Le devoir d`information et de conseil des prestataires de services d

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Le devoir d`information et de conseil des prestataires de services d
1
Le nantissement de meubles incorporels
Par Michel Storck
Professeur à l’université Robert Schuman
Directeur du centre du droit de l’entreprise
I - Passé
1-Formalisme lourd
écrit et signification
Art 2075 ancien du C civ : « Lorsque le gage s’établit sur
des meubles incorporels, tels que les créances mobilières,
l’acte authentique ou sous seing privé, dûment enregistré,
est signifié au débiteur de la créance donnée en gage, ou
acceptée par lui dans un acte authentique »
Ce formalisme est imposé aussi pour le gage commercial
(renvoi de l’art. 521-1 C.com. à 2075 C.civ.)
Difficultés d’application : possibilité de nantir des
créances futures alors que le gage est un contrat réel ?
le nantissement de créances futures est qualifié de
promesse de gage, prenant effet seulement au jour de la
naissance de la créance.
En
cas
d'ouverture
d'une
procédure
de
redressement
judiciaire, le créancier gagiste s'expose donc à deux
risques
:
impossibilité
de
pouvoir
constituer
le
nantissement si la créance n'est pas née avant le jugement
d'ouverture, et nullité du nantissement s'il a été
constitué au cours de la période suspecte.
Pourtant la jurisprudence a reconnu la validité d'une
cession de créances futures faite dans les formes du Code
civil.
2- Multiplication des nantissements spéciaux
Des gages avec ou sans dépossession ont été introduits par
des textes spécifiques, remplaçant la dépossession par une
formalité elle-même prescrite à peine de nullité, ou par
une publicité peu efficace
3-Procédure d’exécution du gage trop contraignante
Procédure d’exécution du gage commercial prévue à l’article
L 521-3 C.com. : vente publique
Effets limités, notamment dans le cadre d’une procédure
collective
Préférence de la pratique pour les cessions en propriété :
cession globale de créances présentes et futures par
bordereau
Dailly,
mais
uniquement
au
profit
d’un
établissement de crédit.
II - Présent
2
Idées directrices :
- faciliter la constitution des nantissements ; souplesse
et efficacité dans la réalisation de ces sûretés
- transposition et généralisation de mécanismes spéciaux de
garanties existant en droit commercial (nantissement de
comptes, nantissements de créances futures, nantissements
multiples)
- généraliser
le
pacte
commissoire
à
tous
les
nantissements civils et commerciaux
- Combinaison avec le droit des procédures collectives :
importance en ce domaine des biens meubles incorporels
Méthode :
le gage et le nantissement ne sont plus des
contrats réels, mais des contrats solennels (écrits).
La dépossession,
rarement possible pour les meubles
incorporels, n'est qu'une formalité d'opposabilité ; à
défaut, elle est remplacée par une publicité sur un
registre spécial.
Le gage sans dépossession peut ainsi se généraliser, et
s’étendre notamment au gage de choses futures, au gage d'un
ensemble de choses, dont les composants peuvent être
modifiés.
l'ordonnance du 23 mars 2006 introduit dans le Code civil
un chapitre III, « Du nantissement de meubles incorporels»
(articles 2355 à 2366 du Code civil).
Disposition générale : L'article 2355 définit en ces termes
le nantissement : « Le nantissement est l'affectation, en
garantie d'une obligation, d'un bien meuble incorporel ou
d'un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou
futurs ».
2 régimes sont prévus : nantissement conventionnel qui
porte sur des créances (A) et nantissement d’autres meubles
incorporels (B)
A.Nantissement de créance
Nouveau droit commun défini dans le code civil
1° - Créances susceptibles d'être nanties et obligations
susceptibles d'être garanties
les articles 2356 et suivants du Code civil portent sur le
nantissement de tous les types de créances de somme
d'argent,
commerciales
aussi
bien
que
civiles,
contractuelles ou non contractuelles. Aucune distinction
n'est faite selon la qualité du créancier, du débiteur, ou
3
du bénéficiaire. Les créances soumises à une loi étrangère
sont susceptibles d'être garanties.
NB : Les formes spéciales de nantissement de créances
existantes subsistent sans modification et vont donc
coexister (endossement pignoratif d’une lettre de change ou
billet à ordre -C. com., art. L. 511-13 et L. 512-3 nantissement et de la transmission des créances par
bordereau Dailly -C. monét. fin., art. L. 313-23 –
nantissement
de
polices
d’assurances,
créances
hypothécaires...).
Sauf convention contraire, le nantissement s'étend
accessoires de la créance c'est-à-dire notamment
intérêts et garanties (C. civ., art. 2359).
aux
aux
2 innovations : créances futures ; ensemble de créances
La possibilité de nantir des créances futures explicitement
prévue par l’article 2356
rapp article L. 313-23 du Code monétaire et financier
relatif au transfert par bordereau de créances futures à
titre de cession en propriété ou en nantissement: «...
créances résultant d'un acte déjà intervenu ou à intervenir
mais dont le montant et l'exigibilité ne sont pas encore
déterminés ». mais cette possibilité est limitée par un
champ d’application restreint du bordereau Dailly, alors
que ce texte nouveau a une portée générale, non limité au
profit des seuls établissements de crédit, ou aux seules
opérations à caractère professionnel.
comment définir la créance future ?
créance qui n’est pas née, parce que l’acte ou le fait
susceptible de lui donner naissance n’est pas encore
intervenu
Exemple :
- un nantissement de loyers n’est pas un nantissement de
créances futures, dès lors que le contrat de bail qui
constate les engagements du preneur est déjà conclu
- la créance de prix afférente à des ventes à venir est
une créance future.
Ainsi, possibilité de conclure un nantissement de flux de
créances hors du champ d’application de la loi Dailly
licéité d'une clause prévoyant le remplacement automatique
de créances venues à échéance par des créances nouvelles ;
cette possibilité est prévue pour le refinancement des
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crédits à moyen terme (C. monét. fin., art. L. 313-44). Une
telle stipulation suppose que les créances substituées
soient suffisamment identifiées dans l'acte constitutif
(2356 du Code civil).
2°. - Forme du nantissement de créance
Une notification au débiteur ou son acceptation ne sont
plus imposées comme condition de validité du nantissement.
L’article 2356 du Code civil maintient l'exigence de la
forme écrite (acte authentique ou sous seing privé) en
précisant qu'elle est une condition de validité du
nantissement.
«Les créances garanties et les créances nanties sont
désignées dans l'acte » (C. civ., art. 2356).
Les parties choisissent librement le mode d'identification
des créances nanties et de désignation des obligations
garanties. Elles pourraient le faire en se référant à un
acte distinct de celui portant constitution de la sûreté.
Cet accord peut résulter d’un contrat cadre qui délimite
des créances futures ou une pluralité de créances, sous
réserve de bien préciser qu’il s’agit d’ une affectation en
nantissement et non pas une simple promesse de sûreté
l'article 2356 donne des indications plus précises sur
l’identification
des
créances
futures
données
en
nantissement
:
«
...
l'acte
doit
permettre
leur
individualisation ou contenir des éléments permettant
celle-ci tels que l'indication du débiteur, le lieu de
paiement, le montant des créances ou leur évaluation et,
s'il y a lieu, leur échéance ». Cette formulation est
proche de celle figurant à l'article L. 313-23 du Code
monétaire et financier concernant le bordereau Dailly.
Si le nantissement est consenti pour un temps limité ou
porte sur une fraction de la créance nantie, cela doit être
mentionné dans l'acte constitutif
3°. - Effets et opposabilité du nantissement
article 2361 du Code civil précise que : « Le nantissement
d'une créance, présente ou future, prend effet entre les
parties et devient opposable aux tiers à la date de l'acte
».
le
législateur
abandonne
ainsi
la
solution
énoncée
jusqu’alors par l'article 2075.
la date figurant dans l'acte de nantissement rend désormais
la
sûreté
opposable
aux
tiers,
même
en
l'absence
d'enregistrement. Aucune distinction n'est faite entre un
nantissement commercial et un nantissement civil.
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Article 2362 : l’opposabilité du nantissement au débiteur
de la créance nantie est subordonnée à la notification qui
lui en est faite ou à son intervention à l’acte (pas de
forme particulière pour cette notification).
l’accord préalable du constituant n’est pas exigé
Le créancier nanti n’est pas tenu de procéder à cette
notification
S’il notifie (ou obtient l’intervention à l’acte du
débiteur de la créance donnée en nantissement), il a
l’assurance que la créance nantie sera payée entre ses
mains
A défaut, le nantissement est « occulte » ; le constituant
sera chargé de recouvrer la créance dispensant ainsi
le
créancier nanti de le faire.
la preuve de l'inexactitude de la date mentionnée dans
l’acte de nantissement peut être faite par tout moyen.
Rapp : selon l'article L. 313-27 du Code monétaire et
financier, en cas de contestation de la date portée sur le
bordereau, c'est au banquier bénéficiaire de la cession ou
du nantissement qu'il appartient d'en établir l'exactitude.
Il peut le faire par tout moyen. La solution est
transposable, malgré le silence de l'ordonnance sur la
preuve de la date.
NB :
- L'opposabilité aux tiers du nantissement à la date de
celui-ci est applicable en cas d'ouverture d'une
procédure collective. Toutefois, dans cette hypothèse,
le créancier nanti est exposé à la nullité de la sûreté
en application de l'article L. 632-1, 6° du Code de
commerce
si
le
nantissement
garantit
une
dette
antérieure.
- Pour les créances futures, il convient de combiner
l'article 2361 avec l'article 2357 aux termes duquel : «
Lorsque le nantissement a pour objet une créance future,
le créancier nanti acquiert un droit sur la créance dès
la naissance de celle-ci ». Ainsi un créancier nanti,
tout comme un cessionnaire, ne peut avoir de droit sur
une créance qui n'existe pas encore. Mais le titulaire
d'un nantissement sur une créance future bénéficie,
après naissance de la créance, d'une priorité sur tout
tiers, créancier nanti, cessionnaire..., ayant acquis un
droit
sur
la
créance
nantie
après
la
date
du
nantissement.
- En cas de gage d'un ensemble de biens, le remplacement
ultérieur d'un bien est réputé avoir pris effet, par
subrogation réelle, à la date de la signature de la
convention de gage. Le créancier gagiste ne s'expose
donc plus au risque de nullité du gage d'un bien nouveau
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au cours de la période suspecte. De la même manière, le
nantissement de créances futures devrait être opposable
en cas d'ouverture d'une procédure collective(4).
4° – Paiement de la créance et réalisation du nantissement
Particularisme de la créance, objet du nantissement : elle
est un droit personnel et non un bien qui est mis en vente
au jour de la réalisation du gage, avec l’exercice d’un
droit de préférence par le créancier sur le prix de vente
du bien grevé
Autre particularité : nous sommes en présence de deux dates
d’échéance : échéance pour les créances couvertes par le
nantissement et échéance pour les créances données en
nantissement ; or ces dates sont rarement identiques.
* A l’échéance de la créance donnée en nantissement, auprès
de qui le débiteur de cette créance doit il se libérer ?
- si le nantissement a été notifié au débiteur de la
créance nantie (ou acceptée par lui dans l’acte), le
paiement doit se faire entre les mains du créancier nanti
(art. 2363); le constituant est ou sera déchargé de sa
propre dette à hauteur du montant de la créance payée.
L'article 2364 du Code civil dispose que les sommes payées
au titre de la créance nantie s'imputent sur la créance
garantie si elle est échue.
Si la créance nantie devient exigible avant la créance
garantie, le créancier nanti ayant encaissé les fonds les
conserve à titre de garantie sur un compte ouvert auprès
d'un établissement habilité à les recevoir à charge pour
lui de les restituer si l'obligation garantie est exécutée.
Il n’est plus nécessaire dès lors de prévoir un mandat de
recouvrement au profit du créancier gagiste. En cas de
défaillance
du
débiteur
de
la
créance
donnée
en
nantissement et huit jours après une mise en demeure
demeurée sans effet, le créancier affecte les fonds au
remboursement de sa créance dans la limite des sommes
impayées. Le débiteur devra s’assurer que le créancier
nanti respecte cette obligation de dépôt des fonds
encaissés par anticipation.
- si la sûreté n’a pas été rendue opposable au débiteur de
la créance, ce dernier se libère valablement entre les
mains du constituant, qui, à ses yeux, est demeuré
titulaire de la créance.
En cas de défaut de paiement par le débiteur de la créance
donnée en nantissement, le droit de poursuite est reconnu
aussi bien au constituant qu’au créancier nanti. Chacun ne
peut toutefois agir que l’autre dûment appelé (2363, alinéa
2), de sorte qu’ils figureront tous deux dans la procédure
(et le jugement aura autorité à l’égard de l’un comme de
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l’autre). Si le débiteur de la créance nantie est condamné
à
payer,
il
devra
s’exécuter
entre
les
mains
du
bénéficiaire du nantissement, conformément à la solution de
principe.
* En cas de défaillance du constituant,
Si la créance nantie a une échéance postérieure à celle de
la créance garantie, et si le débiteur de celle-ci est
défaillant, le bénéficiaire du nantissement peut attendre
que la créance nantie devienne exigible.
le créancier nanti a une option : soit attendre l’échéance
de la créance donnée en nantissement, ce qui lui permettra
de bénéficier du paiement direct ; soit se faire attribuer
en propriété la créance nantie : l'article 2365 du Code
civil lui permet de se faire attribuer par le juge ou dans
les conditions prévues dans la convention, la créance
donnée en nantissement ainsi que tous les droits qui s'y
rattachent
Le droit à paiement direct et l’attribution de la propriété
de la créance devrait renforcer très sensiblement la
position du créancier nanti face aux privilèges généraux et
aux autres créanciers d’un constituant contre lequel est
ouverte une procédure collective.
L'article 2366 du Code civil pose le principe, applicable
quel que soit le mode de réalisation du nantissement, que
s'il a été payé au créancier nanti une somme supérieure à
la dette garantie, il doit la différence au constituant. Le
reliquat est détenu en qualité de mandataire. Mais le
constituant n'est que créancier d'une somme d'argent, ce
qui est une position peu favorable en cas d'insolvabilité
du bénéficiaire du nantissement.
B. Nantissement de meubles incorporels autres que des
créances
Selon l'article 2355, alinéa 5, nouveau du Code civil, le
nantissement qui porte sur des meubles corporels autres que
des créances est soumis, à défaut de dispositions
spéciales, aux règles prévues pour le gage de meubles
corporels.
Le régime applicable a été précisé :
constitution du nantissement, l'article 2336 du Code civil
s’applique : le gage est constitué par l'établissement d'un
écrit contenant la désignation de la dette garantie, la
quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou
leur nature.
8
opposabilité aux tiers :
choix entre la dépossession du
constituant ou une publicité par une inscription dans un
registre spécial dont les modalités seront réglées par
décret (C. civ., art. 2337). L'inscription dans le registre
ne soulèvera pas de difficulté particulière dans le cas
d'un meuble incorporel. Une dépossession n’est envisageable
que s’il existe un titre constatant le droit du constituant
du nantissement (par ex. titre au porteur).
mise en oeuvre de la sûreté : droit commun ; possibilité de
convenir d'un pacte commissoire, sauf en matière du droit
de la consommation (c. consom., art. L. 311-32).
Le point intéressant est de savoir ce que recouvre cette
catégorie de meubles incorporels autres que des créances,
dont le nantissement n’est pas régi par des dispositions
spéciales.
Ne vise pas notamment : Le nantissement de fonds de
commerce, le nantissement de compte d'instrument financier
Sont visés par ex :
1°- Nantissement de parts sociales (Sarl, SNC)
Application du droit commun du nantissement
Il n'existe pas de texte général relatif au nantissement des
droits
sociaux
dans
les
sociétés
commerciales
de
personnes (société en nom collectif, société en commandite
simple, SARL, société en commandite par actions). La validité
de tels nantissements a été admise par recoupement avec le
nantissement des créances mobilières, visé à l'article L. 5211 du Code de commerce :
la part sociale est en effet une
créance de l’associé sur la société 1 .
La loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution a
institué un nantissement judiciaire des parts sociales, sans dépossession, mais
avec une signification à la société (D. 31 juill. 1992, art. 253).
En revanche, pour les sociétés civiles, le législateur a, par
la loi du 4 janvier 1978, organisé le nantissement des parts
(C.civ., art. 1866 à 1868) en imposant l’établissement d’un
écrit signifié à la société ou accepté par elle et une
publicité du nantissement au registre du commerce et des
sociétés (D. 3 juill. 1978, art. 53).
1
Par ailleurs, l’article L. 223-15 du Code de commerce, qui
vise l'agrément du cessionnaire en cas de nantissement de
parts sociales de SARL ainsi que les conséquences d'une vente
forcée de parts nanties, consacre la validité du nantissement
de parts de SARL, sans imposer de conditions particulières
telles que la dépossession du constituant ou des formalités de
publicité.
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Le droit commun de constitution d’un nantissement s’applique
désormais pour les parts de sociétés commerciales 2 :
L’assimilation, contestable, du nantissement de parts à un
nantissement de créances, ne s’impose plus. Le nouveau
régime du nantissement opère une distinction entre les
créances et les autres meubles incorporels. Il convient
donc de classer les parts de SARL et de SNC dans cette
dernière catégorie. Le nantissement, qui se réalise sans
dépossession du constituant doit être publié dans le
registre spécial du gage dont les modalités seront réglées
par décret (art. 2338). Une fois publié, le gage devient
opposable aux tiers. Le décret pourrait sur ce point
préciser
qu’une
mention
du
nantissement
devra
être
reproduite au RCS.
Dès lors que ce nantissement n’est plus soumis au principe
d’une
dépossession,
il
devient
possible
de
constituer
plusieurs nantissements successifs sur des parts sociales . Le
rang des créanciers est réglé par l'ordre de leur inscription
(art. 2340). Par ailleurs, le constituant conserve la
possession des biens affectés en gage, et donc la qualité
d’associé et de toutes les prérogatives qui s’y rattachent.
Tant que la vente forcée des parts n'est pas intervenue, le
débiteur reste associé et exerce seul toutes les prérogatives
attachées aux parts nanties.
L'assiette
du
nantissement
est
définitive :
des
parts
nouvelles attribuées au débiteur, par suite d'une augmentation
de capital par exemple, peuvent être incluses dans le
nantissement en tant que biens incorporels futurs. Par
ailleurs, les dividendes des parts nanties peuvent revenir au
créancier nanti (rapp. Art 2259 Cciv)
2
Sur la régime antérieur à l’ordonnance du 23 mars 2006 :
La prise de possession était réalisée par la signification au
débiteur de la créance donnée en gage.
Il n’était pas nécessaire de remettre symboliquement un
exemplaire des statuts de la société au créancier gagiste.
En pratique, la dépossession du débiteur était assurée par la remise de l'original
ou de l'expédition des statuts de la société émettrice.
Un arrêt de la Cour de cassation du 10 mai 1983 a abandonné l'exigence de la remise
du titre de la créance gagée en relevant que la mise en possession est réalisée,
au cas où le gage porte sur une créance et où la tradition est matériellement
impossible, par la signification au débiteur de la créance donnée en gage (Cass.
1re civ., 10 mai 1983 : Bull. civ., I, n° 141 ; D., 1984, jur. p. 433, note Légier
et IR p. 82,
Piedelièvre).
obs.
Vasseur ;
Defrénois,
1983,
art.
33161,
p.
1394,
note
A.
Une publicité du nantissement au registre du commerce et des
sociétés n’est pas exigée pour les sociétés commerciales (v.
Rép. min. JO déb. Sénat 29 juill. 1985, p. 3571, Rev. sociétés
1985, 738), mais est exigée pour les sociétés civiles : décr.
N° 78-704 3 juill. 1978, art. 53
10
Les parts sociales n’étant pas des biens fongibles il n’y a
pas lieu de prévoir dans la convention la possibilité pour
le constituant d'aliéner les biens à charge de les
remplacer.
Consultation des associés
NB : Pour la SARL, il existe une procédure facultative
d'agrément du futur cessionnaire régie par l’article L. 223-15
du Code de commerce. Le défaut de notification du projet de
nantissement, de même que le refus d'agrément par les
associés, n'empêchent pas le nantissement des parts (en ce
sens, cf. Cass. com., 3 oct. 1978 : Bull. civ. IV, n° 180).
En effet, l'article L. 223-15 du Code de commerce précise
uniquement les conséquences attachées au consentement des
associés au projet de nantissement, sans interdire à l'associé
qui veut donner ses parts en garantie de passer outre au refus
de la société. Mais, lors de la réalisation forcée des parts,
l'adjudicataire devra être agréé comme en cas de cession de
parts
La procédure de réalisation est la nouvelle procédure de
réalisation du gage, avec notamment la nouvelle possibilité
d’attribution judiciaire ou conventionnelle du bien au
créancier nanti.
2°- Nantissement portant sur la monnaie scripturale
l'ordonnance apporte un éclairage nouveau mais limité sur
la qualification et au régime applicable aux différentes
sûretés portant sur la monnaie.
La commission Grimaldi avait proposé d'introduire dans le
Code civil le nantissement de monnaie scripturale, défini
comme la convention par laquelle le constituant affecte en
garantie des fonds inscrits sur un compte bloqué ouvert à
son nom auprès d'un établissement habilité à les recevoir.
Ce mécanisme n'a pas été retenu dans l'ordonnance.
En l’absence de dispositions générales sur ce point,
l’analyse de cette question repose sur des bases nouvelles.
Le gage espèces (ou gage sur monnaie fiduciaire) relève du
gage sur biens meubles corporels avec dépossession, et donc
des dispositions de l'article 2341 relatif aux gages sur
choses fongibles.
Le nantissement du solde d'un compte (bloqué ou non) est
expressément
régi
par
l’ordonnance,
en
tant
que
3
nantissement de créance :
3
Lorsque les sommes affectées à la garantie sont
individualisées dans un compte, la sûreté n'est valablement
constituée que par un écrit répondant aux exigences de
11
article 2360 nouveau du Code civil : « Lorsque le
nantissement porte sur un compte, la créance nantie
s'entend du solde créditeur, provisoire ou définitif, au
jour de la réalisation de la sûreté ».
L'article 2360 fixe les droits du créancier nanti sur un
compte. Pour déterminer l'assiette de la sûreté, il
convient de procéder au jour de la réalisation de cette
sûreté à une régularisation des opérations en cours. Les
sommes déjà engagées sont déductibles du solde tandis que
sont ajoutées les remises non encore comptabilisées. Le
texte renvoie sur ce point aux modalités prévues par les
procédures civiles d'exécution. Au cas d'ouverture contre
le
constituant
du
nantissement
d'une
procédure
de
sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ou
d'une
procédure
de
traitement
des
situations
de
surendettement des particuliers, le droit du créancier
nanti porte sur le solde du compte à la date du jugement
d'ouverture.
Ce
solde
subit,
éventuellement,
les
régularisations précédemment mentionnées (C.civ., art.
2360, al. 2).
Le nantissement de monnaie scripturale qui ne porte pas sur
le solde d’un compte est, en l’absence de règles
particulières, traité comme un nantissement de meubles
incorporels : l'article 2355, alinéa 4 du Code civil
renvoie aux règles prévues pour le gage de meubles
corporels.
Gages successifs : art. 2340.
3°- Nantissement d’un contrat d’assurance vie
Article L132-10 du code des assurances :
« La police d'assurance peut être donnée en nantissement
soit par avenant soit par endossement à titre de garantie,
si elle est à ordre, soit par acte soumis aux formalités
des articles 2355 à 2366 du code civil ».
la police d’assurances serait ainsi traitée comme une
créance, susceptible d’être nantie. Mais il semble plus
l'article 2074 du Code civil (Cass. com., 23 avr. 2003, no
02-11.015, JCP éd. G 2003, II, no 10140, p. 1576, note
Schmidt et Delespaul, RD bancaire et financier 2003, p.
291, obs. Cerles A., RD bancaire et financier 2003, p. 296,
obs. Delici, JCP éd. G 2003, I, no 176, p. 1987, obs.
Delebecque Ph.). Le banquier ne peut utiliser la somme
gagée sans acte du constituant titulaire du compte à terme
rémunéré qu'en justifiant que la garantie constituée leur
était acquise (Cass. com., 4 févr. 2004, précité).
12
exact de considérer qu’il s’agit d’un meuble incorporel
autre qu’une créance, pour lequel il devrait être possible
de stipuler une faculté de substitution.
Rapp. Cass. com., 12 juill. 2005, n° 04-10.214 (D. 2005,
AJ, p. 2142, obs. X. Delpech, RLDC 2005/21, p. 25 et s.,
note G. Marraud des Grottes, RD bancaire et financier
sept./oct. 2005, n° 174, obs. D. Legeais, Banque nov. 2005,
p. 90, obs. J.-L. Guillot et S. Fayner, Banque et droit
sept./oct. 2005, p. 64, obs. N. Rontchevsky).
le gagiste prétendait s’opposer au changement de support
des polices par le constituant,
« la dépossession, qui fait perdre au constituant une
partie de ses prérogatives sur la chose donnée en gage, ne
les confère pas pour autant au créancier nanti, qui
dispose, en sa qualité de dépositaire de cette chose
jusqu’à sa restitution, du seul pouvoir de la garder et
conserver,
sans
acquérir
celui
d’en
user
ni
de
l’administrer ».
4°- ex
de la grande liberté dans l’application de ces
mécanismes : Valeur patrimoniale constituée par un footballeur
- Les joueurs professionnels ne sont pas la propriété de leur
club, mais sont liés à celui-ci par un contrat. Une cession
éventuelle de ces joueurs à un autre club représente une
créance éventuelle, qui peut être donnée en gage dans les
conditions prévues par l’article 2355 du Code civil 4 .
III - Avenir
A - Sort des nantissements spéciaux ?
Les nantissements spéciaux sont ils
désormais que le nantissement général ?
moins
attractifs
Idée générale : la réforme n’a pu opérer que dans les
limites fixées par la loi d’habilitation, sans modification
en profondeur des régimes spéciaux de nantissement, qui
4
La
valeur
patrimoniale
constituée
par
les
avantages
pécuniaires que peut procurer à un club de football le
transfert de ses joueurs professionnels est une créance future
de l'association sportive sur les clubs au profit desquels les
transferts de joueurs peuvent intervenir, qui peut être donnée
en nantissement (Cass. com., 28 janv. 1997, Bull. civ. IV, n°
34 ; JCP G, 1997,I, 4033 n° 19 obs. Ph. Delebecque ; II,
22791, rapport J.P. Rémery ; D. 1997, somm. p.214 obs. A.
Honorat ; D. 1998, somm. p.140, obs. M.N. Jobard-Bachellier).
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avaient été introduits pour assouplir le régime général du
gage inadapté aux biens meubles incorporels
Un nouveau droit commun des nantissements étant désormais
tracé par l’ordonnance du 23 mars 2006, le législateur
devrait rapidement adapter les régimes spéciaux à ces
nouveaux principes.
1- Modifier le nantissement du fonds de commerce (ou d’un
fonds artisanal : L 5 juillet 1996, art. 22) ?
NB : l’article L 142-1 al 2 n’est pas modifié : « le
nantissement d’un fonds de commerce ne donne pas au
créancier gagiste le droit de se faire attribuer le fonds
en paiement et jusqu’à due concurrence ».
inefficacité du nantissement du fonds de commerce –
En pratique, cette garantie est prise en complément
d'autres sûretés, dans le but notamment de conférer au
créancier un droit de regard sur les affaires du débiteur
qui devra l’informer de toute opération importante portant
sur le fonds.
2- le nantissement de compte d'instrument financier demeure
régi par l'article L. 431-4 du Code monétaire et financier
et le décret du 21 mai 1997, sans être incorporé, comme
cela avait été envisagé, dans le Code civil.
Une modification importante est apportée aux modalités de
réalisation du gage (renvoi à l’article 521-3 Ccom, lui
même modifié : le créancier peut demander l’attribution
judiciaire du gage ou convenir de son appropriation
conformément aux articles 2347 et 2348 du Code civil. Cette
disposition nouvelle est d’un grand intérêt lorsque le
constituant de cette sûreté fait l’objet d’une procédure
collective : toutefois, le nouvel article L. 622-7 du code
de commerce, fait obstacle à la réalisation du pacte
commissoire !
Si la banque créancière est titulaire du compte nanti, ne
pourrait-elle pas toutefois faire jouer la compensation
après ouverture de la procédure collective ?
3-Le nantissement de parts de SCI est régi par l'article
1866 du Code civil, le nantissement doit être constaté par
acte authentique ou sous seing privé. L'acte doit être
signifié à la société ou accepté par elle dans un acte
authentique
(attribution judiciaire des parts au créancier ?,
pacte
commissoire ? devrait être exclu par disposition statutaire
de la SCI – nantissements multiples non possibles)
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B - Attractivité nouvelle du nantissement par rapport aux
autres sûretés ?
Sûretés opérant transfert de propriété : cession de créance
professionnelle à titre de garantie
comp régime du nantissement Dailly au nantissement de droit
commun, et à la cession Dailly
1 - le régime du nantissement de créances professionnelles,
régime spécial, l’emporte-t-il sur le régime général (cf art.
2355) ?
en l'absence de l'une des mentions obligatoires du bordereau,
le titre ne vaut pas comme acte de nantissement de créances
professionnelles au sens de la loi de 1981 5 . Il s'agit donc en ce
cas d'un nantissement de créances de droit commun : art. 2355 st s Cciv. Il en est
de même pour les nantissements de créances ne rentrant pas dans le champ
d’application de la loi Dailly (C.mon.fin., art. L. 313-23)réalisés par ex
par des particuliers
Effets plus limités du nantissement général par rapport au
nantissement Dailly ?
cf art. L 313-24 C. mon. fin. : sauf convention contraire, le
signataire de l’acte de nantissement est garant solidaire du
paiement des créances données en nantissement
la solution vaut même s’il n’y a pas eu notification de
l’opération
il en résulte qu’à l’échéance de la créance donnée en
nantissement, le créancier nanti peut se retourner contre le
constituant du nantissement même si la créance garantie n’est
pas à échéance.
la portée de la clause autorisant le recouvrement des créances
nanties
par l’établissement
de
crédit
(art.L
313-28
C.mon.fi.) n’est pas explicitement prévue : l'établissement de
crédit, qui perçoit le montant des créances nanties pour le
compte du constituant du nantissement, est normalement tenu de
lui restituer ces fonds, sauf à faire jouer la compensation
avec ce qui lui est dû au titre du crédit consenti. Cette
compensation ne joue plus après ouverture d’une procédure
collective contre le constituant.
5
Cass. com., 9 avr. 1991 : Bull. civ. IV, n° 121 ; RD bancaire
et bourse 1991, p. 144, obs. Crédot et Gérard ; Banque 1991,
1086, obs. Rives-Lange
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Dans le nouveau droit commun du nantissement,
l’art 2364
C.civ. précise expressément que les sommes payées au titre de
la créance nantie s’imputent sur la créance garantie.
Dans les nantissements de créances professionnelles, il sera
désormais essentiel de stipuler au profit de l’établissement
de crédit une clause d’attribution des créances nanties : ce
pacte commissoire n’est plus prohibé.
Il est rare en pratique que le créancier nanti demande au
débiteur d’accepter le nantissement dans les conditions
prévues par l’article L. 313-29 du Code monétaire et
financier : une telle acceptation produit
des effets
comparables à ceux de l’acceptation d’une lettre de change. Le
débiteur ne peut opposer alors à l’établissement de crédit les
exceptions fondées sur ses rapports personnels.
La notification au débiteur de la créance nantie, dans le
cadre du droit commun, est plus souple à l’égard de ce
débiteur, et emporte aussi pour le créancier droit d’obtenir
paiement.
2 - Avantages de la cession à titre de garantie ?
l'établissement de crédit cessionnaire a la qualité de
propriétaire des créances cédées, ce qui lui permet d'échapper
au concours avec les autres créanciers, notamment dans le
cadre d’une procédure collective contre le débiteur.
Or dans le nouveau droit commun, le créancier nanti qui a
notifié
le
nantissement
n’a
pas
un
simple
droit
de
préférence : il acquiert le droit d’être payé directement,
avec imputation sur la créance garantie.
Conclusion : l'ordonnance du 23 mars 2006 ne traite que du nantissement
de créance et non de la cession de créances à titre de
garantie, encore moins de la cession de créances en
général. Or l’article 2075 du Code civil était intimement
lié à l’article 1690.
Une réforme des règles relatives à la cession de créances
de l’article 1690 du Code civil s’impose. Il n’est pas
satisfaisant que le nantissement de créances soit opposable
à un cessionnaire dès la date de l’acte, tandis qu’un
cessionnaire devrait, pour l’emporter sur le créancier
nanti, avoir signifié la cession au débiteur cédé avant
l’établissement de l’acte de nantissement.
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