Le devoir de communauté de vie
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Le devoir de communauté de vie
Christèle CLEMENT Fiche de Niveau 4. Droit de la famille / Mariage / Effets personnels du mariage / Avril 2007 Le devoir de communauté de vie L'article 215 alinéa 1 du Code civil français fait peser sur les époux un devoir conjoint de communauté de vie. L'obligation est de l'essence même du mariage. Son exécution favorise par ailleurs l'accomplissement des autres devoirs conjugaux. I. Objet Le devoir de communauté de vie a un triple objet. Il impose aux époux une communauté de toit, de lit et d'affection. Tout d'abord, il implique la cohabitation matérielle des conjoints. Il veut ainsi que le couple marié dispose d'une résidence commune, librement choisie par accord de ses membres. Mais, conçu de manière souple, il n'interdit pas que les époux aient des domiciles distincts. Des raisons d'ordre professionnel peuvent notamment les y contraindre. Simplement le devoir de communauté de vie suppose-t-il alors pour être respecté que les époux se rencontrent à une fréquence suffisante et que leur choix d'habiter sous des toits différents ne procède pas d'une volonté de vivre séparément. La cohabitation des époux peut néanmoins cesser temporairement ou durablement sous l'effet de certaines décisions judiciaires. Ainsi prend-elle fin en cas de séparation de corps des conjoints ou lorsque le juge use de la faculté que lui accorde la loi française d'organiser la séparation de fait du couple après avoir rejeté sa demande en divorce ou en séparation de corps. Elle peut encore s'interrompre suite à l'autorisation de résidence séparée octroyée par le juge au titre des mesures provisoires dans le cadre d'une instance en divorce ou en séparation de corps. Le devoir de communauté de vie oblige ensuite les époux à entretenir entre eux des rapports charnels, il les astreint au devoir conjugal. Les conjoints sont à ce titre tenus de consommer leur union et de partager une intimité sexuelle régulière durant son cours, sans que nul ne puisse contraindre l'autre à s'exécuter, le viol entre époux étant aujourd'hui pénalement condamné. Le contentieux reste en toute cette matière peu abondant en raison de l'intimité des faits qui l'alimentent et des difficultés de preuve qui en résultent. Enfin, le devoir de communauté de vie suppose une communauté affective et spirituelle entre les époux. Ces derniers doivent ainsi avoir la conscience et la volonté de partager une vie de couple uni. Sous ses trois facettes, le devoir de communauté de vie est impératif. Tout pacte de séparation amiable par lequel les époux s'autorisent à vivre l'un sans l'autre ou à se garder de toute relation sexuelle entre eux est nul et ne peut donner lieu à exécution forcée. Mais rien n'empêche les époux de s'y soumettre spontanément. II. Sanctions Le devoir de communauté de vie ne peut prêter sous aucun de ses aspects à une exécution forcée. Le juge ne peut ainsi contraindre les époux à vivre ensemble (TGI Paris 18 octobre 1977, in Gaz.Pal. 1978.1.24), à entretenir des rapports sexuels ou à partager le sentiment de former un couple uni, sous peine de porter atteinte à leur liberté individuelle. L'inexécution du devoir de communauté de vie donne lieu à d'autres sanctions. Elle peut tout d'abord justifier le prononcé d'un divorce pour altération définitive du lien conjugal si elle prend la forme d'une cessation de la vie commune longue de deux ans au moins à dater de l'assignation en divorce. Elle peut encore mener au prononcé d'un divorce pour faute si, imputable à l'un des époux, elle s'apparente à une violation grave ou renouvelée du devoir de l'article 215 du Code civil et rend le maintien de l'union intolérable. La rupture de la vie commune, matérialisée par un abandon du domicile conjugal ou le refus de partager toute intimité sexuelle avec son conjoint, n'est toutefois pas fautive si elle repose sur un motif légitime (violences conjugales, état de santé…). Le manquement au devoir de communauté de vie peut également entraîner pour son auteur la déchéance du droit de réclamer à l'autre sa contribution aux charges du mariage. Enfin, il peut engager sa responsabilité civile et l'obliger alors à réparer tant le préjudice particulier qui en résulte pour son conjoint (Aix-en-Provence, 22 juin 1978, in D.1979.192) que les conséquences d'une particulière gravité que provoque la dissolution du mariage prononcée sur ce fondement (article 266 du Code civil). Bibliographie - G. CORNU, Droit civil – La famille, éd. Montchrestien Précis Domat Droit privé 9ème éd. 2006, n°25 à 28 p.50 et s. - F. GRANET et P. HILT, Droit de la famille, PUG Coll. Le Droit en plus, 2ème éd. 2006, n°105 p.56. - V. LARRIBAU-TERNEYRE, Mariage – Organisation de la communauté conjugale et familiale, in Jurisclasseur civil Art.212 à 215 Fasc.180 et 190 (éd. 1998). - P. MALAURIE et H. FULCHIRON, Droit civil – La famille, Defrenois 2ème éd. 2006, n°1478 à 1484 p.580. - F. TERRE et D. FENOUILLET, Droit civil – Les personnes, la famille, les incapacités, Précis Dalloz 7ème éd. 2005, n°432 à 435 p.380 et s.