Les jeux vidéo confrontés au droit d`auteur - E

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Les jeux vidéo confrontés au droit d`auteur - E
Les jeux vidéo confrontés au droit d'auteur
Ce document a été publié le 30/06/2012 par Anouk Arzur sur le site http://www.e-juristes.org.
Il est publié sous licence Créative Commons CC BY-SA 2.0
http://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0/fr/
LES JEUX VIDEO
CONFRONTÉS AU DROIT
D’AUTEUR
Anouk ARZUR
Master 2 Droit des nouvelles technologies et société de l’information
Université Paris X Nanterre
Promotion 2012
1
LES JEUX VIDEO CONFRONTÉS AU DROIT
D’AUTEUR
INTRODUCTION ........................................................................................................................................3
NIVEAU 1. LA SITUATION JURIDIQUE ACTUELLE DU JEU VIDEO ............................................................6
A. L’absence de dispositions légales en France et à l’étranger .................................................. 6
En France .....................................................................................................................................6
A l’étranger ..................................................................................................................................7
B. L’intégration du jeu vidéo dans le droit d’auteur.................................................................. 7
1. Du tâtonnement jurisprudentiel à une qualification distributive .........................................7
Œuvre logicielle ..............................................................................................................7
Œuvre collective .............................................................................................................8
Œuvre de collaboration ..................................................................................................9
Œuvre multimédia ou œuvre audiovisuelle ................................................................ 10
Qualification distributive ............................................................................................. 11
2. Le choix opéré par les pays étrangers ................................................................................ 12
NIVEAU 2. LE JEU VIDEO : UNE ŒUVRE DE L’ESPRIT COMPLEXE ........................................................ 13
A. L’absence de définition face à l’hétérogénéité des jeux vidéo ...........................................14
B. Une détermination des auteurs difficile ...........................................................................16
C. Une complexité et une hétérogénéité inaptes à un régime ad hoc ....................................17
NIVEAU 3. LA PROBLEMATIQUE DU CADRE JURIDIQUE DU JEU VIDEO A L’ECHELLE
COMMUNAUTAIRE ET INTERNATIONALE ............................................................................................ 19
A. L’Union Européenne ..........................................................................................................19
B. L’OMPI ..............................................................................................................................20
CONCLUSION ......................................................................................................................................... 22
CREDITS (Bibliographie) ........................................................................................................................ 24
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INTRODUCTION
Les clichés ont souvent la part belle et le monde du jeu vidéo n’y échappe pas. En
effet, certains perçoivent l’amateur de jeux vidéo comme un adolescent fixé devant sa console
ou son ordinateur jusqu’à cinq heure du matin dont la vie sociale avoisine le néant. Pourtant,
le simple fait de jouer au solitaire sur son téléphone ou au démineur sur son ordinateur fait de
l’utilisateur, un joueur de jeux vidéo.
Ainsi, le Syndicat National du Jeu Vidéo a-t-il dressé un « profil type » de ce joueur, il s’avère
qu’il est plutôt féminin et est âgé de plus de 18 ans1. Le développement de ce type de jeux sur
des supports tels que les tablettes, les téléphones portables ou encore leur présence sur
certains réseaux sociaux, a contribué à l’élargissement du public. Il n’est plus nécessaire
d’acheter un matériel spécifique pour pouvoir accéder à ce média, bien que la console reste en
première place des supports de jeux, elle la partage désormais avec l’ordinateur personnel, les
tablettes ou encore les smartphones2.
L’utilisation qui en fait a également changé, avec l’avènement des consoles sensibles aux
mouvements telles que la Wii, le jeu devient davantage collectif voire même familial.
Ajoutons, qu’il n’a plus uniquement une vocation divertissante mais devient également
pédagogique, c’est ainsi que le marché mondial du « serious game » représente aujourd’hui près
de 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires sur les 52 milliards d’euros que représente celui du
secteur à l’échelle mondiale.
La France n’est pas en reste puisque, le chiffre d’affaire du jeu vidéo s’y élève à environ de 2,7
milliards d’euros, et est parmi les plus gros producteurs du secteur avec des entreprises telles
que, Vivendi ou Ubisoft qui sont respectivement les premier et quatrième éditeurs mondiaux.
Ce constat marque une véritable évolution depuis les années 1950, durant lesquelles, entre
autres, un électronicien américain, Willy Higinbotham crée un jeu de tennis à partir de son
oscilloscope qu’il décide ne pas breveter considérant qu’il ne s’agit là que d’un « aimable
amusement sans avenir destiné à amuser les chercheurs qui visitent son laboratoire »3. D’autres que lui ont
pourtant pariés sur l’avenir de cet « amusement ». C’est ainsi qu’en 1961, un groupe d’étudiant
du MIT programme un jeu intitulé « Spacewar », bien que l’objectif premier de ce programme
fût d’expérimenter les possibilités du nouvel ordinateur PDP-1 de la société DEC, il est
considéré comme le premier jeu ayant bénéficié d’une véritable diffusion.
D’autres programmes de ce type sont élaborés dans cette décennie mais ce n’est que dans les
années 1970 que le jeu vidéo se développe comme un produit à visée commerciale. Les
bornes d’arcades font leur apparitions, suivies ensuite des « consoles de salons ». En 1972, est
créée la société Atari connue pour avoir développé le premier vrai succès du secteur :
52% des joueurs sont des femmes. 83,5% des joueurs ont plus de 18 ans. Source : SNJV « Le jeu vidéo en France
en 2011 : éléments clés » 19 octobre 2011.
2 Source : SNJV « Le jeu vidéo en France en 2011 : éléments clés » 19 octobre 2011.
3 Les jeux vidéo, Bernard Jolivalt. Que Sais-je ? 1994.
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« Pong », le principe étant simplement basé sur le jeu de palet. La même année, la première
console individuelle est commercialisée, « l’Odyssey », celle-ci étant destinée à être connectée
à un poste de télévision.
Ce n’est qu’en 1977 qu’Atari lance sa première console appelée « Atari 2600 ». Deux ans plus
tard, Activision est créé par des programmeurs issus d’Atari et devient le premier développeur
tiers de jeux vidéo.
L’année 1978 est une année faste dans le domaine, la première Nintendo est lancée et le jeu
« Space Invaders » est commercialisé en Europe, ce dernier rencontrera un tel succès qu’il
engendrera de nombreuses vocations chez des constructeurs.
Dans les années 1980, les bornes d’arcades sont le principal moyen d’accès aux jeux vidéo
mais à cette même époque, le développement des ordinateurs personnels permet aux
consommateurs d’y accéder plus facilement et de pallier aux consoles individuelles ne
permettant qu’une compatibilité restreinte de jeux. Dans ces années là, naît « Pac-Man » qui
deviendra presque une icône de référence dans le secteur des jeux vidéo. C’est également dans
cette décennie que les constructeurs japonais commencent à investir le marché avec leurs
consoles de jeux individuelles.
Depuis, les évolutions technologiques ont permis de créer des jeux vidéo toujours plus
perfectionnés et innovants devenant objets d’une culture populaire donnant même parfois
lieu à des adaptations cinématographiques4 voire même littéraires5.
Ces adaptations montrent bien que le jeu vidéo a su construire des univers riches justifiant
une transposition sur d’autres supports. Il semble dès lors peu contestable qu’il s’agisse d’une
véritable création pouvant bénéficier de la protection du droit d'auteur posée à l’article L1111 du Code de la Propriété Intellectuelle6.
Néanmoins, l’interactivité des jeux et leur mode de création, devant répondre au marketing et
à l’image de l’éditeur, ont souvent laissé les juges et la doctrine dubitatifs quant à l’assimilation
du jeu vidéo à une œuvre. Certes, le jeu vidéo, contrairement aux œuvres plus
« traditionnelles » devant lesquelles le spectateur reste « passif » et pour lesquelles l’auteur se
considère comme un artiste, ce qui est rarement le cas des concepteurs de jeux vidéo, revêt
un caractère particulier mais il n’en reste pas moins un art. Il faut également rappeler que
l’énumération d’œuvres proposées par l’article L112-2 du Code la propriété intellectuelle n’est
pas limitative, il est donc tout à fait possible de faire bénéficier une œuvre, issue des
évolutions technologiques, de la protection de la propriété littéraire et artistique. Ainsi, deux
arrêts de l’Assemblée plénière du 7 mars 1986 Atari et Williams Electronics7 ont-ils reconnu le
jeu vidéo comme étant une œuvre protégeable par le droit d’auteur dès lors qu’il présente un
caractère original.
La première adaptation marquante d’un jeu vidéo au cinéma étant celle de Lara Croft : Tomb Raider en 2001 par le
réalisateur Simon West.
5 Le jeu Mass Effect produit par Bioware a donné lieu à des adaptations littéraires.
6 Article L111-1 Code de la propriété intellectuelle : « L'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa
création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous […] ».
7 Cass. Ass. Plén., 7 mars 1986, Atari Inc. contre Valadon, n°84-93.509.
Cass. Ass. Plén., 7 mars 1986, Williams Electronics Inc. contre Claudie T. et Société Jeutel, n°85-91.465.
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Cependant, le jeu vidéo, et c’est là toute l’interrogation qui se pose sur sa qualification
juridique, est une œuvre on ne peut plus hétérogène. En effet, celui-ci se compose de
graphismes, d’éléments de textes, de musiques ou de sons, le tout traduit sous forme
informatique c’est-à-dire grâce à des logiciels. Chacune de ces formes d’expression est
protégée par le droit d'auteur formant un tout lui-même protégé. Face à cette diversité, un
nombre important d’individus peut être amené à contribuer à l’élaboration du jeu chacun
apportant son savoir-faire et ses connaissances. Ainsi, le projet abouti qu’est le jeu vidéo se
trouve indéniablement protégé par le droit d'auteur, mais une question subsiste quant à la
titularité de ces droits. Cette question revêt également une grande importance du fait du
caractère international que représente le marché du jeu vidéo car, face au droit du copyright
américain qui permet une cession globale des droits au producteur, les éditeurs français ne
sont pas, quant à eux, en mesure d’assurer une cession totale des droits d’auteur leur faisant
craindre souvent une perte de compétitivité à l’échelle mondiale.
L’ensemble de ces interrogations n’est cependant par l’apanage de la doctrine ou de la
jurisprudence, le gouvernement s’est lui-même penché sur la question et a donné lieu à une
mission parlementaire sur le régime juridique du jeu vidéo en droit d’auteur. Le rapport qui en
est issu a été officiellement transmis au Premier Ministre et au Ministre de la Culture, le 21
décembre 2011.
Le jeu vidéo est donc un vaste sujet à explorer sur le plan juridique suscitant de nombreux
intérêts, d’autant plus que le droit n’en donne aucune définition. Même des définitions plus
générales sont rares, le sentiment commun semblant être que chacun se figure ce qu’est un
jeu vidéo, mais dès que l’on se pose véritablement la question, la réponse semble nous
échapper. Le Dictionnaire Larousse en propose néanmoins une et définit le jeu vidéo comme
étant un « logiciel ludique, interactif, utilisable sur console ou sur ordinateur, faisant appel à des accessoires
comme une souris, un joystick, un volant, un clavier, etc. pour interagir avec l'environnement du jeu ».
Face à ces considérations nous nous demanderons si l’arsenal juridique proposé par notre
droit d'auteur actuel est suffisant pour assurer la protection du jeu vidéo dans ce domaine.
Il conviendra ainsi d’examiner dans quelle situation juridique se trouve actuellement le jeu
vidéo (I), alors même qu’il constitue une œuvre de l’esprit complexe (II) mais également
comment est envisagée cette problématique à l’échelle communautaire et internationale (III).
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NIVEAU 1. LA SITUATION JURIDIQUE ACTUELLE DU JEU VIDEO
A l’heure actuelle en France et à l’étranger, il n’existe aucune disposition légale d’aucune
sorte concernant le jeu vidéo (A), cela n’empêche cependant pas son intégration dans le droit
d'auteur (B).
A. L’absence de dispositions légales en France et à l’étranger
En France. De façon totalement factuelle, il apparaît que l’article L112-2 du Code de la
Propriété Intellectuelle qui énumère des œuvres de l’esprit, ne fait pas état du jeu vidéo. Cette
absence ne compromet cependant pas sa protection par le droit d'auteur car, il était de la
volonté même du législateur, lors de l’adoption de cet article en 19578, de ne fournir qu’une
liste exhaustive des œuvres, celle-ci pouvant donc évoluer au fil des évolutions technologies
et de la société.
Ainsi, des lois successives sont venues enrichir cette liste notamment avec l’insertion des
« œuvres télévisuelles » et « œuvres logicielles » par la loi du 3 juillet 19859. Néanmoins, la
reconnaissance jurisprudentielle du jeu vidéo comme œuvre de l’esprit10 et de l’œuvre
multimédia11 n’ont pas influencé le législateur lors de l’adoption de lois ultérieures touchant
au domaine du droit d'auteur12, celui-ci ne les ayant pas insérés à l’article L112-2 du Code de
la Propriété Intellectuelle.
Si le jeu vidéo ne fait pas partie de la liste exhaustive des œuvres de l’esprit, il ne bénéficie pas
non plus pour autant d’un statut légal qui lui est spécifique. Dans ces circonstances, sa
qualification juridique va dépendre des régimes juridiques déjà présents dans le Code de la
Propriété Intellectuelle, certains pourront se rapporter à sa nature (logicielle ou encore
audiovisuelle), d’autres se réfèreront à son processus de création (œuvre de collaboration ou
collective).
A l’étranger. L’absence de disposition légale concernant le jeu vidéo ne met pas la
France dans une situation lacunaire face à d’autres pays producteurs dans le secteur.
En effet, dans des pays tels que les Etats-Unis, le Canada ou encore le Japon, le jeu vidéo est
également protégé en tant qu’œuvre par le rattachement à des catégories d’œuvres déjà
existantes dans l’arsenal juridique de ces pays.
Loi n°57-298 du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique.
Loi n°85-660 du 3 juillet 1985 relative aux droits d'auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de
phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle.
10 Assemblée Plénière, 7 mars 1986, Atari Inc. contre Valadon, n°84-93.509 et Assemblée Plénière, 7 mars 1986,
Williams Electronics Inc. contre Claudie T. et Société Jeutel, n°85-91.465.
11 Première Chambre Civile, 28 janvier 2003, Mme Casaril contre société Havas Interactive & a., n°00-20.294.
12 Dont loi n°2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l’information
ou loi n°2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet.
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Au même titre que la France, la reconnaissance du jeu vidéo comme œuvre de l’esprit est
d’origine jurisprudentiel, c’est ce que l’on peut constater notamment en Allemagne avec un
arrêt Amiga Club de 199113.
Que ce soit en France ou à l’étranger, le fait de reconnaître que le jeu vidéo est une
œuvre de l’esprit protégeable par le droit d'auteur semble poser assez peu de problèmes. En
revanche, dès lors qu’il est question de savoir comment l’intégrer à ce droit, les choses
apparaissent avec moins de clarté et les méthodes employées sont aussi diverses que les pays
qui se sont penchés sur la question.
B. L’intégration du jeu vidéo dans le droit d'auteur
Dans la mesure où, le législateur n’a pas encore inséré de dispositions concernant le jeu
vidéo, le travail de qualification est nécessairement revenu à la jurisprudence. C’est ainsi qu’en
France, diverses voies ont été envisagées avant de reconnaître une qualification distributive,
qui semble satisfaire la plupart praticiens du droit (1). Il s’agit cependant de la position
française, les pays étrangers ont, au vu de leur palette juridique, opérés des choix qui leur sont
propres (2).
1. Du tâtonnement jurisprudentiel à une qualification distributive
En France, le point de départ de la reconnaissance du jeu vidéo dans le domaine de la
propriété intellectuelle est marqué par deux arrêts de la Cour de cassation en Assemblée
plénière en date du 7 mars 198614 qui reconnaissent la qualité d’œuvre de l’esprit aux jeux
vidéo, en rappelant que dès lors qu’ils répondent au critère de l’originalité ils peuvent
bénéficier de la protection assurée par la loi du 11 mars 1957.
Si ces décisions ont posé la première pierre à l’édifice, de nombreuses questions sont restées
en suspens, notamment concernant la nature du jeu vidéo. Quelques décisions ultérieures ont
cherché à répondre à ces questions, mais le faible nombre de contentieux portés devant le
juge sur la qualification juridique du jeu vidéo n’a pas permis de dégager véritablement de
solution de principe.
Œuvre logicielle. Le logiciel est entré dans le champ de l’article L112-2 du Code de la
Propriété Intellectuelle par la loi du 3 juillet 198515. Il n’en existe pas de définition légale mais
selon l'arrêté du 22 décembre 1981 relatif à l'enrichissement du vocabulaire informatique, le
OLG Cologne, 18 octobre 1991, Amiga Club.
Assemblée Plénière, 7 mars 1986, Atari Inc. contre Valadon, n°84-93.509 et Assemblée Plénière, 7 mars 1986,
Williams Electronics Inc. contre Claudie T. et Société Jeutel, n°85-91.465.
15 Loi n°85-660 du 3 juillet 1985 relative aux droits d'auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de
phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle.
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logiciel est défini comme « l'ensemble des programmes, et éventuellement la documentation, relatifs au
fonctionnement d'un ensemble de traitements de l'information ». De façon plus pratique, le logiciel est
également défini comme « l’ensemble d'instructions qui ont pour but de faire accomplir des fonctions par
un système de traitement de l’information, appelé ordinateur ».
La qualification retenue en premier lieu pour le jeu vidéo a été celle du logiciel, par un arrêt
de la Cour d’Appel de Caen en date du 19 décembre 1997 16 où il a été considéré que « la
caractéristique majeure du jeu vidéo est assurée par le logiciel ». Cette solution n’est pas marginale
puisque qu’en 2000, un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation 17 a confirmé
cette position en considérant que les sons et images du jeu s’intègrent dans sa programmation
informatique.
Cette qualification est en effet intéressante puisque le jeu vidéo présente effectivement une
partie logicielle, mais considérer qu’il se limite à cette caractéristique revient à donner une
vision réductrice du produit fini. C’est ainsi que l’arrêt Cryo de 200918 a refusé de qualifier de
façon unitaire le jeu vidéo comme œuvre logicielle en raison de sa complexité. Cette
conception unitaire a également été balayé par un arrêt de la Cour de Justice de l’Union
Européenne en 201019 qui, évoquant les interfaces graphiques, a refusé de les assimiler à un
programme d’ordinateur pouvant être protégé par la Directive de 1991 20. Si cette décision ne
s’appliquait pas directement aux jeux vidéo, elle leur est facilement transposable puisque
ceux-ci présentent une interface graphique, empêchant ainsi une simple protection par le
droit du logiciel.
Ce qui ressort de ces constatations est qu’il n’est pas possible de réduire le jeu vidéo au
logiciel, qui n’en est qu’une simple composante.
Œuvre collective. L’article L113-2 alinéa 3 du Code de la Propriété Intellectuelle définit
l’œuvre collective de la façon suivante : « Est dite collective l'œuvre créée sur l'initiative d'une personne
physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la
contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel
elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé ».
Cette qualification est souvent recherchée par l’initiateur du jeu vidéo car elle lui permettrait,
non pas d’être reconnu comme l’auteur de l’œuvre, mais d’être investi de l’ensemble des
droits d’auteurs. Dans ce sens, un arrêt de la cour d’appel de Versailles, en date du 18
novembre 199921 avait reconnu la qualité d’œuvre collective au jeu vidéo.
Néanmoins, au regard des éléments constitutifs de l’œuvre collective, il apparait que cette
qualification ne pourrait convenir aux jeux vidéo.
CA Caen, ch. corr., 19 décembre 1997, Annie T. contre Valérie A.
Chambre criminelle, 21 juin 2000, Pierre T. contre Midway Manufacturing Company, n°99-85.154.
18 Première Chambre Civile, 25 juin 2009, Lefranc contre Société SESAM « Cryo », n°07-20.387.
19 CJUE, 22 décembre 2010, Bezpečnostní softwarová asociace – Svaz softwarové ochrany contre Ministerstvo
kultury, n°C-393/09.
20 Directive n°91/250/CEE du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur.
21 CA Versailles, 13e ch., 18 novembre 1999, Havas Interactive Europe.
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En effet, dans ce type d’œuvre, la personne à l’initiative du projet a un rôle déterminant, elle
initie, dirige celui-ci en vue de son édition, publication et divulgation sous son nom. En
matière de jeux vidéo, la personne à l’initiative du projet est en général le studio de création
mais concernant l’édition, la publication et la divulgation, cette tâche revient à l’éditeur qui n’a
que rarement un rôle de précurseur. La qualification d’œuvre collective ne serait possible que
si le studio de développement et l’éditeur étaient la même personne, chose relativement rare,
le premier étant souvent indépendant.
Le second critère que l’on peut retenir est qu’il est impossible de pouvoir attribuer un droit
d'auteur distinct à chaque contributeur de l’œuvre prise de manière globale. Les
professionnels du secteur avancent souvent, qu’en effet, en raison de l’entremêlement des
parties créatives et techniques, l’identification des auteurs est quasiment impossible. En
réalité, il est assez facile au sein des équipes, composées en général de maximum une
vingtaine de personnes, de distinguer la tâche de chacun et ce, du fait des métiers très
spécialisés et segmentées. Il n’est donc pas impossible d’identifier les contributions de chacun
et donc de leur accorder un droit distinct sur leur contribution. A ce titre, un arrêt du
Tribunal de Grande Instance de Paris du 30 septembre 2011 22 a admis qu’il « est tout à fait
possible d’attribuer un droit distinct [au musicien] dont la contribution par le biais de la composition
musicale peut être séparée » du reste du jeu vidéo. Les juges ont ainsi considéré que les conditions
de l’œuvre collective ne pouvaient être réunies dans la mesure où «la musique ne se fond pas dans
l’ensemble que constitue le jeu vidéo, puisqu’on peut l’écouter sans jouer».
Au-delà de la possible identification des auteurs, rendant inadéquat le caractère d’œuvre
collective du jeu vidéo, cette qualification présente des risques juridiques. En effet, la
jurisprudence limite la titularité des droits de la personne à l’initiative du projet, à la première
exploitation de l’œuvre, ce qui pose indubitablement un problème du fait du nombre
d’exploitation secondaires envisageable telles que, notamment, les adaptations
cinématographiques, les suites ou même les produits dérivés.
Œuvre de collaboration. La qualification d’œuvre de collaboration pour les jeux vidéo a
été retenue en premier lieu par un arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 2 avril 200423.
Rappelons que cette qualification est définie à l’article L113-2 alinéa 1 du Code de la
Propriété Intellectuelle : « Est dite de collaboration l'œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs
personnes physiques », l’article L113-3 du même code complète cette définition en affirmant que
ces personnes physiques sont les co-auteurs de l’œuvre.
Au regard de ces dispositions il convient de faire remarquer que les co-auteurs ne peuvent
être que des personnes physiques dont l’apport créatif ne peut se limiter à la simple
production d’idées, ce qui implique une mise en forme de cet apport. Partant de cela, la mise
en forme doit être originale supposant une liberté de création des co-auteurs, marquant ainsi
l’œuvre de leur personnalité. A ce titre, des salariés peuvent être considérés comme des coTribunal de grande instance de Paris 3ème chambre, 3ème section Jugement du 30 septembre 2011, Julien F. contre
Prizee.com, Believe.
23 CA Paris, 4e ch., section B, 2 avril 2004, SA Cryo Interactive Entertainment contre Revillard, n°2002/05541.
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auteurs à condition de conserver une part de liberté dans leur création ce qui apparaît
totalement envisageable dans le domaine des jeux vidéo. Enfin, les différents co-auteurs
doivent pouvoir réaliser l’œuvre dans son ensemble selon un processus concerté.
Au vu de ces conditions, le jeu vidéo semble pouvoir s’accorder sur les éléments de
qualifications de l’œuvre de collaboration mais un bémol apparait tout de même car, dans le
cadre ce processus de création, il reviendra au directeur de création de valider ou non les
éléments créatifs proposés par les salariés. Face à cette subordination, la liberté des salariés ne
semble pas totale ce qui limite nécessairement l’empreinte de leur personnalité et plus le
nombre d’intervenants est important plus cette empreinte se « dilue » dans la masse.
Malgré cette atténuation, il apparait que la qualification d’œuvre de collaboration semble être
la plus adaptée au caractère si particulier du jeu vidéo. C’est ainsi que la jurisprudence a
continué dans cette voie en 2007 dans un arrêt de la cour d’appel de Paris24 dans lequel les
juges retiennent également la qualification d’œuvre multimédia.
Œuvre multimédia ou œuvre audiovisuelle. L’œuvre multimédia ne figure pas au
nombre des catégories des œuvres énumérées à l’article L112-2 du Code de la Propriété
Intellectuelle, mais a été reconnue par les tribunaux comme œuvre de l’esprit protégeable par
le droit d’auteur.
L’œuvre multimédia est constituée de différents éléments tels que le logiciel, le graphisme, la
musique ou encore le scénario, qui sont assemblés pour former un ensemble.
Cette qualification semble pouvoir parfaitement s’appliquer à la nature du jeu vidéo, ne seraitce que pas son caractère interactif permettant à l’utilisateur d’intervenir et de modifier à son
gré l’ordre des séquences25 contrairement à l’œuvre audiovisuelle qui est marquée son
caractère linéaire, critère traditionnellement reconnu par les juges. Cette considération n’a
néanmoins pas empêché les juges de retenir la qualification d’œuvre audiovisuelle pour les
jeux vidéo26. Cependant, au même titre que l’exclusion unitaire de logiciel, il semble difficile
de pouvoir réduire le jeu vidéo à sa seule dimension audiovisuelle.
C’est donc la qualification d’œuvre multimédia qui apparait comme la plus opportune au
premier abord, d’autant qu’elle vise à s’adapter à l’avènement des technologies numériques,
mais comme nous l’avons dit précédemment, ce type d’œuvre ne bénéficie d’aucun régime
juridique. De plus, certains auteurs la considèrent désormais comme obsolète 27. En effet,
selon Isabelle Meyer, « la technologie numérique n’est plus l’apanage des consoles de jeux ou de la
microinformatique », elle indique également que celle-ci « s’est introduite dans tous les appareils
modernes et s’est donc répandue dans tous les secteurs créatifs et artistiques » 27.
Ainsi, aujourd’hui, la catégorie d’œuvre multimédia pourrait s’appliquer à quasiment toutes les
œuvres « traditionnelles » c'est-à-dire celles qui ont longtemps été marquées par la technique
analogique, elle ne peut donc pas constituer l’apanage du jeu vidéo.
CA Paris, 3e ch., section B., 20 septembre 2007, SESAM contre SELAFA MJA et M. L., n°07/01793.
TGI Paris, 28 janvier 2003, M. Agnola contre SA Hachette Multimedia.
26 CA Paris, 4e ch. A, 10 novembre 2004, Société Microsoft contre M. Le Directeur de l’INPI et Société Movie Box,
n°04/08927.
27 « Le casse-tête du statut juridique adapté au jeu vidéo », Isabelle Meyer, Lamy Droit de l’Immatériel, 2011, p.65-70.
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La qualification distributive. Le véritable sacerdoce en matière de jeu vidéo est de
vouloir lui appliquer coûte-que-coûte une qualification unitaire. C’est ainsi qu’en 2009, la
Cour de Cassation a mis un terme à cette recherche par un arrêt Cryo qui reconnait une
qualification distributive au jeu vidéo28, position par ailleurs consacrée par un arrêt de la cour
d’appel de Paris du 26 septembre 201129.
Dans son arrêt de 2009, La Cour de cassation affirme que « le jeu vidéo est une œuvre complexe qui
ne saurait être réduite à sa seule dimension logicielle, quelle que soit l’importance de celle-ci, de sorte que
chacune de ses composantes est soumise au régime qui lui est applicable en fonction de sa nature ». En
consacrant la qualification distributive, l’arrêt retient donc que plusieurs régimes vont être
amenés à cohabiter ensemble, chacun intervenant au regard de la nature de la composante à
laquelle il est rattaché30.
La question qui se pose maintenant est de savoir comment va se matérialiser la qualification
distributive, le rapport du député Patrice Martin-Lalande, sur le régime juridique du jeu vidéo
en droit d'auteur donne deux propositions. Tout d’abord, en considérant que le jeu est
constitué de deux composantes, que serait le logiciel et la partie audiovisuelle. Il faudrait ainsi
distinguer précisément les programmes créatifs et identifier, selon le principe de l’œuvre
audiovisuelle, les personnes pouvant remplir les fonctions prévues à l’article L113-7 du Code
de la Propriété Intellectuelle31 afin qu’elles bénéficient d’une rémunération proportionnelle.
La seconde proposition serait de déterminer le jeu selon quatre composantes que serait le
logiciel, le graphisme, la musique et le texte. Cela reviendrait à appliquer un régime spécifique
aux personnes en charge de la programmation, et des régimes de droit commun aux autres
intervenants. C’est la position qu’a adopté la cour d’appel de Paris en 2011, qui précise l’arrêt
de 2009, en affirmant que les parties audiovisuelles sont régies par « les règles générales du droit
d'auteur » et non par les règles spécifiques de l’œuvre audiovisuelle. Il s’agit là d’une précision
importante mais un « flou » demeure concernant l’identification des auteurs.
Si l’on dénote un certain éclaircissement sur la qualification du jeu vidéo, des zones
d’ombre persistent et la rareté du contentieux dans le domaine n’aide pas à les éclairer. En
effet, selon le rapport du député Patrice Martin-Lalande, on ne dénombre en moyenne que
deux contentieux par an sur la question du droit d'auteur dans les jeux vidéo faisant l’objet
d’une procédure. Le plus souvent, les parties ont recours à la transaction et beaucoup de
créateurs salariés se trouvent dans un rapport dissuasif de subordination, le milieu étant
relativement restreint, beaucoup craignent de ne pas pouvoir y retrouver un emploi.
Néanmoins, il n’est pas inenvisageable que la tendance actuelle s’inverse et ce, en raison du
piratage, comme ce fût le cas dans l’arrêt du 26 septembre 2011 qui interdit la vente de
Cass. 1re civ., 25 juin 2009, Lefranc contre Société SESAM dit arrêt « Cryo », n°07-20.387.
CA Paris, 26 septembre 2011, Pôle 5, Chambre 12, SARL Aakro Pure Tonic et a. contre Nintendo.
30 Mission parlementaire sur le régime juridique du jeu vidéo en droit d'auteur, rapport de M. Patrice Martin-Lalande
remis officiellement le 21 décembre 2011.
31 Article L113-7 al. 2 CPI : « Sont présumés, sauf preuve contraire, coauteurs d'une œuvre audiovisuelle réalisée en collaboration :
1° L'auteur du scénario ; 2° L'auteur de l'adaptation ; 3° L'auteur du texte parlé ; 4° L'auteur des compositions musicales avec ou
sans paroles spécialement réalisées pour l'œuvre ; 5° Le réalisateur ».
28
29
11
« linker »32. Dans son arrêt, la cour d’appel de Paris rappelle la compétence de l’HADOPI au
titre de sa mission de régulation des mesures techniques de protection. Néanmoins, à ce jour,
aucun éditeur de jeux vidéo n’a saisi cette autorité pour demander la sanction des
téléchargements illicites.
Si en France, la qualification juridique du jeu vidéo n’en est encore qu’à ses
balbutiements, il est intéressant de voir quels ont été les choix des pays étrangers dans le
domaine.
2. Le choix opéré par les pays étrangers
Avec la France, les Etats-Unis, le Japon et le Canada constituent les premiers pays
producteurs de jeux vidéo, il a donc été également nécessaire pour eux de se pencher sur la
question de sa qualification juridique. Comme nous l’avons vu précédemment, aucun de ces
pays ne dispose de régime spécifique dans ce domaine mais comme en France, le jeu vidéo
est protégé en tant qu’œuvre, pour assurer sa protection chacun de ses pays a composé avec
ce que leur permettait leur droit d'auteur.
Aux Etats-Unis, le jeu vidéo est qualifié par le juge d’œuvre audiovisuelle mais pour ce qui est
de la composante logicielle, celle-ci est rattachée à la qualification « d’œuvre littéraire »33. Au
Japon et au Canada, le jeu vidéo est intégré à la catégorie des « programmes d’ordinateurs »
bien que d’autres composantes puissent être protégées par d’autres catégories d’œuvres.
Ainsi, au Japon, les effets audiovisuels bénéficient de la protection des œuvres
cinématographiques34, quant au Canada, si aucune disposition législative ne rapproche une
composante du jeu vidéo à une catégorie particulière, les parties musicales et visuelles
bénéficient cependant de la protection respective d’œuvre musicale et d’œuvre
cinématographique.
La question de la qualification du jeu vidéo n’est cependant au monopole de ces pays, il est
d’ailleurs possible de constater que la Corée du Sud, le Royaume-Uni ou encore l’Allemagne,
qui ne disposent pas non plus de régime ad hoc dans le domaine, ont opté pour la
qualification distributive.
Le point commun à ces Etats est qu’ils ne rencontrent pas de difficultés quant à la
qualification juridique du jeu vidéo en droit d'auteur, le principal problème justifiant des
procédures étant le piratage. La problématique que nous rencontrons en France est celle de la
spécificité de notre droit d'auteur par rapport à ces pays. En effet, la plupart sont sous le
régime du copyright qui pose comme principe, concernant les œuvres salariales, que la titularité
originaire des droits d'auteur revient à l’employeur ou que la transmission s’opère selon un
Le linker prend la forme d’une cartouche de jeu, souvent compatible avec les consoles Nintendo, permettant de
lancer des applications, des copies de jeux, d’écouter de la musique, de voir des films…
33 United States District Court, Northern District of Illinois, March 10, 1982, Midway MFG co. v. Artic Intern.
34 Article 2 de la loi japonais en droit d'auteur.
32
12
système de dévolution ou de présomption légale ; tandis qu’en droit d'auteur français, l’auteur
conserve la titularité des droits, seule une disposition légale pourrait permettre de déroger à ce
principe.
Dans ce contexte, ce que craignent les professionnels français du jeu vidéo est un « désavantage
comparatif dans la compétition internationale »35, du fait des dispositions légales en matière de droit
d'auteur, dans une industrie qui revêt un caractère mondial. En effet, La France se trouve face
aux pays du copyright où l’auteur salarié n’est pas reconnu comme titulaire de droits36 puisqu’ils
sont transférés dès l’origine à l’employeur. Ce transfert originel permet aux studios étrangers
de détenir de façon certaine, la totalité des droits d'auteur sur le jeu vidéo permettant ainsi
une cession plus aisée aux éditeurs. Ce qui effraie bon nombre des éditeurs étrangers, un peu
au fait du droit français, est le caractère inaliénable et incessible du droit moral.
Néanmoins, dans les faits, le « droit d'auteur à la française » ne semble pas être un véritable
obstacle pour les studios français qui ont su trouver leur place sur le marché mondial.
Certains studios français contournent même le problème en faisant le choix d’implanter des
studios un peu partout dans le monde, ainsi que des filières de distributions et de production,
c’est le cas entre autre d’Ubisoft qui, de ce fait, n’a pas à recourir à des éditeurs extérieurs.
Cependant, il convient d’atténuer l’idée selon laquelle le droit d'auteur français est la
principale cause de délocalisation. En effet, les raisons sont davantage économiques puisque
dans le cas du Canada, ce pays propose une politique de soutien efficace en faveur des jeux
vidéo notamment par des crédits d’impôts et des subventions gouvernementales mais le
moindre coût du travail présente également un caractère attractif.
Ce que l’on constate toutefois c’est que de manière générale, les pays ont choisi d’opter
pour une qualification distributive démontrant ainsi que le jeu vidéo est, certes une œuvre de
l’esprit, mais dont le caractère est complexe.
Rapport sur le régime juridique des jeux vidéo en droit d'auteur, par Patrice Martin-Lalande, remis officiellement le
21 décembre 2011, p.12.
36 Principe du “work made for hire”.
35
13
NIVEAU 2. LE JEU VIDEO : UNE OEUVRE DE L’ESPRIT COMPLEXE
S’il est si difficile de pouvoir clairement qualifier juridiquement le jeu vidéo, l’absence de
définition au vu de son hétérogénéité n’y est pas étrangère (A), s’y ajoute aussi le fait qu’il est
difficile de déterminer précisément qui sont les auteurs (B). C’est ainsi que face à cette
complexité et à cette hétérogénéité, la volonté de vouloir créer un régime ad hoc au jeu vidéo
ne semble pas opportune (C).
A. L’absence de définition face à l’hétérogénéité des jeux vidéo
Il existe un grand nombre de genre de jeux vidéo qui sont eux-mêmes subdivisés en
sous-genres, de manière générale il est possible d’en dénombrer près d’une centaine 37 sans
qu’il ne soit possible toutefois d’en donner un chiffre officiel, à cela s’ajoute la diversité des
matériels pouvant être utilisés pour jouer.
Concernant les genres, l’Agence Française pour le Jeu Vidéo (AFJV) a établit en 2006 une
répartition du marché par type de jeux38, en retenant les « principaux », elle établit que les jeux
d’action et combats représentent 32% du marché, 16% pour les jeux de rôles et d’aventures,
13% pour les jeux de sport, 12% pour ceux de stratégies et réflexion ainsi que pour les
courses automobiles et les rallyes, 9% pour les jeux de plateformes, le reste étant constitué
des jeux de guerre, les simulations et les « multigenres ». Cependant, si ces genres sont
souvent pris en référence, il n’existe aucun consensus sur leur définition ce qui n’empêche pas
une véritable profusion de classifications.
Cette grande diversité de genre implique ainsi également des processus de créations
extrêmement hétéroclites. En effet, si l’on prend par exemple un jeu d’aventure, celui-ci
pourra se rapprocher d’un film d’animation interactif comportant un scénario, une mise en
scène, des dialogues, de la musique ou encore des graphismes 39 tandis que si l’on évoque un
jeu de réflexion ou de société tel que le solitaire, le processus de création sera de traduire sous
forme logicielle des jeux matériellement « jouables ».
Outre la détermination difficile des genres, trouver une définition légale du jeu vidéo
n’est pas plus aisé d’autant qu’il s’agit là d’un secteur extrêmement évolutif du fait de son lien
étroit avec les technologies. Le développement également des jeux en ligne ne facilite pas la
tâche car ils engendrent un grand nombre de créations du fait de la diversité des logiciels
http://www.ranker.com/fact-lists/video-games/genre
http://www.afjv.com/press0409/040909_chiffres_marche_jeux_video.htm#repartition
39 Rapport sur le régime juridique des jeux vidéo en droit d'auteur, par Patrice Martin-Lalande, remis officiellement le
21 décembre 2011, p.29.
37
38
14
proposés, mais touchent aussi un public plus divers par le développement des jeux sur les
réseaux sociaux. A titre d’exemple, le jeu « Cityville » sur Facebook comptabilise près de 80
millions de joueurs contre 22 millions pour « Call of Duty » qui peut pourtant se jouer sur de
nombreuses consoles (PC, Mac, Playstation 3, Xbox)40.
Dans ce contexte, le rapport du député Patrice Martin-Lalande propose de s’attacher aux
éléments constitutifs du jeu vidéo pour en donner une définition en droit d'auteur.
Nombreux sont les éléments de natures différentes qui constituent le jeu vidéo, jusqu’à
présent, la jurisprudence n’en caractérise que deux : le logiciel ainsi que les éléments
audiovisuels, graphiques et sonores41.
Nous l’avons vu, la partie logicielle est essentielle mais est loin d’être suffisante pour qualifier
le jeu vidéo et le distinguer d’une autre œuvre.
Pour compléter l’aspect logiciel, le critère de l’interactivité est souvent posé, d’autant qu’il
s’avère être commun à l’ensemble des jeux vidéo tous genres confondus, mais nous l’avons
également évoqué, l’interactivité n’est pas l’apanage du jeu vidéo car d’autres médias se
révèlent interactifs c’est le cas par exemple des sites web ou encore des DVD.
Face à ces constatations, le rapport parlementaire propose d’ajouter l’aspect ludique de ces
jeux mais avec l’avènement des « serious game »42, ce critère risquerait de les évincer du champ
du droit d'auteur ce qui n’apparait évidemment pas concevable.
Au vu de ces critères, aucun n’apparaît comme étant suffisamment imperméable pour
définir de façon certaine le jeu vidéo. Le rapport parlementaire préconise alors d’une certaine
manière de « laisser le temps au temps » et plus particulièrement d’attendre que la
jurisprudence se prononce, mais face au faible contentieux sur la question, certains risquent
de trouver le temps long, en particulier lorsqu’il est question d’identifier les auteurs.
B. Une détermination des auteurs difficiles
Comme évoqué précédemment, les processus de créations varient suivant le genre de jeu
vidéo, un jeu d’aventures ne demandera pas les mêmes ressources artistiques qu’un jeu de
société transposé au format numérique.
La destination du jeu vidéo influe également sur le processus de création, suivant le support
sur lequel le jeu va être développé, les contraintes et les fonctionnalités seront différentes. A
titre d’exemple, les possibilités seront plus restreintes pour un jeu vidéo sur un smartphone
que pour un jeu PC.
Etude du Syndicat National du Jeu Vidéo : « Le jeu vidéo en France en 2011 : éléments clés ».
CA Paris, 26 septembre 2011, Pôle 5, Chambre 12, SARL Aakro Pure Tonic et a. contre Nintendo.
42 Jeux ayant une vocation pédagogique. Ex : Programme d’entraînement cérébrale du Docteur Kawashima sur Nintendo DS.
40
41
15
L’ampleur du projet aura également un impact sur le processus de création. En effet, si le
cycle est long ou court, le nombre d’intervenants dans la réalisation va varier, ils seront donc
plus nombreux pour un cycle long dans la mesure où, le développement peut s’étaler parfois
sur plusieurs années, dans ce cadre il est assez commun de faire appel à des intervenants
extérieurs au studio de développement. Néanmoins, il existe toujours une équipe permanente
dont les caractéristiques varieront suivant les studios, le nombre de personnes au sein de cette
équipe peut varier ainsi que leur personnalité, c’est d’ailleurs souvent ce qui démarque un
studio d’un autre.
Au regard de ces constatations, il est difficile de pouvoir identifier de façon constante des
auteurs de jeu vidéo. Cependant, si les auteurs ne peuvent pas être identifiés individuellement,
il pourrait être envisageable de le faire au vu de leur fonction. Dans ce sens, le rapport
parlementaire sur le régime du jeu vidéo en droit d’auteur propose qu’une étude de fond,
ayant pour objet une analyse comparative des différents processus de création d’un jeu vidéo,
soit élaborée. L’idée étant que de cette étude ressorte une certaine récurrence dans
l’identification des auteurs.
L’identification des auteurs est d’autant plus difficile qu’il y a une faible revendication des
personnes pouvant prétendre à cette reconnaissance, d’autant que beaucoup d’entre eux ne
savent même pas qu’ils pourraient prétendre au statut d’auteur.
Les intervenants sur les jeux vidéo sont souvent des passionnés qui considèrent comme une
véritable chance le fait de travailler dans un secteur assez exigeant quant au recrutement, ils
entretiennent d’ailleurs souvent un lien presque affectif avec le studio qui les emploie. Ce lien
est d’autant plus marquant que, dans un domaine comme celui du jeu vidéo où la stabilité
financière est précaire, ils ne souhaitent pas pénaliser leur studio avec des considérations
« individualistes » et cherchent à entretenir un véritable « esprit d’équipe ».
Tous les intervenants se conçoivent comme interdépendants malgré les différentes
hiérarchies. Chacun est essentiel dans la création de l’œuvre finale, ils ne souhaitent donc pas
tirer profit au détriment de leurs collaborateurs du résultat de celle-ci.
Néanmoins, on constate tout de même qu’une certaine reconnaissance est recherchée, elle se
caractérise financièrement par des primes, ou moralement, en demandant à figurer sur la liste
des contributeurs donnant souvent lieu à des génériques relativement longs.
Dans ce contexte, une voie pourrait s’offrir pour identifier des auteurs qui serait celle de
l’application d’une convention collective permettant de déterminer précisément et de décrire
les métiers du secteur43. A ce jour, aucune convention collective ne semble en adéquation
avec l’activité de ces différents contributeurs, des tentatives ont vu le jour mais ont rarement
emporté de consensus44.
Rapport sur le régime juridique des jeux vidéo en droit d'auteur, par Patrice Martin-Lalande, remis officiellement le
21 décembre 2011, p.36.
44 Constitution d’un référentiel des métiers de production du jeu vidéo par Capital Games (association regroupant
des professionnels franciliens du jeu vidéo) en 2007 achevé en 2010.
43
16
C. Une complexité et une hétérogénéité inaptes à un régime ad hoc
Pour établir un nouveau régime en droit d'auteur, il est nécessaire d’établir clairement les
caractéristiques de l’œuvre. Pour cela, il faut donc une définition de l’œuvre et des titulaires
des droits sur l’œuvre et comme nous l’avons vu, ces deux éléments principaux font défaut en
matière de jeux vidéo.
La qualification la plus précise dont nous disposons à l’heure actuelle est celle fournie par
l’arrêt Cryo de 2009 qui qualifie le jeu vidéo « d’œuvre complexe », en considérant que chaque
élément qui compose l’œuvre doit être qualifié en fonction de sa nature, à laquelle le régime
spécifique correspondant sera appliqué. Or, il semblerait que jusque là, la notion « d’œuvre
complexe » n’ait jamais été évoqué45 et ce que recouvre cette idée de complexité n’est pas
explicité par la Cour de Cassation. Pour Philippe Gaudrat, la question se pose de savoir s’il
s’agit d’une complexité formelle du fait de la combinaison des régimes ou si cette complexité
est juridique c'est-à-dire « liée à une concurrence de régimes indépendant de toute particularité formelle »46.
Vu la décision de la Cour d’appel de Paris de 2011 et celle du TGI de Paris concernant les
œuvres musicales dans les jeux vidéo, il semble que la réponse la plus plausible soit celle de la
complexité formelle, le cumul des différents régimes de droit d'auteur rendant, de fait, la
situation complexe.
La question qui peut également se poser est celle de savoir si la qualification d’œuvre
complexe ne pourrait pas constituer une nouvelle catégorie juridique d’œuvre de l’esprit mais
en pratique, cela semble présenter assez peu d’intérêt car il faudrait déterminer légalement ce
qui constitue cette complexité, la question serait donc sans fin s’agissant du jeu vidéo.
Quoi qu’il en soit, le juriste seul n’est pas en mesure de donner une qualification juridique aux
jeux vidéo. D’après le rapport parlementaire de M. Patrice Martin-Lalande, l’élaboration
concertée d’un répertoire des métiers par les professionnels du secteur pourrait permettre
« d’y voir plus clair » ainsi que de trouver un terrain d’entente sur une éventuelle définition du
jeu vidéo et de ses genres.
Ce qui est sûr, c’est que malgré le caractère particulier du jeu vidéo, l’adoption d’un régime ad
hoc n’apparaitrait pas opportun car, bien qu’il rassemble différents types d’arts sous une
forme relativement nouvelle qu’est le numérique, elle ne s’en distingue pas assez.
Si les questions de qualification se posent à l’heure actuelle à l’échelle des pays pris
individuellement, il ne faut pas oublier que la grande majorité d’entre eux est membre
d’organisations communautaires et internationales qui se penchent sur la question des droits
d'auteurs. Une vision à plus grande échelle pourrait permettre une certaine cohésion face à ce
marché mondial.
« Qualification distributive pour le jeu vidéo, œuvre complexe », Christophe Caron, Revue Communication Electronique
n°9, septembre 2009, commentaire n°76 p.31 à 33.
«Propriété littéraire et artistique », Marie Soulez & Laurence Tellier-Loniewski, Gazette du Palais n°295, 22 octobre
2009.
46 « Jeu vidéo : le logiciel remis à sa place », Philippe Gaudrat, RID Com. 15 septembre 2010.
45
17
NIVEAU 3. LA PROBLEMATIQUE DU CADRE JURIDIQUE DU JEU
VIDEO A L’ECHELLE COMMUNAUTAIRE ET INTERNATIONALE
Le marché du jeu vidéo revêtant un caractère mondial, il peut être intéressant de regarder
si les organisations communautaires (A) et internationales à travers l’OMPI (B) se sont
également penchées sur le sujet.
A. L’Union Européenne
Afin d’assurer une certaine cohérence entre les législations des différents pays membres
de l’Union Européenne, des directives ont été adoptés par celle-ci47, outre une harmonisation
des droit d'auteur, la volonté était également d’éviter tout obstacle aux échanges
intracommunautaires.
Il apparait que 2012 sera une année chargée en matière de droit d’auteur, avec par exemple
l’harmonisation de la rémunération pour copie privée ou encore la révision de la directive
IPRED48, mais la question du statut juridique du jeu vidéo n’est pas prévue à l’agenda de la
Commission Européenne et encore moins la question de la création d’une catégorie d’œuvre
de l’esprit nouvelle.
De manière générale, les organes communautaires cherchent surtout à adapter les catégories
déjà existantes en cas de besoin. De plus, aucun Etat membre n’a fait de demande sur la
question de la qualification juridique du jeu vidéo, à l’heure actuelle chaque Etat est libre
d’adopter la qualification juridique qui lui semble la plus adaptée.
Ce qui ressort également du rapport du député Patrice Martin-Lalande, est que les
responsables de la Commission Européenne sont assez défavorables à la création d’un régime
ad hoc pour le jeu vidéo et ce pour deux raisons « la multiplication des régimes est source
Directive 91/250/CEE du Conseil, du 14 mai 1991, concernant la protection juridique des programmes
d'ordinateur.
Directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des
bases de données.
Directive 2006/116/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative à la durée de protection
du droit d'auteur et de certains droits voisins.
Directive 2001/84/CE du Parlement Européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects
du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l’information.
Directive 2001/84/CE du Parlement Européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative au droit de suite au
profit de l’auteur d'une œuvre d'art originale.
Directive 93/83/CEE du Conseil, du 27 septembre 1993, relative à la coordination de certaines règles du droit
d'auteur et des droits voisins du droit d'auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par
câble.
Directive 2006/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative au droit de location et
de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle.
48Directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de
propriété intellectuelle.
47
18
d’accroissement du contentieux et la convergence numérique des supports et des contenus conduira, logiquement,
à une convergence des régimes juridiques »49.
Néanmoins, l’Union Européenne n’est pas totalement indifférente au jeu vidéo mais son
intérêt se porte davantage sur la protection des joueurs, en particuliers des mineurs, par
l’insertion d’une signalétique indiquant les âges conseillés pour jouer et qui classe également
les contenus des jeux. Ainsi, a-t-elle lancée en 2003 la signalétique PEGI (Pan European
Game Information) qui vise à informer le consommateur.
En outre, depuis quatre ans, un crédit d’impôt avait été accordé à la création de jeux vidéo
montrant ainsi que l’Union Européenne avait perçu l’avantage économique qu’il était possible
de tirer de ce secteur, mais en raison de la dématérialisation de plus en plus accrue des jeux
vidéo, son renouvellement est contesté par la Commission Européenne50.
Ainsi, le jeu vidéo intéresse l’Union Européenne mais surtout sur des questions
économiques et de protection des mineurs. Concernant le droit d’auteur, la proposition
semble la même qu’en France, c'est-à-dire attendre et voir ce que l’avenir proposera.
B. L’OMPI
La question du droit d'auteur à l’échelle internationale n’est pas sans réponse, ainsi un
certain nombre de traités ont été adoptés dans le domaine. Pour en citer deux plus
particulièrement, nous pouvons évoquer la Convention de Berne du 9 septembre 188651,
signée par 164 pays et qui instaure une protection des œuvres publiées comme non publiées,
sans formalité d'enregistrement. Cette convention prévoit la reconnaissance du droit moral
par les Etats signataires, et impose une durée de protection minimale de cinquante ans post
mortem. En second lieu, le Traité de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle
(OMPI) sur le droit d’auteur, signé en 199652, reconnaît la protection des programmes
d'ordinateur et des bases de données par le droit d'auteur. Ce traité reprend en grande partie
les dispositions de la Convention de Berne, et les adapte à l’univers numérique.
Le rapport parlementaire indique que l’OMPI a présenté un grand intérêt quant aux travaux
menés lors de cette mission et que le Directeur Général de l’organisation souhaiterait aborder
la question du statut juridique au sein de celle-ci en raison du caractère international que revêt
le jeu vidéo.
Rapport sur le régime juridique des jeux vidéo en droit d'auteur, par Patrice Martin-Lalande, remis officiellement le
21 décembre 2011, p.41.
50 « Menaces sur le crédit d’impôt jeu vidéo », Chloé Woitier, le Figaro.fr, 8 février 2012.
51 Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques du 9 septembre 1886, complétée à
Paris le 4 mai 1896, révisée à Berlin le 13 novembre 1908, complétée à Berne le 20 mars 1914 et révisée à Rome le 2
juin 1928, à Bruxelles le 26 juin 1948, à Stockholm le 14 juillet 1967 et à Paris le 24 juillet 1971 et modifiée le 28
septembre 1979.
52 Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur adopté á Genève le 20 décembre 1996.
49
19
Comme dans le cadre de l’Union Européenne, la question d’une nouvelle catégorie d’œuvre
de l’esprit à insérer à la Convention de Berne n’est pas à l’ordre du jour surtout qu’un tel
chantier contraindrait à réviser assez profondément la convention, mais il semble que, de
toute manière, si le jeu vidéo devait être évoqué, il serait inséré dans une catégorie d’œuvre
déjà existante53.
Néanmoins, le jeu vidéo peut être protégé par la Convention de Berne puisqu’elle a vocation
à s’appliquer à toutes les œuvres littéraires et artistiques, mais également par le Traité OMPI
du 20 décembre 1996 qui dispose, en son article 4, que la protection des programmes
d’ordinateurs doit être assurée quel qu’en soit la forme ou le mode d’expression54.
A l’échelle internationale également, l’idée est que le jeu vidéo peut s’insérer dans
l’éventail de dispositions proposé par le droit d'auteur mais là encore, aucun rattachement
spécifique n’est préconisé.
Rapport sur le régime juridique des jeux vidéo en droit d'auteur, par Patrice Martin-Lalande, remis officiellement le
21 décembre 2011, p.40.
54 « La protection internationale des jeux vidéo par le droit d'auteur » par Mathieu Bardou, Emmanuel Bruneau et
Joffrey Guermonprez.
53
20
CONCLUSION
Au travers des différentes recherches faites dans le cadre de ce travail, ce qui ressort
principalement est que le droit d'auteur en matière de jeu vidéo ne pose pas véritablement de
problème au sein des Etats eux-mêmes, l’inquiétude des professionnels français en la matière
repose essentiellement sur la question de la cession des droits pour les contrats
internationaux, en particulier concernant l’aspect moral de ces droits.
Au final, la problématique du droit d'auteur sur ce secteur est davantage économique
qu’artistique, mais il n’en reste pas moins qu’une réponse doit être apportée car, vu le marché
que représente le secteur du jeu vidéo et les promesses financières qu’il apporte pour de
nombreux pays, la problématique ne saurait rester en suspens. Le fait que le Gouvernement
français se soit penché sur la question démontre bien qu’il y a eu une prise de conscience sur
la place de la France en matière de jeux vidéo à l’échelle mondiale et sur les intérêts financiers
que cela représente.
Ainsi, le rapport du député Patrice Martin-Lalande a-t-il émis sept propositions pour que,
faute de régime spécifique possible, un cadre juridique le plus favorable possible soit envisagé
en matière de jeux vidéo55.
En premier lieu, le rapport indique que « les pouvoirs publics et les partenaires doivent renoncer à créer
un cadre juridique propre au jeu vidéo et reconnaître la nécessité d’aménager le cadre du droit d'auteur existant
pour répondre à certaines de ses spécificités ». Concernant la méthode à employer, il préconise que les
aménagements en question devront, au préalable de toute adoption législative ou
règlementaire, « avoir été définis et adoptés par les parties prenantes ».
Il semble également nécessaire que le jeu vidéo soit explicitement reconnu comme une œuvre
de l’esprit au sens de l’article L112-2 du Code de la Propriété Intellectuelle, mais également
que le dialogue soit poursuivi entre les professionnels du jeu vidéo et les sociétés d’auteurs et
par la même occasion, aider le secteur « à atteindre le même degré de représentation et d’organisation
que les secteurs voisins du film d’animation et du cinéma ».
D’un point de vue économique et international, le rapport incite le Gouvernement français à
prendre l’initiative de plusieurs démarches auprès des organisations internationales, pour
vérifier l’opportunité d’aides publiques mises en place par certains Etats producteurs de jeux
vidéo, qui pourraient jouer sur la concurrence, mais également pour combler le vide juridique
dans le domaine et inciter à la réflexion à l’échelle internationale. Enfin, « créer de meilleures
conditions économiques et fiscales pour le développement du secteur français du jeu vidéo ».
Aujourd’hui, si le secteur du jeu vidéo a commencé à écrire son histoire dans le domaine
des nouvelles technologies depuis presque soixante ans, son histoire juridique reste encore à
écrire et sans doute passera-t-elle par le piratage et le contentieux qu’il risque d’engendrer
dans les prochaines années.
Rapport sur le régime juridique des jeux vidéo en droit d'auteur, par Patrice Martin-Lalande, remis officiellement le
21 décembre 2011, p.41-45.
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21
CREDITS (Bibliographie) :
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« Bruxelles menace le crédit d’impôt accordé aux jeux vidéo » par Justine Paélo,
24matins.fr, 21 février 2012.
« Essai sur la qualification juridique d’un jeu vidéo » par Antoine Chéron, 26 octobre
2005 (http://www.afjv.com/juridique/051026_statut_juridique_jeux_video.htm)
« Jeu vidéo : le logiciel remis à sa place », Philippe Gaudrat, RID Com. 15 septembre
2010
« Jeux vidéo et droit d'auteur » mémoire de Benoît GALOPIN, Juin 2003.
« Jeux vidéo et le rapport parlementaire Martin-Lalande du 21 décembre 2011 » par
Géraldine Laly, legavox.fr, 23 janvier 2012.
« Le casse-tête du statut juridique adapté au jeu vidéo », Isabelle Meyer, Lamy Droit de
l’Immatériel, 2011, p.65-70.
« Le jeu vidéo en droit d'auteur : l’enjeu d’un statut juridique ad hoc ? », mémoire
d’Isabelle Meyer, 2009-2010.
« Le jeu vidéo peut-il bénéficier d’une protection automatique partout dans le
monde ? » par Christiana Marose (http://m2bde.u-paris10.fr/content/un-jeuvid%C3%A9o-peut-il-b%C3%A9n%C3%A9ficier-d%E2%80%99une-protectionautomatique-partout-dans-le-monde-par-chris)
« Le jeu vidéo suscite toujours autant d’émois juridiques… » par Géraldine Laly,
legavox.fr, 20 janvier 2012.
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