Incompatibilité du nantissement de police d`assurance

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Incompatibilité du nantissement de police d`assurance
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Incompatibilité du nantissement de police
d’assurance-vie avec la couverture en matière de
compte-titres
le 28 juillet 2011
AFFAIRES | Société et marché financier | Sûretés et garantie
Le nantissement d’un contrat d’assurance-vie n’est pas compatible avec les règles de la
couverture, dont la constitution est exigée en cas d’ordre de bourse avec service de règlement
différé, de sorte que le refus, légitime, de l’intermédiaire financier de l’accepter comme instrument
de couverture n’est pas fautif.
Com. 12 juill. 2011, F-P+B, n° 10-16.873
Une personne sous curatelle a donné procuration générale à son père d’effectuer toutes opérations
de bourse sur les comptes-titres dont elle est titulaire. À la suite d’opérations effectuées sur le
service de règlement différé (SRD), l’établissement négociateur-teneur de comptes a demandé la
reconstitution de la couverture et, le mandataire ayant refusé de donner suite à cette demande, il a
procédé à des liquidations partielles de position, autrement dit, à la vente d’un certain nombre de
titres en portefeuille afin de constituer, avec le produit de celle-ci, à la constitution de la couverture.
De son côté, le titulaire des comptes a reproché à l’établissement financier son refus d’accepter de
prendre en nantissement des contrats d’assurance-vie en lieu et place de la couverture exigée et
l’a ainsi assigné en dommages-intérêts. En vain. Pour la cour d’appel de Paris, en effet, dont la
décision est pleinement validée par la Cour de cassation, « le nantissement d’un contrat
d’assurance-vie n’est pas compatible avec les règles de la couverture et le refus, légitime, de
[l’intermédiaire financier] de l’accepter comme instrument de couverture n’était pas fautif ». Ce
refus n’est pas constitutif d’abus de droit. La solution n’est pas nouvelle, la haute juridiction l’a
même déjà posée, précisément dans la même affaire (Com. 9 juin 2009, Dr. sociétés 2009, n° 208,
note Bonneau).
Il faut savoir que l’intermédiaire financier qui reçoit un ordre de bourse dans le cadre du service de
règlement différé (SRD), lequel a succédé au règlement mensuel en septembre 2000, ne peut en
accepter le traitement qu’à la seule condition que l’investisseur ait constitué une couverture dans
les livres du teneur de compte conservateur. Cela s’explique par le fait que le SRD constitue, pour
l’investisseur, un crédit, puisqu’il ne va payer qu’ultérieurement, en principe en fin de mois, les
titres qu’il acquiert. Il est dès lors logique que la réglementation boursière exige, pour garantir le
défaut de paiement du prix des titres à l’échéance, la constitution d’une couverture, constituée de
liquidités, d’instruments financiers ou par la remise de chèques. Lorsque le donneur d’ordre n’a
pas, dans le délai requis, constitué ou complété la couverture exigée, l’intermédiaire doit alors
procéder à la liquidation partielle, voire totale, des positions. Cette obligation, qui avait pour siège,
à l’époque des faits, l’article 3 de la décision n° 2004-04 du Conseil des marchés financiers du 30
août 2000 relative à la couverture des ordres avec services de règlement et de livraison différés
(sur cet article, V. Bonneau, note préc.), trouve aujourd’hui pour fondement les articles 516-2 et
suivants (et spéc. art. 516-2, al. 2) du règlement général de l’Autorité des marchés financiers (V.
égal., Instr. AMF n° 2007-04, 15 mai 2007, relative à la couverture des ordres avec services de
règlement et de livraison différés).
La Cour de cassation aurait pu se contenter, pour justifier le parti adopté, de se retrancher derrière
une lecture littérale de la réglementation boursière qui pose, de manière à l’évidence limitative, les
éléments d’actifs susceptibles d’être admis en couverture. Elle va en réalité au-delà, et justifie sa
solution par le fait que les prérogatives du créancier nanti – c’est-à-dire celles de l’intermédiaire
financier, s’il avait accepté de prendre en garantie le nantissement du contrat d’assurance-vie –
sont limitées et, en tout cas, insuffisantes au regard des règles de la couverture. En effet, et comme
cela a d’ailleurs déjà été jugé (Com. 12 juill. 2005, Bull. civ. IV, n° 175 ; D. 2005. AJ 2142, obs.
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Delpech ; ibid. 2006. Pan. 2855, obs. Crocq ; JCP 2005. I. 185, n° 17, obs. Delebecque), cette
sûreté, bien qu’elle porte indirectement sur des instruments financiers (une police d’assurance-vie
a pour assiette des instruments financiers), fait du créancier nanti un simple « détenteur, avec seul
pouvoir de garde et de conservation, sans acquérir le droit d’user ni d’administrer la chose ». Et la
gestion du contrat d’assurance-vie, même nanti, est prise en charge par l’assureur auprès duquel il
a été souscrit, l’intermédiaire ne serait ainsi pas en mesure d’effectuer « la valorisation quotidienne
» des titres mis en garantie, formalité indispensable pour s’assurer que le montant de la couverture
est proportionnel à la valeur des positions acquises dans le cadre du SRD. Finalement, ce qui
explique que le nantissement de police d’assurance-vie n’est pas considéré comme équipollent à la
couverture constituée d’instruments financiers, que l’on classe habituellement dans la catégorie
des propriétés-sûretés (Rép. société, v° Sûretés financières, par Fraicheux, n° 119), ne tient pas à
ce que la première est moins aisée à réaliser que la seconde en cas de défaut de paiement du
débiteur. Cela s’explique uniquement par le fait que le créancier titulaire d’un nantissement dispose
d’un pouvoir de contrôle moins important sur les actifs compris dans la sûreté que s’il bénéficiait
d’une garantie compatible avec les règles de la couverture. Mais il semble, en tout état de cause, si
l’on comprend bien le raisonnement suivi de la Cour de cassation, qu’il suffit que la sûreté
constituée confère au créancier des prérogatives similaires à celles offertes par la couverture
prévue le règlement général de l’AMF en cas d’opération avec service de règlement différé pour
que l’intermédiaire financier soit tenue de l’accepter en garantie. Un nantissement de
compte-titres, régi par les articles L. 211-20 et suivants du code monétaire et financier, par
exemple, semble ainsi répondre à l’exigence posée par la Cour de cassation. En conséquence, cet
arrêt, à première vue rigoriste, serait en réalité beaucoup plus libéral qu’il n’y paraît.
par X. Delpech
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