Précision sur le domaine d`application du délit d`abandon de famille

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Précision sur le domaine d`application du délit d`abandon de famille
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Précision sur le domaine d’application du délit
d’abandon de famille
le 21 mars 2011
CIVIL | Famille - Personne
PÉNAL | Atteinte à la personne
En raison de l’intervention de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 ayant remplacé, au sein de l’article
227-3 du code pénal, les références aux titres V, VI, VII et VIII du livre Ier du code civil par la seule
référence au titre IX du même livre, lequel ne concerne que l’autorité parentale, le non-paiement
d’une prestation compensatoire allouée par un jugement de divorce échappe désormais aux
prévisions de cet article. Crim. 16 févr. 2011, F-P+B, n° 10-83.606
À l’occasion d’une affaire dans laquelle un individu a été poursuivi du chef du délit d’abandon de
famille pour avoir payé le montant de la prestation compensatoire qu’il avait été condamné à
verser à son épouse par jugement de divorce plus de deux mois après son exigibilité, la Cour de
cassation se prononce pour la première fois sur la portée de la modification opérée en la matière
par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit.
En effet, depuis cette loi, l’article 227-3 du code pénal définit le délit d’abandon de famille comme «
le fait, pour une personne, de ne pas exécuter une décision judiciaire ou une convention
judiciairement homologuée lui imposant de verser au profit d’un enfant mineur, d’un descendant,
d’un ascendant ou du conjoint une pension, une contribution, des subsides ou des prestations de
toute nature dues en raison de l’une des obligations familiales prévues par le titre IX du livre Ier du
code civil, en demeurant plus de deux mois sans s’acquitter intégralement de cette obligation »,
alors même qu’auparavant, les obligations familiales dont il était question devaient être prévues
par les titres V, VI, VII et VIII du livre Ier du code civil, respectivement relatifs au mariage, au
divorce, à la filiation et à la filiation adoptive.
Cette loi de 2009 est ainsi la consécration d’une jurisprudence antérieure, rendue après l’adoption
de la loi n° 2002-307 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, laquelle avait transféré les
dispositions sur la contribution, l’entretien et l’éducation des enfants dans le titre IX du livre Ier du
code civil : la Cour de cassation avait alors considéré que de telles dispositions ayant prévu que les
conséquences du divorce pour les enfants seraient désormais réglées par ce titre, « le législateur a
entendu remplacer dans l’article 227-3 du code pénal la référence aux anciennes dispositions
abrogées par les nouvelles dispositions précitées » (Crim. 10 déc. 2008, D. 2009. AJ 299 ; AJ pénal
2009. 77 ). Cependant, la loi n’a pas rajouté le titre IX a l’énumération préexistante, mais l’a
substitué à cette dernière.
Pour la doctrine, une telle modification n’aurait dû avoir la moindre conséquence : elle considérait,
au contraire, qu’il était peu probable que le législateur ait entendu limiter le délit d’abandon de
famille aux seules contributions relatives à l’enfant (A. Bourrat-Guéguen, Altération de l’institution
familiale, Droit de la famille, Dalloz Action, 2010). Dans le cas contraire, s’il avait voulu restreindre
le champ d’application de la répression au seul domaine de l’autorité parentale, il n’aurait pas
conservé, dans l’article 227-3 du code pénal, les références aux ascendants et au conjoint, lesquels
ne sont pas créanciers des obligations familiales visées au titre IX, ni celles aux subsides et
prestations de toute nature, seul le terme de contribution étant alors adapté (S. Mirabail, Abandon
de famille : simplification ou déstructuration ?, D. 2010. Chron. 397 ). Dès lors, pour les auteurs, il
revenait à la jurisprudence d’interpréter les nouvelles dispositions de telle sorte que le titre IX
vienne s’ajouter à l’énumération légale, et non la remplacer.
Pour autant, telle n’a pas été la solution retenue par la chambre criminelle dans l’arrêt du 16 février
2011. Interprétant strictement l’article 227-3 nouveau du code pénal, conformément au principe
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d’interprétation stricte de la loi pénale, elle a considéré que la modification opérée par la loi du 12
mai 2009 ayant remplacé l’ancienne énumération par « la seule référence au titre IX, lequel ne
concerne que l’autorité parentale », a pour conséquence d’exclure des prévisions de l’article le
non-paiement d’une prestation compensatoire allouée par un jugement de divorce. Faisant alors
application du principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce, prévu par l’article 112-1 du code
pénal, elle casse l’arrêt d’appel ayant retenu la condamnation pour abandon de famille. Cependant,
si la lettre du texte semble bien respectée, il ne semble pas en être de même de son esprit.
par M. Bombled
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