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Actualité juridique
Nouvelles frontières pour les juges canadiens
Avril 2015
Litiges transnationaux
Au Canada, bon nombre d’entreprises exercent des activités dans plusieurs provinces et doivent être au fait des
différentes exigences légales qui transcendent les frontières provinciales. Par contre, les cours supérieures, de par leur
nature, se limitent à une province, même si les affaires sur lesquelles elles statuent présentent souvent des aspects
interprovinciaux ou transnationaux.
Une récente décision de la Cour d’appel de l’Ontario s’est penchée sur la question de savoir si les limites
traditionnelles imposées aux tribunaux les empêchant de siéger à l’extérieur de leur province de compétence devraient
être abandonnées pour s’adapter aux nouvelles réalités d’un monde de plus en plus connecté. La Cour d’appel a
statué que les limites imposées trouvent leur source dans le principe voulant que les instances judiciaires doivent être
ouvertes au public et en a conclu que la technologie moderne pouvait être utilisée pour entendre une affaire dans une
autre province tout en assurant un accès public aux procédures en Ontario.
Parsons c Sa Majesté la Reine du chef de l’Ontario 1
L’affaire Parsons a fait suite au scandale du sang contaminé du début des années 1990. Un règlement pancanadien
visant des procédures distinctes intentées dans les provinces de l’Ontario, du Québec et de la Colombie-Britannique
avait été conclu, mais des questions liées aux réclamations tardives au fonds de règlement devaient être tranchées.
Les conseillers juridiques dans le cadre du recours collectif ont présenté une requête pour obtenir des directives sur la
question de savoir si les juges de chaque province, qui devront chacun se prononcer sur la même affaire, pourront
siéger ensemble en Alberta pour entendre les délibérations. Le juge saisi de la requête a déterminé que le pouvoir
inhérent aux juges d’avoir le contrôle de leur propre instance leur permet de siéger à l’extérieur de la province. La
Couronne en a appelé de ce jugement.
Au moment où l’appel a été entendu, la question litigieuse était devenue caduque puisqu’on avait tenu des audiences
séparées et que trois jugements distincts avaient été rendus, mais les parties ont néanmoins demandé à la Cour
d’appel de rendre une décision servant à l’élaboration de lignes directrices, et la Cour a accepté de le faire.
La majorité a jugé que, si une requête pouvait être tranchée sur présentation d’un dossier papier sans qu’il soit
nécessaire d’entendre des témoins, les juges de l’Ontario pourraient siéger à l’extérieur de la province tant qu’un lien
vidéo vers une salle d’audience accessible au public en Ontario serait en place. La Cour d’appel a restreint sa décision
aux affaires dans le cadre desquelles le tribunal n’aurait pas besoin d’user de ses pouvoirs de coercition, comme celui
d’exiger d’entendre des témoins.
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Le principe de la publicité des débats
La Cour d’appel a orienté sa réflexion sur la question de savoir si un juge de l’Ontario pouvait convoquer une audience
à l’extérieur de la province en invoquant le principe de la publicité des débats. Le juge LaForme, à qui les autres juges
se sont ralliés sur cette question, a mis l’accent sur le fait que les audiences publiques ont plus de chance d’être
indépendantes et impartiales parce qu’elles permettent aux Canadiens de constater que la justice est administrée
conformément à la primauté du droit, de manière non arbitraire. Le principe de la publicité des débats est également lié
au principe de la liberté d’expression, étant donné que le droit de la presse d’assister aux instances judiciaires et de les
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commenter est « [traduction] fondamental à la nature constitutionnelle du principe de la publicité des débats » .
Une majorité de la Cour d’appel a conclu que le principe de la publicité des débats n’était pas respecté uniquement
grâce à la tenue d’une audience publique dans une autre province. Le juge Juriansz, s’exprimant pour la majorité sur
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cette question, a indiqué que, en vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires de l’Ontario , les audiences sont ouvertes
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au public, sauf si une personne peut en subir un préjudice important ou une injustice grave . Puisque la Loi sur les
tribunaux judiciaires est une loi de l’Ontario, la majorité en est venue à la conclusion que son intention était de garantir
que le public de l’Ontario avait le droit d’assister à toutes les audiences des tribunaux de l’Ontario. Pour que ce droit
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soit valable, le public de l’Ontario doit être capable d’assister à une audience dans la province . Un lien vidéo
permettant de voir le déroulement des procédures dans une salle d’audience en Ontario serait suffisant pour remplir
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cet objectif .
S’adapter aux réalités modernes du commerce et de la société
L’affaire Parsons démontre que le tribunal était à la recherche d’une solution pragmatique pour trouver un équilibre
entre transparence et accessibilité, l’organisation basée sur les territoires du système judiciaire canadien et les réalités
des litiges pancanadiens. Aux dires du juge LaForme, « [traduction] il faut concevoir des règles de common law qui
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servent les réalités modernes du commerce et de la société » .
La vaste majorité des requêtes ressemblent à l’affaire Parsons en ce sens qu’elles ne prévoient pas la présence de
témoins, mais rares sont les fois où il est nécessaire d’entendre une requête à l’extérieur de la province. Les recours
collectifs représentent l’exception : la tenue de procédures parallèles en matière de recours collectifs dans différents
territoires est fréquente. Un autre secteur où une innovation se fait sentir est celui de l’insolvabilité : les procédures
transcendent les frontières nationales en utilisant des protocoles transfrontaliers en matière d’insolvabilité. L’affaire
Parsons peut être comparée à la récente affaire Nortel, au cours de laquelle la vidéoconférence a été utilisée pour faire
la connexion entre les procédures se déroulant au Canada et celles se déroulant aux États-Unis, et ce, même si
chaque juge siégeait dans une salle d’audience située sur son propre territoire.
Il n’est pas clair si l’affaire Parsons peut être appliquée de façon à permettre la tenue d’une audience à l’extérieur du
Canada. Le tribunal saisi de l’affaire Parsons a fait valoir que l’audience avait eu lieu dans le contexte d’un règlement
pancanadien d’un recours collectif dans lequel toutes les provinces, y compris l’Alberta où l’audience serait tenue,
étaient signataires, et qu’une audience extraprovinciale n’avait pas soulevé la question de la souveraineté entre les
états. Cependant, les précédents de coopération judiciaire internationale dans un contexte d’insolvabilité portent à
croire que, dans les cas pertinents, les frontières nationales ne peuvent empêcher une solution pratique.
L’affaire Parsons est l’exemple le plus récent d’un tribunal qui a fait preuve de créativité dans ses processus qui
s’inscrivent dans le monde interconnecté d’aujourd’hui et ce ne sera certainement pas la dernière à innover dans ce
domaine. Comme le commerce et les communications ont de moins en moins de frontières, les tribunaux doivent
s’adapter et revoir les limites traditionnelles du processus judiciaire.
Erik Penz
Guy White
Erik Penz et Guy White sont membres de notre équipe Litiges transnationaux. Les auteurs désirent remercier Annie
Tayyab, stagiaire, pour son aide dans la préparation de la présente actualité juridique.
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Notes
1
2015 ONCA 158 [Parsons].
2
Ibid au para 141, juge LaForme.
3
LRO 1990, c C-43.
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Ibid au para 214, juge Juriansz.
5
Ibid au para 215, juge Juriansz.
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Ibid aux para 218-219, 234, juges Juriansz et Lauwers.
7
Ibid au para 108, juge LaForme.
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Montréal
+1 514.847.4827
[email protected]
> Matthew Halpin
Ottawa
+1 613.780.8654
[email protected]
> Terence Mathieu
Québec
+1 418.640.5281
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> Erik Penz
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