pdf note Hocquet Berg Newsletter avocat

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LA SEMAINE DU DROIT CIVIL ET PROCÉDURE CIVILE
La solution inaugurée par la Cour de cassation en 2008, loin de marquer un affranchissement du droit par rapport à la science,
conduit ainsi à remplacer la science des
scientifiques par celle des juristes, avec cette
conséquence qu’une même loi générale est
susceptible d’être affirmée ou repoussée
selon la juridiction qui statue, sans que la
Cour de cassation puisse remettre en cause
l’appréciation souveraine des juges du fond.
Plaisante justice qu’une rivière borde, écrivait déjà Pascal ; mais il n’imaginait peutêtre pas qu’une vérité scientifique en deçà
de la Loire pût devenir erreur au-delà.
PORTÉE
Le présent arrêt place la Cour de cassation
dans une posture délicate, car il révèle les
divergences de jurisprudence auxquelles la
solution posée par les arrêts du 22 mai 2008
conduit inévitablement. Quels que puissent
être les mérites juridiques de cette solution,
elle crée une situation qui, sur le plan politique et vis-à-vis des plaignants, paraît difficilement tenable sur le long terme. Mais
comment en sortir ?
Si, en dépit de l’incertitude scientifique
actuelle, on tient absolument à faire jouer
les mécanismes de la responsabilité civile
au profit des malades qui imputent les affections démyélinisantes dont ils sont victimes au vaccin contre l’hépatite B, mieux
vaudrait mettre en place un mécanisme
qui ne repose pas sur une pseudo-science
aboutissant à une forme de loterie judiciaire, comme c’est le cas aujourd’hui. Une
possibilité serait d’instaurer une présomption non pas de fait mais de droit, reposant ouvertement sur des considérations
de politique juridique, qui, dans certaines
circonstances précisément définies, permette de présumer le lien entre la vaccination et la maladie. Du moins les plaignants
79-80
sauraient-ils alors à quoi s’en tenir et ne
seraient-ils pas exposés à l’aléa créé par les
divergences possibles entre les conceptions
scientifiques des juges. L’opportunité d’une
telle présomption ne va cependant pas de
soi et la délimitation précise de son champ
d’application ferait bien sûr difficulté. Il
serait dès lors préférable qu’une telle présomption soit créée par le législateur, plutôt
que par les juges. Mais la meilleure solution
serait sans doute d’étendre et d’assouplir
le régime d’indemnisation prévu à l’article
L. 3111-9 du Code de la santé publique, applicable en l’état actuel aux seuls dommages
imputables à des vaccinations obligatoires
(V. RDC 2008, p. 1200 ) ; en attendant que
l’avancée des connaissances médicales et
scientifiques permette, peut-être, de savoir
si oui ou non la vaccination contre l’hépatite B est susceptible de provoquer la sclérose en plaques.
AVOCATS
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L’erreur de l’avocat dans le fondement
juridique d’une action
L’erreur commise par l’avocat dans le choix du fondement juridique de l’action de son client,
laquelle ne peut plus être réparée à l’occasion d’une autre instance en application du principe
de concentration des moyens, engage sa responsabilité professionnelle.
instance, la garantie de son
vendeur des condamnations
prononcées à son encontre au
profit de l’acquéreur de son véNdlr : L’auteur reprend dans la
hicule défectueux, à la suite de
présente note, en le développant,
la résolution de la vente pour
le commentaire paru dans la
manquement à son obligation
revue mensuelle Responsabilité
de délivrance, un acquéreur a
civile et assurances (Resp. civ. et
été débouté par la cour d’appel
SOPHIE HOCQUETBERG, professeur
assur. 2010, comm. 321)
de renvoi saisie de son action
à l’université Paul
sur le fondement d’un vice
Verlaine de Metz
CONTEXTE
caché. Cette juridiction l’a, en
effet, déclaré irrecevable en son
Bien que passée relativement inaperçue, cette recours en garantie contre son propre vendécision est emblématique des effets, que deur, en retenant que l’action était tardive.
certains n’hésitent pas à qualifier de « dévas- Ainsi définitivement condamné à l’égard du
tateurs » (C. Bléry : Procédures 2010, alerte sous-acquéreur, sans pouvoir bénéficier de
1), de l’évolution jurisprudentielle concer- la garantie de son propre vendeur, ce justinant l’office du juge et le rôle des parties sur ciable a engagé une autre action dirigée, cette
la responsabilité professionnelle de l’avocat. fois, contre son avocat. Pour le débouter à
En l’espèce, après avoir obtenu, en première nouveau, la cour d’appel a jugé que la faute
Cass. 1re civ., 16 sept. 2010,
n° 09-14.580, F D : JurisData n° 2010-016120
LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 4 - 24 JANVIER 2011
professionnelle de l’avocat ne pouvant se
déduire du seul mauvais choix des fondements et moyens juridiques de défense de
son client, ce dernier n’établissait pas en
quoi, au vu de la décision qui avait rejeté son
appel en garantie, l’avocat aurait manqué à
son obligation de moyens. Dans la décision
commentée, la première chambre civile
considère qu’en se déterminant ainsi, tout
en admettant l’erreur commise par l’avocat
dans le choix du fondement juridique de
l’action en garantie introduite par son client,
la cour d’appel a violé l’article 1147 du Code
civil. Autrement dit, la Cour de cassation
reproche aux juges du fond de ne pas
avoir déduit la faute de l’avocat de la seule
constatation de son choix erroné dans la
stratégie de défense des intérêts de son
client. En considérant ainsi qu’une erreur
commise dans le fondement juridique de
l’action engage la responsabilité profession-
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80
nelle de l’avocat, la première chambre civile
écrit ici l’épilogue d’une histoire jurisprudentielle tendant à redéfinir les obligations
de chacun des acteurs du procès civil : les
parties, le juge mais aussi l’avocat.
ANALYSE
La Cour de cassation a récemment renforcé
le rôle des parties au litige en recourant à
l’autorité de la chose jugée détournée aux
fins de sanctionner les comportements
exagérément processifs (JCP G 2007, II,
10070, note G. Wiederkehr). En effet, par
un « séisme processuel dans l’approche de
la cause » (N. Fricero, Le fabuleux destin de
l’autorité de la chose jugée, in Mélanges J.-F.
Burgelin : Dalloz, 2008, p. 199), la Cour de
cassation a sensiblement modifié la portée
de cette fin de non-recevoir dans le fameux
arrêt Cesareo, en considérant comme définitivement jugé ce qui n’a pas été jugé. Cette
évolution s’est produite grâce à la découverte
d’un nouveau principe, dit de concentration des moyens, selon lequel « il incombe
au demandeur de présenter dès l’instance
relative à la première demande l’ensemble
des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci » (Cass. ass. plén., 7 juill. 2006,
n° 04-10.672 : JurisData n° 2006-034519 ;
Bull. civ. 2006, ass. plén., n° 8 ; JCP G 2006,
I, 183, n° 15, obs. S. Amrani-Mekki ; JCP G
2006, I, 188, n° 14, obs. R. Martin ; note G.
Wiederkehr, préc. ; Procédures 2006, comm.
201, note R. Perrot ; Procédures 2006, repère
9, note H. Croze ; D. 2006, p. 2135, note L.
Weiller ; RTD civ. 2006, p. 825, note R. Perrot ; Rev. Huissiers 2006, p. 348, note N. Fricero. - V. pour une application récente : Cass.
3e civ., 20 janv. 2010, n° 08-70.206 : JurisData
n° 2010-051181 ; Bull. civ. 2010, III, n° 17 ;
JCP G 2010, act. 147, C. Bléry ; JCP G 2010,
doctr. 546, n° 15, obs. Y.-M. Serinet). Tenu
de soulever dès l’instance initiale tous les
moyens adaptés à ses prétentions, le plaideur
est irrecevable à exercer une action « de rattrapage » sur le fondement de règles omises
au soutien de cette même demande. Par cette
jurisprudence, très contestée en doctrine
(V. not., G. Bolard : L’office du juge et le rôle
des parties ; entre arbitraire et laxisme : JCP
G 2008, I, 156. - S. Guinchard, L’autorité de
la chose qui n’a pas été jugée à l’épreuve des
nouveaux principes directeurs du procès civil
in Mélanges G. Wiederkehr : Dalloz, 2009,
p. 379), la Cour de cassation transfère aux
plaideurs une partie de l’office du juge en
poursuivant des objectifs d’efficacité du
service public de la justice et de célérité des
procédures, lesquels prévalent clairement
sur le droit des justiciables de recourir au
juge pour la reconnaissance de leurs droits
subjectifs. Une telle conséquence s’impose,
y compris lorsque les moyens omis ne pouvaient être utilement invoqués lors de l’instance initiale, compte tenu de l’état de la jurisprudence à cette époque (Cass. 1re civ., 24
sept. 2009, n° 08-10.517 : JurisData n° 2009049542 ; Bull. civ. 2009, I, n° 177 ; JCP G
2009, note 401, C. Bléry). Un tel résultat est
d’autant plus drastique pour le justiciable,
qu’il ne peut pas nécessairement compter
sur le juge pour soulever d’office le fondement juridique pertinent qui aurait été omis
au soutien de sa demande. En effet, la Cour
de cassation a aussi limité l’office du juge en
considérant que « si, parmi les principes directeurs du procès, l’article 12 du (…) Code
de procédure civile oblige le juge à donner
ou restituer leur exacte qualification aux
faits et actes litigieux invoqués par les parties
au soutien de leurs prétentions, il ne lui fait
pas obligation, sauf règles particulières, de
changer la dénomination ou le fondement
juridique de leurs demandes » (Cass. ass.
plén., 21 déc. 2007, n° 06-11.343 : JurisData
n° 2007-042069 ; Bull. civ. 2007, ass. plén.,
n° 10 ; Resp. civ. et assur. 2008, comm. 112,
note S. Hocquet-Berg ; JCP G 2008, II, 10006,
note L. Weiller ; D. 2008, p. 228, note L. Dargent ; Rev. Lamy dr. civ. 2008, p. 2843, note
S. Doireau ; Contrats, conc. consom. 2008,
comm. 92, note L. Leveneur). Nullement
tenu de relever d’office la « bonne » règle de
droit négligée par le demandeur, le juge est
ainsi libre d’abandonner le justiciable à son
sort. Si, dans le présent cas d’espèce, le juge
aurait pu examiner, dans le respect du principe du contradictoire, le bien-fondé de l’appel en garantie sur le fondement du défaut
de conformité, il ne pouvait lui être fait grief
d’avoir omis de le faire. Si l’acquéreur ne peut
plus se délester des condamnations prononcées à son encontre sur son propre vendeur,
le présent arrêt lui reconnaît cependant le
droit d’en reporter le poids sur son avocat.
En effet, comme nous l’avions pressenti (V.
Resp. civ. et assur. 2008, comm. 112), le principe de concentration des moyens combiné à la jurisprudence sur l’office du juge
devait nécessairement entraîner un alourdissement corrélatif de la responsabilité
professionnelle de l’avocat. La représentation par avocat étant normalement obligatoire
et, même lorsqu’elle est facultative, habituelle,
la présente décision nous montre que ce
dernier supportera concrètement les conséquences de cette évolution jurisprudentielle.
Plus que jamais, l’avocat sera bien avisé de
développer, en demande comme en défense
(Cass. 3e civ., 13 févr. 2008, n° 06-22.093 : JurisData n° 2008-042737 ; Bull. civ. 2008, III,
n° 28 ; JCP G 2008, II, 10052, note L. Weiller),
une argumentation hiérarchisée, comportant un moyen principal et un ensemble de
moyens subsidiaires, afin de contraindre le
LA COUR – (…)
vu de la décision qui avait rejeté son appel en garantie, M. T. aurait
manqué à son obligation de moyens ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal :
Vu l’article 1147 du code civil ;
• Attendu qu’après avoir obtenu, en première instance, d’être garanti
par son vendeur des condamnations prononcées à son encontre au
profit de l’acquéreur de son véhicule défectueux, à la suite de la résolution de la vente de ce véhicule pour manquement à son obligation de
délivrance, M. G., qui a été ensuite débouté de son appel en garantie
par la cour d’appel de renvoi saisie de son action sur le fondement d’un
vice caché, a recherché la responsabilité professionnelle de son avocat ;
• Attendu que, pour débouter M. G. de sa demande, l’arrêt attaqué
retient que, outre le fait que la faute professionnelle de l’avocat ne
saurait se déduire du seul mauvais choix des fondements et moyens
juridiques de défense de son client, M. G. n’a pas établi en quoi, au
Qu’en se déterminant ainsi, tout en admettant l’erreur commise par
l’avocat dans le choix du fondement juridique de l’action en garantie
introduite par son client, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
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• Et, attendu que le moyen unique du pourvoi incident de M. T. n’est
pas de nature à en permettre l’admission ;
Par ces motifs (…) :
• Déclare non admis le pourvoi incident ;
• Casse et annule, sauf en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à condamnation à
paiement de dommages-intérêts de M. G. envers M. T. (…) pour être
fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bourges, autrement
composée ; (…)
M. Charruault, prés., M. Gallet, cons.-rapp., M. Bargue, cons. ; Me Carbonnier, SCP Baraduc et Duhamel, av.
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juge à examiner la prétention de son client
sous tous les angles juridiques envisageables.
Sans le vouloir, ces auxiliaires de justice sont
ainsi amenés à participer à la politique de
« gestion des flux » qui guide autant l’action
de la Chancellerie que celle des juges euxmêmes (V. en ce sens, C. Bléry : Procédures
2010, alerte 1). Cette jurisprudence repose
aussi sur l’idée que l’avocat est un professionnel du droit « investi d’un devoir de compétence » qui l’oblige à choisir le raisonnement
juridique adéquat, même lorsque celui-ci
repose sur une évolution jurisprudentielle récente n’ayant pas encore été étendue à la cause
dont il a la charge (Cass. 1re civ., 14 mai 2009,
n° 08-15.899 : JurisData n° 2009-048152 ;
Bull. civ. 2009, I, n° 92 ; Resp. civ. et assur.
2009, comm. 219, note S. Hocquet-Berg ; JCP
G 2009, note 94, H. Slim ; JCP G 2009, doctr.
295, n° 14 et 15, obs. G. Pillet ; Procédures 2009,
comm. 263, note R. Perrot). Il ne peut ainsi pas
se prévaloir de sa méconnaissance d’une décision rendue postérieurement à son intervention pour s’exonérer de sa responsabilité, dès
lors qu’elle « ne constituait ni un revirement,
ni même l’expression d’une évolution imprévisible de la jurisprudence » (Cass. 1re civ., 5
févr. 2009, n° 07-20.196 : JurisData n° 2009046831 ; Bull. civ. 2009, I, n° 21 ; Resp. civ. et
assur. 2009, comm. 104). Seule l’absence d’anticipation d’un revirement de jurisprudence,
souvent imprévisible et par nature incertain,
ne peut être reprochée à l’avocat (en ce sens à
propos du notaire : Cass. 1re civ., 25 nov. 1997,
n° 95-22.240 : JurisData n° 1997-004652 ; Bull.
civ. 1997, I, n° 328 ; Resp. civ. et assur. 1998,
comm. 55 ; Defrénois 1998, p. 354, note J.-L.
Aubert ; RTD civ. 1998, p. 210, note R. Libchaber et N. Molfessis ; RTD civ. 1998, p. 367, note
J. Mestre ; LPA 12 oct. 1998, p. 7, note M.-P.
Blin-Franchomme). En effet, les éventuels
manquements des professionnels du droit à
leurs obligations professionnelles ne peuvent
s’apprécier « qu’au regard du droit positif
existant à l’époque de son intervention ». Ils
ne peuvent donc être tenus « des risques de revirement », judicieusement présentés comme
« les risques de développement » de la matière
juridique (M. Behar-Touchais, Rapport français sur la responsabilité des professionnels du
droit, in La responsabilité, Aspects nouveaux :
Travaux de l’Association H. Capitant, Journées
panaméennes, t. L, 1999, p. 513, n° 19). En dehors de cette limite, toute omission ou erreur
dans le choix des fondements et moyens juridiques adaptés à la défense de son client révèle
une faute de l’avocat dont il doit civilement
répondre, à la condition toutefois qu’elle ait
été préjudiciable. En effet, la réparation étant
à la mesure des chances perdues par la faute
de l’avocat, les juges doivent reconstituer fictivement la discussion qui se serait instaurée
si l’avocat avait soutenu le moyen omis, afin
de déterminer la réalité et l’étendue du préjudice subi par le client (Cass. com., 7 avr. 2009,
n° 08-17.778 : JurisData n° 2009-047874 ; Bull.
civ. 2009, I, n° 49 ; JCP G 2009, note 142, J.P. Maublanc). Dans le présent cas d’espèce,
la cour de renvoi devra donc déterminer les
chances de succès du moyen tiré du défaut de
délivrance que l’acquéreur n’a pas invoqué à
l’appui de son appel en garantie dirigé contre
son vendeur. Si ces chances existent, et dans
leur seule mesure, il pourra en obtenir réparation par son avocat, lequel supportera par
conséquent une partie des condamnations
mises à la charge de son client.
PORTÉE
On peut dès lors se demander si cette jurisprudence n’aboutit pas, sans le dire, à faire
basculer insidieusement la responsabilité de
l’avocat de la faute vers le risque ? Comme cela
a été justement relevé, « qui, à l’heure actuelle,
sous une législation proliférante et une jurisprudence parfois chaotique, peut se vanter
de pouvoir répondre correctement à toute
question de droit et d’apprécier parfaitement
le droit et les faits ou, du moins, de les apprécier comme le juge le fera » (G. Wiederkehr,
note préc.). L’artifice utilisé par la première
chambre civile pour dissimuler un glissement
de la faute au risque a déjà fait ses preuves.
De la même façon qu’elle juge que tout geste
chirurgical maladroit est nécessairement fautif (V. réc., Cass. 1re civ., 17 juin 2010, n° 0967.671 : JurisData n° 2010-009576. - Cass. 1re
civ., 18 sept. 2008, n° 07-12.170 : JurisData
n° 2008-045001 ; Bull. civ. 2008, I, n° 205),
elle retient ici que toute erreur commise par
l’avocat dans le choix du fondement juridique
de l’action en garantie introduite par son
client engage sa responsabilité professionnelle. Déjà, en matière de rédaction d’actes, la
jurisprudence retient à l’encontre de l’avocat
une obligation d’efficacité juridique des actes
qu’il confectionne qui, sans être explicitement
qualifiée de résultat, paraît bien l’être (V.
réc. : Cass. 1re civ., 14 oct. 2010, n° 09-13.840,
à paraître au bulletin). Celle-ci est appréciée
si sévèrement par les juges, que l’avocat ne
peut faire échec à l’action en responsabilité
civile dirigée contre lui qu’en établissant que
l’acte litigieux a été établi dans l’ignorance
d’informations sciemment dissimulées ou
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sur la base de déclarations erronées alors qu’il
ne disposait pas d’éléments de nature à faire
douter de leur véracité ou de leur exactitude
(V. Cass. 1re civ., 25 nov. 2010, n° 09-70.767 :
JurisData n° 2010-021932). La présente décision paraît ainsi étendre ce devoir d’efficacité
aux moyens juridiques invoqués par l’avocat
au soutien de la défense des intérêts de son
client. Sans qu’il soit procédé à l’examen du
comportement qu’aurait eu un autre avocat, normalement compétent, confronté à la
même complexité des règles applicables, la
faute est déduite de la seule constatation du
mauvais choix des fondements et moyens
juridiques de défense des intérêts du client. Il
faudrait alors en déduire que ce professionnel
du droit, tenu d’être compétent, est réputé
infaillible, même en l’état d’une science juridique dont la complexité rivalise avec celle de
la science médicale. Il est vrai que les fonctions
de l’avocat le désignent naturellement comme
celui qui doit supporter le risque d’une erreur
dans le choix du fondement juridique de l’action de son client. On trouve là encore cette
volonté de faire supporter les risques de l’aléa,
qu’il soit médical ou juridique, sur le professionnel qui - il n’est pas superflu de le souligner - est toujours assuré. Ainsi « satisfait
ou indemnisé », le client bénéficie-t-il d’un
haut niveau de protection, qui pourrait
être approuvé s’il ne contrastait pas autant
avec celui qui lui est accordé lorsque l’erreur émane du juge. C’est ainsi, par exemple,
que la première chambre civile a retenu que
la circonstance que deux affaires identiques
puissent être, en définitive, jugées différemment n’était pas révélatrice d’une faute commise par les juridictions (Cass. 1re civ., 17
févr. 2010, n° 09-10.319 : JurisData n° 2010051611 ; Bull. civ. 2010, I, n° 40 ; Resp. civ. et
assur. 2010, comm. 121, note H. Groutel). Il
nous paraît donc indispensable de réformer
l’article L. 141-1 du Code de l’organisation
judiciaire, prévoyant que, sauf déni de justice,
le fonctionnement défectueux du service public de la justice n’engage la responsabilité de
l’État qu’en cas de faute lourde (V. réc., Cass.
1re civ., 4 nov. 2010, n° 09-69.776 : JurisData
n° 2010-020258. - Cass. 1re civ., 4 nov. 2010,
n° 09-15.869 : JurisData n° 2010-020238), afin
d’imposer au juge un niveau d’exigence équivalent à celui qu’il requiert de l’avocat.
Textes : C. civ., art. 1147
JurisClasseur : Responsabilité civile et Assurances, Fasc. 330 ou Civil Code, Art. 1382
à 1386, Fasc. 330, par Pascale Vaillier
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