Allemagne : le « Dieselgate » ravive le débat sur la

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Allemagne : le « Dieselgate » ravive le débat sur la
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Allemagne : le « Dieselgate » ravive le débat sur la
responsabilité pénale des entreprises
le 25 novembre 2015
PÉNAL | Droit pénal des affaires
Outre-Rhin, une entreprise en tant qu’entité juridique ne peut être poursuivie pénalement. Une
situation que le scandale lié aux manipulations des tests d’émission de dioxyde de carbone des
véhicules diesel de Volkswagen vient bousculer.
L’affaire Volkswagen, et l’ampleur des dégâts causés à la précieuse image de marque du « Made in
Germany » vont-elles rouvrir le débat sur la responsabilité pénale des entreprises ? En effet, dans le
droit économique allemand, la culpabilité demeure individuelle et seuls un manager ou un membre
du conseil d’administration peuvent être poursuivis pénalement en cas d’infraction, pas l’entreprise
en tant qu’entité juridique. Pour cette dernière, c’est la loi relative aux sanctions administratives (
Ordnungswidrigkeitensgesetz, OWiG) qui s’applique. Celle-ci détermine les amendes infligées aux
personnes morales et prévoit un montant maximal de 10 millions d’euros.
Depuis plusieurs années, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer l’inadaptation d’un tel statut
face à la complexité croissante des structures juridiques au sein des entreprises et la dilution des
responsabilités individuelles dans les infractions constatées. Est également pointée du doigt la
faiblesse des amendes prévues par la loi. Difficile en tout cas d’imaginer qu’une amende de 10
millions d’euros contre Volkswagen soit réellement proportionnelle à la mesure du scandale du «
Dieselgate », alors que ses retombées aux États-Unis pourraient coûter au géant automobile
allemand entre 15 et 20 milliards de dollars.
Thomas Kutschaty, ministre de la justice du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie a lancé dès
2013 une proposition de loi visant à créer un droit pénal des entreprises (Unternehmensstrafrecht) :
« Je pense aux cas de ce que l’on a baptisé “l’irresponsabilité organisée” […]. Il est fréquemment
impossible, en raison de la complexité des structures des organisations, de déterminer la
responsabilité d’un individu ». En outre, estime le ministre social-démocrate, cette législation
confère à l’Allemagne « un statut insulaire » par rapport à ses voisins européens. Et d’ajouter :
« Nos neufs pays frontaliers [Pays-Bas, France, Danemark, Belgique, Suisse, Pologne, Autriche,
Luxembourg et République tchèque, ndlr] ont adopté un droit pénal des affaires ».
Il n’en demeure pas moins que l’idée d’une grande réforme ne fait pas l’unanimité. Même si la
nécessité d’un réexamen de la responsabilité des entreprises semble partagée par nombre de
ministres de la justice des Länder allemands, il y a selon les observateurs peu de chance qu’elle
aboutisse : le parti chrétien-démocrate (CDU-CSU) au pouvoir y est opposé, rejoint par une majorité
des organisations représentatives du patronat allemand, qui y voient une cause d’insécurité
juridique pour les entreprises.
Entre juristes, la question est âprement discutée. Pour André Szesny, avocat spécialisé en droit
pénal des affaires au sein du cabinet Heuking Kühn Lüer Wojtek, « il existe suffisamment de textes
juridiques permettant de sanctionner une entreprise » : « S’il n’existe pas de sanction pénale au
sens propre, il reste des sanctions administratives et des amendes qui peuvent monter très haut et
ont dans les faits le même résultat. Si l’on estime que le droit en vigueur est trop peu utilisé, il
convient de mieux former notre justice et notre parquet avant de songer à une nouvelle loi ».
La loi sur les sanctions administratives prévoit notamment (§ 30a) des saisies sur les bénéfices de
l’entreprise dans la mesure où les faits dissimulés par cette dernière lui ont permis de profiter
d’avantages indus. Pour d’autres, la limite de dix millions d’euros serait trompeuse : il serait
théoriquement possible de considérer que chaque véhicule vendu à un concessionnaire Volkswagen
pourrait tomber sous le coup de cette amende, et porter l’addition à des sommes bien supérieures.
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Une argumentation qui ne convainc pas Christian Siefer, avocat spécialisé en droit pénal des
entreprises au sein du cabinet Reiss et auteur d’une récente tribune demandant la mise en place
d’un droit pénal des entreprises à la lumière du « Dieselgate » Le projet de loi a selon lui le mérite
d’avancer l’idée d’une proportionnalité entre l’amende à la taille de l’entreprise. « Peut-on vraiment
poursuivre convenablement une entreprise avec une régulation comportant une limite maximale ou
est-ce que la législation n’aurait pas beaucoup plus d’effets en liant la sanction à la taille financière
de l’entreprise ? Il me semble que l’idée de lier la contravention aux résultats de l’entreprise est la
bonne ». Il poursuit : « Dans une entreprise comme Volkswagen, l’effet préventif est beaucoup plus
grand si l’on ne se trouve plus dans le registre de l’infraction, mais dans celui de la responsabilité
pénale ». Le débat a donc de beaux jours devant lui…
Liens :
Ordnungswidrigkeitensgesetz
Ses retombées
Proposition de loi soumise à la chambre haute du Parlement
André Szesny
par Gilles Bouvaist à Berlin
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