Imprévision

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Imprévision
Claire Debourg
Fiche de niveau 3. Droit des contrats / Responsabilité contractuelle /
26 novembre 2007
Imprévision
Les contrats qui déroulent leurs effets sur une certaine durée peuvent être affectés,
après leur conclusion, par un changement imprévisible de circonstances venant
bouleverser leur équilibre initial et soulevant d’importantes difficultés d’exécution.
L’exécution du contrat peut en effet être rendue impossible ou beaucoup plus difficile ou
onéreuse.
La question de la prise en considération de ces éléments nouveaux se pose alors. Il s’agit
de savoir d’une part, s’il doit être tenu compte du changement de circonstances et
d’autre part, en cas de réponse affirmative, de quelle manière il convient de le faire. La
doctrine française envisage ces questions sous le terme de théorie de l’imprévision et
l’associe au pouvoir de révision du contrat par le juge, mais la jurisprudence rejette, pour
les matières de droit civil, son application.
Distinction de l’imprévision et de la force majeure :
Certains changements de circonstances sont pris en considération au titre de la force
majeure. Lorsque l’obligation est impossible à accomplir en raison d’un évènement
irrésistible, imprévisible et extérieur au débiteur, on considère que l’événement est
constitutif de force majeure. Dans ce cas le débiteur défaillant est exonéré de sa
responsabilité contractuelle.
L’imprévision se distingue de la force majeure tout d’abord puisqu’elle ne suppose pas
nécessairement une impossibilité d’exécution. Il suffit que l’exécution soit beaucoup plus
difficile ou onéreuse. Par ailleurs, les conséquences ne seront pas les mêmes : la force
majeure ne fait qu’exonérer le débiteur tandis que l’imprévision, quand elle est admise,
entraîne l’obligation de renégocier le contrat selon le pouvoir modérateur du juge.
Les termes sont pourtant parfois confondus.
Régime
La question de la prise en considération de l’imprévision est une question très
controversée en droit français.
Elle est rejetée en principe par les juridictions civiles, s’opposant sur ce point aux
juridictions administratives. La jurisprudence civile refuse donc la révision du contrat
pour imprévision afin de tenir compte des nouvelles circonstances (Civ. 8 mars 1876,
Canal de Craponne, D. 1876.I.193.).
Ce refus est principalement fondé sur le principe de force obligatoire du contrat (1134 al
1 C. civ.), mais également sur des raisons d’ordre économique (on craint pour la sécurité
des transactions) et sur l’idée que le juge ne serait pas le mieux placé pour apprécier
l’incidence réelle du changement de circonstances sur la situation économique des
parties.
Cette position est très critiquée. Certains relèvent que les motifs invoqués pour rejeter la
révision pour imprévision sont peu convaincants et d’autres considèrent que le principe
de bonne foi permettrait de fonder l’admission de la révision pour imprévision.
En effet, la position française est très isolée, une majorité de systèmes juridiques et
certains travaux en matière de droit européen des contrats permettant de prendre en
considération les changements de circonstances affectant le contrat.
Par ailleurs, certains arrêts concédant une obligation de renégocier les contrats devenus
profondément déséquilibrés sur le fondement de l’exigence de bonne foi ont été compris
comme des signes d’évolution vers l’admission du principe d’une révision judiciaire.
(Com. 3 novembre 1992, Huard, JCP G 1993, II, 22164, obs. G. Viramassy ; RTD Civ
1993, p. 124 s., obs. J. Mestre ; Defrénois 1993, p. 1377, obs. JL Aubert ; Com. 24
novembre 1998, D. 1999, IR p. 9 ; Contrats, conc., consomm. 1999 1999, Comm. n°56,
obs. M.Malaurie-Vignal ; Defrénois, 1999, p. 371, obs. D. Mazeaud ; JCP 1999, I, 143,
obs. Ch. Jamin ; RTD civ. 1999, p. 98, obs. J. Mestre et 646, obs. P.Y. Gautier ; Civ 1re,
16 mars 2004, D. 2004, jurisprudence p. 1754). Cependant, ces arrêts demeurent isolés
et d’interprétation parfois délicate.
Enfin, la pratique a su organiser elle-même la prise en compte des circonstances
nouvelles en aménageant conventionnellement la renégociation ou la révision du contrat
par un tiers au moyen de clauses d’adaptation, de renégociation ou de hardship.
Bibliographie
C. WITZ – Force obligatoire et durée du contrat, in, Les concepts contractuels français à
l’heure du droit européen des contrats, dir. P. Rémy-Corlay et D. Fenouillet, Dalloz, 2003,
p. 175.
B. FAUVARQUE-COSSON, Le changement de circonstances, Rev. Contrats 2004, n°1, p.
89.