordé un crédit inapproprié.
Dans un arrêt du 27 juin 1995 2, la première chambre civile précisait sa position. En l’espèce, les banques avaient manqué à
leur devoir de conseil et leur responsabilité avait été engagée
dans la mesure où elles avaient accordé des prêts sans avoir
mis en garde les emprunteurs sur l’importance de l’endettement lié aux prêts souscrits.
Dans cette décision, la Cour de cassation assimilait « le devoir
de conseil» à «l’obligation de mise en garde». Toutefois, le devoir
de conseil semble impliquer que le banquier oriente la décision
de l’emprunteur, et le dissuade d’emprunter si le prêt est excessif ; tandis que la mise en garde consisterait à avertir l’emprunteur des risques sans orienter sa décision.
La chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu des
arrêts moins favorables au consommateur, d’abord à propos des
crédits aux entreprises. Dans un arrêt de principe du 11 mai
1999 3, elle a cassé une décision ayant retenu la responsabilité
d’une banque à laquelle un dirigeant reprochait d’avoir accordé
un découvert excessif pour le financement de son entreprise
individuelle au motif que la banque savait que sa situation était
compromise. Le prêt avait été demandé par le dirigeant, et le
banquier n’avait pas à s’immiscer dans la gestion des affaires
de son client.
La chambre commerciale a étendu le champ d’application de
cette solution le 26 mars 2002 4 à des crédits aux particuliers.
Des époux ayant recherché la responsabilité du prêteur en rai-
son de l’octroi d’un prêt relais immobilier, la Cour de cassation
a approuvé le rejet de leur demande au motif qu’ils avaient demandé le prêt litigieux et qu’ils n’avaient pas prétendu que la
banque «aurait eu sur la fragilité de leur situation financière des
informations qu’eux-mêmes auraient ignorées ».
La chambre commerciale ne retient la responsabilité du banquier envers l’emprunteur qu’au cas dans lequel il détient, sur
la situation financière de l’emprunteur, des informations que
celui-ci aurait lui-même ignorées.
Par un arrêt du 24 septembre 2003 5, elle écartait l’existence
d’un devoir de conseil à l’égard d’une personne ayant contracté
des prêts à des fins personnelles et professionnelles.
La première chambre civile de la Cour de cassation a maintenu sa jurisprudence et a accru sa divergence avec la chambre
commerciale dans une décision du 8 juin 2004 6. Elle a jugé que
le refus du prêt opposé aux emprunteurs par une autre banque
en raison de la prévisibilité d’un endettement excessif n’était
pas de nature à dégager le prêteur final de sa propre responsabilité.
Ce conflit au sein de la Cour de cassation a été réduit par trois
arrêts de principe rendus par la première chambre civile le
12 juillet 2005 7. Dans un de ces arrêts, elle a jugé que le prêteur
avait manqué à son devoir de mise en garde à l’égard d’emprunteurs profanes «en ne vérifiant pas leur capacité financière
et en leur accordant un prêt excessif au regard de leurs facultés
contributives». Elle introduit une distinction entre les emprunteurs avertis et les emprunteurs profanes et instaure un régime
de responsabilité propre à chaque catégorie.
Ainsi, concernant les emprunteurs avertis, les deux chambres
admettent le principe d’irresponsabilité du prêteur. Mais la
première chambre civile maintient l’existence d’un devoir de
mise en garde au bénéfice des emprunteurs profanes s’appa-
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1 Bull. civ., 1994, I, no 206.
2 Bull. civ., 1995, I, no 288.
3 Bull. civ., 1999, IV, no 95.
4 Bull. civ., 2002, IV, no 57.
5 Cass. com., 24 septembre 2003 ; Bull. civ., 2003, IV, no 137.
6 Bull. civ., 2004, I, no 206.
7 Cass. civ. I, 12 juillet 2005, pourvois nos 02-13 155 et 03-10 921.
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I
rentant à une obligation de vigilance, s’agissant de vérifier la
situation des emprunteurs afin de ne pas leur accorder de prêt
excessif.
La première chambre civile marquait un infléchissement dans
un arrêt du 2 novembre 2005 8 en définissant la mise en garde
comme le seul devoir de vérifier les capacités financières de
l’emprunteur profane avant de lui apporter concours.
Cela a été confirmé par l’arrêt de la première chambre civile en
date du 21 février 2006 9. En l’espèce, deux crédits immobiliers
avaient été accordés à des époux, ceux-ci invoquant un manquement de la banque à son devoir de conseil. La cassation est
prononcée sous le visa de l’article 1147 du code civil au motif
qu’en se déterminant ainsi sans rechercher si les époux pouvaient être considérés comme des emprunteurs avertis, la
banque les avait alertés sur l’importance de ce risque et avait
ainsi rempli son devoir de mise en garde.
Le devoir de vigilance qui se dessinait après les arrêts du
8 juin 2004 et du 12 juillet 2005 est écarté au profit d’une mise
en garde.
La chambre commerciale maintient un temps sa position,
notamment dans un arrêt du 22 novembre 2005 10. L’emprunteur ne peut valablement mettre en cause la responsabilité de
l’établissement bancaire au titre d’un devoir d’information ou
de conseil sans démontrer que la banque avait, sur la fragilité
de la situation de l’emprunteur, des informations que celui-ci
n’avait pas, et alors que le banquier n’a pas à s’immiscer dans
les affaires de son client.
Mais par deux arrêts en date du 3 mai 2006 11, la chambre commerciale de la Cour de cassation admet l’existence d’un devoir
de mise en garde de la banque au bénéfice des emprunteurs
profanes, même si elle ne l’applique pas dans les deux arrêts
en question. Dans la première espèce, les juges du fond n’établissaient pas le caractère excessif des prêts au jour de leur
octroi. Dans la seconde, l’emprunteuse avait été en mesure de
bénéficier des conseils de son mari qui était lui-même un tiers
averti.
Le devoir de mise en garde consiste à avertir l’emprunteur des
risques du crédit.
Ces arrêts témoignent d’une harmonisation des jurisprudences de la première chambre civile et de la chambre commerciale, mais celle-ci dépend de la définition donnée à l’obligation de mise en garde.
Un arrêt du 20 juin 2006 12 concerne le financement de l’acquisition d’un fonds de commerce d’hôtel-restaurant par un
chauffeur routier au chômage et son épouse aide ménagère.
S’agissant de la responsabilité pour crédit excessif, la chambre
commerciale se recentre sur la responsabilité du banquier pour
octroi du crédit excessif selon le degré de compétence de
l’emprunteur ou de la caution.
Dans un arrêt du 27 juin 2006 13, la première chambre civile réitère sa jurisprudence : elle casse l’arrêt de la cour d’appel au
motif qu’elle aurait dû rechercher si l’emprunteur pouvait être
considéré comme un emprunteur averti.
Dans deux arrêts du 12 juillet 2006 14, la première chambre civile casse l’arrêt de la cour d’appel car elle n’avait pas recherché
si l’endettement total qui résultait du prêt excédait ou non les
facultés contributives des emprunteurs profanes, à l’égard desquels la banque était tenue d’un devoir de mise en garde.
Banque – Devoir de mise en garde
du banquier
Dans les cinq affaires opposant La Poste à des clients ayant
souscrit des parts de son fonds commun de placement dénommé “Bénéfic”, les premiers juges avaient décidé que l’établissement avait manqué à son obligation de conseil envers les
épargnants en n’attirant pas leur attention sur les risques d’une
opération dépendante des fluctuations boursières. La valeur
des parts souscrites s’était trouvée, à l’échéance, inférieure à la
valeur de souscription. La Poste avait alors été condamnée à
payer des dommages-intérêts à ces épargnants.
La Cour de cassation a cassé ces décisions et jugé que les précisions figurant dans le document publicitaire accompagnant
l’offre du produit financier en cause satisfaisaient à l’obligation
d’information de La Poste sur les caractéristiques objectives de
ce produit. Il était notamment indiqué dans ce document que
le capital investi était protégé jusqu’à 23 % de baisse de l’Euro
50 ou du CAC 40, ce dont on déduisait que le capital n’était plus
garanti en cas de baisse de l’Euro 50 ou du CAC 40 supérieure
à 23 %.
Dans un des arrêts, la Cour relève que « le jugement retient, en
se référant aux mentions du document publicitaire relatif au
fonds commun de placement Bénéfic, que La Poste a manqué à
son obligation d’information et de conseil, privant son contractant de la possibilité d’appréhender l’exacte portée de son engagement ; en se déterminant ainsi sans préciser en quoi l’information délivrée par La Poste aurait été incomplète, inexacte
ou trompeuse, la juridiction de proximité n’a pas donné de base
légale à sa décision ».
Dans une autre affaire, la Cour casse un jugement en relevant
«qu’en se déterminant ainsi, par référence au seul document publicitaire et sans rechercher, comme elle y était invitée, si la notice d’information remise à M. X… faisait mention du risque lié
à la baisse du CAC 40, la juridiction de proximité n’a pas donné de base légale à sa décision ».
Ces arrêts confirment la jurisprudence de la Cour de cassation
selon laquelle le banquier a un devoir de mise en garde envers
ses clients pour les opérations qui présentent un caractère
spéculatif.
Cass. com., 19 septembre 2006, pourvoi nos 05-15 305 et 0514 344.
Crédit immobilier
En vertu de son obligation d’information et de conseil, la
banque a le devoir de faire connaître aux époux emprunteurs,
qui se sont solidairement obligés à rembourser un crédit immobilier, qu’un refus d’agrément de l’assureur pour l’un des
époux leur permet d’obtenir la résolution de plein droit du
contrat de crédit, sans frais ni pénalité; la demande devant être
présentée dans un délai d’un mois à compter de la notification
du refus d’agrément.
Cass. civ. I, 26 octobre 2004, pourvoi no 02-20 945.
Crédit – TEG erroné – Délai d’action
Lorsque le taux effectif global (TEG) d’un crédit figurant sur les
offres de prêt est erroné (en l’espèce le coût de l’assurance avait
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8 Cass. civ. I, 2 novembre 2005, no 03-17 443.
9 Cass. civ. I, 21 février 2006, no 02-19 066.
10 Cass. com., 22 novembre 2005 no 04-13 716.
11 Cass. com., 3 mai 2006, no 04-15 517, no 02-19 066.
12 Cass. com., 20 juin 2006, no 04-14 114.
13 Cass. civ. I, 27 juin 2006, no 04-18 845.
14 Cass. civ. I, 12 juillet 2006, nos 04-13 192 et 05-12 699.
II
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été omis dans le calcul du TEG), la Cour de cassation se fondant
sur l’existence d’une erreur constitutive d’un vice du consentement admet, dans un arrêt de principe, l’action en nullité de
la stipulation du taux des intérêts conventionnels et décide
qu’elle ne commence à courir qu’à compter de la révélation à
l’emprunteur d’une telle erreur. De sorte que l’action engagée
dans l’année de cette révélation est recevable. Elle confirme
l’arrêt de la cour d’appel qui avait distingué dans sa décision :
– l’absence de TEG dans l’acte constatant le crédit qui est facilement identifiable, donc qui justifie que l’action en nullité
soit éteinte si elle n’est pas exercée pendant cinq ans à compter de la signature du contrat de prêt ;
– l’erreur dans le calcul du TEG qui devait être soumise à la
règle énoncée par l’alinéa 2 de l’article 1304 du code civil pour
lequel le point de départ de l’action en nullité devait être fixé
à la découverte de l’erreur.
La sanction est l’annulation de la stipulation du taux d’intérêt,
qui emporte substitution du taux légal au taux d’intérêt conventionnel prévu.
Cass. civ. I, 7 mars 2006, pourvoi no 04-10 876.
Crédit – Calcul du TEG
Il ressort des dispositions législatives et réglementaires applicables que le taux effectif global d’un prêt doit être calculé sur
la base d’une année civile de 365 ou 366 jours et non sur la base
d’une année fictive de 360 jours. Le TEG erroné doit être assimilé à une absence de TEG et la nullité de la stipulation du taux
de l’intérêt est encourue. Dès lors, il y a lieu de substituer le
taux d’intérêt légal au taux d’intérêt conventionnel.
Cass. com., 17 janvier 2006, pourvoi no 04-11 100.
Crédit – Club de sport
En l’espèce, des particuliers s’étaient inscrits dans un club de
sport et avaient souscrit le même jour des crédits renouvelables assortis d’une carte de crédit.
Le club de sport ayant fermé suite à une mise en liquidation judiciaire, les adhérents avaient demandé la suspension des prélèvements effectués par l’établissement de crédit.
La Cour de cassation approuve l’arrêt de la cour d’appel qui
avait relevé que l’établissement de crédit connaissait parfaitement l’objet du crédit qu’il offrait aux adhérents dès lors que
le club de sport agissait en ses lieux et place pour faire signer
les contrats, disposant des imprimés nécessaires. L’adhérent,
consommateur ordinaire, a cru qu’il souscrivait un crédit affecté destiné à financer son adhésion et son abonnement au
club de sport, et a été trompé par le club de sport et l’établissement de crédit. La scission apparente du contrat de crédit
renouvelable et de l’abonnement avait pour but de tourner les
dispositions d’ordre public du code de la consommation par
le biais d’un achat différé alors que les dispositions de l’article
L. 311-20 du code de la consommation auraient dû s’appliquer.
L’établissement de crédit a donc commis une fraude à la loi et
est condamné.
Cet arrêt marque un tournant et constitue un progrès dans le
respect des dispositions relatives au crédit à la consommation
par les établissements de crédit.
Cass. civ. I, 7 février 2006, pourvoi no 04-11 185.
Chèque sans provision – Escroquerie
Une personne avait ouvert un compte dans une agence bancaire et y avait remis quatre chèques émis par des particuliers
en règlement d’honoraires de négociations immobilières ainsi qu’un chèque tiré sur un compte à son nom. Ensuite, mettant
à son profit des délais d’encaissement, elle a tenté d’obtenir le
transfert d’une partie de ces sommes sur un compte ouvert au
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Luxembourg où elle envisageait de s’installer. L’établissement
bancaire, après avoir procédé à des vérifications, a découvert
que les quatre chèques émis par les clients de cette personne
étaient frappés d’opposition et que son propre chèque était
sans provision.
Cette personne fut donc condamnée pour tentative d’escroquerie par la cour d’appel qui insista sur le fait qu’elle connaissait l’opposition parce que les chèques avaient été émis par des
clients en contrepartie d’engagements qu’elle n’entendait pas
honorer, et qu’elle ne pouvait ignorer l’absence de provision de
son propre chèque.
La Cour de cassation rejeta le pourvoi, la cour d’appel ayant caractérisé le délit de tentative d’escroquerie. Seul un dépôt d’un
chèque sans provision accompagné de manœuvres est susceptible de constituer un délit d’escroquerie.
Cass. ass. plén., 18 janvier 2006, pourvoi no 02-80 787.
Note : Cet arrêt est à rapprocher d’un arrêt du 1er juin 2005
(pourvoi no 04-87 757) de la chambre criminelle de la Cour de
cassation. En l’espèce, un prévenu avait émis à son nom vingttrois chèques sans provision pour un montant de 17 527 € en
sept jours. Il fut condamné par la cour d’appel de Metz, mais
la Cour de cassation a cassé cet arrêt et a considéré que les faits
poursuivis n’étaient que la constatation d’allégations mensongères qui, formulées par écrit et de façon réitérée, ne peuvent
constituer des manœuvres frauduleuses.
Chèque sans provision – Information préalable
du tireur
Un client titulaire d’un compte ouvert à La Poste avait émis un
chèque, sachant que son compte n’était pas suffisamment provisionné, puis avait demandé par courrier à sa banque de lui
accorder un découvert ponctuel ou, à défaut, de procéder à un
virement vers son compte bancaire de sommes figurant sur ses
comptes d’épargne. La banque ayant tardé à procéder au virement demandé, le chèque fut rejeté pour défaut de provision
et le client interdit bancaire sans qu’aucune lettre d’avertissement ne lui ait été préalablement adressée. Le client a recherché la responsabilité de La Poste pour ne pas l’avoir informé préalablement des conséquences du défaut de provision
et pour avoir tardivement transféré sur son compte les fonds
provenant de son épargne.
Pour écarter toute responsabilité de La Poste au regard de son
devoir d’information préalable, la cour d’appel retient que
celle-ci avait respecté son obligation pour avoir adressé au
client, lors de l’ouverture du compte, un courrier l’informant
des conditions générales de son autorisation de découvert et
des conséquences attachées à son non-respect. Pour limiter la
responsabilité de La Poste du fait de l’exécution tardive du virement, elle retient que le client a lui-même commis une faute
en émettant un chèque qu’il savait sans provision.
La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel qui n’avait
pas tiré les conséquences légales de ses constatations. Cette
dernière avait en effet constaté que La Poste n’avait pas adressé au client, avant le rejet du chèque litigieux, un avertissement
précis – donc que l’établissement n’avait pas satisfait à ses obligations d’information prévues à l’article L. 131-73 du code monétaire et financier – et que la provision sur le compte du client
au jour de la présentation du chèque litigieux aurait été suffisante si la banque n’avait pas tardé à exécuter l’ordre de virement.
Pour la Cour de cassation, en toutes circonstances, quelle que
soit la connaissance éventuelle par le client de l’insuffisance de
provision du chèque qu’il émet et de ses conséquences juridiques, le banquier doit se conformer aux dispositions de l’article L. 131-73 du code monétaire et financier lui imposant,
avant le rejet du chèque, d’adresser à son client un avertissement précis à ce sujet.
Cass. com., 14 mars 2006, pourvoi no 04-16 946.
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III
Faux chèque de banque
Un particulier avait reçu en contrepartie de la vente de sa voiture un chèque de banque de 18 000 €. Il l’avait remis à sa
banque qui l’a crédité sur son compte puis l’a contre-passé
quinze jours plus tard au motif que le chèque était revenu impayé pour le motif de falsification.
Le client a alors assigné sa banque en référé pour faire annuler
la contre-passation au motif que celle-ci constituait un trouble
manifestement illicite.
La Cour de cassation casse l’arrêt rendu en faveur du client. La
banque présentatrice qui justifie d’un motif légitime, tel que
le rejet pour falsification d’un chèque de banque, est fondée à
se rembourser de l’avance qu’elle a consentie à son client. Par
conséquent, la contre-passation ne constituait pas un trouble
manifestement illicite.
Cass. com., 14 février 2006, pourvoi no 05-12 805.
Chèque – Copie du verso
En vertu de son obligation au secret, la banque ne peut remettre au tireur la photocopie du verso d’un chèque. Peu importe l’intérêt du tireur dont le chèque a été encaissé par une
autre personne que le bénéficiaire désigné au recto du chèque.
Pour la Cour de cassation, le secret doit être assuré à celui qui
a réellement encaissé le chèque ; et ce secret est un empêchement légitime opposable au juge civil.
Cass. com., 28 février 2006, pourvoi no 04-17 545.
Secret bancaire – Information
aux successibles
Si le secret bancaire entourant la souscription de bons anonymes par le de cujus doit être préservé, ce droit étant personnel au défunt et n’étant pas transmis aux héritiers dans le
patrimoine de celui-ci, il doit néanmoins être strictement
entendu pour permettre aux héritiers d’accéder aux informations relatives au patrimoine actuel du de cujus, de sorte qu’un
compromis est nécessaire.
La banque ne doit communiquer que les numéros des bons
souscrits et les numéros des bons effectivement payés, sans
que soient nommés le ou les bénéficiaires s’ils sont autres que
le souscripteur.
CA Pau 1re ch., 15 mai 2006 ; JCP éd. G., 27 septembre 2006,
no 10156, p. 1808.
Frais – Multiplication – Abus de domination
économique
Deux concubins, chacun titulaire d’un compte auprès d’un établissement de crédit, connaissent des difficultés financières
et leurs comptes se retrouvent débiteurs. En cinq mois, 387
incidents de paiement sont constatés. La banque expédie 29
lettres d’information avant rejet de chèque et multiplie les frais
et commissions – au total, 253 commissions de gestion sur
prédécision et 105 frais sur impayés. Ces frais et commissions
s’ajoutent aux sommes importantes prélevées au titre des
agios de leur découvert bancaire.
Les concubins et l’UFC-Que choisir assignent la banque en lui
faisant grief de percevoir abusivement ces frais et commissions.
Les juges du premier degré retiennent la faute de la banque au
titre des clauses abusives et au titre de son comportement passif, celle-ci ayant laissé se multiplier les frais sans agir.
En effet, est déclarée abusive la clause intitulée « frais sur impayés » car aucune rubrique relative à de tels frais ne figurait
dans la plaquette tarifaire de la banque et, à plusieurs reprises,
des sommes variables avaient été prélevées sous cette mention.
Par conséquent, pour les juges du fond, ce libellé imprécis et
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Institut national de la consommation
son montant variable ne permettent pas aux clients de la
banque de contrôler la légitimité et la régularité des prélèvements effectués par la banque à ce titre, ni de mesurer la portée et l’étendue du service rendu par elle à cette occasion.
Les juges du premier degré retiennent la responsabilité de la
banque en se fondant sur le non-respect de son obligation de
bonne foi contractuelle, prévue à l’article 1134 du code civil, et
sur son comportement passif. Cette obligation de bonne foi
interdit au cocontractant le plus puissant d’abuser de sa situation de domination économique, notamment en ne prenant en
considération que ses seuls intérêts.
Pour le tribunal, en ne prenant pas en compte la situation financière difficile de ses clients, et en leur prélevant des frais
disproportionnés par rapport à leur situation financière, elle a
accentué leurs difficultés économiques et a modifié l’équilibre
contractuel. Ce faisant, elle a commis une faute dont elle doit
réparation. En conséquence, la banque a été condamnée à
payer 4 300 € à titre de réparation.
TGI Niort, 9 janvier 2006 ; Dalloz, 2006, p. 985.
Espèces – Appoint
Pour la Cour de cassation, l’article R. 642-3 du code pénal qui
sanctionne par une amende le fait de refuser de recevoir des
pièces de monnaie ou des billets ayant cours légal n’est pas en
contradiction avec l’article L. 112-5 du code monétaire et financier. Ainsi, en cas de paiement en billets et pièces, il appartient au débiteur de faire l’appoint : le commerçant peut
donc parfaitement les refuser sans être sanctionné s’ils ont une
valeur supérieure à la dette. (En l’espèce, une cliente voulait régler un montant de 51,13 € avec un billet de 500 €.)
Cass. crim., 14 décembre 2005, pourvoi no 04-87 536.
Carte bancaire – Vol – Opposition
En cas de problème de preuve et de contestation sur l’opposition, c’est à partir de la date de réception de la déclaration écrite
d’opposition que la responsabilité du titulaire est dégagée. La
Cour de cassation constate qu’il convient d’appliquer la convention de compte, loi des parties. Normalement, la banque doit
prendre en compte l’opposition téléphonique, mais cette opposition doit toujours être confirmée par écrit. En l’espèce, la
cliente qui avait fait opposition par téléphone n’était pas capable de fournir le numéro d’enregistrement de l’opposition.
Cass. com., 18 mai 2005, pourvoi no 03-12 314.
Location de coffre-fort – Incendie
À la suite d’un incendie survenu dans les locaux de la banque,
un arrêté de péril avait été pris, empêchant l’accès à la salle
des coffres. Il s’en était suivi un dommage pour le client qui en
demandait réparation à la banque. La banque fut condamnée
dès lors que, d’une part, elle ne pouvait invoquer les dispositions de l’article 1722 du code civil, inapplicables à ce type de
contrat, la banque assumant la surveillance de la salle à laquelle
le client ne peut accéder qu’avec son concours ; d’autre part,
que l’incendie à l’origine de l’arrêté de péril ne constitue pas
un événement imprévisible et irrésistible et qu’il existe un lien
de causalité entre la faute et le préjudice subi.
Cass. com., 11 octobre 2005, pourvoi no 03-10 975.
Corinne Lamoussière-Pouvreau
80, rue Lecourbe – 75015 Paris – <www.conso.net>