le carcinome a cellules de merkel a propos d`un nouveau cas et
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le carcinome a cellules de merkel a propos d`un nouveau cas et
LE CARCINOME A CELLULES DE MERKEL A PROPOS D’UN NOUVEAU CAS ET REVUE DE LA LITTERATURE H. HACHI(1), A. BOUGTAB (1), L. GAMRA (2), F. TIJAMI (2), CH. BAROUDI (1), A. OTTAMANY (1), A. JALIL (1), S. BENJELLOUNE (1), F. AHYOUD (1), A. SOUADKA (1). RÉSUMÉ OBSERVATION Nous rapportons un cas de carcinome à cellules de Merkel chez une patiente âgée de 56 ans sous forme d’une plaque cutanée et sous cutanée mesurant 2 x 2,5 xl cm. L’exérèse chirurgicale large est le seul traitement réalisé. Après un recul de 10 mois, la patiente est toujours vivante sans métastase ni récidive. La revue de la littérature nous précise que l’origine de cette tumeur reste hypothétique et que seule l’étude immunohistochimique apporte la confirmation diagnostique en particulier la coexistence du Neurofilament et la cylokeratine. La neurone spécifique enolase et l’antigène épithelial de membrane sont constamment positifs. Globalement le pronostic est mauvais : le taux de survie à 3 ans est de 62%. Certains paramètres corrélés au pronostic sont précisés. Mme K.A. âgée de 56 ans, sans antécédents notables, consulte en Novembre 1995 pour un nodule sous cutané apparu 5 mois auparavant qui a augmenté progressivement de volume. A l’examen, le nodule est de coloration blanchâtre, de consistance ferme et siège au niveau de la face antéro-externe de la jambe gauche. Les aires gan-glionnaires sont libres. L’analyse histopathologique d’un fragment biopsique a conclu à un carcinome neuroendocrine cutané (Figure 1), le diagnostic est confirmé par l’étude immuno-histochimique (tableau). INTRODUCTION Les carcinomes neuro-endocrines cutanés (CNEC) sont des tumeurs malignes rares, décrits initialement par Tocker en 1972 (8) sous le nom de carcinome trabéculaire de la peau. Le terme de Merkelome ou «tumeur à cellule de Merkel» est proposé en 1975 par Tang et Tocker (7) devant la présence de grains neurosécrétoires dans les cellules tumorales très proches, morphologiquement, de ceux observés dans les cellules de Merkel normales en microscopie électronique. La cellule de Merkel est retrouvée, normalement, dans la couche basale de l’épiderme. Malgré la ressemblance indéniable entre la cellule de Merkel et les cellules des carcinomes neuroendocrines cutanés aucun argument morphologique ni phytogénètique ne permet d’affirmer la filiation entre la cellule de Merkel normale et la néoplasie de telle sorte que l’origine du carcinome neuroendocrine cutané reste une énigme (1). Le cas de CNEC que nous rapportons, illustré par les données de la littérature, nous permettra de mettre le point sur cette rare tumeur cutanée. (1) Service de chirurgie carcinologique INO (Pr Souadka A) (2) : Service d’anatomie pathologique INO (Pr M. Bellabas) Médecine du Maghreb 1996 n°60 Tableau : Résultats de l’immunomarquage : (+) Positif, (-) : Négatif Cytokératine + Lac - Chromagranine + NSE + La patiente a bénéficié d’une exérèse chirurgicale large sous anesthésie loco-régionale. A l’examen macroscopique, il s’agit d’une plaque cutanée et sous cutanée, mesurant 2x2, 5x1 cm ; la tranche de section présente un aspect blanchâtre ; l’épiderme n’est pas épargné. L’analyse histopathologique de la pièce retrouve les mêmes données de la biopsie et précise que les limites d’exérèses latérales et profondes sont indemnes. Aucun traitement adjuvant n’est réalisé. Après un recul de 10 mois la patiente est toujours vivante sans récidive ni métastase. COMMENTAIRE La réputation de rareté des CNEC semble relative puisque INO : Institut National d’Oncologie Sidi Mahommed Ben Abdellah LE CARCINOME… Halioua et Ortonne (6) dénombrent 450 cas sur une période de 15 ans. Cette tumeur atteint l’adulte de sexe féminin, l’âge moyen de survenue est de 60 ans (15-92 ans) (9), aucun cas n’est décrit chez l’enfant. La tumeur interesse quasi exclusivement les sujets de race blanche. Cliniquement, elle se présente sous forme d’un nodule ou d’une plaque cutanée ou sous cutanée. Le diamètre moyen est de 2 cm. Globalement bien limitée, non encapsulée et mobile par rapport aux plans sous jascents, indolore, non prurigineuse, le plus souvent de couleur rouge violacée (1) et épargne l’épiderme. Certains sites sont préférentiellement interessés : la face (plus de 50%), le thorax et très rarement les membres elle respecte généralement les muqueuses. Exceptionnellement, des adénopathies ou des métastases peuvent être révélatrices. De point de vue histopathologique : trois types d’architectures différentes sont décrits : - le type trabèculaire : est représenté par des amas de cellules sphériques avec un abondant cytoplasme et un noyau centré, l’invasion des tissus mous est la règle. Cette forme typique reste la moins fréquente. - Le CNEC à cellules intermédiaires dont la structure rappelle le carcinome neuroendocrine pulmonaire. La dissociation des cellules simule un aspect lymphomateux. C’est la variété la plus fréquente. - Le CNEC à petites cellules : les formes pures ne peuvent être distinguées des carcinomes à petites cellules du poumon ou d’autres localisations. La coloration de grimilius met en évidence des granulation neuroendocrinennes argyrophiles intracytoplasmiques cependant cette positivité est inconstante. L’étude ultra structurale à l’aide du microscope électronique permet de noter 2 critères majeurs : granules neurosecrétoires intracytoplasmiques et les neurofilaments (NF). L’étude immunohistochimique est d’un intérêt majeur car elle représente l’élément du diagnostic dans les cas difficiles : le critère le plus important est la coexistence de NF et de cytokératine (CK). La neurone spécifique énolase (NSE) et l’antigène épithélial de membrane (EMA) sont retrouvés de façon quasi constante. De plus d’autres neuropeptides et hormones peuvent être positives : La calcitonine, la bombesine, la leu-enkephaline, l’ACTH... etc. L’immunomarquage élimine assez facilement surtout, un 35 lymphome (figure 4) et un mélanome. Le problème de carcinoïde ne se pose guère lorsque la sérotonine est positive. Cependant, le véritable diagnostic différentiel se pose entre le CNEC primitif et une métastase d’un autre carcinome neuroendocrine en particulier d’origine bronchique. Le traitement de choix est l’exérèse chirurgicale radicale emportant une marge de sécurité de 3 cm du tissu sain autour de la tumeur. La lymphadenectomie systématique est discutée. Néanmoins, elle s’impose lorsque la taille de la tumeur dépasse 2 cm et lorsque le nombre de mitoses est supérieur à 10 par champ ou lorsqu’il s’agit d’un type à petites cellules ou à cellules intermédiaires. La lymphadenectomie est, par contre, impérative en présence d’adénopathies palpables. La radiothérapie, à titre adjuvant, est indiquée dans les localisations cervico-faciales où la résection large n’est pas toujours possible et lorsque l’envahissement ganglionnaire est confirmé histologiquement (2,3). Les contre-indications chirurgicales relèvent logiquement de la radiothérapie ou de la chimiothérapie. En cas de dissemination métastatique, la chimiothérapie reste l’arme thérapeutique de choix : les drogues les plus utilisées sont : la vincristine, la doxorubicine, le cysplatinum, la cyclophosphamide et l’étoposide (4,2). L’évolution peut être marquée par la survenue de métastases dans la moitié des cas. Les sites métastatiques habituels sont : les ganglions, le foie, les tissus mous et plus rarement le poumon et le système nerveux central (36). Environ 35% des CNEC présentent une récidive locale dans l’année qui suit le traitement surtout lorsqu’il existe d’emblée des métastases (5,2). Globalement le pronostic est mauvais et le taux de survie à 3 ans est de 62% (2). Les facteurs qui déterminent le pronostic sont : • l’âge, • la taille supérieure à 2 cm, • les critères histologiques : un index mitotique élevé avec un nombre de mitoses supérieur à 10 par champ, l’infiltration des vaisseaux lymphatiques, les formes à petites cellules ou à cellules intermédiaires, • l’existence d’adénopathies ou de métastases. Médecine du Maghreb 1996 n°60 36 H. HACHI, A. BOUGTAB, L. GAMRA, F. TIJAMI, CH. BAROUDI, A. OTTAMANY A. JALIL, S. BENJELLOUNE, F. AHYOUD, A. SOUADKA BIBLIOGRAPHIE 1. C. AS VESTI, M. GROSSIN. L’origine merkelienne du carcinome neuroendocrine cutané mythe ou réalité ? Ann. Path. 1991, 11, n°4, p. 209-211. 2. D. ATLAN, B. CHEVALLIER. Carcinomes neuroendocrines cutanés primitifs ou carcinomes à cellules de Merkel. Revue de la littérature. Bull Cancer (1992) 79 : 659-666. 3. AM. COTLAR, JO. GATES, FA. GIBBS. Merkel carcinoma : combined surgery and radiation therapy. Amj Surg. 52, 159-164, 1986. 4. L. FEUN, N. SAVARAJ, S. LEGHA, E. SILVA, R. BENJAMIN, M. BURGESS. Chemotherapy for metastatic Merkell cell carcinoma. Review of the MB Andersen hospital’s experience. Cancer 62, 648-666. 1988. 5. VE. GOULD, LE. BARLE, VA. MEMOLE, JV. JOHANESSEN. Médecine du Maghreb 1996 n°60 Neuroendocrine carcinoma of the skin : light microscopic, ultrastructural and immunohistochemical analysis. Ultrastruct Path 1, 499-509. 1980. 6. B. HLIOUA, J.P. ORTONNE. Les carcinomes neuro-endocrines cutanés. Ann. Dermatol. Vénéréol. 1988, 115, 1305-1322. 7. CK. TANK, C. TOCKER. Trabercular carcinoma of the skin. An ultrastructural study. Cancer, 1978, 42, 2311-2321. 8. C. TOCKER. 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