Immigration, intégration et situation linguistique des immigrants

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Immigration, intégration et situation linguistique des immigrants
Immigration, intégration et
situation linguistique des immigrants
Exposé de Mme Soula Pelletier
Bénévole
présenté à
la Commission des États généraux sur
la situation et l'avenir
de la langue française au Québec
Trois-Rivières, le vendredi 1er décembre 2000
Immigration, intégration et situation
linguistique des immigrants
Introduction
Je désire profiter de l'occasion pour vous remercier de cette invitation. Elle
me donne l'occasion de partager mes réflexions après plusieurs années de
bénévolat auprès des communautés culturelles ici à Trois-Rivières.
L'accueil des immigrants
Dans une période où l'on songe sérieusement à régionaliser l'immigration, il
faut s'assurer que les ressources qui sont à la disposition des immigrants à leur
arrivée sont bien adaptées à leur situation. Les nouveaux arrivants doivent
sentir qu'ils ont tout le soutien nécessaire pour favoriser leur intégration à la
communauté.
Sinon, ils ressentent le besoin de se rapprocher de leur
communauté d'origine qui leur apporte toute l'aide nécessaire, mais qui ne
facilite pas nécessairement leur intégration à part entière.
Ici, à Trois-Rivières, le Comité d'accueil aux néo-Canadiens offre une
structure d'accueil pour les aider à s'intégrer et voir à leurs besoins essentiels :
logement, nourriture, habillement, documents administratifs, etc. Des besoins
qui se manifestent de façon très différente dans leur nouvelle patrie. Ils
doivent d'abord apprendre à connaître leur ville et les ressources qui sont à
leur disposition. Ainsi, ils sont en mesure de suivre le rythme de vie de leur
communauté d'adoption et celui de leurs enfants, ce qui leur permet de
devenir graduellement des citoyens à part entière.
Apprentissage de la langue
Cependant, l'ajustement des mesures d'intégration des immigrants passe
d'abord par la langue. Le premier obstacle à l'intégration est l'impossibilité de
communiquer. En effet, comment créer des liens significatifs avec d'autres
personnes sans partager la même langue? Puisque le français est la langue
courante dans la plupart des villes ou régions du Québec, il est normal que
toutes les mesures soient prises pour que les immigrants reçoivent dès leur
arrivée un enseignement du français adapté à leurs besoins. À défaut de
comprendre le monde dans lequel on vit, il importe de pouvoir à tout le moins
poser des questions.
Pour y arriver efficacement et développer leur autonomie, les cours de
français sont au cœur du processus d'intégration. Mais pour y arriver, il faut
les adapter aux connaissances des immigrants. Ceux qui ont peu ou aucune
scolarité ne peuvent pas apprendre de la même façon que ceux qui ont déjà
une formation. D'un autre côté, ceux qui ont certaines connaissances de base
en français n'ont pas les mêmes besoins que ceux qui n'en ont aucune. Pour
les moins scolarisés, l'enseignement du français doit être axé sur l'essentiel,
c'est-à-dire sur les mots utiles dans les activités quotidiennes. En tentant
d'uniformiser l'enseignement de la langue, on risque de décourager les
immigrants et ainsi limiter leur apprentissage. Il faut donc leur permettre de
s'intégrer d'abord et d'approfondir les connaissances par la suite. C'est de
cette façon que l'apprentissage de la langue française sera durable avec
comme résultat l'amélioration de la qualité de la langue.
Pour ma part, j'ai eu la chance d'apprendre, dans mon pays d'origine, deux
langues : l'anglais et le français. Mon intégration lors de mon arrivée ici au
Québec en a été grandement facilitée. Mais tous n'ont pas cette chance et ce
privilège! Il est donc important de placer en priorité l'apprentissage de la
langue chez les immigrants.
Immigration unilingue française?
Il est très bien de recevoir des immigrants francophones, mais il ne faut pas
se limiter à une immigration unilingue francophone et ainsi empêcher les
immigrants bilingues de venir chez nous parce que l'on craint qu'ils s'intègrent
à la communauté anglophone. On ne doit pas non plus leur offrir uniquement
des cours de français à leur arrivée. Ils doivent, comme tous les autres
citoyens, avoir accès à des cours d'anglais pour mieux s'intégrer au marché du
travail.
L'unilinguisme français empêche la progression des travailleurs dans leur
métier ou leur profession. La forte présence de la langue anglaise dans tous
les domaines de l'activité économique mondiale ne justifie plus cet
unilinguisme chez les individus. Que ce soit ici ou partout ailleurs dans le
monde. L'apprentissage d'autres langues ne met pas en danger la
prédominance du français comme langue commune de la société.
Au contraire, il est synonyme d'ouverture sur le monde et de confiance en soi.
L'Europe en est un bel exemple; il y a un peu partout des collèges français et
américains et les écoles publiques offrent dans leur programme des cours de
français et d'anglais. Évidemment, cette ouverture sur les autres langues ne
signifie pas leur utilisation à la maison ou dans le travail au quotidien. Elle
est une source d'enrichissement et permet aux gens bilingues, trilingues ou
polyglottes de se sentir bien un peu partout dans le monde et de faciliter leur
intégration au moment d'aller vivre dans un autre pays. La préservation de la
culture d'origine n'est pas mise en péril si les familles déploient des efforts
pour la vivre à la maison.
Vivre d'abord en français
Par contre, je suis d'accord pour dire qu'il faut trouver des solutions à la
détérioration de la langue française dans les domaines comme l'informatique.
L'importance de connaître d'autres langues que le français ne justifie pas
l'envahissement de la langue anglaise par l'entremise des sites Internet et des
communications par courrier électronique. Tout en étant ouverts aux autres
langues, il faut prendre tous les moyens nécessaires pour préserver la nôtre.
Une politique linguistique est donc nécessaire pour assurer aux francophones
l'accès à toute l'information disponible dans leur propre langue, que ce soit en
informatique ou dans tout autre domaine relatif au travail et à la vie courante.
Intégration linguistique en région
Si la situation de la langue à Montréal est une source d'inquiétude, il faut
admettre également que la véritable intégration des immigrants est beaucoup
plus facile dans une ville comme Trois-Rivières en comparaison avec
Montréal. En effet, parce que la ville est plus petite, les nouveaux arrivants
doivent nécessairement fréquenter les gens d'ici et ne peuvent vivre en vase
clos.
Évidemment, leur bonheur est parfait s'ils parviennent à trouver
quelques familles de leur pays avec qui communiquer dans leur langue
d'origine.
Nageant dans les deux cultures, ces gens sont appelés à être
Québécois au quotidien tout en conservant leurs traditions à la maison.
Trois-Rivières est ma ville depuis 18 ans. C'est une ville où tout le monde a
sa place, ouverte sur le monde, où les enfants fréquentent l'école française et
où les familles ont appris à préserver leur culture d'origine à la maison tout en
s'intégrant à la communauté. Dans la région, il y a 40 groupes ethniques
différents qui vivent en harmonie.
Le Comité d'accueil aux néo-Canadiens, le Comité Solidarité Tiers-monde et
la ville de Trois-Rivières organisent à chaque année plusieurs activités dont
les objectifs principaux consistent à établir un contact privilégié entre les
communautés culturelles de la région en faisant découvrir les différents pays
et leur culture sous toutes ses formes et en soulignant leur apport à la vie
mauricienne.
Toutes ces initiatives font de Trois-Rivières un lieu de
convergence culturelle harmonieux. Et toute ces activités où la population
locale est accueillie à bras ouvert se déroulent en français, langue maternelle
de près de 98% de la population.
Conclusion
Ce rapide tour d'horizon montre bien que l'intégration des immigrants est le
résultat de la combinaison de plusieurs conditions. Il montre aussi que la
langue française est une des conditions essentielles. Puisque l'immigration est
appelée à augmenter dans les années à venir et qu'elle est une condition à la
croissance de la population, il faut se rendre à l'évidence que l'avenir de la
langue française passe de plus en plus par la qualité du français chez les
immigrants.
Il faut donc prendre les moyens pour promouvoir le plus
efficacement possible notre culture tout en étant ouvert à celle des autres.
Merci!

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