Le crédit à la consommation - Institut national de la consommation
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INC document JURISPRUDENCE LE CRÉDIT À LA CONSOMMATION Malgré l’existence des dispositions protectrices du code de la consommation, le contentieux reste abondant en matière de crédit à la consommation. La Cour de cassation est fréquemment appelée soit à confirmer des solutions acquises de longue date, soit à opérer un revirement de jurisprudence. Seront abordés dans ce document différents aspects du crédit à la consommation, encore sujets à interprétation et dans lesquels les tribunaux sont récemment intervenus. LE CHAMP D’APPLICATION DES DISPOSITIONS DU CODE DE LA CONSOMMATION Crédits ayant une nature professionnelle (art. L. 311-3-3° code conso.) et compte courant au crédit à la consommation, peu importe que cette activité professionnelle ne correspondît pas à celle de l’autre emprunteur ». Ne sont pas soumis aux dispositions protectrices du code de la consommation les prêts, contrats et opérations de crédit destinés à financer les besoins d’une activité professionnelle. Dans un arrêt du 26 novembre 2002 1, la Cour de cassation a approuvé une cour d’appel d’avoir décidé que « s’agissant d’une convention de compte courant, les dispositions relatives au crédit à la consommation ne pouvaient s’appliquer ». En l’espèce, les parties avaient convenu de la souscription d’un compte courant et avaient stipulé qu’il pourrait fonctionner en position débitrice. Par conséquent, « le seul fait que le compte eût fonctionné à découvert ne caractérisait pas l’existence d’une convention d’ouverture de crédit distincte de celle afférente au compte courant ». La qualification de compte courant et l’exclusion conséquente des dispositions du code de la consommation ont ainsi permis à la banque d’échapper aux rigueurs de la forclusion biennale. La Cour de cassation dans un arrêt du 18 février 2003 2 a retenu que « les prêts en cause ayant été consentis pour financer les besoins de l’activité professionnelle de l’un des emprunteurs, de sorte qu’en raison de leur destination contractuelle, ils étaient exclus du champ d’application de la législation relative Cette solution a été confirmée par un arrêt du 29 avril 2003 3 dans lequel la Cour de cassation a approuvé la cour d’appel d’avoir retenu que l’exclusion de l’article L. 311-3-3° du code de la consommation « prend en considération non pas la personne de l’emprunteur mais la destination contractuelle du prêt litigieux ». Elle a justement déduit que l’épouse, poursuivie en paiement du solde du prêt contracté par elle et son époux en vue de financer l’acquisition d’un véhicule nécessaire à l’activité professionnelle de ce dernier, ne pouvait invoquer le bénéfice de la protection prévue par le code de la consommation. Dans un arrêt de principe du 27 mai 2003 4, la Cour de cassation a approuvé la cour d’appel d’avoir retenu que même si le découvert accordé avait « indistinctement servi à satisfaire les besoins personnels et professionnels du titulaire du compte », « aucun document contractuel [n’indiquait] que le compte […] était destiné à financer les besoins de son activité professionnelle ». « La destination professionnelle d’un crédit ne peut résulter que d’une stipulation expresse », ce qui n’était pas le cas. Cette jurisprudence a été confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 21 octobre 2003 5. Elle a décidé que « si, aux termes de l’article L. 311-3 du code de la consommation, sont ————— 1 Cass. civ. 1re, 26 novembre 2002 ; Bull. civ. I, no 287. 2 Cass. civ. 1re, 18 février 2003, pourvoi no 99-13 454 ; inédit. 3 Cass. civ. 1re, 29 avril 2003, pourvoi no 01-02 624 ; inédit. 4 Cass. civ. 1re, 27 mai 2003, pourvoi no 01-03 781 ; Bull. civ. I, no 130 ; JCP éd. G, 2003, 10 050, p. 628. 5 Cass. civ. 1re, 21 octobre 2003 ; Bull. civ. I, no 208 ; Dalloz 2003, p. 2829. INC Hebdo No 1302 7 - 13 juin 2004 I exclus du champ d’application de la réglementation en matière de crédit à la consommation, les prêts, contrats et opérations de crédit destinés à financer les besoins d’une activité professionnelle, la destination formelle d’un crédit, même affecté à un compte professionnel, ne peut résulter que d’une stipulation expresse ». En l’espèce, l’emprunteur avait sollicité un découvert sur un compte alimenté par des revenus professionnels, les fonds ayant ensuite servi à approvisionner un compte personnel ouvert dans le même établissement. augmentation du solde débiteur et non à l’avance de fonds par la banque après ce délai de trois mois. De même, la Cour de cassation dans un arrêt du 4 mars 2003 7 retient que le délai de plus de trois mois visé par l’article L. 311-3-2° ne commence à courir qu’à compter du jour où les biens ont été livrés, date à laquelle les obligations de l’emprunteur prennent effet. Crédits inférieurs à trois mois (art. L. 311-3-2° code conso.) Dans un arrêt du 29 octobre 2002 8, la Cour de cassation a rappelé que les parties peuvent toujours soumettre volontairement leur opération de crédit aux dispositions du code de la consommation, même si leur crédit n’entre pas dans le champ d’application de ces dispositions. Ainsi, en l’espèce, le tribunal d’instance était compétent même si le montant du crédit était supérieur au montant réglementaire. Dans un arrêt du 13 novembre 2002 6, la Cour de cassation retient que la seule mise à disposition des fonds pendant plus de trois mois est constitutive d’un crédit sur la même durée et appelle l’application des dispositions du code de la consommation. Peu importe que cela soit dû à une simple Possibilité pour les parties de se soumettre aux dispositions régissant le crédit à la consommation L’OFFICE DU JUGE La Cour de cassation dans un arrêt du 9 juillet 2003 9 a rappelé le principe selon lequel « la méconnaissance des exigences des articles L. 311-2, L. 311-8 et L. 311-13 du code de la consommation, même d’ordre public, ne peut être opposée qu’à la demande de la personne que ces dispositions ont pour objet de protéger ». Le juge ne peut donc se substituer à l’emprunteur défaillant pour dénoncer l’irrégularité d’une offre et déchoir par voie de conséquence le prêteur de son droit aux intérêts. Cela a été confirmé par la Cour de cassation dans un arrêt du 4 décembre 2003 10. Elle pose également le principe selon lequel « la méconnaissance des exigences des articles L. 311-2, L. 311-8 et L. 311-10 du code de la consommation, même d’ordre public, ne peut être opposée qu’à la demande de la personne que ces dispositions ont pour objet de protéger ». Aussi, pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts, le juge de l’exécution ne pouvait, en l’espèce, retenir d’office que l’offre préalable de crédit comportait des mentions irrégulières. La jurisprudence de la Cour de cassation est constante sur ce point, mais de nombreux juges d’instance se basent sur les récentes initiatives du juge communautaire pour tenter de s’opposer à ce principe. En effet dans les affaires Oceano Grupo Editorial 11 et Cofidis c/ Fredout 12, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a admis qu’aucune disposition de droit national, pas même un délai de forclusion, ne saurait empêcher le juge interne de relever d’office le caractère abusif d’une clause insérée dans le contrat. La Cour de cassation a maintenu sa position, considérant que le délai de forclusion s’appliquait à toutes les actions intentées postérieurement à l’expiration du délai de deux ans à compter de la conclusion du contrat. Le tribunal d’instance de Vienne, estimant que le délai de forclusion ne pouvait pas être opposé au cas où des clauses abusives apparaissaient dans le contrat de crédit, a posé une question préjudicielle à la CJCE. Celle-ci a reconnu au juge le droit de soulever d’office, hors délai de forclusion, le caractère abusif d’une clause, sur le fondement de la directive 93/13/CE du 5 avril 1993 sur les clauses abusives. L’affaire est revenue devant le tribunal d’instance de Vienne. Celui-ci, faisant application de la décision communautaire, précise dans un jugement du 14 mars 2003 13 que le juge peut se saisir d’office du caractère abusif de certaines clauses contenues dans un contrat de crédit à la consommation même après l’expiration du délai de forclusion. En l’espèce, a été considérée comme abusive une clause de nature à induire le consommateur en erreur sur la gratuité du prêt surtout si la lisibilité est rendue difficile par la petitesse des caractères (de corps inférieur à 8 points). Il en va de même d’une clause pénale rédigée dans les mêmes caractères. De même, dans un jugement du 16 octobre 2003 14, le tribunal d’instance de Roubaix a considéré que le juge peut soulever d’office le caractère abusif d’une clause contenue dans un contrat de crédit à la consommation, même au-delà de l’expiration du délai de forclusion. Le tribunal a considéré comme abusive la clause qui prévoit que l’emprunteur pourra rembourser par anticipation sous réserve d’en avertir le prêteur par lettre recommandée moyennant un préavis de deux mois. En matière de crédit à la consommation, la présence d’une clause abusive dans l’offre préalable de crédit rend celle-ci irrégulière. L’irrégularité de l’offre est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts. Cependant, même si le prêteur est déchu du droit aux intérêts, le capital dû pourra produire intérêt au taux légal (Cass. civ. 1re, 27 mai 2003 ; voir en page V). Cependant, la première chambre civile de la Cour de cassation, dans deux arrêts du 16 mars 2004 15, s’oppose à une ————— 6 Cass. civ. 1re, 13 novembre 2002 ; Bull. civ. I, no 269. 7 Cass. civ. 1re, 4 mars 2003, pourvoi no 01-13 503 ; inédit. 8 Cass. civ. 1re, 29 octobre 2002, pourvoi no 00-11 155 ; inédit. 9 Cass. civ. 1re, 9 juillet 2003, pourvoi no 99-20 961 ; inédit. 10 Cass. civ. 2e, 4 décembre 2003, pourvoi no 02-04 162 ; Bull. civ. II, no 367. 11 CJCE, 27 juin 2000. 12 CJCE, 21 novembre 2002 ; JCP éd. G, 2003, I, 142, p. 1097 ; Contrats conc. consom. 2003, comm. no 31. 13 TI Vienne, 14 mars 2003 ; Contrats conc. consom. juillet 2003, p. 27, comm. no 118. 14 TI Roubaix, 16 octobre 2003 ; Contrats conc. consom. janvier 2004, p. 31, comm. no 14. 15 Cass. civ. 1re, 16 mars 2004, pourvois nos 00-17 955 et 99-17 957 ; Dalloz 2004, juris. p. 947. II INC Hebdo No 1302 7 - 13 juin 2004 interprétation extensive de la portée de la jurisprudence communautaire, et retient que « la méconnaissance des exigences de l’article L. 311-9 du code de la consommation, même d’ordre public, ne peut être opposée qu’à la demande de la personne que cette disposition a pour objet de protéger ». Ainsi, le juge national peut relever d’office une clause abusive même en dehors du délai de forclusion, mais cela ne doit pas s’étendre aux irrégularités de l’offre de crédit. LA FORCLUSION L’objectif poursuivi par le législateur lorsqu’il a instauré un délai de forclusion de deux ans (art. L. 311-37 code conso.) était de contraindre le prêteur à agir avec diligence contre l’emprunteur défaillant afin, notamment, de ne pas le laisser s’endetter pour ensuite lui réclamer des sommes majorées des intérêts de retard. Cependant, cet objectif initial avait été détourné par les établissements de crédit, et la protection du consommateur n’était plus assurée. Avant la loi du 11 décembre 2001 dite “loi Murcef”, le délai biennal de forclusion était applicable à toutes les actions liées à la conclusion d’un contrat de crédit à la consommation (action du prêteur en paiement d’échéances impayées, action de l’emprunteur en contestation de la régularité de l’offre préalable de crédit…). La loi Murcef a modifié l’article L. 311-37 du code de la consommation en limitant le délai de forclusion de deux ans aux seules actions en paiement engagées par le créancier à l’encontre de l’emprunteur en cas de défaillance de celuici. Le champ d’application du délai de forclusion est donc réduit. Il convient, toutefois, de rappeler que la loi Murcef est entrée en vigueur le 12 décembre 2001, mais que seules les actions relatives aux contrats conclus ou renouvelés (notamment les comptes permanents) après cette date sont soumises aux nouvelles dispositions de l’article L. 311-37. Délai de forclusion L’action du prêteur Désormais, selon la nouvelle rédaction de l’article L. 311-37 du code de la consommation, seule l’action en paiement du prêteur contre l’emprunteur défaillant est forclose après l’expiration d’un délai préfix de deux ans. Il s’agit d’un délai de forclusion. Pour les actions autres que les actions en paiement (comme l’action en restitution d’un bien donné en location avec option d’achat), c’est le délai de droit commun qui s’applique. Il s’agit d’un délai de prescription. L’action de l’emprunteur Concernant l’action de l’emprunteur, la loi Murcef n’apporte aucune précision sur le délai applicable. Il ne s’agit plus d’un délai de forclusion mais d’un délai de prescription. Par conséquent, l’action de l’emprunteur qui conteste la régularité formelle du contrat relève du droit commun de la prescription. Mais une incertitude demeure sur la règle de droit commun applicable. Si l’emprunteur exerce une action en nullité pour vice du consentement, la prescription quinquennale de l’article 1304 du code civil est applicable. S’il exerce une action pour déchéance du droit aux intérêts, la prescription de la nullité relative prévue à l’article 1304 du code civil ne pourrait s’appliquer dans la mesure où la Cour de cassation a jugé 16, en matière de crédit immobilier, que cette action n’est pas une action en nullité mais une sanction civile. Cela a été confirmé par la Cour de cassation dans deux arrêts du 9 juillet 2003 17 relatifs au crédit immobilier. La déchéance du droit aux intérêts est soumise à la prescription décennale. La Cour de cassation, dans un arrêt du 13 mars 2001 18, a rappelé que la déchéance du droit aux intérêts, qui ne sanctionne pas une condition de formation du contrat, n’est pas une nullité et est soumise à la prescription de dix ans applicable entre commerçants et non-commerçants selon l’article L. 110-4-I du code de commerce. Elle casse l’arrêt de la cour d’appel qui, pour déclarer irrecevable la demande tendant au prononcé de la déchéance du droit aux intérêts, avait retenu que l’action en déchéance du droit aux intérêts obéit aux règles de la nullité relative et relevé que cette action était prescrite pour avoir été formée plus de cinq ans après l’acceptation de l’offre préalable. La doctrine est partagée, mais une majorité estime qu’il faut appliquer le délai de prescription de dix ans (art. L. 110-4-I code com.) aux actions en déchéance du droit aux intérêts. D’autres estiment que ce délai serait très défavorable aux établissements de crédit. Ainsi, lorsque le prêteur agira en paiement contre l’emprunteur défaillant, celui-ci pourra invoquer une irrégularité formelle et demander la déchéance des intérêts dans un délai supérieur à deux ans. C’est surtout le point de départ du délai de forclusion qui est sujet à interprétation. Point de départ du délai Le point de départ de l’action est « la date d’exigibilité de l’obligation qui lui a donné naissance ». L’action de l’emprunteur S’agissant de l’action de l’emprunteur, avant la loi Murcef, la Cour de cassation décidait invariablement que le point de départ du délai de forclusion opposable à l’emprunteur qui conteste la régularité de l’offre préalable de crédit, par voie d’action ou d’exception, est la date à laquelle le contrat est définitivement formé 19. Ainsi, la Cour de cassation dans un arrêt du 9 juillet 2003 20 a rappelé qu’il résulte de l’article L. 311-37 du code de la consommation que « le point de départ du délai biennal de forclusion opposable à l’emprunteur en cas d’irrégularité de l’offre préalable, par voie d’action ou d’exception, est la date à laquelle le contrat de crédit est définitivement formé ». En matière de crédit renouvelable, dans un arrêt du 17 juin 2003 21, la Cour de cassation a précisé que « le point de départ du délai de forclusion opposable à l’emprunteur qui conteste la régularité de la reconduction d’une ouverture de crédit offrant ————— 16 Cass. civ. 1re, 2 juillet 1996 ; Dalloz affaires 1996, p. 1024. 17 Cass. civ. 1re, 9 juillet 2003, deux arrêts ; Contrats conc. consom. mars 2004, comm. no 49, p. 29. 18 Cass. civ. 1re, 13 mars 2001 ; JCP éd. N, 2001, en bref no 44-45. 19 Cass. civ. 1re, 10 avril 1996 ; Bull. civ. I, no 178. Cass. civ. 1re, 18 mars 2003 ; Bull. civ. I, no 83. 20 Cass. civ. 1re, 9 juillet 2003, pourvoi no 99-20 961. 21 Cass. civ. 1re, 17 juin 2003, pourvoi no 01-10 866. INC Hebdo No 1302 7 - 13 juin 2004 III à son bénéficiaire la possibilité de disposer de façon fractionnée, aux dates de son choix, du montant du crédit consenti, est la date à laquelle cette reconduction est intervenue ». Dans un arrêt du 16 mars 2004 22, la Cour a retenu que le délai de forclusion opposable à l’emprunteur qui conteste la régularité des conditions de la reconduction ou du renouvellement de l’offre préalable court à compter de chaque reconduction ou renouvellement. L’action du prêteur S’agissant de la défaillance de l’emprunteur, la jurisprudence diffère selon la nature du prêt. Pour les prêts amortissables, le point de départ du délai se situe au jour de la première échéance impayée non régularisée. Concernant les découverts en compte, la Cour de cassation a retenu dans un arrêt du 1er octobre 2002 23 que « dans le cas d’un crédit tacitement consenti sous forme de découvert en compte, le point de départ du délai biennal de forclusion opposable à l’emprunteur qui, par voie d’action ou d’exception, se prévaut de l’absence d’offre préalable, est la date à laquelle le solde débiteur est exigible ». La Cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 10 décembre 2002 24 que le « délai biennal de forclusion prévu par ce texte court, dans le cas d’un crédit consenti sous forme de découvert en compte, à compter de la résiliation de la convention d’ouverture de crédit à l’initiative de l’une des parties ». Cela a été confirmé dans un arrêt de la Cour de cassation du 24 février 2004 25 : s’agissant d’un découvert en compte, le point de départ est la date à laquelle le solde est exigible. Concernant les crédits renouvelables, les établissements de crédit estimaient que le point de départ du délai de forclusion se formait au jour de la clôture du compte, date à laquelle le solde est immédiatement exigible, soit la date de la mise en demeure. Mais la Cour de cassation siégeant en assemblée plénière, par un arrêt de principe du 6 juin 2003 26, a renforcé considérablement la protection du consommateur en fixant le point de départ du délai biennal de forclusion à la première échéance impayée et non, comme le soutenait la première chambre civile 27, à la date de résiliation du contrat. En l’espèce, une personne avait souscrit le 31 juillet 1986 auprès de Cetelem un contrat de crédit en compte, utilisable par fractions et remboursable selon les mensualités fixées contractuellement à 5 % du découvert autorisé. Sur assignation du créancier, le tribunal d’instance de Vincennes, le 30 mars 1995, déclarait l’action forclose puisque formée plus de deux ans après le premier incident de paiement non régularisé, c’est-à-dire la première échéance impayée. La première chambre civile de la Cour de cassation devait casser ce jugement au motif que le délai de forclusion dans ce type de contrat ne pouvait se computer qu’à compter de la réalisation du contrat et non de la première échéance impayée. Le dernier paiement remontait à décembre 1991 mais la société Cetelem n’avait prononcé la déchéance du terme que le 7 mai 1993, et avait assigné en paiement le 15 février 1995. Sur renvoi, le tribunal d’instance de Paris devait statuer dans le même sens que celui de Vincennes. Après un nouveau pourvoi de Cetelem, l’assemblée plénière, rejetant le pourvoi, a jugé que dans ce type de contrat de crédit, qui ne saurait être qualifié de compte courant, le délai de forclusion courait à compter de la première échéance impayée. « Conformément à la règle selon laquelle le point de départ d’un délai à l’expiration duquel une action ne peut plus s’exercer se situe à la date de l’exigibilité de l’obligation qui lui a donné naissance, le délai biennal prévu par l’article L. 311-37 du code de la consommation court, dans le cas d’une ouverture de crédit reconstituable et assorti d’une obligation de remboursement à échéances convenues, à compter de la première échéance impayée non régularisée. » Cette jurisprudence concerne les crédits renouvelables assortis d’une obligation faite au consommateur de procéder à des remises régulières. Elle ne s’appliquera pas aux simples découverts en compte, ni aux conventions de compte courant. LA JURIDICTION COMPÉTENTE TERRITORIALEMENT L’article L. 311-37 du code de la consommation affirme la compétence ratione materiae (en raison de la matière) du tribunal d’instance en matière de crédit à la consommation, mais ne se prononce pas sur la compétence ratione loci (en raison du lieu). Ce sont les règles de l’article 46 du nouveau code de procédure civile (NCPC) qui s’appliquent, à savoir que le demandeur a le choix d’assigner le défendeur soit devant le tribunal du lieu de son domicile, soit en matière contractuelle devant la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l’exécution de la prestation de service. La Cour de cassation a considéré le 22 octobre 1996 28 que « le paiement des sommes dues en vertu d’un engagement de caution ne constitue ni la livraison d’une chose, ni l’exécution d’une prestation de services » et qu’en conséquence le tribunal compétent ratione loci ne pouvait pas être celui du lieu où devait s’effectuer le paiement de la somme d’argent. Mais la cour d’appel de Rennes 29 avait pris le contre-pied de cette décision en considérant que « la remise d’une somme d’argent est assimilable à la livraison d’une chose » et qu’en conséquence le tribunal compétent est celui du lieu du domicile de l’emprunteur où les fonds empruntés avaient été remis sous forme d’un chèque. Elle donne ainsi une interprétation extensive de l’article 46 du NCPC. La cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt du 19 janvier 2004 30, revient sur cette question. En l’espèce, des particuliers s’étaient inscrits à un centre de “remise en forme” et avaient souscrit un crédit auprès de la société Franfinance pour payer leurs abonnements. Le centre ayant été mis en liquidation judiciaire, les clients avaient alors assigné le club ————— 22 Cass. civ. 1re, 16 mars 2004, pourvoi no 00-13 701 ; Dalloz 2004, act. juris. p. 947. 23 Cass. civ. 1re, 1er octobre 2002 ; Bull. civ. I, no 222. 24 Cass. civ. 1re, 10 décembre 2002 ; Bull. civ. I, no 305. 25 Cass. civ. 1re, 24 février 2004 ; Dalloz 2004, act. jur. p. 876. 26 Cass. ass. plén. 6 juin 2003, pourvoi no 01-12 453 ; Dalloz 2003, jur. p. 1905. 27 Cass. civ. 1re, 9 mars 1999 ; Bull. civ. I, no 8, p. 57. Cass. civ. 1re, 4 février 2003 ; Bull. civ. I, no 41, p. 33. 28 Cass. civ. 1re, 22 octobre 1996 ; JCP éd. G, 1997, II, 22 821 ; Contrats, conc. consom. 1997, comm. no 14. 29 CA Rennes, 19 septembre 1997 ; Contrats conc. consom. novembre 1997, p. 16, comm. no 170. 30 CA Bordeaux, 19 janvier 2004, Franfinance c/ X ; jurisprudence INC no 3835. IV INC Hebdo No 1302 7 - 13 juin 2004 de sport et l’établissement de crédit devant le tribunal d’instance de Bordeaux qui, dans un jugement du 24 juillet 2003, avait rejeté l’exception d’incompétence territoriale soulevée par Franfinance. Cette dernière avait alors formé contredit à l’encontre de ce jugement en vertu des articles 80 et suivants du NCPC. Elle estimait que le tribunal d’instance de Bordeaux était incompétent territorialement et que seul le tribunal d’instance de Colombes étant compétent pour connaître de l’affaire. La cour d’appel de Bordeaux accueille le contredit de Franfinance et renvoie la cause devant le tribunal d’instance de Colombes aux motifs que « si les contrats en cause semblent avoir été souscrits à Pessac, le lieu de signature d’un contrat n’est pas un critère de compétence territoriale » et que « les offres préalables s’appliquent à des ouvertures de crédit permanent », que « les emprunteurs étaient parfaitement libres d’utiliser les fonds mis à leur disposition comme ils l’entendaient, cette utilisation n’était nullement limitée au paiement des abonnements à un club de sport ». « Cette opération s’accompagnait de la tenue d’un compte mensuel adressé à l’emprunteur, le lieu d’exécution de la prestation de service était bien le siège social de Franfinance. » LA REQUALIFICATION DE L’OFFRE DE CRÉDIT REVOLVING Dans deux espèces, un établissement de crédit avait consenti à des particuliers des ouvertures de crédit permanent, ou “revolving”. Ces crédits avaient été souscrits en même temps que les contrats d’abonnement à un club de sport et ils avaient servi exclusivement à financer les abonnements à la salle de sport. Le club de sport a été mis en liquidation judiciaire, et aucune prestation n’avait été fournie depuis. Les adhérents au club de sport ont donc intenté une action en justice pour obtenir la requalification de leur contrat de crédit revolving en crédit affecté. Le tribunal d’instance de Saint-Brieuc, dans les deux jugements 31, a requalifié les offres préalables de crédit permanent en offres de crédit affecté soumises aux dispositions de l’article L. 311-20 du code de la consommation, et a constaté la cessation totale d’activité du club de sport. En conséquence, le tribunal a suspendu à partir de cette date les échéances dues par les emprunteurs à la société de crédit, et a condamné celle-ci à rembourser à chaque emprunteur demandeur les sommes payées depuis la liquidation judiciaire. CONSÉQUENCE DE L’IRRÉGULARITÉ DE L’OFFRE La Cour de cassation dans un arrêt du 27 mai 2003 32 s’est prononcée sur les conséquences de l’irrégularité de l’offre préalable et les sanctions applicables. En l’espèce, un établissement de crédit avait consenti, suivant l’offre préalable acceptée, un crédit à la consommation. En raison de la défaillance des emprunteurs, l’établissement de crédit les a assignés en paiement des sommes dues à ce titre. Un emprunteur, faisant valoir que l’établissement de crédit n’avait pas satisfait aux prescriptions de l’article L. 311-9 du code de la consommation, a demandé qu’il soit déchu de son droit aux intérêts. La cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir exactement retenu que l’établissement de crédit, bien que déchu de son droit aux intérêts conventionnels par application des dispositions de l’article L. 311-33 du code de la consommation, était en vertu de l’article 1153 du code civil fondé à réclamer les intérêts au taux légal de la somme lui restant due en capital, à compter de la date à laquelle l’établissement de crédit avait mis en demeure les emprunteurs de la lui payer. Corinne Lamoussière-Pouvreau ————— 31 TI Saint-Brieuc, 10 mars 2003, 1er décembre 2003, X c/ Sté Franfinance ; jurisprudences INC nos 3769 et 3834. 32 Cass. civ. 1re, 27 mai 2003, pourvoi no 01-10 635 ; Contrats conc. consom. 2003, comm. no 169. INC Hebdo No 1302 7 - 13 juin 2004 V