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Actualité juridique
La saga Walmart : suite et fin ou comment faudra-t-il justifier le
sabordage
Juillet 2014
Droit de l’emploi et du travail
Dans la dernière décision de la saga Walmart, rendue le 27 juin dernier, suite à la fermeture en 2005 de son magasin
syndiqué de Jonquière, la Cour suprême du Canada précise la notion de gel des conditions de travail, prévu à l’article
59 du Code du travail et, ultimement, donne raison au syndicat dans ce dossier particulier.
Les faits
Le magasin de Walmart de Jonquière, ouvert en 2001, est syndiqué par les TUAC (Syndicat), section locale 503 en
2004. À la suite de négociations infructueuses, en février 2005, une demande de nomination d’arbitre de différends est
formulée par le syndicat afin de déterminer la première convention collective. Walmart ferme son magasin trois mois
plus tard « pour des raisons d’affaires ». Une pléthore de recours et poursuites sont déposés alors par le syndicat et
les employés, et leur issue sera pour la grande majorité favorable à Walmart. Parmi eux, un recours a même été
adjugé par la Cour suprême du Canada en 2009 dans le dossier Plourde c Walmart, 2009 CSC 54, alors que la plainte
alléguant congédiement pour activités syndicales a été rejetée. Toutefois, la plainte basée sur l’art. 59 du Code du
travail, alléguant que la fermeture du magasin par l’employeur constituait une infraction au gel des conditions de travail
imposé par cet article, a été accueillie. En effet, cet article prévoit qu’à partir du dépôt de la requête en accréditation et
jusqu’à l’exercice de la grève ou du lock-out ou alors jusqu’à la conclusion de la convention collective, l’employeur ne
peut pas modifier unilatéralement les conditions de travail. Après des péripéties de procédures, en 2009, l’arbitre
Jean-Guy Ménard conclut que la fermeture de l’entreprise et, par conséquent, le congédiement de tous les employés,
peuvent contrevenir à l’art. 59 et qu’à défaut d’explications par l’employeur, dans ce dossier, il y a eu infraction à cet
article. En révision judiciaire, la Cour supérieure maintient cette conclusion, mais la Cour d’appel la casse par une
décision unanime (quoique avec deux ensembles de motifs), au motif que la fermeture d’une entreprise ne constitue
pas une modification des conditions de travail.
La décision
La Cour suprême du Canada à 5 contre 2 accueille l’appel, rétablit la décision de l’arbitre Ménard et lui renvoie le
dossier pour fixer les redressements appropriés en faveur de quelque 200 employés visés. Les motifs de la majorité
sont rédigés par le juge LeBel (peut-être ses derniers), alors que la dissidence est articulée conjointement par les
juges Wagner et Rothstein.
La majorité rappelle que le gel des conditions de travail vise à favoriser le droit d’association, car il limite les pouvoirs
de l’employeur durant la période névralgique alors que les rapports collectifs sont naissants dans l’entreprise. L’art. 59
ne vise pas le comportement antisyndical de l’employeur, mais prévoit le maintien des conditions de travail existant au
moment du dépôt de la requête en accréditation. La notion de condition de travail, tant individuelle que collective, est
flexible et elle englobe le droit au maintien du lien d’emploi. Le Syndicat peut, même par présomption de faits,
démontrer que les modifications de conditions de travail par l’employeur sont incompatibles avec les « pratiques
habituelles de gestion » de l’employeur. Dans un tel cas, l’employeur devra prouver que les modifications attaquées
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sont cohérentes avec ses pratiques antérieures de gestion ou qu’un employeur raisonnable placé dans les mêmes
circonstances aurait appliqué une décision similaire ou conforme.
En appliquant ces principes ainsi que le test de la décision raisonnable à la sentence arbitrale, la majorité distingue
son arrêt Plourde de 2009, où elle semblait indiquer que seuls les recours prévus aux arts. 12 à 14 du Code du travail
étaient possibles dans le cas de la fermeture d’une entreprise, car l’art. 59 du Code du travail n’exige ni l’existence
d’une entreprise active ni la possibilité de réintégration de salariés. Selon la majorité, l’arbitre a retenu, avec raison,
que le Syndicat a présenté une preuve suffisante pour conclure que la fermeture du magasin n’était pas conforme aux
pratiques antérieures de gestion de l’employeur ni à celles d’un employeur raisonnable placé dans les mêmes
circonstances. À ce sujet, la majorité de la Cour suprême cite notamment la bonne santé financière de ce magasin.
Enfin, elle retourne le dossier à l’arbitre pour qu’il détermine la réparation appropriée.
Les juges dissidents affirment en revanche que l’art. 59 ne peut s’appliquer en cas de fermeture d’une entreprise et
que le seul fardeau de l’employeur est de démonter qu’il s’agit d’une fermeture réelle et définitive. À défaut,
l’employeur sera obligé de justifier sa décision alors que cela est incompatible avec le droit québécois.
Conclusion
Cette décision de la Cour suprême, précisant les obligations de l’employeur durant la période de gel imposée par l’art.
59 du Code du travail, est lourde de conséquences pour les employeurs non syndiqués. Quoiqu’elles émanent du
Québec, ces conclusions risquent de s’appliquer partout au Canada, dans la mesure où la majorité indique bien que le
mécanisme codifié par cet article existe dans toutes les provinces canadiennes ainsi qu’au niveau fédéral. Dorénavant,
les employeurs visés par les requêtes en accréditations auront un fardeau accru et devront justifier leur décision de
fermer boutique. Il sera intéressant de voir les organisations prévoir les « pratiques habituelles de gestion » visant la
cessation de leurs activités, notamment s’il ne s’agit pas d’un réseau ou d’une chaine d’établissements, ou encore
débattre ce que ferait un employeur « raisonnable » dans les mêmes circonstances. Enfin, il sera aussi intéressant de
suivre la décision de l’arbitre Ménard au sujet de redressements : la réouverture du magasin n’est pas envisageable (et
n’avait même pas été demandée par le Syndicat) et tous les employés licenciés ont reçu des indemnités de départ à
hauteur de 2 semaines par année de service.
Cette décision semble donner un nouveau souffle au mouvement syndical; les avocats des TUAC qualifiant dans la
presse cette décision de « victoire totale » et les centrales syndicales, notamment la CSN, promettant de lancer « une
offensive syndicale dans le secteur privé » et déclarant « (…) ça nous donne du vent dans les voiles, ce jugement-là ».
Lukasz Granozik
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