Il faut prendre les lettres d`intention au sérieux
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Il faut prendre les lettres d`intention au sérieux
bulletin du groupe droit des sociétés et droit commercial février 2010 Il faut prendre les lettres d’intention au sérieux La lettre d’intention (« letter of intent » ou plus communément « LOI ») est très souvent le premier document négocié entre les parties à une transaction telle que la vente d’une entreprise. C’est l’occasion pour les parties de mettre sur papier les grandes lignes de la transaction envisagée et les conditions et étapes à remplir pour y arriver. Les parties stipulent fréquemment dans un LOI que ce dernier n’est pas contraignant en ce qui concerne les termes de la transaction envisagée et qu’il ne contient qu’une expression d’intention, des ententes formelles plus « complètes » devant intervenir par la suite. Il est courant de voir les gens d’affaires impliqués dans une transaction rédiger eux-mêmes le LOI, l’impression étant que ce document ne constitue pas vraiment le contrat entre les parties et que toute imprécision ou même inexactitude pourra être corrigée lors de la rédaction par les avocats des ententes définitives. D’ailleurs, les contrats formels contiennent la plupart du temps une clause d’entente complète, ou clause d’intégralité, qui vise précisément à s’assurer que les négociations et ententes antérieures, dont la plus importante est souvent le LOI, sont complètement abrogées et remplacées par les contrats formels. Le but ici est évidemment d’assurer la stabilité de la relation contractuelle en éliminant le plus possible l’incertitude que pourrait créer le recours à des éléments extrinsèques au contrat. Ce bulletin traite de la question suivante : peut-on tenir pour acquis que les termes de l’entente formelle intervenue prévaudront toujours sur le LOI? Et la question qui en découle : est-il nécessaire de porter le même soin à la rédaction du LOI qu’à celle des contrats définitifs? La Cour supérieure, par la plume de l’honorable juge Paul Mayer, a récemment donné un exemple d’une situation où un LOI, que les parties avaient expressément stipulé comme étant non-contraignant, devait avoir préséance sur les termes clairs et non-équivoques de l’entente formelle et ce, malgré la présence dans cette entente de la clause habituelle d’entente complète1. À notre connaissance, il s’agit de la décision qui est allée le plus loin à ce jour pour affirmer la préséance d’un document précontractuel sur le contrat définitif postérieur par ailleurs clair. 1 Ihag-Holding AG c. Intrawest Corporation, 2009 QCCS 2699, présentement en appel. McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. | mcmillan.ca bulletin du groupe droit des sociétés et droit commercial Cette décision met en jeu des faits somme toute inhabituels (espérons-le). Pour résumer de façon très succincte, il s’agissait de la vente d’un complexe récréatif (centre de ski et club de golf) et la transaction comportait une portion du prix de vente payable quelques années après la clôture, calculée selon une formule basée sur un multiple du BAIIA (communément appelé « earn-out »). Cette formule était décrite dans le LOI rédigé par l’acheteur à l’interne, lequel a été contresigné par le vendeur. Or, l’avocat externe de l’acheteur, mandaté pour rédiger le contrat définitif, a, par sa rédaction, modifié la formule de calcul du earn-out de façon substantielle, créant une situation préjudiciable à son propre client. Le litige, d’une valeur approximative de 6,000,000 $, est né du fait que le vendeur a par la suite insisté sur l’application littérale des termes du contrat définitif. Il ressort clairement de la relation des faits contenue au jugement que le vendeur était conscient de l’erreur et tentait, abusivement selon le juge, de s’en prévaloir. La Cour supérieure a écarté l’application de la formule contenue au contrat définitif et a appliqué celle contenue au LOI en énonçant, en substance, qu’il y avait manifestement eu erreur dans la rédaction du contrat définitif et que le tribunal devait rechercher la commune intention des parties au-delà du sens littéral des termes utilisés au contrat, tel que le prescrit le Code civil2. Où trouver l’expression de la commune intention des parties? Dans le LOI, conclut le juge Mayer. Le jugement semble aboutir à un résultat équitable en raison des faits particuliers en l’espèce. Il répugne en effet au bon sens et à l’équité de voir une partie insister sur l’application stricte d’un texte qu’elle sait pertinemment être erroné, surtout lorsque le résultat de cette application littérale conduit à une absurdité commerciale, comme c’était le cas en l’espèce. Clairement, la présence d’une erreur de l’avocat dans la conclusion du contrat définitif était déterminante. Le juge qualifie cette erreur d’excusable en mentionnant que des avocats et gens d’affaires expérimentés ont révisé le contrat et ne l’ont pas décelée3. Notons que le juge Mayer invoque également le devoir d’agir de bonne foi et de façon raisonnable4 au soutien de ses conclusions. Présumons que ce type de situation est assez rare. Cette décision introduit tout de même un certain degré d’incertitude dans la conclusion et l’interprétation des contrats commerciaux. Elle nous rappelle qu’un cocontractant peut toujours tenter d’écarter l’application des termes clairs de l’entente définitive pour revenir à « la commune intention des parties », mieux exprimée, selon lui, dans le LOI. D’où l’importance de porter un soin attentif à la rédaction du LOI et ne pas présumer que le LOI sera nécessairement annulé et remplacé par l’entente définitive. 2 Le droit civil des contrat repose sur le principe du consensualisme, en vertu duquel, en principe, le contrat se forme par la rencontre des volontés, aucune formalité particulière n’étant requise. Poursuivant dans cette logique, les principes d’interprétation des contrats, codifiés au Code civil, énoncent notamment que le juge doit rechercher la commune intention des parties, au-delà du sens littéral des termes utilisés au contrat (article 1425 C.c.Q.). 3 Notons ici, au passage, l’importance pour les avocats d’affaires d’avoir accès à toutes les informations pertinentes leur permettant de bien comprendre la structure financière de la transaction projetée. 4 Codifiés aux articles 6, 7 et 1375 du Code civil du Québec. McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. | mcmillan.ca 2 bulletin du groupe droit des sociétés et droit commercial D’autant plus qu’une fois les principaux termes de la transaction exprimés dans le LOI, aussi non contraignant soit-il, il est toujours difficile de modifier ces termes ou d’ajouter des éléments substantiels par la suite, la logique étant que si l’élément que l’on désire modifier ou ajouter est important, il aurait dû être exprimé au stade du LOI. En conclusion, bien que le LOI ait sa raison d’être afin, notamment, de réduire les coûts de transaction en permettant aux parties de vérifier dès le début des négociations le sérieux et les chances de succès de l’opération envisagée, et bien qu’il convient de ne pas l’alourdir inutilement en y introduisant des dispositions aussi détaillées que celles contenues dans les ententes définitives, il est important de prendre soin d’y inclure, de façon générique, tous les éléments essentiels de la transaction projetée. Il est fortement recommandé de faire réviser le LOI par un avocat avant son exécution. par Me Julie Normand, associée Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec des avocats énumérés après : Calgary Toronto Montréal Jeffrey J. Geib Frank Archibald David L. Rosentzveig 403.531.8740 416.865.7187 514.987.5038 [email protected] [email protected] [email protected] mise en garde Le présent document constitue uniquement un aperçu. Le lecteur est averti de ne pas prendre de décisions basées sur ce seul document et devrait plutôt obtenir les conseils d’un avocat qualifié. © 2010 McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l.. McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. | Calgary | Toronto | Montréal | mcmillan.ca