Altération du discernement et réduction du tiers

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Altération du discernement et réduction du tiers
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Altération du discernement et réduction du tiers :
application dans le temps
le 22 septembre 2015
PÉNAL | Droit pénal général | Peine et exécution des peines
L’article 122-1, alinéa 2, du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi du 15 août 2014, qui
prévoit une réduction du tiers de la peine encourue par les personnes dont le discernement était
altéré au moment des faits, est une disposition plus favorable. Crim. 15 sept. 2015, FS-P+B+I, n° 14-86.135
À la suite de l’adoption de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des
peines et à l’efficacité des sanctions pénales, la Cour de cassation a été conduite à plusieurs
reprises à se prononcer sur l’application dans le temps d’un certain nombre des dispositions qu’elle
contient. Sans surprise, elle a ainsi affirmé que l’abrogation des peines planchers constituait une
disposition plus favorable applicable aux faits commis avant son entrée en vigueur (V. Crim. 14 oct.
2014, n° 13-85.779, Dalloz actualité, 4 nov. 2014, obs. S. Anane ; D. 2014. 2113 ; RSC 2014. 800,
obs. D. Boccon-Gibod ). Sans surprise également, la chambre criminelle a affirmé que l’obligation
de motivation spéciale de toute peine d’emprisonnement ferme constituait une loi de forme
d’application immédiate (V. Crim. 31 mars 2015, n° 14-86.584, Dalloz actualité, 4 mai 2015, obs. C.
Fonteix ). De manière plus surprenante, elle a également estimé que la nouvelle peine de
contrainte pénale constituait une loi pénale plus douce applicable aux faits commis avant son
entrée en vigueur (V. Crim. 14 avr. 2015, nos 15-80.858 et 14-84.473, Dalloz actualité, 24 avr. 2015,
obs. S. Fucini ; D. 2015. 1307 , note S. Detraz ; ibid. 1395, chron. G. Barbier, B. Laurent et G.
Guého ; AJ pénal 2015. 418, obs. C. Renaud-Duparc ; RSC 2015. 407, obs. D. Boccon-Gibod ). Par
l’arrêt commenté, elle s’est enfin prononcée sur l’application dans le temps du nouvel alinéa 2 de
l’article 122-1 du code pénal, en le considérant comme une disposition de fond plus douce.
Avant la loi du 15 août 2014, l’article 122-1, alinéa 2, se contentait de prévoir que « la personne qui
était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son
discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient
compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime ». Se posait alors
la question de savoir si cette disposition devait conduire ou non à atténuer la responsabilité pénale
des personnes dont le discernement était, non pas aboli, mais altéré (V. Rép. pén., v° Troubles
psychiques – Malades mentaux, par E. Bonis-Garçon, nos 122 s.). La Cour de cassation avait, peu
après l’adoption du code pénal actuel, estimé que l’altération du discernement n’était pas une
cause légale de réduction de peine (V. Crim. 5 sept. 1995, n° 94-85.855, Bull. crim. n° 270). Plus de
vingt ans après l’adoption du code, le législateur a enfin mis fin à l’incertitude qui résultait de cette
disposition. La loi du 15 août 2014 a en effet complété l’alinéa 2 de l’article 122-1, en prévoyant
que, lorsqu’une peine privative de liberté est encourue, celle-ci est réduite du tiers ou, s’agissant de
la réclusion criminelle à perpétuité, celle-ci est ramenée à trente ans. Il est possible de ne pas
appliquer cette diminution de peine mais, en matière correctionnelle, cela ne peut se faire que par
décision spécialement motivée. En somme, le nouvel article 122-1, alinéa 2, du code pénal
constitue une véritable cause légale de diminution de peine.
Il s’agit dès lors d’une loi pénale de fond, qui se définit comme une loi portant sur les
caractéristiques de l’infraction, la responsabilité de l’auteur ou la fixation de la peine (Crim. 9 nov.
1966, n° 65-93.832 ; 11 sept. 2002, n° 02-81.593). L’article 112-1 du code pénal, régissant les lois
pénales de fond, prévoit que, lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes, les
dispositions nouvelles doivent s’appliquer aux faits commis avant leur entrée en vigueur s’ils n’ont
pas encore donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée. S’agissant de la
nouvelle rédaction de l’article 122-1 du code pénal, aucun doute n’est permis : il s’agit d’une
disposition plus douce que la loi ancienne : effectivement, la loi ancienne ne prévoyant aucune
réduction légale de peine, le juge conservait une grande marge de manœuvre dans la fixation de la
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peine. Devant simplement se contenter de prendre en compte l’altération du discernement, il
pouvait fort bien prononcer une peine privative de liberté supérieure aux deux tiers de la peine
encourue. Or, désormais, en matière correctionnelle, le principe est devenu la réduction du tiers.
En l’espèce, le prévenu avait été condamné pour violences ayant entraîné une interruption totale
de travail de plus de huit jours avec usage d’une arme, sur conjoint et avec préméditation. La peine
encourue, en vertu de l’article 222-12 du code pénal, était donc de dix ans d’emprisonnement. La
cour d’appel, qui s’est prononcée le 8 juillet 2014, soit avant même l’adoption de la nouvelle loi,
avait infligé au prévenu une peine de six ans d’emprisonnement, tout en reconnaissant l’altération
du discernement. Lorsque la Cour de cassation s’est prononcée sur le pourvoi formé à l’encontre de
cet arrêt, la peine maximale de principe, du fait de la réduction du tiers, était de six ans et huit
mois d’emprisonnement. La peine prononcée par les juges du fond n’allait donc pas au-delà des
deux tiers de la peine. Mais la chambre criminelle a annulé l’arrêt, afin de faire bénéficier le
prévenu des dispositions plus favorables issues de la nouvelle rédaction de l’article 122-1 du code
pénal. Il s’agit ainsi pour les juges du fond de prononcer une peine en fonction des circonstances de
l’infraction, de la personnalité de l’auteur et de sa situation matérielle, familiale et sociale (C. pén.,
art. 132-1), tout en tenant compte par ailleurs de ce maximum des deux tiers, que les juges ne
peuvent dépasser que par une décision spécialement motivée.
Site de la Cour de cassation
par Sébastien Fucini
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