2009 10 La langue du contrat IP
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2009 10 La langue du contrat IP
LA LANGUE DE REDACTION DES CONTRATS : SHAKESPEARE VS MOLIERE Par Isabelle Pinaud Conseil en Propriété Industrielle, Que penser du choix que font parfois des co-contractants, personnes physiques ou morales de droit privé, installées en France et de langue française, de rédiger leur contrat en anglais tout en choisissant la compétence de la loi et des tribunaux français ? Le choix de rédiger un contrat en anglais est souvent dicté par des raisons très pratiques : les négociateurs et/ou les signataires et/ou les principaux opérationnels en chargent de l’exécution du contrat ne sont pas français, ou encore maitrisent mal cette langue ou travaillent habituellement en anglais. Ces cas sont fréquents dans le monde de la recherche scientifique où les collaborations transnationales se multiplient et où l’anglais est devenu la langue de travail. Il arrive aussi que les négociateurs souhaitent ré-utiliser un contrat antérieur rédigé en anglais conclu pour une opération contractuelle identique ou quasi identique. Utiliser un document contractuel préexistant permet de gagner du temps. Mais, pour les petites sociétés et les start up qui sont à la recherche de capitaux et qui préparent des levées de fonds, l’utilisation de l’anglais correspond à un autre souci qui est d’ordre essentiellement économique. Il s’agit pour ces sociétés d’anticiper une levée de fonds qui sera précédée nécessairement d’un audit de leur portefeuille de droits de propriété industrielle et de leurs engagements contractuels. Ainsi, pour ces sociétés, disposer de contrats rédigés en anglais permet aux futurs investisseurs et auditeurs – qui sont souvent anglo-saxon de prendre connaissance directement du contrat. Cela permet aussi d’éviter tout frais de traduction qui sont de nature à renchérir les coûts déjà élevés d’une levée de fonds. Tous ces arguments sont parfaitement recevables. Rien n’interdit, en France, à deux personnes morales de droit privé (ou deux personnes physiques) de rédiger leur contrat en anglais. La loi « Toubon » n° 94 665 relative à l’emploi de la langue française n’impose l’usage de la langue française que dans les contrats de travail et les contrats auxquels une personne morale de droit public ou de droit privé exécutant une mission de service public sont parties. En dehors de ces cas spécifique le choix de la langue est libre. La langue de rédaction des contrats : Shakespeare Vs Molière Isabelle Pinaud – Septembre 2009 2 Cependant, choisir la langue anglaise comme langue de rédaction d’un contrat régi par le droit français n’est pas sans inconvénients. Rappelons tout d’abord que la langue de Molière est selon l’article 1 de la loi 94 665 « la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et ses services publics ». Le français étant la langue des services publics, tout contrat qui doit faire l’objet d’un enregistrement fiscal ou d’un enregistrement auprès du Registre National des Brevets doit être rédigé ou traduit en français. Ainsi, les contrats rédigés en anglais devront faire l’objet d’une traduction au moins partielle. De plus, en cas de litige porté devant les tribunaux français, il faudra alors produire une traduction complète du contrat certifiée par un traducteur assermenté. Surtout, la traduction du contrat peut s’avérer délicate et entraîner des difficultés d’interprétation sur le sens ou la portée d’une clause. En effet, rédiger en anglais conduit à utiliser un style d’écriture et surtout des termes de droit anglo-saxon dont la traduction peut s’avérer des plus délicates en français. Par exemple, les expressions anglaises « damages », « punitive damages » et « compensation », « indemnity » correspondent à des réalités anglo-saxonnes qui ne recoupent pas celles du droit de la responsabilité civile du droit français. Les termes français « mandat » et « mandataire » qui ont plusieurs facettes dans la vie juridique et économique française peuvent être traduits de différentes façon en anglais – chaque traduction renvoyant à une institution et à des réalités propres au droit anglais ou au droit américain. On pense aussi à la notion de « confidential and priviledged information » bien connue des « lawyers » et « attorneys » anglosaxons qui n’est pas complètement transposable dans le système juridique français. Ainsi, les termes juridiques anglo-saxons n’ont souvent pas d’exacte contrepartie en droit français car ils s’inscrivent dans un ordre juridique et une organisation judiciaire très éloignés du système juridique français. De même, les solutions du droit anglais ou américain sont différentes de celles du droit français. Reprendre à l’identique des clauses figurant dans des contrats rédigés en anglais mais régis par le droit français peut conduire à mettre en place des solutions qui ne seront pas validées ou acceptables par les tribunaux français. Le rédacteur du contrat rédigé en anglais donnant une compétence au droit français et aux tribunaux français devra être particulièrement vigilant quant au choix des termes anglais qu’il utilise – qui devront être le plus « neutres » possibles pour que leur traduction ait une efficacité en droit français. On n’échappera pas toutefois à des risques de malentendus entre les co-contractants ou d’incompréhension. On n’échappera pas non plus, au moment de la traduction du contrat en La langue de rédaction des contrats : Shakespeare Vs Molière Isabelle Pinaud – Septembre 2009 3 français, à des difficultés de traduction et, in fine, à des risques de désaccord entre les parties sur l’interprétation de telle ou telle clause. Finalement, ne serait-il pas plus simple de préférer une rédaction en français des contrats qui sont signés par des co-contractants français, régis par le droit français, et qui donnent compétence aux tribunaux français ? Leur traduction en anglais pourrait alors se faire en fonction des besoins et être limitée aux seules clauses que les exécutants ou les investisseurs – voire même les signataires anglophones ont, réellement besoin de connaitre. Par Isabelle PINAUD ([email protected]), Conseil en Propriété Industrielle Cabinet REGIMBEAU - Pôle Contrats – Paris, le 10 septembre 2009 PARIS Cabinet Regimbeau 20, rue de Chazelles 75847 PARIS CEDEX 17 Tél. : +33 (0) 1.44.29.35.00 Fax : +33 (0) 1.44.29.35.99 Contact : [email protected] RENNES Cabinet Regimbeau Espace performance Bâtiment K 35769 ST GREGOIRE CEDEX Tél. : +33 (0) 2.23.25.26.50 Fax : +33 (0) 2 23.25.26.59 Contact : [email protected] LYON Cabinet Regimbeau 139, rue Vendôme 69477 Lyon Cedex 06 Tel :+33 (0)4 72 83 85 70 Fax : +33 (0)4 78 24 30 78 Contact : [email protected] A propos du Cabinet Regimbeau : Le Cabinet Regimbeau, Conseil en Propriété Industrielle, accompagne depuis plus de 75 ans les entreprises et les porteurs de projets des secteurs privés et publics, pour la protection, la valorisation et la rentabilisation de leurs innovations (brevets, marques, dessins et modèles). 10 associés animent une équipe de 180 personnes, dont les compétences s'exercent dans tous les aspects stratégiques de la propriété industrielle: veille technologique, contrats de licence, audit de portefeuilles de PI, négociations dans le cadre de partenariat, acquisition des droits, contentieux. La force de frappe homogène du Cabinet Regimbeau et de ses agences régionales permet de répondre à des logiques stratégiques internationales, tout en préservant des relations personnalisées de très haute qualité avec ses clients. GRENOBLE World Trade Center 5 place RobertSchuman BP1510 38025 Grenoble Cedex 1 Tél. : +33 (0) 4 76 70 64 79 Fax : +33 (0) 4 76 28 28 49 Contact : [email protected] www.regimbeau.eu La langue de rédaction des contrats : Shakespeare Vs Molière Isabelle Pinaud – Septembre 2009