Les cancers cutanés : comment les dépister

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Les cancers cutanés : comment les
dépister ?
Docteur Jean-Nicolas Scrivener
Praticien hospitalier - Dermatologie - Hôpitaux universitaires de Strasbourg
Introduction
Les cancers cutanés peuvent se diviser en deux grandes familles.
D'une part, les mélanomes qui naissent des mélanocytes et qui, même s’ils sont les
plus rares sont aussi potentiellement les plus graves.
D’autre part, les carcinomes, qui naissent de l’épiderme et que l’on peut subdiviser
en : carcinomes basocellulaires, ne touchant que la peau
• carcinomes épidermoïdes, également dénommés carcinomes spinocellulaires,
pouvant toucher la peau et les muqueuses.
Une autre famille peut aussi être identifiée, les tumeurs annexielles, qui proviennent
non pas des structures épidermiques mais des annexes, constituées par les poils ou
les glandes sudorales.
Le carcinome basocellulaire
Le carcinome basocellulaire est le plus fréquent des cancers cutanés, notamment
chez l'homme de peau blanche. Ils représentent en France 20% de l’ensemble des
cancers humains. La malignité de ce carcinome est essentiellement locale et les
métastases ou la mort, du fait de la tumeur, sont exceptionnelles. Les retards
diagnostiques ou la négligence des patients peuvent en revanche conduire, en cas
de retard à la prise en charge thérapeutique, à d'importantes mutilations.
Il y a plusieurs formes cliniques de carcinome basocellulaire.
La forme nodulaire est la plus fréquente. Elle se présente sous la forme d’un nodule
de couleur rouge ou rosé, translucide, lui conférant un aspect perlé. On peut aussi
voir des vaisseaux dilatés, télangiectasiques. Même lorsque la lésion est plus
grande, prenant un aspect de plaque, l'existence de petites perles, en bordure, est
caractéristique de la tumeur. Le dépistage est relativement aisé dans le cadre d’une
consultation de médecine générale, dans la mesure où cette lésion se localise très
fréquemment dans des zones accessibles immédiatement visibles du visage, dans la
très grande majorité des cas.
La forme ulcérée est constituée d’une perte de substance, parfois profonde, qui peut
prend le dessus sur la tumeur. Même lorsqu’elle est prédominante, cette ulcération
reste, le plus souvent, entourée d'une induration et d'une bordure perlée qui
permettent de l’identifier comme étant de nature néoplasique. Il faut néanmoins
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garder à l'esprit que « toute ulcération chronique » doit faire évoquer, de principe, un
carcinome et conduire à la pratique d’une biopsie.
La forme superficielle est plus volontiers multiple et se localise au tronc, et aux
membres, nécessitant, pour être dépistée, un déshabillage complet du patient. Elle
se présente sous la forme de plaques superficielles, érythémato-squameuses qui
peuvent, de ce fait, ressembler à des maladies cutanées inflammatoires telles qu’un
eczéma ou un psoriasis.
Le carcinome basocellulaire superficiel s’étend en surface très longtemps, avant de
devenir invasif, et peut ainsi prendre atteindre plusieurs centimètres de diamètre.
La forme sclérodermiforme est probablement celle qui est de diagnostic le plus
difficile. Elle prend l’aspect d’une zone cutanée rétractée, de couleur blanchâtre,
ressemblant parfois à une cicatrice, qui serait spontanément apparue.
Les remaniements de surface, tels qu’une croûte ou une ulcération sont souvent
tardifs dans l’évolution de la tumeur, qui s’étend insidieusement et dont les limites
profondes dépassent souvent ce qui est visible.
La prise en charge thérapeutique des carcinomes basocellulaires est essentiellement
chirurgicale. Lorsque la tumeur est de petite taille, l’intervention se fait sous
anesthésie locale, en ambulatoire, tandis que les lésions plus grandes, nécessitant
des reconstructions par lambeaux ou greffes, peuvent nécessiter des anesthésies
générales. Pour les tumeurs délabrantes, ou en cas de contre indication à un geste
opératoire, la radiothérapie peut constituer une alternative. Pour les formes
superficielles et multiples, on peut s’orienter vers les traitements topiques ou vers la
photothérapie dynamique.
Le carcinome épidermoïde ou spinocellulaire
Ces tumeurs cutanées sont trois fois moins fréquentes que le carcinome
basocellulaire. La plupart d’entre elles surviennent sur les zones découvertes ; le
visage et les mains, exposées quotidiennement au rayonnement ultraviolet. Les
sujets à peau blanche ayant des activités professionnelles ou de loisir de plein air, y
sont tout particulièrement prédisposées, de même que les sujets immunodéprimés.
Les carcinomes spinocellulaires invasifs, au contraire des basocellulaires,
surviennent rarement de novo, mais, le plus souvent, à partir d’une lésion
préexistante : kératoses actiniques, ou cicatrice de brûlure, radiothérapie, ulcère de
jambe.
Les kératoses actiniques peuvent être considérées comme des carcinomes
épidermoïdes débutants. Ce sont des lésions en relief, à base érythémateuse mais
non infiltrées, surmontées d’une corne très adhérente, d’épaisseur variable. C’est la
corne qui est responsable du relief de la lésion, non sa base. Ces lésions sont parfois
innombrables, constituant un véritable « champ de cancérisation ». Seul un petit
nombre d’entre elles évolue vers un carcinome épidermoïde invasif.
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La maladie de Bowen, est une forme de carcinome épidermoïde in situ, au cours de
laquelle la lésion a tendance à s’étaler en surface, sans pénétrer en profondeur. Elle
se présente sous la forme d’une plaque rouge, plus ou moins recouverte de squames
adhérentes, exulcérées, qu’il convient de différencier d’autres dermatoses
inflammatoires. Le caractère unilésionnel, et progressivement extensif, sa résistance
aux traitements topiques, doivent y faire penser.
Les formes cliniques de carcinomes épidermoïdes sont variables selon leur potentiel
à produire de la corne, leur côté exophytique ou, au contraire, invasif.
On distingue :
• les formes verruqueuses, exophytiques et kératinisées, de malignité
essentiellement locale,
• les formes purement bourgeonnantes, qui se présentent sous la forme d’un
nodule lisse surmonté d’une croûte ou de corne,
• les formes ulcéro-végétantes, formant une tumeur saillante, bourgeonnante et
ulcérée.
Les carcinomes épidermoïdes muqueux, qu’ils soient labiaux, ou génitaux, se
présentent sous la forme d’une induration localisée, persistante, ou d’une ulcération.
Leur risque de dissémination ganglionnaire est supérieur à leurs homologues
cutanés.
Le mélanome
C’est le cancer cutané qui est potentiellement le plus grave s’il n’est pas traité. Il
comporte, en effet, un risque de dissémination à distance du site d’apparition initiale ;
ganglions, ou métastases viscérales.
Son lien avec l’exposition solaire forte et intermittente, notamment lors des loisirs
estivaux, est démontré, mais n’explique de loin pas tous les mélanomes, dont un
certain nombre est lié à des facteurs génétiques et familiaux.
Le nombre de mélanome est en augmentation constante, avec un doublement de
l’incidence depuis 10 ans, qui reflète aussi le meilleur dépistage, et la meilleure
reconnaissance histologique des formes débutantes, notamment in situ.
Le nombre de nouveaux cas annuels, en France, est de l’ordre de 10.000, et la
mortalité, stable, de l’ordre de 1500 par an.
Les formes superficielles de mélanome sont celles qui sont le plus facilement
dépistées. Elles évoluent en effet lentement, et prennent l’aspect d’un grain de
beauté, pigmenté, bizarre, nouvellement apparu. Plus rarement, ils compliquent un
naevus préexistant, qui va changer d’aspect. Cette dernière éventualité étant rare, il
n’y a aucun intérêt à exciser de manière prophylactique l’ensemble des naevus que
pourrait avoir un individu.
Le diagnostic clinique de ces mélanomes superficiels repose parfois sur un
ABCDaire : A, désignant l’Asymétrie, B ; les Bords irréguliers, C ; la Couleur
inhomogène, D ; le Diamètre de plus de 6 mm et E ; l’Evolutivité. Ces critères,
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mêmes s’ils sont sensibles, sont loin d’être spécifiques, et peuvent aussi servir à
décrire d’autres lésions pigmentées, bénignes, comme certains naevus ou des
kératoses séborrhéiques.
L’expérience du dermatologue, l’utilisation d’un dermoscope qui prolonge et complète
l’examen clinique, permettent, le plus souvent de lever les doutes, qui, s’ils
persistent, doivent conduire à l’ablation de la tumeur.
Les formes nodulaires, ulcérées ou achromiques sont de reconnaissance plus
difficile et leur diagnostic souvent retardé. Un mélanome peut en effet se présenter
sous la forme d’une lésion ulcéro-végétante, déformant l’ongle du gros orteil, d’une
plaie de la plante du pied, d’un bourgeon charnu, voire, d’une lésion angiomateuse.
Toute lésion nouvellement apparue, d’aspect tumoral ou ulcéré, ne régressant pas
spontanément doit faire l’objet d’une biopsie.
Les mélanomes de la personne âgée, également dénommés mélanome de
Dubreuilh, surviennent principalement sur le visage, en zone photo-exposée. Ils se
présentent sous la forme de tâches grises, brunes, mal limitées, et difficiles à
distinguer de tâches solaires, ou d’autres lésions de la sénescence. Elles sont
souvent dépistées lors de consultations pour motifs esthétiques.
Les difficultés diagnostiques rendent préférable une biopsie préalable à tout geste
thérapeutique.
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