Université Cheikh Anta Diop de Dakar Année - FSJP

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Université Cheikh Anta Diop de Dakar Année - FSJP
Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Année Universitaire 2012/2013
Faculté des sciences Juridiques et Politiques
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Licence 1 Sciences Juridiques
Droit Civil / Groupe A
1er Semestre
EQUIPE PEDAGOGIQUE
Cours du Professeur Mohamed Bachir NIANG
Chargés (es) des Travaux dirigés
Mme Ndèye Sophie DIAGNE NDIR / M. Sidy Nar DIAGNE / M. Thomas DIATTA /
M. Oumar Ahamadou DICKO / M. Cheikhou Oumar DIEYE /
Melle Khadidiatou DIOP / Dr. Abdoul Aziz DIOUF / M. Christian Ousmane DIOUF
/ M. Ndigue DIOUF / M. Samba DIOUF/ M. Waly Deb DIOUF / M. Ndiack FALL/
Mme Oumy GUEYE /M. Ousseynou KA / M. El Hadj Iba Barry KAMARA / M.
Séckou MASSALY / M. Ibrahima NDAO /
M. El Hadj Samba NDIAYE /
Melle Ndèye Coumba Madeleine NDIAYE (coordonnatrice) / M. Bira Lô NIANG /
M. Daly SENE
SEANCE 1
CONTENU DE LA SEANCE
-
Prise de contact: présentations / présentation du déroulement des travaux
dirigés et de la méthode de travail
QUELQUES INFORMATIONS IMPORTANTES A CARACTERE
PEDAGOGIQUE
I- LES COURS ET LES TRAVAUX DIRIGES
Le cours dit magistral (en Amphi) et les travaux dirigés forment un tout, concourant de
manière différente mais complémentaire à la formation de l’étudiant.
Le cours est destiné à offrir à l’étudiant un ensemble de connaissances recouvrant le
programme de la matière (en l’espèce celui du droit civil : Introduction au droit – Les
Personnes – La Famille).
La tradition veut que l’assistance au cours ne soit pas obligatoire, ce qui peut se justifier soit
d’un point de vue pratique (comment contrôler la présence des étudiants) – soit d’un point de
vue intellectuel (ce que dit le Professeur serait déjà écrit dans les ouvrages de droit, plus
complets, plus développés que ne peut l’être un cours de droit. Parfois aussi le chargé de
cours fait des fascicules ou publie le cours sur un site internet).
En réalité, il est fortement conseillé d’assister au cours, et ce pour plusieurs raisons : écouter
favorise l’acquisition des connaissances, tandis que la lecture solitaire d’un ouvrage est source
de difficultés de compréhension sinon de contresens. Une telle lecture demande d’ailleurs
plus de temps et d’effort pour l’étudiant (l’étudiant doit assister au cours et compléter par la
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lecture d’un ouvrage). Enfin et de façon essentielle, le droit doit se parler, se discuter, être
source de controverses : la parole le rend vivant. Mais toujours est-il que les étudiants sont ici
parfaitement libres.
Ce n’est pas le cas pour les travaux dirigés : cette fois, l’assistance est obligatoire. L’assiduité
est prise en compte dans la note attribuée à l’étudiant. C’est que les travaux sont dirigés sont
parfaitement irremplaçables. En effet, les T.D sont-ils essentiellement pratiques : l’étudiant
procède dans ce cadre à divers exercices. C’est à cette occasion que chaque étudiant pourra à
son tour s’adonner à la discussion et à la controverse, à l’échange intellectuel.
Inévitablement, une séance de T.D ne peut être correctement préparée que si l’étudiant a, au
préalable, appris et compris le cours qui constitue le thème de la séance : en cela la
complémentarité est évidente. Mais le but du T.D. n’est pas de s’assurer que l’étudiant a bien
appris son cours ; il s’agit, de façon différente, d’approfondir les questions traitées en cours,
de les voir se mettre en œuvre. Alors les T.D conduiront inévitablement à former l’esprit
juridique des étudiants, à leur apprendre les méthodes du droit, les raisonnements, les modes
d’argumentation. Il faut pour cela que chaque étudiant y prenne une participation active : c’est
par le dialogue que se font les séances.
A RETENIR : Pour chaque séance, les étudiants devront donc nécessairement connaître le
cours correspondant, avoir lu toute la fiche et fait l’ensemble des exercices demandés. Ce
travail est la condition même de la réussite. Mais ce qui importe, c’est d’avantage : les
étudiants doivent exercer leur intelligence à partir des documents, réfléchir, comprendre,
discuter, s’interroger…
II- LA DOCUMENTATION (largement inspirée de l’ouvrage de Jérôme Bonnard,
Méthodes de travail de l’étudiant en droit, 5è éd., Hachette Supérieur, 2011).
Pour être un bon étudiant en droit, il faut lire et beaucoup lire !!! Les livres et les revues
vont donc devenir les instruments de travail privilégiés de l’étudiant. Celui-ci devra en
acquérir certains et consulter les autres en bibliothèque. Il est littéralement impossible de
dresser une liste exhaustive des livres de droit. Nous présenterons ainsi les principales
catégories d’ouvrages de droit, les codes et les principales revues qui sont utiles pour la
compréhension du cours, l’approfondissement des connaissances et la préparation des travaux
dirigés.
A- LES CATEGORIES D’OUVRAGES
Sont à la disposition des étudiants des dictionnaires, des encyclopédies, des traités, des
manuels, des « Mélanges » et des thèses, des recueils de grands arrêts, des livres de
méthodologie et d’exercices pratiques.
1- Les dictionnaires et lexiques
- Culture juridique
D. Alland et S. Rials (sous la direction de), Dictionnaire de la culture juridique, PUF,
coll. « Quadridge », 2003.
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O. Cayla et J.-L. Halpérin (sous la direction de), Dictionnaires des grands œuvres
juridiques, Dalloz, 2008.
- Vocabulaire juridique
Comme toute science, le droit a un vocabulaire qui est technique et complexe. Certains termes
sont inconnus de l’étudiant novice. Par exemple usucapion, contrat synallagmatique, action
pétitoire, réintégrande.
D’autres termes sont plus familiers dans la mesure où ils sont empruntés au langage commun.
Mais ils peuvent avoir un sens différent en droit : par exemple, la possession n’est pas la
propriété ; un animal est un bien meuble ; un droit réel n’est pas un droit concret ou
authentique mais un droit qui porte sur une chose. Tous ces termes seront définis dans le
cours. Seulement, il peut être utile de consulter un dictionnaire de droit en général. Par
exemple :
R. Cabrillac (sous la dir. de), Dictionnaire du vocabulaire juridique, Litec, 3è éd.,
2008.
G. Cornu (sous la dir. de), Vocabulaire juridique, PUF, coll. « Quadridge », 8è
éd., 2007.
S. Guinchard et G. Montagnier (sous la dir. de), Lexique des termes juridiques,
Dalloz, 18è éd., 2010.
2- Les encyclopédies
Il s’agit d’ouvrages qui exposent l’ensemble des connaissances juridiques dans les principales
disciplines du droit. Les rubriques sont d’une grande fiabilité scientifique dans la mesure où
elles sont rédigées par les meilleurs spécialistes de la matière. Afin de garantir leur actualité,
les fascicules périmés sont régulièrement renouvelés. Dans l’attente de ces refontes, des
cahiers ou des feuillets mobiles de mise à jour, édités plusieurs fois par an, sont insérés dans
les volumes pour signaler les dernières évolutions. Il y a :
-
L’Encyclopédie Juridique Dalloz
Mode de citation : rép. civ. (ou Enc. Dalloz), v. Cession de créance, n° 182 (chaque
paragraphe des rubriques du répertoire est numéroté).
-
Les JurisClasseurs
Mode de citation : J.-Cl. civ., art. 1134.
3- Les traités
Les traités sont des ouvrages scientifiques qui développent de manière exhaustive une branche
du droit. Ces ouvrages peuvent être consultés en bibliothèque pour une recherche ponctuelle.
En droit civil, les grands traités ne sont plus réédités, comme ceux d’Aubry et Rau (Droit
civil français, 12 vol., dans la 7è édition de 1984 par A. Ponsard, Litec) ou de Planiol et
Ripert (Traité pratique de droit civil français, 2è éd., 1952-1960, 14 vol., LGDJ).
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Ceci est dû au fait que ce genre d’ouvrages ne peut plus rendre compte de la complexité et de
l’évolution constante du droit positif.
Pourtant, des éditeurs ont soutenu la gageure d’entreprendre de nouveaux traités de droit civil.
Contrairement aux anciens traités, certains volumes peuvent être rédigés par des auteurs
différents.
Droit civil, par Ph. Malaurie, L. Aynès (Defrénois) : Introduction générale, par Ph.
Malaurie et P. Morvan, 3è éd., 2009. – Les biens, par L. Aynès et Ph. Malaurie, 4è éd., 2010.
– Les obligations, par L. Aynès, Ph. Malaurie et P. Stoffel-Munck, 4è éd., 2009. – Les
contrats spéciaux, par L. Aynès, P.-Y. Gautier et Ph. Malaurie, 5è éd., 2011. – La famille, par
H. Fulchiron et Ph. Malaurie, 4è éd., 2011. – Les régimes matrimoniaux, par L. Aynès et Ph.
Malaurie, 3è éd., 2010. – Les successions, les libéralités, par Ph. Malaurie, 4è éd., 2010. – Les
sûretés, la publicité foncière, 3è éd., 2008, par L. Aynès et P. Croq.
4- Les manuels
Sous diverses appellations (manuels, précis, cours élémentaire, etc.), les éditeurs publient des
ouvrages qui exposent de manière claire et pédagogique les principales matières étudiées à
l’université. Ces ouvrages sont indispensables pour préparer les travaux dirigés et étudier des
questions pour lesquelles la prise de notes en cours a été incorrecte. En outre, les cours étant
rarement exhaustifs, les professeurs invitent souvent leurs étudiants à les compléter à l’aide de
manuels.
Aubert (J.-L.), et Savaux (E.), Introduction au droit, Sirey, coll. « Université », 13è éd.,
2010
Buffelan-Lanore (Y.) et Larribau-Teyneyre (V.), Droit civil 1re année, Sirey, 16è éd., 2009
Carbonnier (J.), Droit civil, Introduction, PUF, coll. Thémis, 2è éd. 2002
Cornu (G.), Droit civil, Introduction au droit, Montchrestien, coll. « Précis Domat », 13è éd.,
2007
Courbe (P.), Introduction générale au droit, Dalloz, coll. « Mémentos », 11è éd., 2009.
Malaurie (Ph.) et Morvan (P.), Droit civil, Introduction générale, Défrénois, coll. « Droit
civil », 3è éd., 2009
Mazeaud (H., L. et J.) et Chabas (F.), Leçons de droit civil : Introduction à l’étude du droit,
Montchrestien, 12è ed., 2000
Terré (F.), Introduction générale au droit, Dalloz, coll. « Précis », 8è éd., 2009
5- Les « Mélanges » et les Thèses
-
Mélanges
Les étudiants trouveront sur les rayonnages des bibliothèques de nombreux ouvrages dont le
titre « Mélanges » ou « Etudes » est suivi du nom d’un professeur des facultés de droit. Ces
ouvrages contiennent une série d’articles qui sont écrits, généralement par des universitaires,
en l’honneur d’un de leurs maîtres ou collègues (exemple : Mélanges en l’honneur de Serge
Guinchard, Dalloz 2010).
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-
Thèses
Un certain nombre de thèses de doctorat en droit sont publiées et peuvent être consultées en
bibliothèque pour préparer une étude ponctuelle. Exemple : Amsatou SOW SIDIBE, Le
pluralisme juridique en Afrique : l’exemple du droit successoral sénégalais, LGDJ, 1991.
6- Les Recueils de Grands Arrêts
Plusieurs ouvrages regroupent les plus importantes décisions rendues par les juridictions dans
une matière déterminée. Chaque arrêt est accompagné d’un commentaire, qui est mis à jour à
l’occasion de chaque réédition.
Les grands arrêts de la jurisprudence civile, par H. Capitant, F. Terré, Y. Lequette,
Dalloz, tome 1, 12è éd., 2007, tome 2, 12è éd.,
7- Les livres de méthodologie et d’exercices pratiques
-
Manuels de méthodologie juridique
Divers ouvrages fournissent des « outils » du droit pour familiariser l’étudiant avec la
documentation, le langage juridique, le raisonnement juridique et l’interprétation des
décisions de justice. On y Trouve également des conseils de méthodologie pour les divers
types d’exercices pratiqués dans les facultés des droits. Exemples : Isabelle DEFRENOISSOULEAU, Je veux réussir mon droit : Méthodes de travail et clés du succès, Dalloz, 7è
éd., 2010 ; Jérôme BONNARD, Méthodes de travail de l’étudiant en droit, Hachette
supérieur, 5è éd., 2011.
-
Manuels d’exercices pratiques
Les éditeurs multiplient les collections d’ouvrages d’exercices de droit appliqués à une
matière déterminée de premier et de deuxième cycle.
-
Roger Mendegris, Le commentaire d’arrêt en droit privé : méthode et exemples.
Méthode du droit, 7ème éd., Dalloz, 2004.
-
Gilles GOUBEAUX, Philippe BIHR, Les épreuves écrites en droit civil :
Méthodologie, LGDJ, 10è éd., 2005.
-
Alain SERIAUX, Marc BRUSCHI, Le commentaire de textes juridiques : Lois et
règlements, Ellipses, 2è éd., 2007.
-
Thierry GARE (sous la direction de), Annales : Introduction et droit et droit civil :
Méthodologie et sujets corrigés, Dalloz, 2009.
B- LES CODES
On appelle « code » un ouvrage qui réunit en les ordonnant l’ensemble des lois, décrets et
arrêtés d’une même branche de droit.
-
Code des obligations civiles et commerciales (COCC), EDJA, 2010
-
Code civil français, Dalloz, 111è éd., 2012 ou 110è éd., 2012
-
Code de la famille, EDJA, 2009
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-
La Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001 commentée, EDJA, 2011
C- LES REVUES JURIDIQUES
-
Journal officiel de la République du Sénégal
-
Journal officiel de la République française
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Bulletins des arrêts de la cour de cassation (France)
*****Le Bulletin civil regroupe les arrêts les plus importants rendus au cours du mois
considéré par les chambres civiles (première, deuxième et troisième chambre civile), la
chambre commerciale, financière et économique, et la chambre sociale de la cour de
cassation, ainsi que ceux rendus par l’Assemblée plénière ou en chambre mixte
Mode de citation : Cass. 1re civ. (ou Civ. 1re ), 27 mai 2010, Bull. civ. I, n° 121 (arrêt de
la première chambre civile de la cour de cassation, publié au Bulletin civil de l’année de la
décision) ; Com., 4 mai 2010, Bull. civ. IV, etc.
*****Le Bulletin criminel regroupe les arrêts essentiels rendus par la chambre criminelle.
Mode de citation : Cass. Crim. (ou Crim.), 14 avril 2010, 09-83503, Bull. n° 74.
*****Le Bulletin d’information de la cour de cassation
-
Le bulletin des arrêts de la cour de cassation (Sénégal)
-
Le Bulletin des arrêts rendus par la cour d’Appel de Dakar en matière civile et
commerciale (le Vol. n° 1 paru en 2011)
-
Le Recueil des décisions du conseil constitutionnel (France)
Mode de citation : Cons. Const., 11 février 2011, Décision n° 2010-99 QPC, JO du 12
févr. 2011, p. 2757.
-
Le Recueil Lebon (regroupe la jurisprudence administrative française)
Mode de citation : CE, 26 juin 2001, Sieur Bernier, Rec. Cons. D’ Et. (CE), 2001, p. 54
-
Le Recueil des arrêts de la cour internationale de justice (www.icj-cij.org)
-
Le Recueil Dalloz
Mode de citation :
L. Favoreu, La notion de liberté fondamentale devant le juge administratif des référés, D.
2001, Chron., p. 1739 (cette référence désigne un article du professeur Favoreu, reproduit
au Recueil Dalloz de l’année 2001, dans la première partie consacrée aux chroniques.
L’article débute à la page 1739 du recueil
Cass. Soc., 6 avril 1999, D. 2000, Jur., p. 5, note J. Mouly (cette référence désigne un arrêt
du 6 avril 1999 de la chambre sociale de la cour de cassation, qui est reproduit au Recueil
Dalloz de l’année 1999, page 5, avec un commentaire du professeur Mouly.
-
La Semaine Juridique (Semaine Juridique : SJ ; ou JurisClasseur Périodique : JCP)
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La Semaine Juridique, également appelée JurisClasseur Périodique (à ne pas confondre
avec les JurisClasseurs), connaît cinq éditions hebdomadaires : Générale ; Entreprise et
affaires ; Notariale et immobilière ; administrations et collectivités territoriales ; sociale.
-
La Gazette du Palais
Mode de citation : Gaz. Pal. 2009.1 (ou 2). 78. Les chiffres 1 et 2 renvoient au premier ou
au second recueil semestriel
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Les Petites Affiches
Mode de citation : Petites Affiches, n° 220 du 4 novembre 2003
-
Droit et Patrimoine
Mode de citation : Dr et patr. 2007. 97, obs. P. Stoffel-Munck
-
Revue trimestrielle de droit civil (RTD civ)
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Revue trimestrielle de droit commercial et de droit économique (RTD com)
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Revue critique de droit international privé (Rev. Crit. DIP)
-
Revue du droit public (RDP)
-
Actualité Juridique Droit Administratif (AJDA)
-
Actualité Juridique Famille (AJ. Fam.)
-
Actualité Juridique Pénal (AJ. Pén.)
-
Revue de droit du travail (RDT)
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La revue des Sociétés
-
Revue de droit sanitaire et social
-
Revue Lamy Droit Civil
-
Répertoire du notariat Defrénois (citée Defrénois)
-
Nouvelles Annales Africaines (Revue de la Faculté des Sciences Juridiques et
Politiques de l’Université Cheikh Anta Diop)
-
Revue Internationale de Droit Africain (Editions Juridiques africaines : EDJA) –
Parution trimestrielle
-
Revue Sénégalaise de Droit
-
Penant (Revue africaine)
-
Revue de droit uniforme (revue africaine)
-
Revue juridique et politique indépendance et coopération (revue africaine)
-
Revue internationale de droit africain
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QUELQUES SITES UTILES
www.credila.net (site du Centre de Recherche, d’Etude et de Documentation sur les
Institutions et les Législations Africaines (Faculté de Droit))
www.gouv.sn (site du Gouvernement du Sénégal)
www.edja.sn (site des Editions Juridiques Africaines)
www.courdecassation.fr (site de la Cour de cassation française)
www.legifrance.gouv.fr (site où est publié le Code civil français)
www.lextenso.fr (site de documentation et d’information juridique)
www.dalloz.fr (donne accès aux Codes, Revues, Répertoires de droit français)
www.ohada.com (documentation sur droit des affaires en Afrique)
III- COMMENT LIRE (Extrait de l’ouvrage d’Isabelle DEFRENOIS-SOULEAU, Je
veux réussir mon droit, Dalloz, 2010, pp. 19-21)
Même d’une simple lecture, il doit vous rester quelque chose ; ce doit être un travail efficace
et non du temps perdu et de la fatigue.
Lisez lentement, avec grande concentration
Il ne s’agit pas de parcourir le texte distraitement ou avec précipitation. Décidez de vous
plonger dans une question ; concentrez-vous dans le calme, en vous ménageant un temps
suffisant.
Il n’est pas question de lire sans comprendre. Vous devez parvenir à comprendre très
clairement ce que vous lisez. Abordez la matière en prenant connaissance du plan et des
définitions : aucun mot ne doit vous restez obscur.
Lisez en pensant, en comparant, en vous posant des questions, c’est-à-dire de manière active.
Lisez le crayon à la main
Vos polycopiés, vos documents de TD, vos notes de cours, et même les manuels qui vous
appartiennent doivent être soulignés et annotés. Le texte lu sera ainsi préparé pour être résumé
(prenez l’habitude de faire des fiches de lecture) et révisé facilement.
Il est très utile de souligner ou de surligner les groupes de mots ou les phrases importants.
Mais il est sans aucun intérêt de souligner (ou de recopier) des paragraphes entiers. Souligner
a pour but de faire ressortir l’essentiel. Lorsque tout est souligné, plus rien ne ressort.
Le travail intelligent et profitable consiste à faire un effort pour distinguer l’important du
détail, isoler des mots mais peu de phrases, et ne faire apparaître que l’ossature du texte. De la
sorte, cette ossature apparaît d’un coup d’œil et le résumé de la question se trouve préparé.
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Des indications notées en marge vous aideront aussi à préparer le travail de révision : marquez
d’un signe les définitions et les questions qui vous seront signalées comme étant
particulièrement importantes.
A RETENIR : vos notes de cours doivent être disposées de manière aérée et doivent être
aisément lisibles. Il faut nécessairement plusieurs lectures pour comprendre un cours. Une,
deux et même trois lectures ne suffisent point pour se familiariser avec le cours. Prenez le soin
de photographier le plan (c’est-à-dire de connaître parfaitement le plan de votre cours : le
meilleur moyen c’est de prendre le plan sur des fiches, c’est la première étape du résumé du
cours).
IV- QUELQUES CONSEILS POUR LA REUSSITE DE L’EXPOSE ORAL (Extrait
de l’ouvrage d’Isabelle DEFRENOIS-SOULEAU, Je veux réussir mon droit,
Dalloz, 2010, p. 208)
L’exposé est un exercice de communication
L’exposé n’est pas une dissertation plus ou moins mal lue, mais un exercice bien particulier
destiné à vous entraîner à la parole en public d’une part, et à faire profiter tout le groupe du
travail de l’un des étudiants, d’autre part. C’est donc l’occasion d’apprendre à vous exprimer
oralement avec aisance et sérieux. Le droit est un art d’expression et presque toutes les
professions juridiques exigent de savoir parler, expliquer, convaincre.
En préparant et en disant votre exposé, pensez à votre auditoire
Ayez pour objectif :
-
de vous faire comprendre,
-
d’intéresser votre auditoire,
-
de lui apporter quelque chose : une étude approfondie, une synthèse, qui constitue le
fruit de votre travail et que vous avez à cœur de transmettre.
Dans cet état d’esprit, attachez-vous :
-
à mettre en valeur les aspects intéressants de la question,
-
à être clair,
-
à vous exprimer de manière correcte et vivante.
A RETENIR : Ne restez pas toujours collé à vos notes ! Un exercice bien préparé doit
pouvoir être présenté avec aisance sans pour autant lire de manière permanente ce que vous
avez écrit. Un étudiant de la première année doit s’exercer pour pouvoir y arriver
progressivement.
V- TRAVAIL DE LA LANGUE FRANCAISE
L’expression écrite doit être de qualité. Les copies qui présenteront trop de lacunes en français
seront sanctionnées. Pour vous éviter d’être pénalisé, la langue française devra être travaillée
sans relâche tout au long de l’année afin d’être toujours mieux connue, mieux dominée.
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-
Enrichissez votre vocabulaire.
-
Evitez les erreurs et les imprécisions de vocabulaire, qu’il soit courant ou juridique
(gardez-vous d’employer, solutionner (pour résoudre) ; expliciter (pour expliquer) ;
conséquent (pour important) ; complexifier (pour compliquer, obscurcir) ; malgré que
(pour bien que, quoique) ; par contre (pour en revanche) ; génocide (pour crime) ; etc.
« Mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde » (Albert Camus).
-
Faites attention à l’orthographe.
-
N’oubliez pas les accents et les majuscules.
-
Pensez à la ponctuation, elle est la respiration de la langue.
-
Tenez compte de la grammaire élémentaire (un verbe dans chaque phrase).
« Il ne peut y avoir, d’un côté la forme, de l’autre le fond. Un mauvais style, c’est une pensée
imparfaite » (Jules Renard).
Pour cela, vous devez :
-
continuer à travailler votre grammaire, conjugaison et orthographe en utilisant des
ouvrages appropriés (Bescherelle. La conjugaison pour tous, L’orthographe pour
tous, la grammaire pour tous), le BLED (orthographe, grammaire, conjugaison),
d’Edouard Bled.
-
Avoir à votre disposition un dictionnaire de la langue française (Le Robert, Le
Larousse, ou Le Dictionnaire Universel, Hachette, 2007).
-
Lire aussi des ouvrages, autres que ceux de droit (cela pourra vous aider à parfaire
votre culture générale).
VI- EXPRESSIONS LATINES USUELLES
EXPRESSIONS ET MOTS LATINS
Ab initio : dès le début - In limine litis : au début du procès
Ab intestat : succession qui s’ouvre en l’absence de testament
Accipiens : celui qui reçoit le paiement - solvens : celui qui paie
Ad hoc : qui convient pour cela, pour cette fonction
Ad litem : pour le procès
Ad nutum : à son gré, de manière discrétionnaire
Ad probationem : formalité exigée pour la preuve d’un acte
Ad validitatem : formalité exigée pour la validité d’un acte
Ad solemnitatem : la solennité constitutive
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Affectio societatis : intention de s’associer dans une société
Animus : intention - animus donandi : intention libérale = volonté de donner - animus
cooperandi : intention de coopérer dans un contrat
Bonus pater familias : bon père de famille
Contra legem (coutume) : coutume contraire à la loi
Causa proxima / remota : cause la plus proche / la plus éloignée
Culpa in contrahendo / in eligendo / lata : faute dans la conclusion du contrat / dans le choix
/ lourde
De cujus : défunt dont on répartit la succession entre les héritiers
De facto : en fait ou situation de pur fait
De in rem verso : restitution de la chose
De jure : en droit ou situation juridique
De lege ferenda : dans la perspective d’une modification de la loi
De lege lata : relativement à la loi en vigueur
Dolus bonus / malus : bon dol / mauvais dol
Erga omnes : à l’égard de tout le monde
Ex æquo et bono : en fonction du juste et de l’équitable
Exceptio non adimpleti contractus : exception d’inexécution du contrat
In : dans
Infans : enfant en bas âge
Infra petita : en deçà de la demande
Instrumentum : acte juridique (le document)
Intuitus personae : en considération de la personne
In abstracto, in concreto : abstraitement, concrètement
In solidum : en entier
Lato sensu : au sens large
Mutuus consensus / dissensus : consentement mutuel, dissentiment mutuel
Negotium : acte juridique (le contenu)
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Ne varietur : sans changement
Non ædificandi : ne pas construire : Servitude de ...
Praeter legem (coutume) : coutume qui complète la loi
Pretium doloris : indemnisation des souffrances
Post mortem : après la mort
Pro forma : pour la forme
Quantum : montant
Ratione loci : en raison du lieu (compétence territoriale du tribunal)
Ratione materiae: en raison de la matière (compétence d’attribution du tribunal)
Res nullius : chose sans propriétaire
Secundum legem (coutume) : coutume à laquelle renvoie la loi
Sine qua non : (sans laquelle non ; sous entendu : condition...)
Solo consensu : par le seul effet du consentement)
Stricto sensu : au sens strict
Sui generis: propre à une espèce, à un genre, unique
Ultra petita : au-delà de la demande
MAXIMES ET ADAGES
Accessorium sequitur principale : l’accessoire suit le principal
Actio non natæ non currit præscriptio : pas de prescription de l’action avant sa naissance
Actor sequitur forum rei : le demandeur doit porter l’action devant le tribunal du défendeur
Actori incumbit probatio : au demandeur incombe la preuve
A l’impossible nul n’est tenu
Bonne foi est toujours présumée
Contra non valentem agere non currit praescriptio : la prescription n’a pas couru contre
celui qui a été empêché d’agir
Culpa lata dolo æquiparatur : la faute lourde est équivalente au dol
De minimis non curat prætor : le préteur, comprenez le juge, ne s’occupe pas d’affaires
insignifiantes
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De non vigilantibus non curat prætor : le préteur ne s’intéresse pas au négligent
Dies non interpellat pro homine : l’échéance du terme ne vaut pas mise en demeure
Donner et retenir ne vaut
Dura lex, sed lex : la loi est dure, mais c’est la loi
Electa una via, non datur recursus ad alteram : une voie choisie, il n’est pas possible de
revenir à l’autre
En fait de meubles, possession vaut titre
Error communis facit jus : une erreur communément répandue devient le droit
Exceptio est strcictissimae interpretationis : l’exception est d’interprétation stricte
Fraus omnia corrumpit : la fraude corrompt toute chose
Genera non pereunt : les choses de genre ne périssent pas
Impossibilium nulla obligatio : il n’y a pas d’obligation quand l’objet est impossible
In dubio pro reo : le doute profite à l’accusé
In lege Aquilia et culpa levissima veniet : (dans la loi Aquilia, c’est-à-dire en matière
délictuelle, la faute la plus légère est prise en considération)
In pari causa turpitudinis cessat repetitio : pas de répétition, c’est-à-dire de restitutions, en
présence d’une faute égale
Locus regit actum : la forme de l’acte est réglée par le lieu
Malitiis non est indulgendum : pas d’indulgence pour la mauvaise foi
Neminem lædit qui suo jure utitur : celui qui use de son droit ne lèse personne
Nemo auditur propiam turpitudinem allegans : on ne peut être entendu en justice lorsque
l’on invoque sa propre turpitude
Nemo censetur ignorare legem : nul n’est censé ignorer la loi
Nemo contra se subrogare censetur : nul n’est censé avoir subrogé contre soi
Nemo dat quod non habet ou Nemo plus juris ad alium transfere potest quam ipse habet :
nul ne peut transférer à autrui plus de droit qu’il n’en a lui-même
Non bis in idem : on ne peut être jugé deux fois sur la même chose
Nullum crimen, nulla pæna sine lege : il n’y a pas d’infraction sans texte
Nulla poena (crimen) sine lege : il n’y a pas de peine (ou de crime) sans loi
13
Pacta sunt servanda : les conventions doivent être respectées
Prior tempore potior jure : le premier en date est le premier en droit
Pas d’intérêt, pas d’action
Quæ temporalia ad agendum perpetua sunt ad excipiendum : l’action est temporaire,
l’exception est perpétuelle
Quod nullum est nullum producit effectum : ce qui est nul ne produit aucun effet
Qui fait l’enfant doit le nourrir
Res inter alios acta aliis neque nocere neque prodesse potest : la chose convenue entre les
uns ne nuit ni ne profite aux autres (effet relatif des contrats)
Res judicata pro veritate habetur : la chose jugée est tenue pour vraie
Res mobilis, res vilis : chose mobilière, chose sans valeur
Res perit domino : la perte d’une chose est pour le propriétaire
Specialia generalibus derogant : les dispositions spéciales dérogent aux dispositions
générales
Solus consensus obligat : le consentement oblige à lui seul
Ubi emolumentum, ibi onus : là où est le profit, là est la charge
Ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus : quand la loi ne distingue pas, nous non
plus ne devons distinguer
Volenti non fit injuria : on ne fait tort à qui consent
Voir les ouvrages suivants :
H. Roland et L. Boyer, Adages du droit français, Litec, 4è éd., 1999.
H. Roland, Lexique juridique – expressions latines, Litec, 4è éd., 2006.
SENS DE QUELQUES ABRÉVIATIONS USUELLES
Contra : en sens contraire
i. e. : id est, c’est-à-dire
Ibid ou ibidem : au même endroit
Id ou idem : le ou la même
Infra, supra : ci-dessous ou plus loin ; ci-dessus ou plus haut
Op. et loc. cit. : opus et loco citatis (ouvrage et endroit cités)
14
V°, Vis : verbo, verbis (mot, mots)
VII- VOCABULAIRE
Chaque terme de droit a un sens précis qu’il convient de connaître pour pouvoir l’utiliser à
bon escient.
-
Un tribunal rend des jugements ; une cour d’appel, la cour suprême, le conseil d’Etat
rendent des arrêts, un président d’un tribunal ou d’une cour rend des ordonnances ;
une juridiction (tribunal ou cour) et le conseil constitutionnel rendent des décisions
-
Une cour d’appel confirme ou, au contraire, infirme (ou réforme) une décision. La
cour suprême ne confirme jamais (ni n’infirme ou ne réforme) une décision. Soit elle
rejette un pourvoi, c’est-à-dire qu’elle maintient une décision, soit elle casse celle-ci,
c’est-à-dire l’annule.
-
Ne dites pas qu’une loi stipule. Une loi dispose, prévoit, énonce, précise, etc.
C’est le créancier qui, dans un contrat, stipule une clause ou une obligation qui engage son
débiteur.
-
L’initiative d’un projet de loi revient au Président de la République; l’initiative d’une
proposition de loi, aux membres du parlement.
-
Plaignant, porter plainte (ne dites pas « porter une plainte »), poursuites, accusé,
prévenu, coupable, innocent sont des termes qui doivent être employés exclusivement
en matière pénale.
-
Préjudiciel : qui doit précéder le jugement. Préjudiciable : qui cause un dommage à
quelqu’un.
-
Demandeur : partie (ou plaideur) qui prend l’initiative d’un procès. Défendeur :
partie (ou plaideur) contre laquelle la demande est formée (à ne pas confondre avec le
terme défenseur, qui désigne l’avocat qui assure la défense ou la représentation d’un
plaideur).
-
Le fonds (avec « s » au singulier) désigne certaines biens (par exemple : fonds de
commerce). Le fond (sans « s » au singulier) signifie, au sens propre, l’endroit le plus
bas d’une chose (par exemple : descendre au fond), et au sens figuré, ce qui porte sur
des choses essentielles (par exemple : plaider ou juger sur le fond).
-
La foi ou la bonne foi avec le foie (organe, avec un e final).
-
Prémices, prémisse. Prémices (toujours au pluriel) désigne les premiers fruits de la
terre ou du bétail ; au figuré le commencement, le début. Prémisse désigne les deux
premières propositions d’un syllogisme.
-
Votre et vôtre. Votre (sans accent) s’emploie devant un nom (votre canne, votre mari)
; vôtre, avec l’accent circonflexe, dans les autres cas (cette idée est vôtre ; la vôtre est
plus belle). La même subtilité pour notre et nôtre.
15
-
Dommage et préjudice. Dans un langage juridique précis, le dommage désigne la
lésion subie, tandis que le préjudice est la conséquence de la lésion. Un voyou m’ayant
violemment heurté, je suis tombé et me suis cassé le bras droit (le dommage), ce qui
m’a empêché d’exercer mes tournées en tant que représentant (mon manque à gagner
est le préjudice). De même, il est préférable d’employer l’expression de dommages et
intérêts (comme le Code civil de 1804 à une exception près), plutôt que celle de
dommages-intérêts qui s’est répandue dans les textes récents : En effet, les
dommages visent la réparation de la perte subie (le dommage), et les intérêts le gain
manqué (le préjudice).
-
Décennie : Intervalle de dix ans ; décade : De dix jours.
-
Conjecture : Opinion fondée sur des probabilités, ou supposition ; à ne pas confondre
avec conjoncture (situation résultant d’un ensemble de circonstances fortuites).
-
Acceptation, acception. Acceptation veut dire action d’accepter, alors qu’acception
signifie soit préférence (la justice ne fait acception de personne), soit signification
(d’un mot).
-
Amener, ramener : Conduire en menant ; ne peut donc s’appliquer qu’aux personnes
et à certains animaux; les verbes apporter et rapporter s’emploient pour les objets
inanimés.
-
Avérer (donner pour vrai). S’avérer vrai est un pléonasme, et s’avérer faux est un nonsens (l’expression convenable est se révéler faux). Il est juste de dire : Ce contrat
s’avère être de mandat, ce chandelier s’avère être en métal argenté, monsieur X
s’avère être un bandit.
-
Placez les accents ainsi: règle, règlement, pouvoir réglementaire, réglementer.
Consulter les ouvrages (précités) de vocabulaire juridique.
Il existe également un site internet très précieux (http://coursenligne.univ-artois.fr ; cliquer
ensuite sur Langue française dans la fenêtre Tous publics).
Le dictionnaire de l’Académie française, le seul ayant une valeur officielle, est disponible en
ligne (http://atilf.atilf.fr/academie.htm). Le Trésor de la langue française informatisé est
aussi précieux (http://atilf.atilf.fr). D’autres sites comportent des dictionnaires utiles :
OrthoNet, corrigeant l’orthographe du mot recherché, tout en fournissant le cas échéant ses
accords et ses conjugaisons (www.sdv.fr/orthonet) ; celui du CNRS, donnant les synonymes
de la zone de saisie (http://elsap1.unicaen.fr/cgi-bin/cherches.cgi) ; enfin, Cactus 2000,
donnant les conjugaisons de 140 verbes (www.cactus2000.de/fr/conif/) » - Tirés de
Conseils aux étudiants de Philippe le Tourneau, Professeur émérite de la Faculté de
Droit de Toulouse 1 Capitole
16
QUELQUES CONSEILS D’ORDRE PRATIQUE
-
Pour tout ce qui concerne les questions d’ordre administratif liées aux examens et aux
travaux dirigés, s’informer attentivement auprès des services compétents (Assessorat,
Service des examens et TD, Scolarité).
-
Si vous reprenez l’année, lorsqu’une unité d’enseignement n’est pas validée, tous ses
éléments doivent être repris. Exemple : l’introduction à l’étude du droit et les
institutions judiciaires forment une unité d’enseignement. Si l’étudiant a la moyenne
en I.J et pas en Droit civil, et qu’il n’a pas validé l’unité d’enseignement, il doit
reprendre les deux (droit civil et I.J). Si l’étudiant a la moyenne en introduction au
droit et non en I.J, et qu’il a validé l’unité, il ne doit pas reprendre pas les institutions
judiciaires.
-
A l’examen de rattrapage, renseignez-vous sur la matière à reprendre. Par ailleurs,
faites bien attention au sujet que vous devez traiter. C’est vraiment dommage de voir
un étudiant échouer parce qu’il n’a pas traité le bon sujet (il arrive qu’un étudiant traite
le sujet d’un semestre qu’il ne devait pas reprendre). Parce que dans pareil cas, il sera
considéré comme défaillant pour le semestre qu’il n’a pas repris.
-
Assurer vous que vous avez bien une note de TD pour chaque semestre (cela vous
éviterait à faire des réclamations). En effet, même si vous êtes régulier aux séances de
TD, il peut arriver que l’assistant qui a beaucoup de groupes à diriger oublie de vous
attribuer une note. Pour éviter cela, il faut assister à la dernière séance consacrée à la
remise des notes.
-
Lire les affiches (qui se font souvent au niveau du hall de la faculté), chaque jour, à
la sortie des amphithéâtres. Parfois, il peut y avoir des changements relatifs aux
programmations des cours et TD. Pour les travaux dirigés : les jours, les horaires, les
salles de TD et même les exercices de la semaine peuvent changer en fonction de
certaines circonstances.
-
Concernant les travaux dirigés, pour chaque semestre, le service des examens et TD
établit des emplois du temps différents. L’emploi du temps du 1er semestre n’est pas
automatiquement reconduit au second semestre (il y a souvent des changements de
salles de TD). Alors, revoir impérativement les affiches relatives aux TD du
second semestre.
-
Visiter régulièrement le site de la FSPJ : www.fsjp.ucad.sn
-
Surtout, ne jamais hésiter à poser des questions aux chargés de TD qui pourront vous
conseiller.
Bonne rentrée universitaire
Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Année Universitaire 2012/2013
17
Faculté des sciences Juridiques et Politiques
***********
Licence 1 Sciences Juridiques
Droit Civil / Groupe A
1er Semestre
Chargé du cours : Professeur Mohamed Bachir NIANG
Coord. : Melle Ndèye Coumba Madeleine NDIAYE
Séance 2
Thème : La règle de droit
Travail à faire
-
Lire les documents
Faire la dissertation
Sujet : Droit et religion
Bibliographie indicative
Ouvrages
-
Carbonnier (J.), Droit civil, Introduction, PUF, coll. Thémis, 2è éd. 2002
-
Cornu (G.), Droit civil, Introduction au droit, Montchrestien, coll. « Précis Domat »,
13è éd., 2007
-
Malaurie (Ph.) et Morvan (P.), Droit civil, Introduction générale, Défrénois, coll.
« Droit civil », 3è éd., 2009
-
Mazeaud (H., L. et J.) et Chabas (F.), Leçons de droit civil : Introduction à l’étude
du droit, Montchrestien, 12è ed., 2000 (recommandé pour la séance)
-
Terré (F.), Introduction générale au droit, Dalloz, coll. « Précis », 8è éd., 2009
(recommandé pour la séance)
-
Constitution du Sénégal du 22 janvier 2001
-
Code de la famille, Art. 112 (délai de viduité), art. 114 (dualité des formes du
mariage) art. 571 à 653 successions de droit musulman
-
CIRCOFS, Comité Islamique pour la Réforme du Code de la Famille au Sénégal,
Projet de Code de statut personnel, Institut islamique de Dakar, 2è édition, année
1422/ 2002
Articles
-
Antoine Jeammaud, La règle de droit comme modèle, Recueil Dalloz 1990, Chron.
p. 199 (V. site FSJP)
18
-
Philippe Jestaz, La sanction ou l’inconnue du Droit, Dalloz, 1986 (V. site FSJP)
Valérie Lasserre-Kiesow, L'ordre des sources ou le renouvellement des sources du
droit, Recueil Dalloz 2006 p. 2279 (V. site FSJP)
Documents
Doc.1 / Constitution du Sénégal du 22 janvier 2001, articles 1er et 24
Article premier— La République du Sénégal est laïque, démocratique et sociale. Elle assure
l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race, de sexe, de
religion. Elle respecte toutes les croyances.
Art. 24 — La liberté de conscience, les libertés et les pratiques religieuses ou culturelles, la
profession d’éducateur religieux sont garanties à tous sous réserve de l’ordre public.
Les institutions et les communautés religieuses ont le droit de se développer sans entrave.
Elles sont dégagées de la tutelle de l’État. Elles règlent et administrent leurs affaires d’une
manière autonome.
Doc. 2/ Jean CARBONNIER, La religion, fondement du droit ? In Droit et Religion,
Archives de philosophie du droit, Paris, Sirey T. 38, 1993, p. 17-21
RÉSUMÉ. — La religion peut-être créatrice de règles de droit, soit par la médiation de la
morale, soit même directement ; elle peut aussi renvoyer au pouvoir laïc la charge de
légiférer. Mais le droit, c’est encore un jaillissement spontané de justice : dans ce domaine, la
religion est souvent entendue comme porteuse de grâce, d’espérance, de prophétie.
Ce titre interrogatif aurait pu être entendu comme une question d’ethnologie : si, dans le
magma de coutumes qui rythmait la monotonie des tribus primitives, le religieux n’avait pas
précédé le juridique, si le juge n’était pas sorti du prêtre. Mais nous sommes ici en
philosophie, et il me faut comprendre la question autrement : me demander si le droit est aussi
indépendant de la religion – c’est-à-dire (dans la banalité de nos sociétés occidentales) d’un
minimum de dogmatique chrétienne – aussi indépendant que le laisseraient supposer
l’autonomie, voire l’autopoïèsie qu’en théorie il s’attribue. En fait, notre fin de siècle étant
encline au consensus, le bon ton doctrinal est de concéder au religieux une certaine influence
sur le juridique. Mais le mot est vague, et surtout il ne fait pas apparaître ce qui est essentiel :
la diversité des mécanismes par lesquels la religion peut intervenir dans le droit. Une diversité
qui se complique de la dualité qui traverse le droit lui-même. Car le droit, ce ne sont pas
seulement des règles, c’est aussi un jaillissement en dehors des règles. C’est justement cette
dualité règles de droit et droit sans règles – qui a servi d’arête à la recherche qui va suivre.
Une recherche qui a été conduite sans référence nommée à une dénomination. Encore que
vous puissiez estimer que c’est déjà une suffisante confession de foi que d’étaler ses variétés
et d’assumer ses variations, ses fameuses variations, ô Bossuet – mes variations.
-IIl est des règles de droit qui résonnent comme des échos de prescriptions religieuses, et avec
deux motifs d’obéir pour un, le peuple n’en obéira que mieux. Il se peut que ce soit cet aspect
providentiel de la rencontre qu’ait voulu démontrer une œuvre un peu énigmatique du Ve
siècle, la Collatio (comparaison) des lois mosaïques et romaines. Mais la Collatio pourrait
être reprise pour le droit français de notre époque. Des commandements du Décalogue y sont
gravés : l’honneur dû aux père et mère aussi bien que la condamnation du meurtre et du vol,
19
ou – pour relever des cas de plus grande fréquence – l’impératif du repos hebdomadaire (à un
jour près), aussi bien (jusqu’en 1975) que le célèbre futur apodictique « Tu ne commettras pas
d’adultère » (ce commandement qui n’aurait pas été rayé du code civil s’il n’avait tenu qu’à
moi). Le parallèle pourrait se poursuivre, fût-ce avec des tonalités plus sourdes : Paul Esmein
décelait la notion théologique du péché sous la notion juridique de la faute, et des auteurs
voient se refléter dans l’autonomie de la volonté la pureté du oui et du non de l’Évangile. Ce
serait une erreur, toutefois, de penser qu’en cela nous avons affaire à des phénomènes de
réception (au sens où l’on évoque la réception d’un droit étranger par le droit national). Dans
la perspective où nous nous situons, on ne saurait parler de réception, parce qu’il n’y a pas eu
d’adoption directe des normes religieuses par le système juridique. Elles ne sont devenues
règles de droit que par l’intermédiaire, la médiation d’autres systèmes normatifs.
Elles y sont passées, s’affaiblissant au passage, se dépouillant de la religion pour n’en
conserver qu’une religiosité. La morale est un de ces systèmes de transition. On en pourrait
citer d’autres : la culture, les bonnes mœurs, voire le droit naturel. Mais la morale est, par
excellence, la religion de ceux qui n’en ont pas. Si notre droit des contrats réprouve le dol et
la fraude, c’est sous la pression de la règle morale. Ripert, qui a dépeint brillamment la
montée de la sève morale, lui assigne expressément une source chrétienne.
Source, rien de plus : ce n’est pas avec le christianisme que le code civil a traité directement,
c’est avec la morale médiatrice. Elle fait écran devant la religion, et l’écran se fait icône,
idole, fixant sur elle l’adoration. La conséquence est considérable, elle touche au redoutable
Etiamsi de Grotius : nous devrions continuer à nous abstenir de dol et de fraude, même si –
etiamsi – nous en venions à admettre que Dieu n’existe pas, ce qui ne pourrait être avancé que
par le plus grand des crimes, ajoute Grotius, négligemment.
L’excès libéral peut appeler en contrepoids le fondamentalisme. Il nous faut, cependant,
quitter la France pour les pays de la Réforme si nous voulons découvrir des exemples
juridiques assez consistants de ce que l’on qualifie parfois de biblicisme naïf.
Naïf pour qui s’enferme dans les murailles de la raison, mais la foi intensément vécue les fait
éclater. Essayons plutôt de comprendre. Voici – nous sommes au XVIe siècle – des gens qui
n’ont jamais eu entre les mains de recueil de coutumes, ni bien sûr de
Corpus juris civilis. Et brusquement, des hommes prestigieux, des hommes de Dieu leur
confient un livre, en leur disant « Lisez et méditer librement » – un livre qui, surtout dans une
de ses parties, s’exprime avec une voix de commandement. C’était une réaction naturelle de
recevoir – ici, il s’agissait bien d’une réception – de recevoir la Bible comme un code. Très
tôt pourtant, les Réformateurs avaient mis en garde leurs ouailles : la Thora est rude,
rudimentaire, conçue pour une société fort différente des nôtres, et elle n’a pu fonctionner
comme droit qu’enveloppée, adoucie, humanisée par le Talmud. Allons-nous canoniser le
Talmud ? Peut-être les réformateurs auraient-ils pu se contenter de dire : « Posez toujours le
texte, et laissez faire les juristes, avec leur goût de la forme, leur propension aux
commentaires ». De fait, les lois puritaines de la Nouvelle-Angleterre au milieu du XVIIe
siècle, s’alignant sur le Deutéronome, avaient prononcé la peine de mort contre l’enfant
rebelle. C’était féroce. Alors, il y eut des amendements : il convenait de distinguer selon l’âge,
et si l’éducation avait été désastreuse, n’était-ce pas une circonstance atténuante ? Finalement
on pouvait bien se borner à remplacer les pierres de la lapidation par autant de coups de
verges, cette peine capitale, si j’ose dire, pour enfants. Un autre exemple, à peine moins
historique. Imaginez un scribe, un rédacteur qui soit puritain. Son prince, qui ne l’est pas, lui
donne l’ordre d’introduire dans les lois la répudiation, le divorce par volonté unilatérale. La
Bible lui corne aux oreilles : « Tu ne renverras pas la femme de ta jeunesse ». Alors, il
entortillera la répudiation de délais, de conditions, de prix à payer, si bien qu’elle sera
confinée à des cas extrêmes. Il l’aura fait entrer tout de même dans le droit. Avec/sans
20
remords, qui peut le savoir ? Ah ! Comme l’esprit est habile… habile à tuer la lettre ! Les
juristes, böse Christe, mauvais chrétiens. Qui donc a dit cela ?
Au risque de ne surprendre personne, je n’abandonne pas la Réforme et j’écoute maintenant
Luther dans sa doctrine des deux règnes. Oh ! je n’ignore pas l’effort de réduction que les
Églises de notre temps – la luthérienne non moins que les autres – ont appliqué à cette
doctrine qui les dérange. Il est si tentant pour elles de se mêler au grand spectacle du monde,
du politique, dont la législation est une composante de choix, procurant l’illusion de façonner
les peuples comme de l’argile. C’est même la troisième, la suprême tentation : « Je te
donnerai tous les royaumes du monde et leur gloire ». Mais la doctrine des deux règnes
interrompt : laissons les royaumes à leurs rois, à leurs législateurs : ils exercent parmi nous,
sur nous, en faisant et maniant le droit, un métier voulu de Dieu, parce que, sans la force, la
violence inhérente au droit, la condition humaine qui est pécheresse, ferait exploser la société
dans le chaos. Mais ce métier, Dieu lui-même l’a rejeté hors de son royaume, parce qu’étant
exercé par des hommes, il ne peut l’être sans péché (ne pensons pas nécessairement aux
tyrannies meurtrières, aux pouvoirs corrompus, ce peut être aussi bien – aussi mal – paresse,
faiblesse, somnolence).
En vain, nous chercherions une analogie entre cette séparation radicale des deux règnes et la
vieille distinction du spirituel et du temporel qu’a épuisée son incessant jeu de raquettes. Il y
a, dans la doctrine des deux royaumes, un accent qui n’est qu’à elle, pessimiste, voire
tragique, et les conséquences qu’elle emporte sont d’une autre dimension : elle fonde – et par
la théologie même, la théologie du péché – une laïcité qui libérera de la religion le système
juridique, en même temps qu’elle relativise le droit en dévoilant ses misères. Coup double !
J’ai quelquefois rêvé, dans le respect de son génie, d’un Kelsen que Luther aurait converti afin
de lui épargner les affres d’un dilemme : ou bien la norme fondamentale dont il couronne sa
construction est parole de Dieu, et le droit tout entier, en dessous, devient religion ; ou bien
elle n’est que parole humaine sans rien au-dessus à quoi l’accrocher, et tout l’édifice flotte
dans les airs. Or, la norme fondamentale pourrait bien être d’essence divine sans que fût
altérée le moins du monde la laïcité des normes subordonnées, si c’était précisément la norme
par laquelle le Seigneur a déclaré se désintéresser du droit, le renvoyant à la compétence du
prince, c’est-à-dire de l’État, selon un mécanisme comparable au renvoi en droit international
privé. Une norme qui, s’il fallait la rédiger, pourrait tenir dans cette phrase, entre bien d’autres
: « Qui m’a établi sur vous pour faire vos partages ? » (Luc, 12 : 14) – énoncé exemplaire, car
le partage des propriétés – Montesquieu, Rousseau l’avaient vu avant Marx – a été la
naissance du droit.
- II Cependant, le droit ne peut plus être, de nos jours, figuré uniquement par une pyramide ou
une colonnade de normes : c’est aussi le champ où il pousse comme une herbe, fût-ce avec
l’aide des hommes, les juges d’équité en première ligne, mais également des hommes
quelconques, usagers, témoins, victimes du juridique, altérés de paix, de repos, de justice. Sur
cet espace de liberté, la religion qui est esprit peut souffler spontanément, aisément. Ce qui lui
ouvre des possibilités nouvelles, diverses et souvent inattendues, de participer au droit.
L’Évangile est fontaine de grâce. Aux côtés de la loi dont elle se croit l’antithèse, la grâce est
partie intégrante du système juridique. Il est des grâces institutionnalisées. La grâce royale,
présidentielle, c’est le prototype, et les menues grâces que les juges ont mission de faire
pleuvoir à bon escient sur le juste et l’injuste : délais de grâce en matière civile ; en matière
pénale, sursis qui est une grâce sous condition. Ce qui soulève, néanmoins, une question : si
d’être institutionnalisée, la grâce ne perd pas de sa diaphanité évangélique, si le calcul
utilitaire n’y étouffe pas les élans du cœur. Dans l’organisation politique et judiciaire de
21
l’Occident, les décideurs se doivent d’être logiques par profession, mais ils peuvent être
charismatiques (pour emprunter à des catégories wébériennes) par accident, c’est-à-dire par
grâce reçue pour être ensuite répandue.
C’est ainsi que, par instants, des bouffées d’indulgence remuent la surface des systèmes
juridiques, et les vocables que véhicule le phénomène – supplique, pardon, rémission,
rédemption – n’en dissimulent pas l’origine – l’origine chrétienne. Sans doute, les païens
aussi étaient cléments, mais ils l’étaient en empereurs. Les chrétiens le sont par grâce, et ils
sont capables d’une clémence anarchique. Qui ne refuse pas le passage à l’acte. La délivrance
des prisonniers ne relève pas de l’anecdote : c’est, pour la Révélation, avant ou après Esaïe,
une manière de dire le droit – Joseph, la sortie d’Égypte, Suzanne… – le thème court tout le
long de l’Écriture. Les prisons brisées, c’était une tapisserie qu’avec des scènes bibliques
Jeanne d’Albret, reine de Navarre, brodait à l’infini.
La religion aurait pu se contenter de ces échappées de justice divine au travers de la justice
humaine. Etait-il besoin d’organiser la justice divine en juridiction ? Mais c’est que l’homme
ne se résigne pas à ne posséder qu’une justice imparfaite. Il va s’évertuer à capter, pour la
ramener sur terre la vision que, pense-t-il, ne peut manquer d’avoir du juste et de l’injuste la
divinité omnisciente. Telle était l’intention des ordalies, du duel judiciaire, jugements de
Dieu. C’était au temps jadis, mais il en subsiste quelque chose dans le serment décisoire du
procès civil. Pour peu que nous en dégagions son ressort caché, en écartant la médiation qui
lui est laïquement infligée par morale de l’honneur interposée, c’est bien un recours à la
justice d’en haut. Aussi est-il des sectaires qui s’abstiennent du serment comme d’un
sacrement inouï, sacrement juridique, tentative pour mettre la main du droit sur le Tout Autre.
Ils ne récusent pas, au contraire, le jugement de Dieu – qu’ils espèrent ou redoutent – outretombe, outre-terre. Comment le récuseraient-ils ? Il est annoncé par l’Évangile.
S’ils hésitent, c’est que l’Évangile n’est pas seul à l’annoncer : le Styx était même plus
judiciaire. Antique ou moderne, il n’est guère de religion qui n’ait promis une justice de la vie
future comme une compensation, une revanche des injustices du droit positif. Les incrédules
ont beau jeu d’en rire : le bon billet pour faire prendre patience ! Mais les croyants n’ont pas
tort en répliquant que, dans un rapport où la matière et le temps sont abolis, l’ici-bas et l’audelà se soudent pour ne former qu’une même et immédiate justice.
J’ai lu récemment une introduction à l’étude du droit, d’une remarquable élévation de pensée,
où l’Auteur – il n’est pas français – au chapitre de la procédure, dressant le tableau des voies
de recours, au-dessus de l’appel, du pourvoi en cassation, a inscrit sans trembler le jugement
dernier, particulier, puis universel à la fin des temps. Qui oserait contredire ? C’est acte de foi.
Ceux qui ne croient pas au ciel ont le droit de tout nier. Ceux qui ne croient pas au droit – je
veux dire : à sa sublimité – s’étonneront seulement de retrouver du droit, encore du droit – un
prétoire, des balances, un centre d’observation, qui sait ? – à l’heure de s’enfoncer dans la
grande nuit, fût-elle étoilée.
En attendant, il faut tenter de vivre – vivre avec le droit tel qu’il est. Ceux-là même qui
accordent aux autorités de l’État pleins pouvoirs pour régir le royaume du monde doivent
admettre, en toute sérénité, que des révoltes peuvent surgir qui ont leur justification dans
l’autre royaume. Les deux enseignements ne se réunissent pas dans une relation d’exception à
principe : ce sont deux vérités égales, parce que pareillement enracinées dans l’Écriture. Ce
sont les rois qui font et disent le droit. Mais, en face, il advient qu’en temps imprévu, des
prophètes se lèvent, qui leur crient « Assez ! L’Éternel est actuel ! ». Israël a eu des prophètes,
des grands, des petits prophètes ; nous en eûmes aussi sous Louis XIV, dans les Cévennes.
C’était plus et moins qu’une insurrection : c’était un autre droit qu’ils fondaient, droit de
l’instant et d’un instant.
22
Que les juristes ne reconnaissent-ils la virtualité d’un droit prophétique ? J’ai entendu
l’expression sur les lèvres d’André Néher, l’historien inspiré du prophétisme juif. Le droit
prophétique, non pas l’absolue justice, qui est inaccessible, mais la dénonciation de l’injustice
absolue qui soulève le cœur. Singulier droit que celui-ci : il n’est pas donné d’avance, il est
créé par l’événement accompli, ex eventu, éventuellement. Par le cours de l’histoire,
traduiront les uns, par le jugement de Dieu, affirmeront les autres. C’est un droit de risques et
périls. Mais êtes-vous venus chercher, pour le droit, dans la religion une assurance ?
Doc. 3 / Valérie Lasserre, Droit et religion, Recueil Dalloz 2012 p. 1072
L'essentiel
L'attentat contre Charlie Hebdo, les récentes condamnations des femmes dissimulant leur
visage dans l'espace public, l'avis du Haut Conseil à l'intégration sur la religion dans
l'entreprise, la proposition de loi sur l'extension aux crèches privées et aux assistantes
maternelles de l'interdiction du voile ou les prières dans la rue ravivent la réflexion sur le
rapport entre droit et religion, entre démocratie et tolérance.
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure
l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de
religion. Elle respecte toutes les croyances » - L'article 1er de la Constitution française
formule de façon percutante la distinction entre la République et la sphère du religieux qui a
été consacrée par la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Eglises et de l'Etat mettant fin
au régime concordataire. La laïcisation de l'Etat, qui a suivi chronologiquement la
sécularisation du droit avec la Révolution française et la déconfessionnalisation de l'Etat, n'a
jamais fait disparaître la question religieuse. Celle-ci est au cœur de toute société quelle que
soit l'époque. Faut-il être surpris que, dans une société démocratique laïque comme la France,
les débats sur le fait religieux bénéficient d'une place centrale ? Jean Carbonnier a écrit que si
l'Etat et la religion ne peuvent pas s'ignorer, c'est sans doute parce que les droits positifs «
empruntent néanmoins, ne fût-ce que par la médiation de la morale ou des mœurs, à la
religion qui les entoure » (1). Le fait religieux est même d'autant plus omniprésent qu'il est
admis dans toute sa diversité ; laïcité emportant liberté de conscience et de religion, et donc
pluralisme.
Fait religieux. Liberté publique et rapports de droit privé (2) - Loi interdisant le voile
islamique dans les espaces publics, annulation judiciaire d'un mariage pour mensonge de la
mariée sur sa virginité, décisions de justice sur les caricatures de Mahomet, rapports des
pouvoirs publics sur les sectes, refus d'accorder la nationalité française à une femme pour
pratique radicale de sa religion dénotant un défaut d'assimilation, religion dans la famille,
dans l'entreprise, abattage des animaux selon les prescriptions religieuses, proposition
d'inscrire la loi de 1905 dans la Constitution, réflexions des partis sur la place des religions,
etc. L'actualité juridique démontre la nécessité pour les pouvoirs publics de prendre en compte
le fait religieux. Si l'on se focalise sur la liberté publique de conscience et de religion (qui
prend racine dans la Déclaration des droits de l'homme de 1789, a valeur constitutionnelle et
constitue une liberté fondamentale consacrée par les conventions internationales), la question
des interférences entre religion et droit est extraordinairement complexe. Tout d'abord, parce
que la neutralité de l'Etat emporte des obligations tant négatives (ne pas s'immiscer dans les
questions cultuelles et dans la vie privée des individus) que positives (obligation de garantir la
liberté de conscience et de religion tant au niveau individuel que collectif). Mais on ne sait pas
toujours quelle doit être la teneur de ces obligations dans les cas particuliers. Et ensuite, parce
23
qu'on se demande parfois quelle doit être la limite du pluralisme, de l'esprit de tolérance et
d'ouverture. Comment lutter contre le communautarisme que menace parfois d'entraîner la
religion ? Comment empêcher la liberté de religion de nuire à la liberté individuelle ? Quelle
place accorder à la manifestation de croyances religieuses dans l'espace public et dans les
rapports avec autrui ? Et c'est sans compter la difficulté pour l'Etat d'être neutre. Le poids
historique d'une religion ne fait-il pas obstacle à la neutralité effective de l'Etat ? Quant aux
relations de droit privé, elles sont également affectées par la religion en tant que fait social
auquel s'appliquent les règles générales. Mais aux conflits habituels entre droits subjectifs
s'ajoute une question spécifique : quand les limites apportées à la liberté de conscience et de
religion doivent-elles être considérées comme discriminatoires ? Seront donc envisagées, dans
une première partie, la portée du principe de laïcité de l'Etat et, dans une seconde partie,
l'appréhension du fait religieux par le droit privé.
I - La portée du principe de laïcité
Dans son rapport sur la laïcité de 2004 (3), le Conseil d'Etat a décliné la notion en trois
principes : celui de neutralité de l'Etat, qui sera examiné en premier lieu, et ceux de liberté
religieuse et de respect du pluralisme, qui seront étudiés en second lieu.
A - Neutralité de l'Etat
Le principe et le régime de la laïcité ont été instaurés dans la loi de 1905 (4), mais n'existent
que par leur mise en œuvre.
1 - Principe et régime de la laïcité
La République assure la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes, ne
reconnaît, ne salarie ni subventionne aucun culte - Que signifie exactement laïcité? C'est
dans un article célèbre que Jean Rivero y a répondu : « les textes législatifs, les rapports
parlementaires qui les commentent, les circulaires qui ont accompagné leur mise en
application ont toujours entendu la laïcité en un seul et même sens, celui de neutralité
religieuse de l'Etat » (5). Laïcité est synonyme d'impartialité de l'Etat - gage de l'égalité et de
l'absence de discrimination entre les cultes -, de discrétion de l'Etat - par la distinction de
l'autorité politique et de l'autorité religieuse - et d'obligation pour l'Etat d'assurer à chacun le
libre exercice de sa religion. Le régime juridique de la séparation de l'Eglise et de l'Etat se
base sur la garantie de la liberté de conscience et du libre exercice du culte, l'absence de
reconnaissance et de financement des cultes et sur les associations cultuelles destinées à
acquérir les biens cultuels (6). En bref, comme le disait Aristide Briand, « l'Etat n'est ni
religieux, ni antireligieux, il est areligieux ».
2 - Mise en œuvre de la laïcité
Enseignement libre. Dialogue. Lieux de culte - Trois exemples illustrent les relations entre
l'Etat et la religion. Tout d'abord, les institutions publiques d'intérêt général n'ignorent pas les
religions, comme en témoignent le financement par l'Etat des aumôneries dans les
établissements publics tels les collèges, les lycées, les hôpitaux et les prisons ou celui de
l'école privée confessionnelle partie intégrante du service public scolaire. Ensuite, l'Etat a
favorisé le dialogue avec les cultes religieux, par exemple avec la création en 2003 du Conseil
français du culte musulman (7). Enfin, la question du financement de la construction des lieux
de culte - surtout des mosquées trop peu nombreuses - se pose depuis plusieurs décennies
avec une acuité toujours plus vive (8). C'est au cas par cas et avec le renfort de circulaires
qu'elle a été résolue par les collectivités territoriales par le recours au droit commun, tels les
baux emphytéotiques administratifs et les garanties d'emprunt. L'application souple de la loi
de 1905 semble avoir rendu sa réforme inutile (9). Certains parlent à ce propos de la
24
métamorphose du principe de laïcité dans le sens d'une «laïcité ouverte, ou positive » (10).
Les cinq arrêts rendus par le Conseil d'Etat le 19 juillet 2011 démontrent le pragmatisme
libéral déterminant les décisions des pouvoirs publics à propos de la garantie du libre exercice
du culte (11).
Limites. Communautarisme. Société divisée - Dans les débats publics, la laïcité est aussitôt
invoquée dès que sont exprimées des revendications communautaristes ou prétendues telles.
Le Conseil constitutionnel a rappelé que les dispositions de l'article 1er de la Constitution aux
termes desquelles « la France est une République laïque » interdisent à quiconque de se
prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant les
relations entre collectivités publiques et particuliers et s'opposent « à ce que soient reconnus
des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, défini par une communauté d'origine, de
culture et de langue ou de croyance » (12). Mais où s'arrêtent les droits subjectifs fondés sur la
liberté de conscience et d'exercice du culte ? Où commence le communautarisme en tant que
rattachement si excessif à une communauté qu'il en devient une menace pour la cohésion
sociale (13) ? Cette question se pose notamment pour les horaires aménagés dans les piscines
municipales, les plats sans viande à la cantine, les emplacements confessionnels dans les
cimetières ou la revendication par certaines femmes d'être soignées par des femmes dans les
hôpitaux. La lutte contre le communautarisme ne risque-t-elle pas d'être liberticide ou
discriminatoire, alors que la Cour de cassation a rappelé récemment que le principe de laïcité
ne saurait justifier aucune discrimination (14) ? Les politiques canadiennes
d'accommodements raisonnables fondées sur l'égalité (pour lutter contre les discriminations
indirectes) et censées favoriser le multiculturalisme sont-elles meilleures (15) ? Faudrait-il
suivre les pays qui, prenant le contrepied de la neutralité, reconnaissent ouvertement un
nouveau droit subjectif à un traitement différencié au bénéfice de certains groupes religieux
sauf contrainte excessive (16) ? En France, la question du développement des « obligations
positives reposant sur les Etats de garantir un respect effectif du droit à la liberté religieuse
sans discrimination » (17) ne devrait pas être écartée sans examen.
B - Liberté de conscience et de religion et pluralisme
« Et que tout tremble au nom du Dieu qu'Esther adore ! » - Cette phrase résonne comme
un hymne à la tolérance, à la liberté de religion et au respect d'autrui. Le pluralisme est la
conséquence de la liberté de croire et du libre exercice des cultes consacrés tant dans la
Déclaration des droits de l'homme, que dans la loi de 1905 et dans les conventions
internationales, comme la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. La
Cour européenne des droits de l'homme, qui depuis 1993 a élaboré progressivement « un
véritable droit européen des religions » (18), y voit même l'une des assises d'une société
démocratique (19). De nombreux débats actuels conduisent à s'interroger sur la portée et les
limites de la tolérance. Tout est-il permis ? Les difficultés pour répondre à cette question se
rencontrent par exemple à propos des signes religieux ostensibles ou des mouvements
sectaires.
1 - Liberté religieuse et signes religieux
Voile. Ecole. Espace public - La liberté de manifestation individuelle, ainsi que la visibilité
de la religion dans les écoles et les espaces publics doivent-elles être illimitées ? Si, d'un côté,
il y a l'impératif de tolérance, de l'autre, certaines pratiques tel le port du voile par des jeunes
filles à l'école affichant une croyance en l'Islam, ou celui du voile intégral, ont pu sembler
remettre en cause la laïcité de l'Etat. Ces nouvelles questions allant bien au-delà de la
neutralité imposée aux fonctionnaires en vertu du principe de laïcité (20), les pouvoirs publics
25
en ont été saisis dans les années 80. En sept ans, deux lois prohibitives ont été adoptées. La
première, du 14 mars 2004, qui a interdit tout signe ostensible d'appartenance religieuse dans
les établissements scolaires publics, était principalement justifiée par la volonté de soustraire
les élèves aux pressions des pairs (21). La seconde, du 11 octobre 2010, interdisant la
dissimulation du visage dans l'espace public a été motivée par le danger pour la sécurité
publique, les exigences minimales de la vie en société et la situation d'exclusion et
d'infériorité dans laquelle se trouvent les femmes dissimulant leur visage, volontairement ou
non, manifestement incompatible avec les principes constitutionnels de liberté et d'égalité. A
l'occasion de la décision du Conseil constitutionnel (22) a ainsi été débattue l'existence d'un
nouvel ordre public élargi aux règles essentielles du contrat républicain qui fonde notre
société. Nul n'ignore que l'ordre public est en constante évolution. Pour un auteur, « il existe
bien un ordre public non matériel qui peut justifier des restrictions apportées aux libertés
individuelles, voire des interdictions générales et cet ordre public immatériel trouve un
fondement constitutionnel dans l'article 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen. C'est alors de la protection de la société et non seulement des libertés individuelles
qu'il s'agit » (23).
Cour européenne des droits de l'homme. Liberté de conscience et de religion et laïcité En matière de liberté religieuse, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a joué un
rôle immense. Elle est devenue, en moins d'une décennie, « la sentinelle avancée de la
protection de la laïcité qui semble naviguer, désormais, entre l'affirmation de la neutralité
religieuse de l'Etat et les exigences de la lutte contre le communautarisme » (24). On distingue
trois orientations dans sa jurisprudence. Premièrement, la CEDH a imposé le principe de
laïcité comme un objectif conforme aux valeurs sous-jacentes à la Convention (25). La
deuxième orientation consiste à garantir la liberté religieuse des citoyens même lorsqu'elle
investit l'espace public en l'absence de menace ou de pression sur autrui (26). Comme le
remarque un auteur, « tout ce qui choque ou dérange ne doit pas nécessairement être interdit,
au risque de stigmatiser une communauté religieuse » (27). Ce sont précisément les limites de
la liberté religieuse et le respect de la tolérance mutuelle dans une société démocratique qui
sont en cause avec l'interdiction de la dissimulation du visage dans l'espace public par le droit
français ou l'interdiction en Suisse des minarets (28). Troisièmement, la CEDH reconnaît aux
Etats une marge d'appréciation concernant la laïcité (29). Sa décision Lautsi 2, qui souligne la
symbolique culturelle de certains signes religieux, en l'espèce les crucifix dans les salles de
cours, incite aussi à se demander si la neutralité de l'Etat est possible, une question également
posée pour les mouvements sectaires. […]
II - Fait religieux et droit privé
Le fait religieux, en tant que fait de la vie sociale, ne peut être ignoré par le droit privé (34).
D'abord, parce que la discrimination fondée sur la religion est interdite, ce qui sera étudié en
premier lieu. Ensuite, parce que la religion peut entrer en conflit avec d'autres droits
subjectifs, ce qui sera envisagé en second lieu. […]
Conclusion - Qu'est-ce que la laïcité ? - Au milieu du XXe siècle, Jean Rivero disait que « le
mot va se gonfler de puissances multiples, d'aspirations et de refus mêlés » (51). Aujourd'hui,
ne régule-t-elle pas les manifestations les plus diverses de la liberté de religion ? La conquête
par la laïcité des rapports privés, après avoir conquis l'Etat tout entier, ne traduit-elle pas la
mobilité/malléabilité/potentialité du concept ? Il soulignait le rôle créateur de la jurisprudence
« pour faire, à partir de l'idéologie laïque, le droit positif de la laïcité » (52). Les
jurisprudences tant judiciaire et administrative qu'européenne ne composent-elles pas
collectivement déjà depuis plusieurs décennies le droit positif de la laïcité ? Il disait que «
26
l'idéologie laïque est, avant tout, une idéologie de combat » (53). A l'aube du XXIe siècle, la
virulence des discussions ne continue-t-elle pas avant tout de s'expliquer par le caractère
engagé et passionnel de la pensée laïque ? Il se demandait s'il fallait sacrifier « la liberté de
ceux qui croient à la peur de froisser ceux qui ne croient pas » (54). Cette question n'est-elle
pas quotidienne ? Avec ses emblèmes : le voile, les minarets et les prescriptions alimentaires.
Il écrivait que « la position de neutralité n'est pas aisée à définir, ni à tenir » (55). La neutralité
n'a-t-elle pas été conservée en tant que principe que concourent à aménager incessamment de
façon pragmatique des exceptions conçues au cas par cas ? Dans son Traité sur la tolérance,
Voltaire disait du « droit de l'intolérance » qu'il était « absurde et barbare ». Les débats sur le
respect de la laïcité et la liberté de conscience et de religion ne devraient-ils pas toujours être
guidés par l'idéal de tolérance mutuelle et le respect du pluralisme, l'esprit de la démocratie et
la recherche de la paix sociale ?
Doc. 4 : règle de droit et règle morale / Par le Professeur Henri MAZEAUD / (extrait de
son Cours de droit civil, licence 1e année – Les Cours de droit 1954-1955)
Il est indispensable, pour que la vie en société soit possible, qu’il existe une règle, une
règle de conduite. Si chacun de nous suivait son bon plaisir, chacun deviendrait un ennemi
pour son voisin. Mais si la nécessité d’une règle de conduite est incontestable, il est par contre
plus difficile de préciser à quels besoins répond exactement cette règle de conduite.
En réalité, cette règle s’impose à nous pour deux raisons ; elle s’impose, d’une part pour
faire régner la justice, et, d’autre part, pour donner la sécurité.
- La règle de droit s’impose d’abord pour faire régner la justice. Le besoin de justice est
l’un des plus élémentaires et l’un des plus impérieux que nous ressentions. Il existe déjà chez
l’enfant ; dès le plus jeune âge l’enfant se révolte contre l’injustice, et ce sentiment demeure
également puissant chez l’adulte : nous ne pouvons admettre un acte qui ne paraît se justifier
que par la force de celui qui l’accomplit ; il y a contre cet acte une révolte de notre
conscience, et ce n’est pas là seulement une simple réaction de tendance morale ; nous
réagissons ainsi parce que nous savons que la vie en société serait impossible si les plus forts
pouvaient écraser les plus faibles.
- La règle de droit est également nécessaire pour nous donner la sécurité, car, pour vivre
en société, l’homme a encore plus besoin de sécurité que de justice. Nous pouvons à la
rigueur vivre sous une règle que nous estimons injuste, du moins faut-il que nous
connaissions la règle sous laquelle nous vivons ; il faut, en effet, que quand nous
accomplissons un acte nous sachions quelles seront exactement les conséquences de cet acte.
Ce besoin de justice, et surtout ce besoin de sécurité, sans la satisfaction desquels la vie
en société est impossible, obligent à tracer une règle de conduite.
Mais il y a deux disciplines qui proposent aux hommes des règles de conduite ; il y
a la morale, et il y a le droit. Alors une question se pose : est-ce que la morale n’est pas une
règle suffisante, est-ce qu’il est nécessaire d’avoir, à côté de la règle morale, une règle de
droit ? C’est nécessaire, parce que la règle morale ne peut à elle seule, gouverner une
27
société, et cela pour trois raisons :
1° - La règle morale n’a qu’une sanction d’ordre intérieur, qu’une sanction morale, sanction
qui, malheureusement, n’est pas de nature à effrayer beaucoup de personnes, à les empêcher
d’enfreindre la règle, et à les obliger à réparer les conséquences de leurs infractions à cette
règle. Il faut donc qu’une autre règle - et c’est la règle de droit - vienne créer une sanction
plus efficace, qui, elle, contraindra matériellement les individus à ne pas faire ce qui est
défendu, une sanction qui frappera ceux qui ont enfreint la règle et qui les obligera à réparer
les conséquences des actes contraires à la règle.
Cette contrainte, qui est ainsi la caractéristique essentielle de la règle de droit, et qui
différencie la règle de droit de la règle morale, se manifeste, pour nous en tenir au droit civil,
sous trois formes essentielles :
- Tantôt sous une forme directe, brutale ; la force publique va intervenir directement
pour faire respecter la règle. Lorsqu’un enfant quitte le domicile paternel et va ainsi à
l’encontre de la règle de droit qui veut que l’enfant habite avec ses parents, le père pourra
faire ramener cet enfant au domicile paternel par les gendarmes, manu militari. C’est ici la
contrainte directe, mise en oeuvre pour faire respecter la règle de droit.
- Tantôt la sanction consiste à supprimer l’acte qui a été accompli contrairement à la
règle. Cette sanction est ce que l’on appelle la nullité : l’acte est nul. Par exemple, il y a une
règle de droit selon laquelle le mariage doit être célébré devant l’officier d’état civil ; le
mariage qui ne serait pas célébré devant l’officier d’état civil, serait nul ; il n’y aurait pas de
mariage.
- Tantôt encore, la sanction va consister dans la condamnation de celui qui a agi contre
la règle à réparer les conséquences de son acte. Un conducteur d’automobile, à la suite d’un
excès de vitesse, renverse et blesse un piéton ; il doit réparer les conséquences de son acte ; il
doit verser des dommages-intérêts, une somme d’argent, pour réparer le préjudice qu’il a
causé. C’est ce que l’on appelle la responsabilité civile.
Il y a aussi la responsabilité pénale, qui est également une sanction des règles de droit ;
non plus des règles du droit civil, mais du droit pénal, sanction qui consiste en des
condamnations corporelles ou pécuniaires, en des amendes qu’il ne faut pas confondre avec
les dommages-intérêts. L’amende est une peine, elle est versée au Trésor, tandis que les
dommages-intérêts sont une réparation ; ils sont versés à la victime pour réparer le dommage
qui lui a été causé.
Une sanction juridique est donc indispensable ; on ne peut pas se contenter, pour
organiser la vie en société, d’une sanction d’ordre moral.
Mais faut-il conclure de là que, à côté de la règle de morale, il soit nécessaire de créer
une règle de droit ? Ne pourrait-on pas se contenter d’ajouter à la règle de morale une sanction
juridique, autrement dit de faire respecter par la contrainte la règle de morale ?
28
Ce ne serait pas possible, car il y a deux autres raisons pour lesquelles la règle de morale
est inapte à gouverner les hommes en société.
2° - C’est d’abord que la règle de morale est d’une nature trop haute ; du moins en est-il ainsi
de la règle de morale chrétienne. Cette règle de morale est fondée en effet sur la charité, sur
l’amour du prochain ; elle est résumée, on le sait, dans le Sermon sur la Montagne, et se
retrouve à chaque page de l’Évangile. C’est l’amour du prochain qui doit nous conduire à
rendre le bien pour le mal : « Si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre.
À qui veut te citer en justice, et te prendre ta tunique, laisse encore ton manteau" (St.
Matthieu, V,44). C’est là la distinction fondamentale avec la morale de l’Ancien Testament
dominé par le principe : « Oeil pour oeil, dent pour dent ».
Il y a deux idéaux différents l’idéal de charité, et l’idéal de justice ; le nouvel idéal,
l’idéal de charité, dépassent évidemment l’idéal de justice. La doctrine chrétienne enseigne
que nous ne devons pas nous contenter d’être justes envers le prochain, qu’il faut encore la
charité qui est au-delà de la
justice. On peut dire que l’homme chrétien n’a pas seulement à être juste, qu’il a aussi à être
bon. Il faut, si l’on veut être juste, rendre à chacun ce qui lui est dû ; mais il faut ensuite, et
c’est un degré plus élevé, être charitable au-delà de la justice, c’est-à-dire savoir ne pas exiger
son dû, supporter l’injustice, savoir rendre le bien pour le mal.
Alors la question qui se pose à nous est de savoir si la règle de droit, la règle dont le but
est de permettre aux hommes de vivre en société, peut poursuivre cet idéal de justice et de
charité, ou si elle est obligée de se contenter d’atteindre l’idéal de justice. Il n’est pas douteux
que la règle de droit se trouve obligée de s’arrêter au premier stade, au stade de la justice.
Pour que la vie en société soit possible, il faut établir la justice dans les rapports entre les
hommes, il faut que chacun rende à autrui ce qui lui est dû, il faut que celui qui fait tort à
autrui soit puni. L’idéal de charité ne peut pas être poursuivi sur le plan social, parce que, si la
règle de droit était la règle de charité, comme malheureusement les hommes ne sont pas
parfaits, ce serait l’anarchie dans la société. L’idéal de charité ne peut être un idéal que sur le
plan individuel, dans nos consciences ; il ne peut être qu’une règle de conduite individuelle.
C’est ce que l’on peut exprimer en disant que la justice est une nécessité sociale, et une
« triste » nécessité sociale puisque la règle de droit ne peut pas dépasser ce stade de la justice.
C’est ce qu’exprime Romano Guardini (Le Seigneur, t. I, p. 341) : « La justice est l’ordre, non
des choses et des forces, mais des relations entre personnes humaines ».
La règle morale est donc trop haute pour gouverner la société, pour qu’elle dépasse la
justice, et c’est la raison pour laquelle il faut qu’il existe, à côté d’une règle morale, une règle
de droit.
3° - Mais il est une autre raison pour laquelle la règle de morale ne suffit pas ; c’est qu’elle ne
peut pas contenir une réglementation suffisamment complète, suffisamment précise, pour
donner aux hommes cette sécurité dont ils ont besoin pour vivre en société. Il faut en effet,
29
non seulement que nous connaissions les règles qui nous régissent, mais que nous les
connaissions dans leur détail. Il faut que chaque fois que nous agissons nous sachions quelles
seront les conséquences de nos actes. Or, la morale se contente de tracer de grandes règles, de
poser de grands principes, et elle ne peut pas procéder autrement parce qu’elle varie avec
chaque conscience. On ne peut pas demander à l’un ce que l’on peut demander à l’autre. C’est
donc une règle nécessairement floue, nécessairement vague, très générale.
Ces grands principes suffisent pour guider notre conscience, mais ils ne suffisent pas
pour nous donner la sécurité dont nous avons besoin dans la vie civile. Par exemple, la règle
de morale nous dit, « n’achetez pas à vil prix », ou « ne vendez pas à un prix excessif » ; mais
nous avons besoin de savoir dans quels cas le contrat de vente que nous passons risque d’être
nul parce que nous avons acheté trop bon marché, ou parce que nous avons vendu trop cher.
Si nous ne pouvons pas le savoir, il n’y aura plus aucune sécurité dans la vie juridique ; nous
ne saurons jamais si le contrat de vente que nous venons de passer est valable ou nul, s’il
risque ou non d’être annulé. Nous avons besoin de savoir exactement ce qui est permis et ce
qui est défendu, la loi française dispose qu’il est défendu d’acheter un immeuble pour moins
des 7/12 de sa valeur. Pour que la lésion fasse tomber le contrat de vente d’immeuble, il faut
que la lésion subie par le vendeur dépasse les 7/12 de sa valeur. C’est une règle précise, et
ainsi nous sommes fixés. La morale, évidemment, ne peut pas, elle, nous donner des règles de
cette nature.
Voilà donc la différence entre la règle de droit et la règle de morale :
La règle de morale a pour but de nous dire ce qui est juste, et aussi ce qui doit être fait
par chacun de nous au-delà de la justice, sur le terrain de la charité.
La règle de droit, elle, a pour but à la fois d’obliger à respecter ce qui est juste, sans
pouvoir dépasser la justice, et de nous donner la sécurité.
Séance 3
Thème : Les sources de la règle de droit
Sous-thème : La hiérarchie des normes
Travail à faire
- Lire les documents
- Faire la dissertation
Sujet : L’autorité des traités en droit interne
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE
-
NDOYE (D.), La Constitution du Sénégal du 22 janvier 2001 commentée, EDJA,
2011.
30
-
-
-
Le texte de la Constitution du Sénégal est disponible sur le site du gouvernement du
Sénégal : (www.gouv.sn).
MALAURIE (Ph.) et MORVAN (P.), Droit civil, Introduction générale, Defrénois,
coll. « Droit civil », 3è éd., 2009.
MAZEAUD (H., L. et J.) et CHABAS (F.), Leçons de droit civil : Introduction à
l’étude du droit, Montchrestien, 12è ed., 2000.
TERRE (F.), Introduction générale au droit, Dalloz, coll. « Précis », 8è éd., 2009.
(Ouvrage recommandé pour cette séance).
CAMARA (G.), Communication de la cour de cassation du Sénégal, in les actes du
colloque de Ouagadougou 24-26 juin 2003 sur l’application du droit international
dans l’ordre juridique interne des Etats africains Francophones – Les cahiers de
l’association Ouest Africaine des hautes juridictions francophones, pp. 296-299.
(Document disponible à la salle de lecture de la FSJP).
NEIRINCK (C.) et MARTIN (P.-M.), Un traité bien maltraité. A propos de l’arrêt
Le Jeune, JCP 1993, I, 3677.
Cass. 1re civ. 13 juillet 2005, D. 2006, jur. P. 554, note F. Boulanger.
SALL ( A.), Les débuts des cours de justice de la CEDEAO et de l’UEMOA : propos
sur la faiblesse du droit jurisprudentiel de l’intégration en Afrique de l’Ouest,
Nouvelles Annales Africaines, n° 1/2010, pp. 5-72 (disponible au CREDILA)
KAMARA (M.), De l’applicabilité du droit international des droits de l’homme dans
l’ordre juridique interne, RJP 2011, n° 1 janv.-fév. 2011, pp. 76-127 (disponible à la
salle de lecture de la FSJP)
Documents
Doc. 1 / Constitution du Sénégal
Préambule Constitution
« Le Peuple du Sénégal souverain, …
Affirme :
— son adhésion à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et aux
instruments internationaux adoptés par l’Organisation des Nations Unies et l’Organisation
de l’Unité africaine, notamment la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10
décembre 1948, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à
l’égard des femmes du 18 décembre 1979, la Convention relative aux Droits de l’Enfant du
20 novembre 1989 et la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 27 juin
1981 » ; …..
Art. 97 : « Si le Conseil Constitutionnel a déclaré qu’un engagement international comporte
une clause contraire à la Constitution, l’autorisation de le ratifier ou de l’approuver ne peut
intervenir qu’après révision de la Constitution ».
Art. 98 : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une
autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son
application par l’autre partie ».
Doc. 2/ Convention de Vienne sur le droit des traités (faite à Vienne le 23 mai 1969, entrée
en vigueur le 27 janvier 1980), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1155, p. 331
Article 26 / pacta sunt servanda
Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi.
31
Art. 27 / droit interne et respect des traités
Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non
exécution d’un traité. Cette règle est sans préjudice de l’article 46.
Article 46 / dispositions du droit interne concernant la compétence pour conclure des
traités
1. Le fait que le consentement d’un Etat à être lié par un traité a été exprimé en violation
d’une disposition de son droit interne concernant la compétence pour conclure des traités ne
peut être invoqué par cet Etat comme viciant son consentement, à moins que cette violation
n’ait été manifeste et ne concerne une règle de son droit interne d’importance fondamentale.
2. Une violation est manifeste si elle est objectivement évidente pour tout Etat se comportant
en la matière conformément à la pratique habituelle et de bonne foi.
Doc. 3. Extrait de Pascal Puig / Hiérarchie des normes : du système au principe - Revue
trimestrielle de droit civil 2001, Chroniques p. 749
(…) En fondant la validité d'une norme juridique sur le respect d'une procédure de création
prescrite par une norme supérieure - et, en dernier lieu, par la norme fondamentale - le
système kelsénien conduit le droit à organiser lui-même sa propre production (6) et, par cette
« autorégulation » (7), à se réaliser par degrés successifs. La norme de degré supérieur ne
pouvant tout prévoir (8), c'est à celles de niveau inférieur qu'il revient d'apporter les précisions
utiles, et ainsi de suite jusqu'aux normes à caractère individuel et aux actes de pure exécution
matérielle. La détermination du droit s'opère ainsi par étapes successives en descendant du
sommet vers la base de la pyramide des normes. A ce schéma théorique correspond en France
un mode de régulation juridique fondé sur la suprématie de l'Etat et gouverné, dans une large
mesure, par une Administration dont l'omnipotence a atteint sous la Ve République des
proportions inquiétantes (9). Que ce système ait engendré une augmentation considérable du
volume des textes et participé au naufrage du droit commun en favorisant la spécialisation des
branches du droit n'est plus à démontrer.
En revanche, le « système dynamique de normes » auquel correspondent, selon Kelsen,
les ordres juridiques (10), n'aurait guère dû favoriser une inflation des contrôles au-delà du
seul respect des conditions de création de la norme. L'auteur distingue en effet deux systèmes
de normes, l'un de type statique, l'autre de type dynamique. Dans le premier, la validité des
normes résulte de la conformité de leur contenu à celui d'une norme supérieure, si bien que
chacune d'elles se trouve subsumée sous le fond d'une autre « comme le particulier sous le
général » (11) jusqu'à la norme fondamentale qui les contient toutes. Une telle hiérarchie
matérielle peut, selon l'auteur, être observée dans l'ordre moral où, par exemple, l'interdiction
du mensonge, de la tromperie ou du parjure peut être déduite de la norme plus générale qui
ordonne la sincérité (12). C'est donc par voie d'opération logique, en concluant du général au
particulier, que les normes peuvent se déduire l'une de l'autre.
A cette hiérarchie statique, Kelsen oppose un système dynamique dans lequel une norme
n'est pas valable parce qu'elle a un certain contenu mais parce qu'elle a été créée
conformément à ce que prescrit une norme supérieure, jusqu'à la norme fondamentale
supposée qui ne contient rien d'autre que « l'habilitation d'une autorité créatrice de normes »
32
(13). Dans un tel système, les seuls contrôles de validité auxquels les normes sont susceptibles
d'être soumises portent sur le respect de leur procédure de création puisque « n'importe quel
contenu peut être droit » (14). En cas de contrariété, peut alors être constatée la nullité de la
norme (15), c'est-à-dire son inexistence en tant que telle (16). Mais dès l'instant que ses
conditions de création ont été respectées, sa validité ne saurait, en principe, être contestée
alors même que son contenu se révélerait contraire à celui prescrit par une norme de niveau
supérieur. La pensée kelsénienne conduit ainsi à opérer une distinction fondamentale entre
validité et conformité (17) de laquelle il résulte qu'une norme valable, au sens où les
conditions qui règlent sa production ont été respectées, peut très bien n'être pas conforme au
contenu que prescrivent les normes de degré supérieur.
L'insigne mérite de cette proposition est de préserver la cohérence de la hiérarchie des
normes malgré la contrariété de fond d'une norme avec les degrés supérieurs de l'ordre
juridique, la validité n'impliquant pas la conformité. Dans cette perspective, il paraît quelque
peu difficile d'imputer au succès du normativisme l'accroissement des contrôles que connaît
notre droit positif, lesquels s'intéressent essentiellement à la conformité matérielle des
normes. L'analyse peut toutefois sembler bien insuffisante à ceux qui recherchent dans
l'organisation hiérarchisée des normes une cohérence substantielle. Or c'est bien ainsi qu'est
généralement comprise la hiérarchie des normes et c'est la raison pour laquelle le mouvement
normativiste a indirectement engendré cette inflation des contrôles.
3. Il est vrai que la théorie pure de Kelsen pouvait paraître sur ce point bien décevante et
que, séduits par la représentation pyramidale de l'ordre juridique, les juristes ont pu avoir la
tentation de l'adapter (18). En séparant les normes de leur contenu, en leur reconnaissant une
existence juridique indépendamment de tout jugement de valeur, elle conduit à « détacher le
droit de la société nourricière » (19) et s'installe, en définitive, « à côté du droit » et du
raisonnement juridique (20). Cette neutralité tant critiquée du kelsénisme conduit des auteurs
à n'y voir « qu'une théorie, et non une philosophie du droit » (21). Mais il est également vrai
que cette théorie comprend des nuances que les synthèses et le temps ont eu parfois tendance
à gommer. Ainsi le maître autrichien envisage-t-il assez largement la possibilité « qu'un seul
et même système de normes combine le principe statique et le principe dynamique » de telle
sorte que si les « ordres juridiques ont pour l'essentiel un caractère dynamique », il est
fréquent qu'une norme règle à la fois la création et le contenu des normes subordonnées (22).
Dans cette perspective, la validité ne tient plus seulement au respect de la procédure d'édiction
mais également à une correspondance de fond. Ainsi la théorie kelsénienne apparaît-elle déjà
plus directement à l'origine des nombreux contrôles de conformité (…). Suite V. le document
sur le site de la FSJP).
Doc. 4. Extrait de l’Arrêt Administration des Douanes c/Cafés Jacques Vabre – H.
Capitant, F. Terré et Y. Lequette, Grands arrêt de la jurisprudence civile, tome 1, 12è
éd., 2007, p. 28.
MAIS ATTENDU QUE LE TRAITE DU 25 MARS 1957, QUI, EN VERTU DE
L’ARTICLE SUSVISE DE LA CONSTITUTION [art. 55], A UNE AUTORITE
SUPERIEURE A CELLE DES LOIS, INSTITUE UN ORDRE JURIDIQUE PROPRE
33
INTEGRE A CELUI DES ETATS MEMBRES ;
QU’EN RAISON DE CETTE SPECIFICITE, L’ORDRE JURIDIQUE QU’IL A CREE EST
DIRECTEMENT APPLICABLE AUX RESSORTISSANTS DE CES ETATS ET S’IMPOSE
A LEURS JURIDICTIONS ; QUE, DES LORS, C'EST A BON DROIT, ET SANS
EXCEDER SES POUVOIRS, QUE LA COUR D'APPEL A DECIDE QUE L'ARTICLE 95
DU TRAITE DEVAIT ETRE APPLIQUE EN L'ESPECE, A L'EXCLUSION DE
L'ARTICLE 265 DU CODE DES DOUANES, BIEN QUE CE DERNIER TEXTE FUT
POSTERIEUR; D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN EST MAL FONDE; (…) – Par ces motifs,
rejette… (V. l’arrêt à la salle de lecture de la FSJP).
MÉTHODOLOGIE DE LA DISSERTATION JURIDIQUE
Si les étudiants semblent avoir une certaine familiarité avec la dissertation (dissertation
littéraire, philosophique), il faut remarquer que la dissertation juridique présente un certain
nombre de particularités liées bien sûr à la matière mais aussi à la construction. L’épreuve
écrite de dissertation juridique, parfois appelée « sujet théorique », n’est pas un devoir de
récitation du cours.
Il ne s’agit pas de reproduire des connaissances d’ailleurs plus ou moins bien comprises mais
de réfléchir à un sujet, en utilisant certes les connaissances acquises pendant l’année, mais
surtout en élaborant une réflexion personnelle et, en ce sens, originale. Dès lors, la
dissertation ne fait pas seulement appel à la mémoire, mais surtout à l’intelligence et à la
réflexion. Il est donc vain de tenter de rapprocher le sujet à traiter de tel ou tel chapitre du
cours, voire de telle section ou de tel paragraphe.
En effet, l’approche analytique qui est celle d’un cours diffère sensiblement de celle
synthétique qui est exigée dans une dissertation. La dissertation est une démonstration :
l’étudiant doit livrer au correcteur son approche de la question posée, en la justifiant par des
considérations juridiques. Dès lors, un bon devoir ne doit pas se limiter à une explication
technique des mécanismes juridiques discutés. Il doit indiquer en outre comment ces
mécanismes se rattachent au sujet, et pourquoi tel mécanisme est cité à tel endroit de la
démonstration et pas ailleurs.
La dissertation juridique est donc un exercice délicat et nécessite alors un effort de
préparation sérieuse et de construction rigoureuse avant la rédaction.
I- La préparation
Lecture du sujet
Cela semble banal de le préciser et pourtant une mauvaise compréhension du sujet découle
souvent de sa lecture en diagonal.
Imposez-vous plusieurs lectures articulées et concentrées, ne laissant rien passer.
Ne vous braquez pas sur un mot en négligeant l’expression entière (« l’action en nullité »
n’est pas le même sujet que « la nullité »).
Des termes comme comparer, commenter, discuter, analyser ou montrer vous indiquent et
vous imposent un certain genre d’exercice.
34
Analyse du sujet
Une étape à ne pas négligez, elle seule vous permet de cerner la problématique soulevée par le
sujet pour ensuite bâtir un plan détaillé adapté.
Une analyse rigoureuse vous garantit de ne pas passer à côté du sujet ou de traiter
partiellement le sujet.
-
Concentrez-vous d’abord sur la forme du sujet
Le sujet d’exposition
Le sujet d’exposition est l’exercice le plus simple, qui consiste à exposer une question
déterminée du programme de l’examen. En général, la question a été traitée en une seule fois
dans le cours. Cependant, pour éviter l’écueil d’une récitation mot à mot, il conviendra de
personnaliser le devoir. Cet effort de réflexion s’exprimera essentiellement dans la
construction du plan à partir de la problématique qui intéresse le sujet. Si la question dans le
cours a été décrite de manière linéaire en une suite de quatre ou cinq éléments par exemple, il
est indispensable de réunir ces éléments sous la forme d’un plan binaire. Si la question a été
traitée sous un plan classique en deux parties, il faudra rechercher si un autre plan n’est pas
concevable. A défaut, il sera toujours possible de rendre plus suggestifs les intitulés du plan
du cours.
Exemple de sujet d’exposition : l’application de la loi dans le temps en matière de contrats ;
la notion de patrimoine, etc.
Le sujet de synthèse
Le sujet de synthèse nécessite de réunir plusieurs questions réparties dans l’ensemble du
programme. Dans ce cas, il faut éviter le piège qui consiste à ne traiter que le premier aspect
du sujet qui vient immédiatement à l’esprit. Il faut prendre le temps pour visionner tout le
cours et dresser l’inventaire complet des questions qui se rapportent au sujet. Ensuite, il
convient de réaliser une synthèse de ces questions.
Exemple : la vérité en droit civil ; la fidélité dans le couple, etc.
Le sujet de comparaison
Le sujet de comparaison est une espèce de sujet de synthèse. Il conduit à examiner deux
notions qui, souvent, ont été présentées séparément dans le cours. Cependant, l’exercice se
complique car il est indispensable d’examiner ces notions en parallèle. Autrement dit, il ne
s’agit pas de deux sujets descriptifs distincts mais d’un seul et unique sujet de synthèse.
Parfois ce genre de sujet est clairement énoncé dans l’intitulé.
Par exemple : « comparez le droit et la morale ».
D’autres fois, il peut être déduit de l’utilisation dans l’intitulé de la conjonction de
coordination « et ». Par exemple : « Propriété et possession ». Cependant, l’emploi du mot
35
« et » n’est pas toujours synonyme d’un sujet de comparaison entre les deux éléments qu’il
relie. Souvent, il a pour objet d’inviter l’étudiant à réfléchir sur l’influence que peut exercer
l’un des éléments sur l’autre. Par exemple : le mariage en droit sénégalais et les conventions
internationales.
-
Analysez les termes clés puis délimitez le sujet
L’observation d’étudiants composant une épreuve écrite révèle une obsession pathologique à
trouver le plan parfait dans les cinq minutes qui suivent la distribution des sujets.
Faute de vous concentrer un quart d’heure sur l’analyse détaillée et la délimitation du sujet,
vous perdez un temps considérable à tester des plans bancals en cherchant davantage à caser
votre cours qu’à traiter la problématique. Vous vous contentez de réciter sans les trier ni les
organiser des connaissances parfois sans rapport direct avec le sujet. Mais ce n’est pas ce
qu’attend le correcteur ! Vous devez lui montrer que vous savez réfléchir et structurer votre
pensée.
Ne faites pas l’impasse sur l’analyse et la délimitation du sujet. Non seulement cette
étape fondamentale prévient le risque de hors sujet mais surtout met en lumière la
problématique à soulever ainsi qu’une ébauche de plan. Une analyse correctement
menée est la clé d’une dissertation réussie.
Pour une analyse efficace du sujet, sélectionnez puis définissez les termes clés. Décomposez
ensuite les définitions obtenues afin de repérer les points importants sous-entendus par le
sujet. Vous examinerez ces points lors de l’élaboration du plan détaillé.
Le piège, à ce stade de la préparation, est de restreindre arbitrairement le sujet ou de partir sur
une mauvaise voie en ne recherchant pas une définition exacte et complète de chaque terme.
Soyez attentif à tous les termes du sujet. Procédez par conséquent à une étude sémantique,
consistant à définir les mots importants, puis à une analyse grammaticale. Les articles définis
ou indéfinis, les mots de liaison comme « ou », « et », les adverbes et les signes de
ponctuation ne sont pas là par hasard ! Ils influent considérablement sur le sens du sujet.
Tenez également compte des temps et des modes employés. Attention ! La plupart des hors
sujets résultent de la négligence d’un terme ou d’un indice grammatical. Rater un examen,
une année universitaire, parce qu’on a confondu un « et » avec un « ou », alors que l’on
connaissait son cours sur le bout des doigts, il y a de quoi « se mordre les doigts » !
Pour gagner du temps lors de la recherche de la problématique, analysez le sujet sous forme
de tableau ou de schéma de manière à confronter les informations. La problématique naît en
effet de cette confrontation. La mise en valeur des contradictions soulevées par le sujet vous
permet de cerner et de formuler plus rapidement cette problématique.
-
Recherche et formulation de la problématique
Une fois l’analyse du sujet achevée, vous possédez déjà une idée de la problématique, c’est-àdire de la question importante et sujette à discussion que vous devez traiter. Selon l’intitulé du
sujet, cette problématique est plus ou moins apparente. Mais, même sous-jacente, elle doit
36
vous « sauter aux yeux » à ce stade de préparation si votre analyse a été correctement menée.
Il s’agit maintenant de la préciser et de la formuler correctement.
Relisez encore le sujet afin de vous assurer que vous ne partez pas sur la mauvaise voie. Puis
reprenez les éléments dégagés par l’analyse et repérez les contradictions qui en résultent.
Dégagez ensuite le fil qui unit ces contradictions. Ce fil constitue la problématique, c’est-àdire la question importante et digne d’intérêt que vous devez soulever. Pour vous aiguiller,
remémorez-vous aussi les points importants et les débats soulignés par le professeur lors du
cours relatif au thème abordé. Les sujets de dissertation ont quasiment toujours été évoqués
et/ou partiellement traités en cours.
La problématique est identifiée, il faut maintenant la formuler. Attention, il ne s’agit pas de
reprendre le sujet sous la forme d’une question ! Vous l’avez constaté, l’identification de la
problématique est le fruit d’un long processus de réflexion. Vous devez exposer le résultat de
ce processus. Votre formulation doit être dynamique. Cela signifie que vous devez mettre en
relief la problématique en expliquant son intérêt et l’enjeu des différentes réponses que l’on
peut y apporter. Pour trouver les éléments de mise en relief, prenez du recul face au sujet en
vous demandant pourquoi il vous est posé aujourd’hui et si les données du problème ont ou
vont évoluer ? Procédez par conséquent à une mise en perspective dans le temps et dans
l’espace du sujet.
Vous replacerez la problématique dans l’introduction que vous rédigerez une fois le plan
détaillé bâti. Cependant, formulez-la clairement avant la construction du plan car ce
dernier doit justement répondre à la problématique. Les intitulés des deux grandes parties
doivent renvoyer directement à la problématique. De bons intitulés doivent permettre de la
retrouver sans se référer à l’introduction.
-
Recensement des idées et des connaissances
Vous avez maintenant défini et précisé l’objet de votre développement. Il s’agit d’exposer en
deux axes votre réponse à la problématique que vous venez d’identifier.
Votre position personnelle, c’est-à-dire le message que vous voulez faire passer au moyen de
votre démonstration, constitue le fil directeur de votre devoir. Elle va donc orienter les
intitulés dans un sens ou un autre. L’exposé de votre réponse à la problématique doit être
organisé en deux axes (très exceptionnellement trois), en d’autres termes structuré autour d’un
plan, mais aussi justifié et illustré. En droit, encore plus que dans d’autres disciplines, vos
affirmations n’ont de valeur que si elles reposent sur des éléments objectifs. Affirmer sans
justifier revient à ne rien dire.
Afin de trouver les différents éléments qui servent de support à votre démonstration, reprenez
les points dégagés lors de l’analyse du sujet. Puis remémorez-vous votre cours, vos TD et vos
lectures en notant toutes les données qui se rapportent directement où indirectement au sujet.
Procédez à des associations d’idées.
II- La construction
La dissertation juridique comprend :
37
Une introduction,
Un plan (avec des développements bien sûr) en deux parties, elles-mêmes subdivisées en
deux sous-parties.
En revanche, ne vous donnez même pas la peine de pensez à la conclusion, car au premier
cycle on préfère l’occulter. Il n’y a pas de conclusion.
A. Les étapes de l’introduction
L’introduction est très certainement la partie la plus importante de la dissertation. Pour les
chasseurs de points, sachez qu’elle permet de récupérer un nombre conséquent de points
lorsqu’elle est bien construite. L’introduction ne doit être ni trop longue, ni trop brève (elle
doit représenter environ le 1/3 du devoir). Alors comment construire une bonne introduction
ou en tout cas une introduction qui puisse être satisfaisante.
L’introduction doit répondre aux trois grandes questions suivantes :
De quoi dois-je parler ?, Pourquoi dois-je parler de ce sujet ? Et comment vais-je parler
du sujet ?
De quoi dois-je parler ?
Il s’agit à ce stade de procéder à la présentation du sujet : l’étudiant doit amener et poser le
sujet, définir les termes du sujet et délimiter le sujet s’il y a lieu.
*1- Amener et poser le sujet
Amener le sujet
C’est la phrase d’accroche, encore appelée l’entrée en matière
Il s’agit de situer progressivement la question à traiter dans l’ensemble de la matière, en
centrant jusqu’à la cerner avec précision. C’est la méthode de l’entonnoir. Cependant, il faut
éviter de prendre la question de trop loin ou de trop haut, ce qui retarderait à l’excès l’étude
du sujet lui-même (par exemple il ne faut pas décrire toutes les sources de la règle de droit
avant d’en arriver à la jurisprudence ou encore, il ne faut pas exposer la règle de droit à
propos de l’étude de la preuve des droits subjectifs). Il faut essayer aussi de se distinguer en
proposant parfois une accroche qui va dans le sens du cours qui vous a été dispensé, mais qui
provient d’une autre source. Vous prouverez en outre que vous avez fait des recherches, donc
fourni un travail qui donne une valeur ajoutée à votre devoir. Citer le professeur de cours
magistral ou le chargé de TD n’est pas conseillé.
Exemple d’entrée en matière par la méthode de l’entonnoir (sujet : l’abrogation de la
loi par désuétude)
Situer la question consiste à la placer dans le cadre général des sources du droit positif et,
parmi ces sources, la loi (dont on mentionnera la prééminence), puis à propos de la loi, à
poser la question de sa durée d’application, de son abrogation en général, et enfin du cas
particulier de son abrogation par désuétude
38
Cette façon d’ « attaquer » le sujet n’est pas la seule : L’entrée en matière peut notamment
faire référence à l’actualité juridique ou à l’histoire. Mais la méthode de l’entonnoir est la plus
usuelle.
Poser le sujet
Le sujet doit être progressivement annoncé. Il ne doit pas y avoir de rupture entre l’entrée en
matière et la citation du sujet
*2- La définition des termes du sujet
Dans le droit fil de la phrase d’accroche qui peut être une définition, vient le moment où il
faut définir le sujet (après l’avoir posé) pour le comprendre. Montrer que vous l’avez compris,
comment vous l’avez compris et pourquoi. En fait, il s’agit de prendre les mots du sujet et de
les définir en disant pourquoi vous avez retenu telle signification particulière de chaque mot et
du sujet en général. En procédant ainsi, vous dégagez et mettez en évidence, le sens du sujet.
A RETENIR : seuls les mots qui font partie du langage juridique sont à définir. Aussi, seuls
les vocables en relation directe avec le sujet appellent des définitions. Il n’y a pas lieu
d’expliquer chaque terme technique rencontré, ce qui alourdirait trop la dissertation.
Pour le sujet précédent (l’abrogation de la loi par désuétude : il s’agit de définir les termes :
loi, abrogation et désuétude).
* 3- La délimitation du sujet (ce point ne s’impose pas toujours. Tout dépend de l’étendue du
sujet)
Vous devez ciblez les idées que le sujet vous impose de traiter, tout en les délimitant d’abord
par rapport au sujet, mais aussi en prenant en compte des paramètres temporels (dates,
chronologie), géographique (le sujet impose-t-il de traiter que le cas sénégalais ou d’autres
pays sont concernés ? ), voire institutionnels (si le sujet impose une institution particulière,
peut-être cela suppose-t-il d’en évoquer d’autres. Ne serait ce que parce que l’institution du
sujet entretien des rapports avec les autres institutions).
Chose très importante aussi, dites ce que vous ne traiterez pas et pourquoi. L’intérêt de passer
par cette étape, consiste à montrer que vous avez connaissance de certaines notions mais dont
vous ne voyez pas l’utilité pour la démonstration que vous allez mener.
A RETENIR : délimiter un sujet ne consiste surtout pas à écarter une ou des questions qui
n’ont rien à voir avec le sujet (exemple pour traiter de la formation du mariage, l’étudiant n’a
pas à préciser que la question du divorce ne sera pas abordée parce que c’est une évidence).
Pourquoi dois-je parler de ce sujet :
Le sujet soulève une ou plusieurs questions fondamentales qui présentent certainement des
intérêts (sinon on ne vous l’aurait pas proposé). A ce stade, posez la problématique et le (ou
les) intérêt (s) du sujet.
*4- La problématique
39
Sujets sous forme interrogative
Parfois, la question que vous devez traiter est directement posée dans le sujet. Il convient alors
de répondre précisément à la question posée. Exemple : la jurisprudence constitue t-elle
une source de droit ? En général, ce genre de sujet invite l’étudiant à prendre
personnellement position. Il doit donc réunir les éléments de résolution du sujet présentés
dans le cours et les manuels, et les organiser pour construire un plan sous forme de réponse à
la question posée.
Sujets sous forme non interrogative
D’autres fois, la question que vous devez exposer n’est pas clairement exprimée dans le sujet.
Dans cette hypothèse, il ne vous appartient pas d’inventer n’importe quelle problématique. La
problématique préexiste certainement, et vous devez la retrouver à travers le sujet. En général,
elle a été exposée en cours et elle figure dans les manuels.
Eventuellement, si vous avez du mal à dégager la problématique, essayez de reformuler le
sujet sous forme interrogative en utilisant des formules variées : « Quelle est l’influence de
… ? » ; « A quoi sert … ? » ; « Comment fonctionne … ? » ; « Quelle est la portée de
… ? »……..
Pour la réponse, vous devez vous servir des matériaux (cours, documents) et de vos réflexions
personnelles.
A RETENIR : La problématique est le cœur de l’introduction. Soignez-là. Elle doit être
claire, compréhensible et surtout pertinente. C’est elle qui doit conditionner votre plan et non
l’inverse. Vous pouvez parfaitement tomber sur une, voire deux problématiques. Dans le
premier cas, il s’agira de suivre un seul fil conducteur. Il s’agira généralement de procéder par
étapes pour mener à bien la démonstration. Vérifiez que toutes les étapes du plan qui
s’annonce s’articulent bien entre elles. Dans l’hypothèse où vous auriez deux problématiques
qui ne peuvent a priori pas être regroupées sous une autre plus globale, alors dédiez une partie
à chaque problématique. C’est encore le plus simple. (Comment rechercher la problématique,
V. développements précédents)
*5- L’intérêt du sujet
Une fois que vous pensez savoir (mais mieux vaut en être certain) où le sujet veut vous
emmener, il faut insister sur l’intérêt du sujet. Il s’agit de répondre à la question : « pourquoi
dois-je parler de ce sujet ? ». Si le sujet a été donné, c’est qu’il est important. Il faut donc
rechercher pourquoi le sujet a été donné et le dire franchement. Ces intérêts, souvent liés à des
développements d’actualité, peuvent être d’ordre pratique et/ou théorique :
Intérêt théorique :
Ce sont les implications théoriques du sujet à savoir : les débats qui se sont soulevés (ce sont
les controverses doctrinales), lorsque les principes juridiques traduisent une évolution
particulière (de la législation, des mœurs, de la société…).
Exemple d’intérêt théorique
40
-
Actualité législative. Par exemple avec l’OHADA, la consécration d’un patrimoine
d’affectation avec la société unipersonnelle.
Controverse doctrinale. Par exemple, en ce qui concerne la nature du patrimoine, du
droit au nom ou du droit réel, la nature juridique du mariage.
Evolution d’un fondement du droit. Par exemple, en matière de responsabilité,
l’idéologie de la réparation qui conduit à indemniser toutes sortes de préjudices.
L’intérêt pratique
L’intérêt pratique se découvre la plupart du temps en cherchant à imager des cas d’application
concrets des règles juridiques en cause. On peut alors montrer que la question envisagée se
pose fréquemment, que les solutions à dégager intéressent beaucoup de personnes ou
commandent des conséquences (économiques, sociologiques…) importantes. Faire apparaître,
quand c’est possible. L’actualité des problèmes renforce considérablement le dynamisme de
la dissertation ; mais n’extrapolez surtout pas !
Exemple d’intérêt pratique
-
-
-
Conflit dans les sources du droit. Par exemple, le problème de la violation de la
Convention de l’OIT soulevé dans l’affaire Séga Seck Fall, le problème de la violation
de la convention de New York contre la torture dans l’affaire Hissen Habré.
Hiatus entre la législation existante et les besoins pratiques. Par exemple les
problèmes posés par l’exigence du divorce judiciaire et la pratique de la répudiation ;
les problèmes posés par la limitation des dépenses excessives dans les cérémonies
familiales.
Aspects sociologiques. Par exemple en France, le débat judiciaire sur l’adoption
d’enfants par des couples homosexuels (NB : la question sera bientôt réglée par la loi).
Eventuellement, on peut retracer à ce stade de l’intérêt du sujet l’évolution du sujet dans le
temps (historique) et dans l’espace (droit comparé).
A RETENIR : un sujet peut revêtir un intérêt théorique ou un intérêt pratique (pas forcément
les deux à la fois). Aussi, lorsque vous souligner l’existence d’un intérêt, il faudra
effectivement le préciser. Exemple : Il ne suffit pas de dire (comme on le remarque dans la
plupart des copies) : le sujet revêt un intérêt théorique (sans aucune précision). [Vous ne
soulignez là aucun intérêt !].
Comment vais-je parler du sujet ?
Il s’agit de justifier et d’annoncer le plan
* 6- L’annonce justifiée du plan
Vous voilà en possession de votre problématique qui prend le plus souvent la forme d’une
question. Le plan n’est autre que la réponse en deux points à cette question. Mais il ne s’agit
pas seulement de dire quelle articulation a été choisie ; il faut justifier ce plan. On doit
commencer par exprimer l’idée ou les idées essentielles animant le sujet ; puis on annonce
l’ordonnancement de la démonstration. Le plan adopté doit apparaître comme une
conséquence logique et naturelle des principes antérieurement dégagés.
41
L’essentiel consiste donc à expliquer pourquoi la présentation retenue s’impose.
L’annonce proprement dite se limite à la phrase dans laquelle vous ferez apparaître entre
parenthèse le I et le II du plan. Ex : ...............(I), ...................(II).
En première année, vous pouvez vous satisfaire de phrases assez simple comme : dans un
premier temps, puis dans un second, ou, dans une première partie nous traiterons telle chose
et puis telle autre dans une seconde. Mais il faudra assez vite dépasser ce stade car il
n’apporte pas de réelle satisfaction sinon celle de mettre en parallèle deux idées principales.
A RETENIR : l’étudiant doit impérativement, dans l’introduction, veiller à: Amener et
poser le sujet – Définir les termes du sujet – Poser la problématique – Donner l’intérêt
du sujet – Justifier et annoncer le plan.
Les différentes phases de l’introduction ne doivent pas être intitulées dans la rédaction.
Il suffit d’aller à la ligne après chaque phase.
B. Le plan
Le plan est commandé par le sujet, ou, plus précisément, par l’idée directrice que vous avez
dégagée. Il convient donc d’adopter un plan qui suive une ligne directrice claire, que l’on
s’attache à respecter et à démontrer.
Concrètement : le plan est la réponse à la problématique posée.
En droit, le plan se structure en deux parties, deux sous-parties. Ce qui fait un total de
quatre sous parties. Si vous avez lu attentivement ce qui précède, vous devez vous souvenir
que, lors de la recherche de notre problématique, nous avons regroupé nos idées en 4
catégories. Celles-ci correspondent aux 4 sous parties. Mais pour réaliser le plan, ces 4
catégories doivent être contenues dans deux grandes catégories. De telle sorte que :
Catégorie 1 regroupe Une sous catégorie, Une seconde sous catégorie,
Catégorie 2 regroupe Une sous catégorie, Une seconde sous catégorie.
Ce travail doit aboutir à plan qui devra avoir pour résultat ce qui suit :
Structure du Plan d’une dissertation juridique
I. Le titre de ma PREMIERE PARTIE
J’annonce que je vais parler ma première sous-partie (A), puis de ma seconde sous-partie (B)
A. Le titre de ma première sous-partie
Je fais une transition pour annoncer la seconde sous-partie
42
B. Le titre de ma seconde sous-partie
Je fais une transition pour annoncer la SECONDE PARTIE
II. Le titre de ma SECONDE PARTIE
J’annonce que je vais parler de ma première sous-partie (A), puis de ma seconde sous-partie
(B)
A. Le titre de ma première sous-partie
Je fais une transition vers ma seconde sous-partie
B. Le titre de ma seconde sous-partie
(Pas de conclusion)
ATTENTION : il est préférable et même important de réserver le I.B. et le II.A. aux
catégories les plus essentielles. C’est le cœur de votre devoir.
Comme vous pouvez le voir, le plan n’est pas qu’une succession de catégories. Il y a des
titres. Chaque titre de PARTIE doit être suffisamment englobant pour regrouper les
sous parties qui le composent (les sous parties doivent correspondre aux parties. Soit
elles se complètent ou elles s’opposent). De même, les titres doivent être la réponse à
votre problématique, de telle sorte qu’en le lisant le correcteur sait ce que vous allez dire
dans les parties et sous parties.
Ce n’est pas parce que vous n’avez pas le même plan que votre camarade que vous êtes hors
sujet ou que vous avez fait un faux plan. Idem, en ce qui concerne votre plan et celui du
chargé de TD. Il y a plusieurs bonnes démarches pour traiter un sujet.
Tout dépend de la façon dont vous avez compris le sujet (en restant, bien sûr, dans le cadre de
la problématique posée par le sujet) mais aussi, dont vous l’avez amené. Il est alors important
de justifier (de bien justifier) les choix que vous avez faits lors de la délimitation du sujet.
Les différents plans possibles:
Le plan d’idées : c’est un plan qui valorisera toujours votre travail. Il est construit à partir
d’une idée que vous avez du sujet exposée en deux parties. Exemple de plan d’idées sur le
sujet le « dol » I- Le dol, vice du consentement dans la formation du contrat II- Le dol, délit
dans l’exécution du contrat.
43
Les plans types
-
Les plans de comparaison : pour les sujets de comparaison, il faut proscrire l’examen
séparé des deux termes de la comparaison (Exemple pour le sujet Droit et morale,
éviter de faire : I- Le droit II- La morale). A la limite, on peut envisager de présenter
successivement : les ressemblances (I) et les différences (II), en habilitant ces intitulés.
-
Les plans de continuation : le plan type le plus utilisé est celui dit « de continuation »,
dont les deux parties se prolongent en intégrant deux aspects distincts du sujet.
I- Les conditions II- Les effets /// I- La formation II- Le contenu /// I- La formation IIL’exécution /// I- Les sujets ou les titulaires du droit II- L’objet ou le contenu du
droit….
A RETENIR : Veiller à réaliser un certain équilibre des parties et sous-parties, en volume
et en intérêt autant que possible.
III-
La rédaction
Vous devez retenir qu’une dissertation est une démonstration et non pas un simple exposé des
connaissances. Les connaissances sont mises au service de la démonstration, c’est à dire de la
problématique.
Contrairement à la forme, le fond ou le contenu est fonction du sujet qui vous est donné. Mais
il y a quelques règles essentielles qui ne changent pas. Elles sont relatives à la rédaction ou la
formulation du contenu et son développement.
Faites des phrases courtes et simples. Les phrases courtes rendent le contenu dynamique, léger
et maintient l’attention du correcteur ou du lecteur. Les phrases simples rendent la dissertation
plus claire et compréhensible. Vous éviterez ainsi de perdre le lecteur. Généralement tout se
passe en trois temps : je vais dire quelque chose, je dis la chose en question, voilà ce que je
voulais vous dire. Il faut exprimer vos intentions, les réaliser et les résumer.
Privilégiez une idée par partie, mais une idée importante peut être accompagnée d’autres idées
accessoires. Le risque reste que des idées accessoires peuvent être hors sujet.
Il n’est pas possible de schématiser ou d’aller plus en profondeur pour deux raisons : la
première c’est qu’il existe une multitude de sujets et que chaque sujet peut être traité
différemment. C’est selon l’importance que l’on accorde à telle ou telle idée.
Pour quelques conseils de rédaction: soigner l’écriture, l’orthographe et l’expression ;
proscrire les abréviations, les sigles et les schémas ; éviter les familiarités ; ne pas
employer le mot « je », mais plutôt « nous », « on », « il » ; éviter l’emploi de verbes dans
les intitulés ; éviter les répétitions ; aller à ligne pour chaque idée nouvelle, enchaîner les
phrases de manière logique ; enfin, relire la copie.
Remarque générale
Tout exposé de connaissances est un exercice de communication. Il requiert:
44
-
Aisance et maîtrise de soi
Brièveté et concision
Nécessité absolue d'un plan tant pour l'écrit que pour l'oral
Indication des Titres
Transitions
Ecriture aérée et lisible
Surtout éviter le remplissage hors sujet qui indispose fortement le lecteur et témoigne d'une
profonde méconnaissance du sujet demandé.
45
Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Faculté des sciences Juridiques et Politiques
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Année Universitaire 2012/2013
Licence 1 Sciences Juridiques
Droit Civil / Groupe A
1er Semestre
SEANCE 4
THEME : Application de la loi
Sous-thème : conflits de lois dans le temps
Exercice: faire les cas pratiques
Cas 1
Mamadou et Aïda se sont mariés en juin 2009, puis ont divorcé en mars 2011 pour cause
d’incompatibilité d’humeur à la demande de l’époux. Une pension alimentaire de 50 000 F
CFA par mois fut alors fixée à la charge de ce dernier.
Pour des raisons diverses, une loi nouvelle entre en vigueur en juillet 2011 et prévoit que le
divorce n’est autorisé qu'après sept ans de mariage. Elle exige en outre que la pension
alimentaire soit plafonnée à 25000 FCFA par mois.
Le divorce est-il valable ?
Mamadou pourra- t-il profiter du plafonnement à 25000 F CFA et obtenir
remboursement des 25000 F CFA des mois précédents?
Cas 2
Babacar, un commerçant très connu dans le marché du riz, a contracté un prêt auprès de sa
banque en octobre 2010 pour financer son commerce. La banque lui avait consenti ce prêt à
un taux d’intérêt de 11% pour une durée de trois ans. Babacar espère voir sa dette allégée
avec cette information qui lui est parvenue d’un de ses neveux, étudiant en droit, selon
laquelle, une loi est entrée en vigueur en avril 2011 et qu’elle propose aux banques de fixer
les taux d’intérêt des prêts à moins de 10 %. Babacar a-t-il raison d’espérer bénéficier des
taux proposés par la loi nouvelle?
Cas 3
Jean, homme d’affaires, marié et père de deux enfants, a convolé en secondes noces ; il a,
depuis qu’il s’est remarié il y a dix mois, quitté la résidence conjugale et cessé d’assurer les
charges de son premier ménage. Il est, de ce fait, après jugement, condamné pour abandon
de famille le 2 mars 2009 à 3 mois de prison et à une amende de 200 000 F CFA. Une loi
nouvelle, entre en vigueur le 10 mars 2009 pour limiter la sanction de l’abandon de famille à
une amende de 200 000F CFA. L’avocat de Jean, confiant, lui apprend qu’il va bientôt être
libéré. Sur quel argument se fonde t-il ?
46
INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES
-
Buffelan-Lanore (Y.) et Larribau-Teyneyre (V.), Droit civil 1re année, Sirey, 16è
éd., 2009.
Malaurie (Ph.) et Morvan (P.), Droit civil, Introduction générale, Defrénois, coll.
« Droit civil », 3è éd., 2009.
Mazeaud (H., L. et J.) et Chabas (F.), Leçons de droit civil : Introduction à l’étude
du droit, Montchrestien, 12è ed., 2000.
Terré (F.), Introduction générale au droit, Dalloz, coll. « Précis », 8è éd., 2009.
Documents annexes
Doc. 1. Art. 2 Code civil français : « La loi ne dispose que pour l’avenir; elle n’a point d’effet
rétroactif ».
Doc. 2. Art. 831 Code de la famille du Sénégal
Conflits de lois dans le temps
- Principe
« La loi nouvelle a effet immédiat au jour de sa mise en vigueur. Elle régit les actes et faits
juridiques postérieurs et les conséquences que la loi tire des actes ou faits qui ont précédé sa
mise en application.
Demeurent soumis aux règles en vigueur lorsqu’ils ont été passés ou sont intervenus, les actes
ou faits ayant fait acquérir un droit ou créer une situation légale régulière ».
Doc. 3
Les grands arrêts de la jurisprudence civile, 12e édition 2007 / P. 40
LOIS. CONFLITS DANS LE TEMPS. NON-RETROACTIVITE. EFFET IMMEDIAT.
RAPPORTS JURIDIQUES FORMES ANTERIEUREMENT. DROITS ACQUIS
I. Civ. 20 février 1917. - II. Ch. réun. 13 janvier 1932. - III. Civ., 1re sect. civ. 29 avril 1960. IV. Civ., sect. com. 15 juin 1962
par François Terré Membre de l'Institut ; Professeur émérite à l'Université Panthéon-Assas
(Paris II) et Yves Lequette Professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris II)
Si toute loi nouvelle régit en principe les situations établies et les rapports juridiques
formés dès avant sa promulgation, il est fait échec à ce principe par la règle de la nonrétroactivité des lois formulée par l'article 2 du Code civil, lorsque l'application d'une loi
nouvelle porterait atteinte à des droits acquis sous l'empire de la législation antérieure (1er,
2e arrêts).
Si, sans doute, une loi nouvelle s'applique aussitôt aux effets à venir des situations
juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur, et cela même
quand semblable situation est l'objet d'un litige judiciaire, en revanche elle ne saurait, sans
avoir effet rétroactif, régir rétrospectivement les conditions de validité ni les effets passés
d'opérations juridiques antérieurement achevées (3e arrêt).
47
Les effets d'un contrat sont régis, en principe, par la loi en vigueur à l'époque où il a été
passé (4e arrêt).
1 L'inflation des lois a pour corollaire l'instabilité du droit. De là, l'actualité du problème des
conflits de lois dans le temps. Lorsqu'une loi nouvelle remplace une loi ancienne, la
détermination de leurs domaines d'application respectifs résulte de l'affrontement d'impératifs
contradictoires : privilégie-t-on l'idée de sécurité, la loi ancienne se verra reconnaître une
place très importante ; lui préfère-t-on celle de progrès du droit et d'unité de la législation, et
la loi nouvelle l'emportera. Aussi bien l'histoire montre-t-elle que la coloration politique du
législateur n'est pas indifférente à ces choix : révolutionnaire ou réformiste, il n'hésitera pas
devant les lois rétroactives, c'est-à-dire devant les lois qui reviennent sur le passé ;
conservateur, il s'accommodera plus aisément d'une certaine survie de la loi ancienne. Eclairés
par les excès de la période révolutionnaire, les rédacteurs du Code civil ont eu à cœur de
consacrer une solution équilibrée. Aux termes de l'article 2 : « la loi ne dispose que pour
l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif ». La loi nouvelle n'a pas d'effet rétroactif, cela
signifie qu'elle ne s'applique pas aux situations juridiques qui se sont entièrement réalisées
sous l'empire de la loi ancienne. Ainsi sauvegarde-t-on la sécurité des particuliers. Comment,
au demeurant, exiger de ceux-ci l'obéissance à une règle qu'ils ne pouvaient connaître
puisqu'elle n'existait pas encore à l'époque où ils ont agi ? La loi nouvelle dispose pour
l'avenir ; elle régit donc les situations nées postérieurement à son entrée en vigueur. En
décider autrement serait, à l'évidence, priver de toute efficacité l'ordre du législateur.
Apparemment simples, ces directives se heurtent à des difficultés de mise en œuvre
considérables lorsque le changement de législation intéresse des phénomènes juridiques qui
ne présentent pas un caractère instantané : la création d'une situation juridique nécessite
parfois l'écoulement d'un certain temps (usucapion, possession d'état) ; les effets d'une
situation juridique peuvent se prolonger pendant une période fort longue. D'où une question :
quel est, dans ces diverses hypothèses, l'effet d'une loi nouvelle entrant en vigueur au cours de
ces périodes ? Face à l'insuffisance des directives du Code, il revenait à la jurisprudence de
faire œuvre créatrice. Elle s'y est employée avec souplesse et pragmatisme, s'inspirant des
grandes constructions doctrinales sans pour autant s'enfermer dans celles-ci. Aussi bien, en
contrepoint de l'analyse des arrêts ci-dessus reproduits, retracera-t-on les grandes lignes de
chacune de ces constructions (I), avant de dégager les solutions jurisprudentielles relatives à
la constitution et aux effets des situations juridiques (II). (Suite V. le document à la salle de
lecture de la FSJP).
Doc. 4 :
Les grands arrêts de la jurisprudence civile, 12e édition 2007 / 57
LOIS. LOIS RETROACTIVES. LOIS DE VALIDATION. DROITS
FONDAMENTAUX. CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME.
PROCES EQUITABLE
Ass. plén. 24 janvier 2003 (Bull. civ. ass. plén., n° 2, p. 2, D. 2003. 1648, note Péricard-Pioux
; RFDA 2003. 470, note B. Mathieu) Baudron c/ Fédération des syndicats nationaux
d'employeurs des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées
par François Terré Membre de l'Institut ; Professeur émérite à l'Université Panthéon-Assas
(Paris II) et Yves Lequette Professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris II)
48
1 Aux termes de l'article 2 du Code civil, la loi «n'a point d'effet rétroactif ». On entend
par là qu'une loi ne peut pas s'appliquer à des faits qui ont été accomplis antérieurement à son
entrée en vigueur. La règle paraît de bon sens. Le droit privé a pour finalité d'organiser la vie
en société et d'assurer la paix sociale en réglant les rapports entre les personnes privées.
Comment pourrait-il atteindre ce but si les actes qui ont été accomplis, les situations qui ont
été créées et les droits qui ont été acquis conformément à la loi alors en vigueur pouvaient être
remis en cause à tout moment par une loi nouvelle ? Mais il arrive que le législateur se
propose de déroger à cette règle. Le peut-il et dans quelle mesure ? Répondant à cette
interrogation, l'arrêt ci-dessus reproduit pose les principes qui gouvernent la question (I). Les
justifications qu'on invoque à leur soutien ne sont pas à l'abri de la discussion (II).
I. - Les principes
2 Après avoir rappelé que le législateur peut, en matière civile, adopter des dispositions
rétroactives (A), la haute juridiction apporte à cette affirmation, s'agissant des lois de
validation, des limitations qu'elle emprunte à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg (B).
A. - Les lois rétroactives
3 « Le législateur peut adopter, en matière civile, des dispositions rétroactives ».
Et de fait, si l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, à laquelle
renvoient le Préambule de la Constitution de 1946 et celui de la Constitution de 1958, ainsi
que l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme posent le principe de la
non-rétroactivité de la loi pénale, il n'en va pas de même pour la loi civile. A la différence de
la Constitution de l'an III qui avait consacré un tel principe (« Aucune loi ni criminelle ni
civile ne peut avoir d'effet rétroactif »), aucun des instruments constitutionnels qui l'ont suivie
n'a réaffirmé cette règle, laquelle procède aujourd'hui exclusivement de l'article 2 du Code
civil. Il en résulte que le législateur peut, en matière civile, déroger au principe de nonrétroactivité, dès lors qu'il confère expressément ce caractère à une loi. On peut, en effet, en
principe déroger par une loi plus récente à une loi plus ancienne.
4 L'exemple toujours cité de disposition rétroactive est celui du décret du 17 nivôse an II
(6 janv. 1794) qui, durant la Révolution, a annulé toutes les donations faites depuis le 14
juillet 1789 et disposé que les règles nouvelles qu'il édictait en matière de dévolution de biens
laissés par des personnes décédées s'appliquaient à toutes les successions ouvertes depuis
cette date. Le législateur révolutionnaire cherchait ainsi à changer la structure de la société en
modifiant au sein de celle-ci la répartition des richesses. Il en est résulté de graves
perturbations puisqu'il a fallu remettre en cause les partages effectués dans l'intervalle ainsi
que les actes juridiques qui avaient été accomplis sur la foi de ceux-ci. D'où, on l'a vu, la
consécration du principe de non-rétroactivité de la loi civile par la Constitution de l'an III.
Fort de cette expérience, le législateur n'a longtemps fait usage des lois rétroactives que
de manière exceptionnelle. Parfois, il s'est agi de faire face à des situations de crise. Ainsi la
loi du 27 juillet 1940 a exonéré les chemins de fer de leur responsabilité pour les transports
effectués depuis le 10 mai 1940. Parfois aussi, certaines lois reçoivent une portée rétroactive
dans un souci de progrès social. Ainsi la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la
situation des victimes d'accident de la circulation a été déclarée applicable aux procédures en
49
cours, ainsi qu'aux accidents intervenus dans les trois années précédant la publication de la loi
et n'ayant pas donné lieu à l'introduction d'une action en justice. Parfois enfin, le législateur
donne une portée rétroactive à une loi nouvelle afin de valider une pratique, irrégulière au
regard des textes, mais qui paraît pouvoir être admise sans inconvénient sérieux. C'est ainsi
que la loi du 21 juin 1843 a validé rétroactivement tous les actes notariés ne mentionnant pas
la présence d'un notaire en second alors que celle-ci était requise. C'est ainsi encore que la loi
du 3 janvier 1972 a validé la reconnaissance d'enfants adultérins jusque-là illicites dont la
nullité n'avait pas été prononcée par un jugement passé en force de chose jugée (art. 12 al.3).
(Sur les lois interprétatives et leur caractère rétroactif, voir infra, n° 9). (Suite V. le document
à la lecture de la FSJP)
Doc 5 Ordre public et bonnes mœurs – Jean HAUSER – Jean-Jacques LEMOULAND –
mars 2004 (dernière mise à jour : juin 2011) – Répertoire de droit civil
Section 1 - Sources de l'ordre public
Art. 1 - Sources internationales et européennes de l'ordre public
10. Il convient de mettre à part ce que le juge français range traditionnellement sous
l'appellation d'ordre public international (V. Rép. internat., Vo Ordre public). Par cette
référence on veut soit justifier l'application de certaines lois françaises ou du moins leur
application immédiate, soit porter exception à l'application de la loi étrangère que la règle de
conflit désignerait, ceci pour « défendre des positions jugées essentielles de l'ordre juridique
national » (J. DERRUPPÉ, Droit international privé, 9e éd., 1990, Dalloz). En réalité
l'expression d'ordre public international n'est pas très heureuse, et elle a seulement pour but
de marquer la distinction d'avec l'ordre public interne. Il n'y a pas coïncidence, et la notion
d'ordre public utilisée en droit international privé est beaucoup plus étroite que celle qui est
utilisée en droit interne. Il est vrai qu'elle n'est pas pour autant plus précise (pour un exposé
simplifié de cette notion, F. MONEGER, Droit international privé, no 141 et s., 2e éd., 2003,
Litec ; pour une étude détaillée, V. R. LIBCHABER, L'exception d'ordre public en droit
international privé, in L'ordre public à la fin du XXe siècle, op. cit., p. 65 et s.).
11. Les sources internationales de l'ordre public ne sauraient être négligées. Se résumant
souvent à des principes essentiels, les traités et conventions internationales peuvent être une
source importante d'ordre public, car ils proclament alors des droits élémentaires qui
prennent forcément appui sur des règles dont le caractère d'ordre public n'est pas contesté.
Que l'on songe aux pactes internationaux des droits de l'homme tant pour les droits
économiques, sociaux et culturels que pour les droits civils et politiques auxquels la France
a adhéré le 4 novembre 1981, ou encore la Convention européenne des droits de l'homme,
ou la Convention internationale sur les droits de l'enfant, ou bien entendu les traités fondant
l'Union européenne. Ces règles, dont toutes ne sont évidemment pas d'ordre public puisqu'on
trouve de nombreuses simples recommandations, constituent une sorte de cadre dans lequel
la loi interne doit s'insérer, et les juridictions françaises acceptent de contrôler la
compatibilité entre elles et les lois internes (Cass. ch. mixte 24 mai 1975, D. 1975.497,
concl. Touffait ; CE 20 oct. 1989, Nicolo, D. 1990.135, note P. Sabourin ). L'effet d'ordre
public est très net dans la jurisprudence de la CEDH et affirmé dès le 11 janvier 1961 dans
un arrêt Autriche c/ Italie (Ann. CEDH, vol. 4, p. 139 et s.) selon lequel la Convention a
pour but « d'instaurer un ordre public communautaire des libres démocraties d'Europe afin
de sauvegarder leur patrimoine commun de traditions politiques, d'idéaux, de liberté et de
prééminence du droit ». En même temps l'articulation avec l'ordre public interne des États
50
connaît une application spécialement intéressante dans le contrôle de ce que la CEDH
appelle la marge nationale d'appréciation. L'exception d'ordre public national, qui est ainsi
reconnue, connaît toutefois un contrôle de plus en plus strict par la cour selon laquelle il ne
peut avoir effet que s'il concerne une mesure nécessaire, répondant à un besoin social
impérieux, s'il est proportionné, etc. (V. ainsi, F. SUDRE, op. cit., no 154 : sur la Convention
comme standard minimum, J. F. RENUCCI, op. cit., no 288 et s. ; sur l'ordre public en droit
communautaire, M. C. BOUTARD-LABARDE, in L'ordre public à la fin du XXe siècle,
p. 83 et s.). On est ainsi en face d'une hiérarchie organisée des ordres publics entre normes
internationales et normes internes.
Art. 2 - Sources internes
§ 1 - Sources textuelles
12. Lois et règlements. - Parmi les sources internes, c'est bien entendu tout d'abord la loi qui
en est la source première, et ce sont ces textes que vise l'article 6 du code civil qui prévoit
« qu'on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre
public et les bonnes mœurs ». On retrouve trace de cette limite dans l'article 1128 du même
code qui interdit a contrario les conventions sur les choses qui sont hors du commerce et que
la jurisprudence utilise notamment en droit des personnes et de la famille, et encore dans les
articles 1131 et 1133 qui, combinés, annulent les conventions dont la cause serait prohibée
par la loi ou qui serait contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs. Mais, comme
l'indique nettement l'article 6, toute autre loi peut être déclarée d'ordre public, et ledit article
en assurera le respect. Il faut même entendre le terme de loi dans un sens large. En effet, si
de nombreuses dispositions d'ordre public résultent effectivement du pouvoir législatif, la
source réglementaire de l'ordre public s'est plus ou moins développée selon les périodes,
notamment dans le domaine de l'ordre public économique. Sous la seule réserve de respecter
les limites du domaine réglementaire fixées par la Constitution, il est toujours possible de
créer des dispositions d'ordre public par cette voie.
13. Les formules utilisées dans les textes sont très variables. À côté de la formule nette selon
laquelle le présent texte est d'ordre public, on trouve d'autres formules variées visant surtout
les éventuelles conventions contraires « nonobstant toutes conventions contraires… », « les
conventions contraires à la présente loi sont nulles… », « … sont réputées non écrites ». Il
arrivera même que le législateur ne prenne pas la peine de préciser, et qu'on déduise le
caractère d'ordre public de l'esprit même du texte, ce qui ne sera pas toujours sans créer des
difficultés. Dans ce dernier cas c'est le juge qui remplira alors un rôle important (V. infra,
no 18 et 87).
14. On pourrait être alors tenté de déduire de ces formules que l'ordre public serait
assimilable à la notion de lois impératives. Il se ramènerait aux textes qui sont suffisamment
importants pour qu'on interdise toute volonté contraire. L'affirmation suppose une double
vérification. Il paraît d'abord certain que tout ce qui est d'ordre public ne résulte pas
forcément de lois impératives car il existe d'autres sources (V. infra, no 16), même si les lois
impératives demeurent une source importante. On a ainsi noté que de nombreux textes
modernes usaient et abusaient de la sanction pénale pour faire respecter ce qui semblait
essentiel au législateur moderne (J. CARBONNIER, Introduction, in L'évolution
contemporaine du droit des contrats, Journées R. Savatier, 1985, p. 36). Sur ce point l'accord
se fait en général (J. GHESTIN, Les obligations, op. cit., no 104 et 110). Par contre la
réciproque est beaucoup plus discutée : toutes les lois impératives sont-elles nécessairement
d'ordre public ? On peut fortement en douter, car ceci nous ramène à la définition de la
notion considérée. Si l'on admet que l'ordre public comporte un minimum de référence à
51
l'intérêt général, il faut bien constater que de nombreuses lois impératives ne visent qu'à
protéger certains intérêts de groupes ou d'individus sans que la référence à l'intérêt général
soit immédiate. Il est sans doute indirectement de l'intérêt général de protéger les incapables
par des lois impératives, mais, dans l'immédiat, ce sont bien les personnes elles-mêmes qui
sont protégées. Si l'on veut comprendre dans l'ordre public toutes les lois impératives, il faut
retenir de celui-ci une définition plus vague qui renonce à toute référence aux buts
poursuivis (J. CARBONNIER, Droit civil, t. 4, Les obligations, no 69, « l'ordre public est le
domaine des lois impératives »), mais cette conséquence est acceptée par une part
importante de la doctrine (J. GHESTIN, op. cit., no 97). Dans cette conception, l'ordre public
se définit uniquement par son résultat technique sans référence à un but poursuivi. Le choix
n'est pas seulement technique, il est aussi notionnel. Son importance apparaît bien dans
certains des projets de code européen des contrats où la notion d'impérativité est uniquement
utilisée sans qu'on puisse toujours affirmer que cette impérativité recouvre bien ce qu'on
entend habituellement par ordre public en droit français. Aussi bien la variabilité des
sanctions proposées pour assurer le respect de cette impérativité montre bien qu'on est
parfois très loin de textes destinés à assurer l'ordre public, au moins au sens habituel du
terme (J. HAUSER, L'ordre public et les bonnes mœurs, in Les concepts contractuels…,
op. cit., p. 105). On a même parfois soutenu (D. TALON, Considérations sur la notion
d'ordre public dans les contrats en droit français et en droit anglais, Mélanges Savatier,
p. 883 et s.) paradoxalement que l'ordre public n'existerait qu'en dehors des lois impératives,
car ce n'est que là que, en donnant une latitude au juge, il trouverait son utilité.
15. Il ne serait pas non plus possible de rapprocher lois d'ordre public et lois de police au
sens du droit international privé alors que ces dernières pourraient sembler proches des lois
impératives du droit interne. Il n y a pas coïncidence entre les lois d'ordre public interne et
les lois de police, ces dernières obéissant à une définition beaucoup plus étroite. Il n'y a pas
non plus coïncidence avec la notion d'ordre public en droit international privé car l'effet
technique en est très différent. Alors que l'exception d'ordre public conduit à évincer la loi
normalement applicable, ce qui suppose que celle-ci ait été préalablement désignée, la loi de
police postule que la loi étrangère n'a jamais été désignée. Il est vrai simplement que la
notion de loi d'ordre public en droit international est si discutée qu'on peut comprendre
les confusions parfois entretenues (sur ces discussions, R. LIBCHABER, L'exception
d'ordre public en droit international privé, in L'ordre public à la fin du XXe siècle, op. cit.,
p. 65 et s.). De nouveau le vocabulaire et la méthodologie retenues dans les projets
européens conduisent souvent à retenir parmi l'impérativité un noyau dur de textes, alors
semble-t-il plus proches de la définition classique de l'ordre public, qui comprendrait
certaines règles du droit international privé parmi lesquelles on trouverait les lois de police
(J. HAUSER, Ordre public et bonnes mœurs, in Les concepts contractuels, op. cit., p. 110).
(Suite V. le document à la salle de lecture de la FSJP).
Séance 5
Thème : Les droits subjectifs
Sous-thème : La classification des biens
Exercice : Faire les cas pratiques
Cas 1
Maïmouna, une amie de longue date de votre sœur rencontre des difficultés ces derniers
temps. Elle vient vous voir afin que vous l’édifiiez sur deux questions qui la préoccupent.
52
Premièrement, elle est confrontée à un problème avec son mari qui, il y a un an de cela, lui
avait offert un bijou de très grande valeur. Alors qu’aujourd’hui elle a pris la décision de la
vendre afin d’amener sa mère à la Mecque pour le pèlerinage, ce dernier s’y oppose. Elle
estime, en tant que propriétaire de la parure, avoir le droit d’en faire ce qu’elle veut.
A-t-elle ce droit ? Justifiez votre réponse.
Ensuite, elle avait confié à un menuisier la confection de meubles pour l’atelier de couture
qu’elle a ouvert. Ce dernier, n’ayant pas terminé la commande, lui donne en remplacement
d’autres meubles qu’il gardait dans son magasin. En réalité, ces meubles appartenaient à une
cliente, Fama qui les avait déjà payés et qui les lui avait confiés en partant en voyage.
De retour de mission, Fama est mise au courant de la situation, mais n’est nullement inquiète ;
elle est juriste et maitrise bien le droit. Elle sait qu’elle pourra reprendre son bien auprès de
Maïmouna.
Sur quoi se fonde t-elle ?
Cas 2
Exploitant agricole à Mbour, Ousmane est propriétaire d’un domaine entouré d’arbres dont les
fruits, presque mûrs, sont vendus à un exportateur. Dans un hangar, on trouve du matériel
agricole et un moulin posé à même le sol. La salle à manger de la maison centrale, aux murs
tapissés d’une œuvre d’un célèbre peintre, est garnie d’un mobilier de grande valeur. Le
voisin d’Ousmane possède quelques veaux. Il les élève dans un enclos situé dans la propriété.
Ousmane veut obtenir un prêt de sa banque mais cette dernière lui demande une hypothèque
en garantie.
Après avoir qualifié chaque bien situé dans la propriété, précisez ceux qui peuvent être
hypothéqués.
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE
-
ATIAS (Chr.), Droit civil, Les biens, 10è éd., Litec, 2009.
BUFFELAN-LANORE (Y.) et LARRIBAU-TEYNEYRE (V.), Droit civil, 1re
année, sirey, 16è éd., 2009.
CARBONNIER (J.), Droit civil, Les biens, T.3, 19è éd., PUF, 2000.
CORNU (G.), Droit civil. Introduction, les personnes, les biens, 13è éd.,
Montchrestien, 2007.
MALAURIE (Ph.), AYNES (L.), Droit civil. Les biens, 3è éd., Defrénois, 2007.
Documents annexes
Doc. 1/ Art. 192 Acte uniforme sur le droit des sûretés
Sauf disposition contraire, seuls les immeubles présents et immatriculés peuvent faire l'objet d'une hypothèque.
Peuvent faire l'objet d'une hypothèque :
1°) les fonds bâtis ou non bâtis et leurs améliorations ou constructions survenues, à l'exclusion des meubles qui
en constituent l'accessoire ;
2°) les droits réels immobiliers régulièrement inscrits selon les règles de l’Etat Partie.
53
Doc. 2 / Articles 516 à 536 (Disponibles à la salle de lecture de la FSJP)
Article 516 Tous les biens sont meubles ou immeubles
Article 517 Les biens sont immeubles, ou par leur nature, ou par leur destination, ou par l'objet auquel ils
s'appliquent.
Article 518 Les fonds de terre et les bâtiments sont immeubles par leur nature.
Article 520 Les récoltes pendantes par les racines et les fruits des arbres non encore recueillis sont pareillement
immeubles.
Dès que les grains sont coupés et les fruits détachés, quoique non enlevés, ils sont meubles.
Si une partie seulement de la récolte est coupée, cette partie seule est meuble.
Article 522 Les animaux que le propriétaire du fonds livre au fermier ou au métayer pour la culture, estimés ou
non, sont censés immeubles tant qu'ils demeurent attachés au fonds par l'effet de la convention.
Ceux qu'il donne à cheptel à d'autres qu'au fermier ou métayer sont meubles.
Article 523 Les tuyaux servant à la conduite des eaux dans une maison ou autre héritage sont immeubles et font
partie du fonds auquel ils sont attachés.
Article 524 Modifié par Loi n°2009-526 du 12 mai 2009 - art. 10
Les animaux et les objets que le propriétaire d'un fonds y a placés pour le service et l'exploitation de ce fonds
sont immeubles par destination.
Ainsi, sont immeubles par destination, quand ils ont été placés par le propriétaire pour le service et l'exploitation
du fonds :
Les animaux attachés à la culture ;
Les ustensiles aratoires ;
Les semences données aux fermiers ou métayers ;
Les pigeons des colombiers ;
Les lapins des garennes ;
Les ruches à miel ;
Les poissons des eaux non visées à l'article 402 du code rural et des plans d'eau visés aux articles 432 et 433 du
même code ;
Les pressoirs, chaudières, alambics, cuves et tonnes ;
Les ustensiles nécessaires à l'exploitation des forges, papeteries et autres usines ;
Les pailles et engrais.
Sont aussi immeubles par destination tous effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à perpétuelle
demeure.
Article 525 Le propriétaire est censé avoir attaché à son fonds des effets mobiliers à perpétuelle demeure, quand
ils y sont scellés en plâtre ou à chaux ou à ciment, ou, lorsqu'ils ne peuvent être détachés sans être fracturés ou
détériorés, ou sans briser ou détériorer la partie du fonds à laquelle ils sont attachés.
Les glaces d'un appartement sont censées mises à perpétuelle demeure lorsque le parquet sur lequel elles sont
attachées fait corps avec la boiserie.
Il en est de même des tableaux et autres ornements.
Quant aux statues, elles sont immeubles lorsqu'elles sont placées dans une niche pratiquée exprès pour les
recevoir, encore qu'elles puissent être enlevées sans fracture ou détérioration.
Article 526 Sont immeubles, par l'objet auquel ils s'appliquent :
L'usufruit des choses immobilières ;
Les servitudes ou services fonciers ;
Les actions qui tendent à revendiquer un immeuble.
Article 527 Les biens sont meubles par leur nature ou par la détermination de la loi.
Article 528 Loi n° 99-5 du 6 janvier 1999 - art. 25, JORF 7 janvier 1999.Sont meubles par leur nature les
animaux et les corps qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se meuvent par eux-mêmes, soit
qu'ils ne puissent changer de place que par l'effet d'une force étrangère.
Article 529 Sont meubles par la détermination de la loi les obligations et actions qui ont pour objet des sommes
exigibles ou des effets mobiliers, les actions ou intérêts dans les compagnies de finance, de commerce ou
d'industrie, encore que des immeubles dépendant de ces entreprises appartiennent aux compagnies. Ces actions
ou intérêts sont réputés meubles à l'égard de chaque associé seulement, tant que dure la société.
Sont aussi meubles par la détermination de la loi les rentes perpétuelles ou viagères, soit sur l'Etat, soit sur des
particuliers.
Article 531 Les bateaux, bacs, navires, moulins et bains sur bateaux, et généralement toutes usines non fixées
par des piliers, et ne faisant point partie de la maison, sont meubles : la saisie de quelques-uns de ces objets peut
cependant, à cause de leur importance, être soumises à des formes particulières, ainsi qu'il sera expliqué dans le
code de procédure civile.
54
Article 532 Les matériaux provenant de la démolition d'un édifice, ceux assemblés pour en construire un
nouveau, sont meubles jusqu'à ce qu'ils soient employés par l'ouvrier dans une construction.
Article 533 Le mot "meuble", employé seul dans les dispositions de la loi ou de l'homme, sans autre addition ni
désignation, ne comprend pas l'argent comptant, les pierreries, les dettes actives, les livres, les médailles, les
instruments des sciences, des arts et métiers, le linge de corps, les chevaux, équipages, armes, grains, vins, foins
et autres denrées ; il ne comprend pas aussi ce qui fait l'objet d'un commerce.
Article 534 Les mots "meubles meublants" ne comprennent que les meubles destinés à l'usage et à l'ornement
des appartements, comme tapisseries, lits, sièges, glaces, pendules, tables, porcelaines et autres objets de cette
nature.
Les tableaux et les statues qui font partie du meuble d'un appartement y sont aussi compris, mais non les
collections de tableaux qui peuvent être dans les galeries ou pièces particulières.
Il en est de même des porcelaines : celles seulement qui font partie de la décoration d'un appartement sont
comprises sous la dénomination de "meubles meublants".
Doc. 3. / Cour de Cassation Assemblée plénière du 15 avril 1988 85-10.262 85-11.198
Publié au bulletin – D. 1988, p. 325, note J. Maury
Titrages et résumés : 1° IMMEUBLE - Immeuble par nature - Fresque 1° Seuls sont
immeubles par destination les objets mobiliers que le propriétaire d'un fonds y a placés pour
le service et l'exploitation de ce fonds ou y a attachés à perpétuelle demeure. Encourt la
cassation l'arrêt qui qualifie d'immeubles par destination des fresques détachées de leur
support, alors que celles-ci, immeubles par nature, sont devenues des meubles du fait de leur
arrachement.
Sur le moyen unique du pourvoi n° 85-10.262, pris en sa première branche, et sur le premier
moyen du pourvoi n° 85-11.198, pris en sa première branche, réunis :
Vu l'article 524 du Code civil ;
Attendu que seuls sont immeubles par destination les objets mobiliers que le propriétaire d'un
fonds y a placés pour le service et l'exploitation de ce fonds ou y a attachés à perpétuelle
demeure ;
Attendu que des fresques qui décoraient l'église désaffectée de Casenoves ont été vendues par
deux des propriétaires indivis de ce bâtiment sans l'accord des deux autres, Mmes Z... et Y... ;
que détachées des murs par l'acquéreur, puis réparties en deux lots, elles se trouvent
actuellement en la possession de la Fondation Abegg et de la ville de Genève, contre
lesquelles Mmes Z... et Y... ont formé une demande en revendication devant le tribunal de
grande instance de Perpignan ; que la Fondation Abegg et la ville de Genève ayant soulevé
l'incompétence de ce tribunal au profit des juridictions helvétiques, par application de la
convention franco-suisse du 15 juin 1869, qui, en matière mobilière, attribue compétence au
tribunal du domicile du défendeur, l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 décembre 1984) retient,
pour rejeter leurs contredits, que les fresques litigieuses, originairement immeubles par nature,
étaient devenues immeubles par destination depuis la découverte d'un procédé permettant de
les détacher des murs sur lesquels elles étaient peintes ; qu'il en déduit que leur séparation de
l'immeuble principal, dès lors qu'elle est intervenue sans le consentement de tous les
propriétaires, ne leur a pas fait perdre leur nature immobilière, dont Mmes Z... et Y... peuvent
continuer à se prévaloir à l'égard de tous, de sorte que l'action exercée par elles est une action
en revendication immobilière ;
55
Attendu qu'en statuant ainsi alors que les fresques, immeubles par nature, sont devenues des
meubles du fait de leur arrachement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; […]
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 décembre 1984, entre
les parties, par la cour d'appel de Montpellier sous le n° 84/2797 ; statuant à nouveau, dit que
le tribunal de grande instance de Perpignan est incompétent et, aucune juridiction française
n'étant compétente, renvoie les parties à mieux se pourvoir ; […].
Doc. 4 / Cass. civ. 1ère, 5 mars 1991, Bull. civ. I, n ° 81
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, par acte notarié du 5 mars 1986, les
époux X... ont vendu aux époux Y... un ensemble immobilier sis à La Rochelle ; que, le 1er
janvier 1987, M. X... a assigné les époux Y... en restitution de la bibliothèque située au
deuxième étage de l'immeuble cédé ; que l'arrêt attaqué (Poitiers, 8 mars 1989) l'a débouté de
cette demande ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d'une part,
qu'ayant relevé que le meuble, dont le caractère démontable était invoqué, était appuyé au mur,
et non scellé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres
constatations, a violé les articles 524 et 525 du Code civil, et privé sa décision de base légale
au regard de ce dernier texte ; alors, ensuite, qu'il n'a pas été répondu aux conclusions
soulignant le caractère démontable du meuble et provisoire de sa fixation ; et alors, enfin, que
faute d'avoir constaté la volonté expresse du propriétaire d'attacher la bibliothèque à
perpétuelle demeure, volonté au surplus démentie par la vente de l'immeuble qui n'incluait pas
ce meuble, la juridiction du second degré a privé sa décision de base légale au regard de
l'article 524 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé, tant par motifs propres qu'adoptés, que la bibliothèque litigieuse
était un important meuble en L masquant entièrement les murs sur lesquels il était appuyé, et
que ce meuble a été construit aux dimensions exactes de la pièce dont il épouse les
particularités, et qu'ayant souverainement estimé que les propriétaires ont ainsi manifesté leur
volonté de faire de l'agencement de cette bibliothèque un accessoire de l'immeuble auquel elle
était fixée, et dont elle ne pouvait être détachée sans en altérer la substance, la cour d'appel, qui
a répondu aux conclusions invoquées, en a exactement déduit que ladite bibliothèque
constituait un immeuble par destination attaché au fonds à perpétuelle demeure ;
D'où il suit que le moyen ne peut être retenu en aucune de ses trois branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.
Doc. 5. / Recueil Dalloz 2005 p. 2352
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Droit des biens : panorama 2005 / Blandine Mallet-Bricout, Nadège Reboul-Maupin,
L'essentiel
L'année 2005 est marquée par l'émergence de « nouveaux biens » : produits de l'activité
intellectuelle, sols pollués, biens naturels ou biens environnementaux en sont quelques
illustrations... Certains essaient de parvenir à la qualification de biens par l'extension des
catégories intermédiaires existantes ; d'autres, en revanche, tendent à une adaptabilité du
droit commun des biens. A côté de ces innovations, le droit des biens conserve toutefois ses
« grands classiques » : le juste titre, notion délicate, donne lieu à quelques décisions
intéressantes qui permettent de mieux la cerner. Quant à la théorie des troubles du
voisinage, certaines décisions récentes donnent l'occasion de s'interroger sur l'existence d'un
« droit acquis de nuire à autrui » ou encore sur la cohabitation de cette théorie avec la
copropriété ou le lotissement. On retrouve d'ailleurs le particularisme de la propriété laissant
place à l'intérêt collectif à propos des servitudes : ces derniers mois ont notamment été
marqués par un important revirement de la Cour de cassation relatif aux servitudes au sein
de la copropriété.
I - Qualification des biens : à la recherche de catégories intermédiaires
Qualifier un bien suppose de le faire entrer dans l'une des catégories prévues par la loi. A cet
égard, les décisions récentes, tant nationales qu'européennes, se livrent à une application des
critères de l'immobilisation par destination à une exploitation piscicole (A) ou à celle des
critères de la mobilisation par anticipation à un sol pollué (B). Ce recours intempestif aux
catégories intermédiaires s'inscrit d'ailleurs dans un contexte de renouvellement des biens liés
le plus souvent à la nature et à l'environnement. En droit positif, c'est l'animal qui pose
quelques difficultés : celui-ci a-t-il encore un avenir en droit des biens (C) ?
A - L'application des critères de l'immobilisation par destination
« Les articles 524 et 525 régissent deux types de meubles devenant immeubles par
destination : ceux que le propriétaire d'un fonds y a placés pour le service et l'exploitation
de ce fonds et ceux qu'il a attachés au fonds à perpétuelle demeure » (V. H. Périnet-Marquet,
Evolution de la distinction des meubles et des immeubles depuis le code civil, Etudes offertes
à J. Béguin, Litec, coll. Droit et actualité, 2005, p. 643). La destination issue du code civil de
1804 est strictement légale. Elle est fonctionnelle ou matérielle ; et, à y regarder de plus près,
elle est plutôt « économique par intention ou domestique par incorporation » (V. H. PérinetMarquet, op. cit., p. 651). Pour autant, elle ne doit pas faire perdre de vue qu'elle a connu
certains assouplissements jurisprudentiels. Les tribunaux ont contribué à élargir et à préciser
le critère de destination. Ils ont non seulement étendu les activités auxquelles on applique ledit
critère mais aussi décidé que « la volonté de désaffectation était insuffisante à faire perdre la
qualité d' immeuble par destination s'il n'y a pas soit séparation effective entre l'immeuble
par nature et l' immeuble par destination , soit aliénation de l'un et de l'autre » (V. F. Terré
et P. Simler, Droit civil, Les biens, 6e éd., Dalloz, coll. Précis, 2002, n° 33).
57
C'est bien dans cette logique que s'inscrit l'arrêt rendu le 11 janvier 2005 par la première
Chambre civile de la Cour de cassation. En l'espèce, des époux vendent à une première
société civile immobilière une exploitation piscicole comprenant des bâtiments et des terres.
Le même jour, ils procèdent encore à la vente du matériel nécessaire à l'exploitation et à la
vente des bassins piscicoles à une autre société. Cette dernière reproche aux vendeurs de ne
pas avoir délivré la quantité de truites prévues au contrat et les assigne en remboursement
partiel du prix de vente. La cour d'appel la déclare déchue de son action en relevant que celleci a été intentée plus d'un an après la vente. L'arrêt est cassé pour violation de l'article 1622 du
code civil car il ne « s'applique pas aux ventes de meubles et que les juges ont pu constater
que les poissons avaient été cédés indépendamment du terrain sur lequel les bassins étaient
implantés, de sorte qu'ils ne pouvaient présenter le caractère d' immeubles par destination
au sens de l'article 524 du code civil » (Cass. 1re civ., 11 janv. 2005, n° 01-17.736, D. 2005,
IR p. 246). Dans ces conditions, le critère d'immobilisation par destination fait bien défaut en
ce qu'il y a bien une séparation résultant d'une aliénation (Cass. 1re civ., 4 juin 1962, Bull.
civ. I, n° 284 ; Cass. com., 21 juill. 1987, JCP N 1988, II, p. 312). L'arrêt ne fait que reprendre
une précision jurisprudentielle importante sur les conditions de suppression de la destination.
Toutefois, ne doit-on pas considérer que le contrat prend alors le relais de la loi ? Si le contrat
peut faire perdre la qualité d' immeuble par destination , il peut aussi lui faire acquérir.
C'est admettre une nouvelle destination. A côté de la destination légale, il y aurait la
destination conventionnelle. La solution ressortait déjà implicitement d'un arrêt de la Cour de
cassation rendu le 7 avril 1998 (Bull. civ. I, n° 143 ; D. 1998, Somm. p. 344, obs. A. Robert
; JCP 1998, I, 171, n° 1, obs. H. Périnet-Marquet ; solution déjà consacrée par Cass. civ., 27
juin 1944, DC 1944, Jur. p. 93, note A. C. ; RTD civ. 1945, p. 127, note H. Solus ; JCP 1945,
II, 2782, note G. Toujas) où il est jugé qu'il n'est pas possible de faire perdre aux biens la
qualité d' immeuble par destination par la simple manifestation de la volonté, mais qu'il en
va peut-être différemment en cas de concrétisation de la volonté (formule employée par A.
Robert dans ses obs. sous CA Paris, 8 avr. 1994, D. 1995, Somm. p. 191 ) dans un acte
juridique et donc, a fortiori, qu'il est possible de leur faire acquérir cette qualité par une
stipulation dans l'acte juridique (V. contra, Cass. 3e civ., 26 juin 1991, JCP 1992, II, 21825,
note J.-F. Barbièri où « il est affirmé que la nature immobilière ou mobilière d'un bien est
définie par la loi et que la convention des parties ne peut avoir d'incidence à cet égard »).
Certes, la théorie des immeubles par destination a fait l'objet de vives critiques doctrinales
comme n'ajoutant rien à celle de l'accessoire (V. en ce sens, J. Carbonnier, Droit civil, Les
biens (Monnaie, immeuble, meuble), t. 3, 19e éd., PUF, coll. Thémis, 2000, n° 63). Il en
résulte que la prise en compte d'un nouveau type de destination, dite conventionnelle,
permettrait de dépasser une telle critique et aurait le mérite de s'appuyer sur le principe bien
connu de la force obligatoire du contrat exprimé à l'article 1134 du code civil. D'ailleurs, la
destination conventionnelle a déjà été consacrée dans un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 8
avril 1994 (A. Robert, obs. préc.) à propos de lustres, de boiseries et de tapisseries murales qui
avaient donné lieu à une stipulation dans l'acte de vente comme des éléments constituant des
immeubles par destination . Si elle constitue une dérogation au principe général suivant
lequel la distinction des biens mobiliers et immobiliers est d'ordre objectif, elle conduit
58
incontestablement à admettre la consécration d'une nouvelle source de destination, à savoir
par contrat, dans un contexte d'émergence de « nouveaux biens ».
B - Droit des biens face au droit de l'environnement : des questionnements
La régénération du droit des biens est vivement souhaitée. Etant pour l'essentiel un droit de
l'immeuble (V. H. Périnet-Marquet, L'immeuble et le code civil, in Le Code civil, un passé, un
présent, un avenir, Dalloz, 2004, p. 395), il connaît depuis plusieurs années une explosion de
la matière mobilière qui s'est faite parfois hors du droit, ou par l'intermédiaire de textes
spéciaux, ou encore par l'intervention des juges qui n'ont pas hésité à accueillir une catégorie
coutumière (V. à ce propos, la note de F. G. Trébulle sous CJCE, 7 déc. 2004, Van de Walle,
RDI 2005, p. 31, spéc. p. 35 , citant Pothier qui rapporte que la coutume d'Orléans réputait
meubles les bois de la forêt d'Orléans aussitôt que la coupe avait été adjugée aux sièges des
forêts « quoi qu'ils n'avaient pas encore été abattus » : Pothier, Traité des choses, œuvres
compl., t. XIII, 1873, p. 475), les meubles par anticipation (M. Fréjaville, Des meubles par
anticipation, thèse, Paris, 1927). Ils peuvent être définis comme « des biens, qui par leur
nature physique, sont des immeubles, mais qui, à certains égards, sont soumis au régime
juridique des meubles parce qu'ils sont destinés à le devenir dans un avenir prochain » (P.
Malaurie et L. Aynès, Droit civil, Les biens, 2e éd., Defrénois, 2005, n° 134). Il s'agit là d'une
destination future et, en l'occurrence, d'une dérogation au principe général selon lequel « la
nature mobilière ou immobilière d'un bien ne dépend pas de la volonté de l'homme » (V. F.
Terré, op. cit., n° 33). Ceci étant, la catégorie des meubles par anticipation ne transgresse pas
toujours ledit principe puisque l'on vient encore de lui attribuer une origine toute particulière.
En effet, un arrêt Van de Walle du 7 décembre 2004, rendu à la suite d'une question
préjudicielle posée à la Cour de justice des Communautés européennes, a consacré « sur le
strict plan des déchets une véritable innovation en droit des biens qui invite à élargir la
notion de meubles par anticipation » (CJCE, 7 déc. 2004, aff. C-1/03, note F. G. Trébulle,
préc. ; D. 2004, IR p. 2620 ; AJDA 2004, p. 2454, note A. Gossement ). Au lieu de faire
découler la mobilisation par anticipation de la volonté des parties ou du contrat (V. à cet effet,
le contrat de foretage, C. Larroumet, La mobilisation par anticipation, Mélanges A. Colomer,
Litec, 1993, p. 209 ; V. dernièrement, Cass. 3e civ., 12 janv. 2005, Contrats, conc., consom.,
juin 2005, n° 105, obs. L. Leveneur), il paraît désormais possible de s'en tenir à la loi et, plus
particulièrement, « à une qualité objective qui demeure la pollution » (F. G. Trébulle, note
préc.).
Les faits sont les suivants : un sous-sol est pollué à la suite d'une fuite accidentelle
d'hydrocarbures provenant d'une station-service. Cette dernière était exploitée par un gérant
en vertu d'une convention d'exploitation qui prévoyait que le terrain, bâtiment, matériel et
mobilier d'exploitation étaient mis à la disposition du gérant par Texaco. Après la découverte
de la fuite, qui résultait de défauts dans les installations de stockage de la station-service,
Texaco a considéré que l'exploitation de celle-ci n'était plus possible et a résilié le contrat de
gérance en invoquant une faute grave du gérant. Malgré les travaux d'assainissement du sol
non menés à terme et le remplacement d'une partie des installations de stockage par Texaco,
la région de Bruxelles, propriétaire du terrain voisin victime de l'infiltration d'eaux saturées
59
d'hydrocarbures, et le ministère public agirent contre celle-ci en lui reprochant d'avoir
abandonné des déchets. Les juridictions belges se sont alors interrogées à la fois sur la notion
d'abandon et de déchets. Pour sa part, la Cour d'appel de Bruxelles, ayant un doute sur la
qualification de déchet des terres non encore excavées, interroge la Cour de justice des
Communautés européennes. Celle-ci retient avec étonnement la qualification de déchets « au
sens de la directive CE n° 75/442 du 15 juillet 1975 (dont le point Q 4 de l'annexe I précise
que doit être considéré comme déchet « toute matière, équipement, etc., contaminés par suite
du déversement accidentel de ces matières, de la perte de celles-ci ou de tout autre incident »)
qui s'impose pour le sol contaminé par suite d'un déversement accidentel d'hydrocarbures »
(pt 52). Alors que le sol, en tant que fonds de terre, relève de l'article 518 du code civil, et
donc de la catégorie des immeubles par nature, la Cour nous surprend en l'analysant comme
un déchet. La question est clairement posée par M. le Professeur Trébulle : « comment
concevoir que le sol, fonds de terre, puisse être en même temps un immeuble par nature et un
déchet, c'est-à-dire un meuble ? » (V. la note sous CJCE, 7 déc. 2004, préc., p. 34). Pour y
répondre, il considère que la Cour « adopte un raisonnement fondé sur la règle de l'accessoire
» mais interprété en sens inverse puisqu'elle retient que « les hydrocarbures ne sont pas
séparables des terres qu'ils ont polluées et ne peuvent être valorisés ou éliminés que si ces
terres font également l'objet des opérations nécessaires de décontamination », note de F. G.
Trébulle, préc.). Ainsi, les déchets constituent le principal alors que la terre demeure
l'accessoire. Peu importe, il s'agit là d'une application de la théorie de la mobilisation par
anticipation. En effet, la terre polluée par les hydrocarbures peut être considérée comme un
déchet dans une optique de protection des milieux naturels et d'interdiction de leur abandon.
Une telle qualification « dépend donc bien de l'obligation qu'a la personne à l'origine du
déversement accidentel de ces substances de se défaire de celles-ci » (pt 52). Ainsi,
l'obligation de s'en défaire en les éliminant ou en les valorisant imposée par la loi, et donc par
le code de l'environnement, en matière de déchets dangereux, va permettre d'anticiper le
détachement. Il en résulte que la mobilisation par anticipation s'éloigne de sa source première
qu'est la volonté des parties ou le contrat pour y préférer la loi. La chronologie des sources est
donc inversée par rapport à celle de l'immobilisation par destination, mais il n'en demeure pas
moins que les catégories intermédiaires accusent un réel succès.
Par conséquent, l'homogénéité du droit des biens est mise à mal. Elle l'est d'ailleurs, le plus
souvent, par le droit de l'environnement qui, loin de se cantonner à élargir la mobilisation par
anticipation, « met en évidence la nécessité de créer des catégories juridiques particulières,
et, par exemple, les biens de l'environnement ou biens naturels, bien spéciaux par excellence
» (M.-J. del Rey-Bouchentouf, Droit des biens et droit de l'environnement, thèse, Paris ISorbonne, 2002). C'est mettre en avant le « patrimoine commun de l'humanité » et proclamer
« haut et fort » le point de vue écologique. Le relais est pris par le droit de l'environnement
qui s'adonne à protéger la faune sauvage (V. à cet effet pour l'animal sauvage, L. du 10 juill.
1976 ; V. sur la question, S. Antoine, L'animal et le droit des biens, D. 2003, Chron. p.
2651 ), ce qui apporte un « enrichissement au droit des biens » et participe en même temps «
à la remise en cause de sa summa divisio qui semble désormais bel et bien dépassée,
aléatoire, et insuffisante » (S. Antoine, art. préc., p. 2654). Le droit de l'environnement fait
donc prendre conscience qu'il faut repenser les distinctions en adaptant le droit commun des
60
biens (V. sur la question de l'adaptabilité du droit des biens à propos du produit de l'activité
intellectuelle, T. Revet, obs. sous Cass. crim., 22 sept. 2004, RTD civ. 2005, p. 164 ; V. C.
Caron, Du droit commun des biens en tant que droit commun de la propriété intellectuelle,
JCP 2004, I, 162), et en commençant, par exemple, à attribuer un statut juridique à l'animal.
C - Quel avenir pour l'animal en droit des biens ?
« La pensée zoophile est en constante évolution : la sensibilité à la cause animale ne cesse de
croître » (B. Vital-Durand, Tous les animaux naissent libres et égaux, Libération du 27 mai
2005, p. 27), ce qui amène, depuis quelque temps déjà, à s'interroger sur l'avenir de l'animal
en droit des biens. « Sans aller jusqu'à souhaiter des droits semblables à ceux des êtres
humains » (position de Paola Cavalieri, philosophe italienne), la réforme proposée par Mme
Suzanne Antoine, Présidente de chambre honoraire à la Cour d'appel de Paris (S. Antoine,
Rapport sur le régime juridique de l'animal, www.ladocumentationfrançaise.fr), aboutit à deux
solutions. La première, privilégiée par l'auteur, consiste à « déréifier » les animaux en les
considérant comme des êtres vivants doués de sensibilité et aboutit à une extraction complète
de l'animal du droit des biens tout en ne bouleversant pas le régime de l'appropriation. La
seconde se contente de créer une troisième catégorie de biens, celle des animaux, en les
associant à des « biens protégés ». C'est reprendre pour la première de ses propositions les
termes de l'article 9 (abrogé par l'Ord. n° 2000-550 du 15 juin 2000, D. 2000, Lég. p. 290) de
la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, puisqu'il qualifiait
l'animal « d'être sensible qui devait être placé par un propriétaire dans des conditions
compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce ». Déjà reconnue par la
jurisprudence comme une personne par destination (TGI Lille, 23 mars 1999, D. 1999, Jur. p.
350, note X. Labbée ; Defrénois 1999, art. 37048, note P. Malaurie), il semble que la
réflexion législative menée sur le nouveau statut juridique de l'animal n'aille pas aussi loin.
Tout au plus, elle semble admettre que l'animal serait une entité à mi-chemin entre les biens et
les personnes.
Ne faut-il pas préférer que le droit des biens apparaisse beaucoup plus proche de la nature des
choses ? A cet effet, deux tendances peuvent s'imposer. Une première tendance d'adaptation à
de nouvelles préoccupations qui devrait conduire le droit des biens à mettre à plat ces
distinctions classiques pour en introduire de nouvelles fondées sur la nature des choses. La
seconde tendance serait plutôt de consacrer un droit des biens spéciaux afin de réintroduire de
nouvelles catégories ignorées du droit commun, ce qui aurait le mérite « de s'adonner à une
vision concrète des choses » (J. Carbonnier, op. cit., n° 46). Pour cet être sensible, autre que
l'être humain, que constitue l'animal, il semble qu'il faille préférer la première à la seconde
tendance, sauf à s'aventurer dans une spécialisation à outrance des droits pouvant conduire à
perdre de vue le droit commun des biens. Il nous faut régénérer le droit des biens en ajoutant
aux deux critères classiques de reconnaissance des biens, à savoir ceux de l'appropriation et
de l'utilité, ceux apportés par le droit de l'environnement, « à savoir celui de la protection [le
droit cherche à protéger les biens] et celui de la finalité [dans certains systèmes juridiques,
les fins sont considérées comme des biens] » (M.-J. del Rey-Bouchentouf, Les biens naturels,
un nouveau droit objectif : le droit des biens spéciaux, D. 2004, Chron. p. 1615 ). Le tour est
61
ainsi joué. Rendons aux biens, ce qui relève des biens et laissons aux personnes, ce qui relève
des personnes!
N. R.-M.
…………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………
METHODOLOGIE DU CAS PRATIQUE (inspirée d’Isabelle Defrénois-Souleau, Je veux
réussir mon droit. Méthodes de travail et clés du succès, 7è éd., Dalloz, 2010)
Comme tous les exercices juridiques, le cas pratique est un travail de démonstration qui
conduit à une réponse ponctuelle et précise à la question posée. Aucune extrapolation n’est
admise. L’étudiant doit mener une démonstration concise en évitant de verser dans des
développements théoriques sans intérêt.
Dans un cas pratique, on ne vous demande pas lequel des protagonistes, vous semble dans son
bon droit, ou quel arrangement vous paraîtrait équitable.
On vous demande la solution imposée par la loi ou, plus largement, par le droit positif en
vigueur ; autrement dit, la solution qu’apporterait un tribunal si le cas lui était donné à juger.
Vous devez découvrir les règles applicables et les mettre en œuvre comme si vous étiez le
juge.
Puisque la solution d’un cas pratique ne s’invente pas, des connaissances précises sont
nécessaires pour parvenir à des réponses exactes. N’essayez pas de résoudre un cas avant
d’avoir appris et compris la matière théorique sur laquelle il porte.
Il faut connaître les règles de droit, leurs conditions d’application, leurs effets, leurs
exceptions, sans oublier les détails tels que la durée des délais, etc. Il faut savoir quelle est la
position de la jurisprudence récente, et pour cela, avoir étudié quelques arrêts.
Il faut avoir acquis une certaine familiarité avec la terminologie, afin que les mots employés
dans l’énoncé ne soient pas vides de sens, mais éveillent des échos, déclenchent des
associations d’idées, suggèrent des solutions possibles.
En un mot, il faut être précis et attentif à tous les détails.
Ne cherchez pas un plan subtil. Le cas pratique est un exercice simple, qui n’obéit à aucune
règle de forme particulière. Il s’agit seulement de répondre, dans l’ordre, aux questions
posées.
On attend de vous une réponse qui soit à la fois précise et raisonnée. Une solution non
justifiée par un raisonnement juridique serait sans valeur pour le correcteur. Et, de
même, une argumentation ou un exposé de connaissances qui ne déboucherait pas sur
une réponse précise à la question posée resterait inachevé.
Donc : pas de solution sans raisonnement, pas de raisonnement sans une solution.
Et pour justifier clairement la solution, la meilleure méthode est celle du raisonnement
juridique classique :
62
1. Qualifications juridiques (qualification juridique des faits et problème juridique)
2. Règles applicables
3. Solution.
Construction
A- Schéma d’un cas pratique ne comportant qu’une question
INTRODUCTION
1- Domaine général dans lequel se situe le cas pratique
C’est la phrase d’entrée en matière Même si certains soutiennent qu’elle n’est pas obligatoire
dans un cas pratique, elle est importante car elle rend compte du degré de compréhension du
cas par l’étudiant. Il est alors vivement recommandé de situer le cas dans son contexte.
2-
Exposé des faits
Pour présenter l’exposé des faits, exprimez-vous en juriste. Il est sans intérêt de reprendre
textuellement l’énoncé, ou de le paraphraser maladroitement. L’exposé des faits doit se
faire dans l’ordre chronologique (la démarche consistant à exposer les faits dans l’ordre de
leur importance est aussi admise). Les actes, les évènements doivent être précisés en
termes juridiques et abstraits. Les personnes ne doivent pas être nommées sauf si le cas
pratique est relatif à l’identification des personnes.
3- Qualification juridique des faits
Qualifier, c’est nommer en termes juridiques. On qualifie des faits, ou une situation, en les
exprimant en termes juridiques et abstraits, afin de les rattacher aux cas prévus et
réglementés par la loi. Exemple, dire est-ce qu’il s’agit d’un problème d’application de la
loi dans le temps, est-ce un problème de preuve ou un problème de nullité du mariage etc.
4- Formulation du ou des problèmes de droit à résoudre
Elle permet de dégager et de formuler un ou plusieurs problèmes de droit. Elle n’est
nécessaire que quand la question n’est pas déjà formulée en termes techniques et précis.
D’une demande de conseil, d’une question posée en langage courant, ou en termes vagues
(du genre « quels sont ses droits, de moyens dispose-t-il, que peut-il faire, qu’en pensezvous ? »), vous tirez donc une ou plusieurs questions de droit, précises, bien circonscrites,
auxquelles l’exposé des règles applicables va répondre.
Pour être parfaitement clair et précis, aboutissez à la formulation de problèmes de droit,
posés en termes abstraits et concis.
A RETENIR: Le problème de droit doit toujours être posé au regard de la règle de
principe
5- Règles applicables (ou principes de solution)
63
La deuxième phase du raisonnement consiste en une description et une explication des
règles applicables à la situation juridique que vous venez de dégager. Ce sont ces règles
qui apportent les principes de solution et qui justifient vos réponses.
Cet examen du droit positif portera sur :
Textes (légaux et réglementaires) et grands principes.
Jurisprudence (quelques mots sur l’évolution, puis explication des solutions
actuelles).
Doctrine.
Expliquez de manière approfondie les points de droit utiles à la solution mais
n’indiquez que brièvement ceux qui ne font pas de difficulté en l’espèce.
6- SOLUTION (ou réponse)
La dernière étape consiste à tirer les raisonnements en appliquant les règles de droit au
cas d’espèce. On aboutit ainsi aux solutions imposées par le droit positif.
Dans la dernière partie de votre devoir, vous devez apporter des solutions nettes et
explicites à un double niveau :
Au plan juridique et abstrait, donnez réponse aux problèmes de droit que vous
avez dégagés plus haut. Expliquez de manière claire et convaincante la solution
tirée des règles exposées, la décision que prendrait un tribunal saisi de l’affaire.
Puis au plan concret, répondez à la question pratique posée : donnez une réponse
ou conseil concret et précis.
Eventuellement, pour une deuxième réponse écartant une autre solution, et/ou proposant
une solution subsidiaire, le plan sera le même.
A RETENIR : De manière détaillée, dans un cas pratique il faut obligatoirement :
rappeler les faits, qualifier juridiquement les faits, poser le problème juridique, donner le
(ou les) principe(s) de solution, rattacher le (ou les) principe (s) de solution au cas
d’espèce, donner la solution.
B- Schéma d’un cas pratique comportant plusieurs questions
INTRODUCTION
-
Domaine général dans lequel se situe le cas pratique,
-
Exposé des faits (dans l’ordre chronologique (par exemple), en se limitant à ceux qui
constituent les données de l’ensemble des questions).
-
Qualification juridique des faits
PREMIERE QUESTION
Transposition de la question en termes juridiques (si nécessaire) et formulation d’un ou
plusieurs problèmes de droit (concis et abstraits).
64
Réponse au premier problème :
Règles applicables : exposé du droit positif.
Solution :
. Solution du problème de droit
. Réponse concrète.
Réponse à un deuxième problème (s’il y a lieu) : même raisonnement.
DEUXIEME QUESTION : même raisonnement.
TROISIEME QUESTION : même raisonnement
65
Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Faculté des sciences Juridiques et Politiques
***********
Année Universitaire 2012/2013
Licence 1 Sciences Juridiques
Droit Civil / Groupe A
1er Semestre
Cours du Professeur Mohamed Bachir NIANG
Coord. Melle Ndèye Coumba Madeleine NDIAYE
SEANCE 6
Thème : Les droits subjectifs
Sous-thème : La preuve des droits subjectifs
Exercice : Faire les cas pratiques
Cas 1
Nguéma a prêté, en présence d’un agent de son service, une somme de 100.000 frs à une de
ses nouvelles collègues qui n’a été recrutée que depuis une semaine et qui lui disait avoir
une urgence à régler. Nguéma ne la connaissait pas avant ; d’ailleurs ils n’ont aucune
relation particulière au bureau.
Deux mois se sont écoulés, mais sa débitrice qui devait lui payer la somme dans la semaine
du prêt fait la sourde oreille à se demande de remboursement. Pire, sa débitrice ne lui
adresse même plus la parole. Nguéma veut saisir la justice.
A-t-il des chances de recouvrer sa créance ?
Cas 2
Pathé, un père de famille, a été victime d’une agression alors qu’il regagnait le parking où il
gare sa voiture. Au cours de l’incident, la serviette qui contenait la quittance du paiement de
son dernier mois de loyer d’un montant de 250.000 frs CFA a été emportée par le malfaiteur.
Son bailleur, au courant de la situation, en profite pour l’arnaquer. Il le menace d’expulsion,
arguant n’avoir rien reçu de son locataire. Traduit devant le juge par son bailleur qui lui
66
réclame paiement, Pathé se défend d’avoir déjà payé.
Qui doit prouver ? Et comment doit-il prouver ?
Cas 3
Pendant les fêtes de pâques, Ndoya a quitté, pour quelques jours, la magnifique résidence
dont elle est propriétaire à Sendou pour visiter la capitale. Mais son séjour s'est très mal
passé. En effet, le 31 mars au soir, devant des témoins éberlués, un homme en moto lui a
roulé sur les pieds avant de finir sa course dans la vitrine d’un grand magasin. Tant bien que
mal, Ndoya rentre à Sendou 5 jours plus tard et là, une autre mauvaise surprise l'attendait.
Aurélie, qui avait loué pour une semaine sa résidence durant son absence, ne lui avait pas
laissé la somme de 300 000 F correspondant au loyer. Ndoya a aussitôt appelé Aurélie. Cette
dernière nie l’existence d’un quelconque contrat de location qui les lie et soutient que Ndoya
avait seulement mis la résidence à sa disposition; Ndoya est furieuse. Aurélie est de
mauvaise foi puisque dans une correspondance électronique du 15 février, elle affirmait être
d’accord pour louer à 300 000 F la résidence pendant les fêtes de pâques.
Ndoya veut savoir comment elle peut prouver l'accident d'une part, car elle envisage de
demander
des
dommages
intérêts
au
conducteur
de
la
moto.
D'autre part, elle veut savoir si elle a assez d'éléments de preuve pour espérer récupérer ses
300 000 F CFA.
Bibliographie indicative
-
BUFFELAN-LANORE (Y.) et LARRIBAU-TEYNEYRE (V.), Droit civil 1re
année, Sirey, 16è éd., 2009.
CARBONNIER (J.), Droit civil, Introduction, PUF, coll. Thémis, 2è éd. 2002
CORNU (G.), Droit civil, Introduction au droit, Montchrestien, coll. « Précis
Domat », 13è éd., 2007
MALAURIE (Ph.) et MORVAN (P.), Droit civil, Introduction générale, Défrénois,
coll. « Droit civil », 3è éd., 2009.
MAZEAUD (H., L. et J.) et CHABAS (F.), Leçons de droit civil : Introduction à
l’étude du droit, Montchrestien, 12è ed., 2000.
TERRE (F.), Introduction générale au droit, Dalloz, coll. « Précis », 8è éd., 2009.
(n° 449-571)
Documents annexes
Doc. 1. Articles 9 à 38 du COCC (articles et commentaires disponibles à la salle de lecture de la FSJP)
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CHAPITRE Il / LA PREUVE DES OBLIGATIONS
SECTION PREMIERE / LA CHARGE DE LA PREUVE
ARTICLE 9 / Droit commun
Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit en prouver l'existence.
Celui qui se prétend libéré doit prouver que l'obligation est inexistante ou éteinte.
ARTICLE 10 / Présomptions légales
Celui qui établit les actes ou faits auxquels la loi a attaché une présomption bénéficie pour le surplus d'une
dispense de preuve.
En toute hypothèse, la bonne foi est présumée et c'est à celui qui allègue la mauvaise foi de la prouver.
ARTICLE 11 / Preuve contraire aux présomptions légales
La présomption légale supporte la preuve contraire qui peut être faite par tous moyens.
Interdite dans les cas expressément prévus par la loi, la preuve contraire peut également être limitée dans son
objet ou dans les moyens de preuve laissés à la disposition des parties.
SECTION Il / LES MOYENS DE PREUVE
ARTICLE 12 / Enumération
Les seuls moyens de preuve retenus par la loi sont:
- L'écrit ;
- Le témoignage ;
- La présomption du fait de l'homme ;
- L'aveu judiciaire ;
- Le serment.
ARTICLE 13 / Liberté de preuve
Tous ces moyens peuvent être utilisés pour la preuve des faits juridiques.
La preuve est libre en matière commerciale pour les actes juridiques.
Paragraphe Premier L'écrit
ARTICLE 14 / Préconstitution de la preuve
Il doit être passé acte devant notaire ou sous signatures privées de toute convention dont l'objet excède 20.000
francs.
ARTICLE 15 / Impossibilité de préconstitution de la preuve
La règle ci-dessus reçoit exception toutes les fois qu'il n'a pas été possible au créancier de se procurer ou de
produire une preuve écrite de la convention.
68
ARTICLE 16 / Commencement de preuve écrit
Les témoignages et présomptions sont également recevables, lorsqu'il existe un commencement de preuve par
écrit.
On appelle commencement de preuve par écrit tout écrit qui rend vraisemblable le fait allégué et qui émane de
celui auquel on l'oppose, de son auteur ou de son représentant.
Sont assimilées au commencement de preuve par écrit les déclarations faites au cours d'une comparution
personnelle ordonnée par le juge.
ARTICLE 17 / Acte authentique
L'acte authentique est celui qui a été reçu par un officier public compétent instrumentant dans les formes
requises par la loi.
L'acte qui ne remplit pas ces conditions vaut comme acte sous seings privés s'il a été signé par les parties.
ARTICLE 18 / Force probante
L'acte authentique fait pleine foi à l'égard de tous et jusqu'à inscription de faux de ce que l'officier a fait ou
constaté personnellement conformément à ses fonctions.
Pour le surplus l'acte fait foi seulement jusqu'a preuve contraire.
ARTICLE 19 / Acte sous seings privés
L'acte sous seings privés est valable lorsqu'il est signé par les parties.
ARTICLE 20 / Actes des illettrés
La partie illettrée doit se faire assister de deux témoins lettrés qui certifient dans l'écrit son identité et sa
présence: ils attestent en outre que la nature et les effets de l'acte lui ont été précisés.
ARTICLE 21 / Formalité du double
L'acte sous seings privés relatif à une convention synallagmatique doit être rédigé en autant d'originaux qu'il y
a de parties ayant un intérêt distinct.
Chaque original doit contenir la mention du nombre des originaux établis.
ARTICLE 22 / Formalité du bon pour
L'acte sous seings privés contenant un engagement unilatéral doit être rédigé en entier de la main de celui qui
le souscrit.
Dans le cas contraire, il faut que celui qui s'engage écrive de sa main, outre sa signature un bon pour ou un
approuvé portant en toutes lettres le montant de son obligation dont il fait preuve.
La présence des témoins certificateurs dispense les illettrés de l'accomplissement de la présente formalité.
ARTICLE 23 / Force probante de l'acte sous seings privés
L'acte sous seings privés reconnu par celui auquel on l'oppose, ou déclare sincère par le juge, fait foi de son
contenu à l'égard de tous jusqu'à preuve contraire.
ARTICLE 24 / Date certaine
69
L'acte sous seings privés fait foi de sa date entre les parties et leurs ayants cause à titre universel.
A l'égard des tiers il acquiert date certaine du jour où il a été enregistré, du jour du décès d'une des parties ou
du jour ou l'acte a été mentionné dans un acte dressé par un officier public.
ARTICLE 25 / Désaveu et contestation
Faute de désaveu, l'écriture ou la signature sont tenues pour reconnues.
Les héritiers ou ayants cause peuvent se borner à déclarer qu'ils ne connaissent pas l'écriture ou la signature de
leur auteur.
ARTICLE 26 / Vérification d'écriture
En cas de désaveu ou de non connaissance, la vérification d'écriture est ordonnée en justice suivant les
dispositions du Code de procédure civile.
ARTICLE 27 / Lettres missives
La lettre missive fait foi des engagements qu'elle contient contre celui qui l'a signée.
ARTICLE 28 / Copie et reproduction de titres
La copie, photocopie ou toute autre reproduction d'actes authentiques, ou d'actes sous seings privés a la même
force probante que l'acte lui-même lorsqu'elle est certifiée conforme par un officier public ou, dans les limites
de leurs attributions, par le conservateur de la propriété foncière et le receveur de l'enregistrement.
(Loi du 6 juillet 1989).
La copie, photocopie ou toute autre reproduction d'actes sous-seings privés a également la même force
probante que l'acte lui-même, lorsqu'elle est certifiée conforme par un officier de police judiciaire.
Paragraphe II / Des témoignages et des présomptions du fait de l'homme
ARTICLE 29 / Admissibilité
La preuve par témoins ou par présomptions du fait de l'homme est admissible chaque fois que la
préconstitution de la preuve n'est pas obligatoire.
Elle n'est pas recevable contre et outre le contenue d'un acte écrit.
ARTICLE 30 Force probante
Les témoignages ou présomptions sont abandonnés à la prudence du magistrat qui en apprécie la
gravité, la précision ou la concordance.
ARTICLE 31 / Enregistrement de la parole
Les modes de reproduction de la parole peuvent seulement être retenus comme présomptions du fait de
l'homme.
ARTICLE 32 / Aveu extrajudiciaire
L'aveu extrajudiciaire vaut comme présomption du fait de l'homme.
Paragraphe III / L'aveu judiciaire et le serment
70
ARTICLE 33 / Conditions et effets de l'aveu
Recevable en toute matière, l'aveu judiciaire de la partie, ou de son fondé de pouvoir spécial, fait pleine foi
contre celui dont il émane.
L'aveu est indivisible. Il ne peut être révoqué sauf erreur de fait.
ARTICLE 34 / Conditions de la prestation de serment
Le serment peut être déféré en toute matière sur un fait personnel à la partie à laquelle on le défère.
ARTICLE 35 / Effets
La force probante du serment et sa forme résultent de la convention des parties passées devant le juge.
Si la partie refuse une telle convention, son refus vaut aveu judiciaire, sauf à référer le serment à l'adversaire.
Le refus de prêter le serment ainsi référé vaut aveu par l'adversaire de la fausseté du fait allégué.
ARTICLE 36 / Aveu et serment des personnes morales
Pour les personnes morales, l'aveu est fait et le serment prêté par les personnes physiques qui les représentent,
statutairement.
SECTION III / LES CONVENTIONS SUR LA PREUVE
ARTICLE 37/ Conventions valables
Les conventions sur la preuve sont valables dans la mesure où les parties règlent conventionnellement
l'acquisition ou la perte d'un droit par la production d'un mode de preuve déterminé.
ARTICLE 38 / Conventions nulles
Sont nulles les conventions ayant pour objet de modifier la charge de la preuve telle qu'elle est
répartie par la loi.
Art. 179 / Preuve du paiement
La preuve du paiement obéit, sauf dispositions contraires de la loi, aux règles du droit commun de la preuve
Doc. 2. / Loi n° 2008-08 du 25 janvier 2008 sur les transactions électroniques, Recueil –Droit sénégalais
dans la société de l’information, p. 63. (disponible à la salle de lecture de la FSJP)
Art. 19, al.1 Lorsqu’un écrit est exigé pour la validité d’un acte juridique, il peut être établi et conservé sous
forme électronique dans les conditions prévues aux articles 37 et 41 de la présente loi.
Art. 24 al. 1Quiconque propose, à titre professionnel, par voie électronique, la fourniture de biens ou la
prestation de services, met à la disposition de la clientèle les conditions contractuelles applicables d’une
manière qui permette leur conservation et leur reproduction. Sans préjudice des conditions de validité
mentionnées dans l’offre, son auteur reste engagé par elle tant qu’elle est accessible par voie électronique de
son fait […]
Art. 37 L’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier et a la
même force probante que celui-ci, sous réserve que puisse être dûment identifié la personne dont il émane et
qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité.
71
La conservation des documents sous forme électronique doit se faire pendant une période de dix (10) ans et
dans les conditions suivantes : […]
Art. 41 La signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie celui qui l’appose. Elle manifeste le
consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier
public, elle confère l’authenticité à l’acte.
Lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien
avec l’acte auquel elle s’attache.
La fiabilité de ce procédé est présumé, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée.
L’acte authentique peut être dressé sur support électronique s’il est établi et conservé dans des conditions
fixées par décret.
Doc. 3. / Articles 1315 à 1369-11 C. civ. français (Disponibles à la salle de lecture de la FSJP)
Art. 1315 Celui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l’extinction de
son obligation.
Art. 1316 (L. n° 2000-230 du 13 mars 2000) La preuve littérale, ou preuve par écrit, résulte d’une suite de
lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification intelligible,
quels sue soient leur support et leurs modalités de transmission.
Art. 1316-1. L’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier,
sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des
conditions de nature à e, garantir l’intégrité.
Art. 1317 L’acte authentique est celui qui a été reçu par officiers publics ayant el droit d’instrumenter dans le
lieu où l’acte a été rédigé, et avec les solennités requises.
(L. n° 2000-230 du 13 mars 2000) « Il peut être dressé sur support électronique s’il est établi et conservé dans
des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. »
Art. 1322 L’acte sous seing privé, reconnu par celui auquel on l’oppose, ou légalement tenu pour reconnu, a,
entre ceux qui l’ont souscrit et entre leurs héritiers et ayants cause, la même foi que l’acte authentique.
Art. 1341 Il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une
somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et il n’est reçu aucune preuve par
témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait avoir été dit avant, lors ou depuis les actes,
encore qu’il s’agisse d’une somme ou valeur moindre.
Le tout sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce.
Art. 1352 La présomption légale dispense de toute preuve celui au profit duquel elle existe.
Nulle preuve n’est admise contre la présomption de la loi, lorsque, sur le fondement de cette présomption, elle
annule certains actes ou dénie l’action en justice, à moins qu’elle n’ait réservé la preuve contraire et sauf ce qui
sera dit sur le serment et l’aveu judiciaires
Art. 1353 Les présomptions qui ne sont point établies par la loi, sont abandonnées aux lumières et à la
prudence du magistrat, qui ne doit admettre que des présomptions graves, précises et concordantes, et dans les
cas seulement où la loi admet les preuves testimoniales, à moins que l’acte ne soit attaqué pour cause de fraude
ou de dol.
72
Art. 1354 L’aveu qui est opposé à une partie, est ou extrajudiciaire ou judiciaire.
Art. 1357 Le serment judiciaire est de deux espèces :
1° Celui qu’une partie défère à l’autre pour en faire dépendre le jugement de la cause : il est appelé décisoire.
2° Celui qui est déféré d’office par le juge à l’une ou à l’autre des parties.
Art. 1369-1 (ord. N° 2005-674 du 16 juin 2005) la voie électronique peut être utilisée pour mettre à disposition
des conditions contractuelles ou des informations sur des biens ou services.
Doc. 4. / Extrait de Philippe Delebecque, Jean-Daniel Bretzner, Isabelle Gelbard-Le
Dauphin / Droit de la preuve, juillet 2010 - octobre 2011 - Recueil Dalloz 2011 p. 2891
J.-D. B.
II - Les principes probatoires propres aux droits personnels
A - La preuve des actes juridiques
1 - En l'absence de fraude, la preuve, entre les parties, d'une simulation doit se faire par écrit
En cas de fraude, la simulation se prouve par tous moyens, puisque la fraude fait échec à
tous les principes (Civ. 1re, 17 déc. 2009, n° 08-13.276, D. 2010. 150 , et 2671, nos obs. ).
Mais, en dehors de cette situation, les règles ordinaires retrouvent leur application et la
simulation doit alors être prouvée par écrit, dès l'instant que l'acte ostensible est établi sous
cette forme (V. Civ. 1re, 18 janv. 1989, n° 86-15.605, Bull. civ. I, n° 28 ; RTD civ. 1990. 79,
obs. J. Mestre ; Civ. 3e, 3 mai 1978, Bull. civ. III, n° 186). Elle ne peut résulter, par
ailleurs, du comportement de l'une des parties à l'acte ostensible. Voilà en substance ce que
nous dit un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 15 septembre
2010 (Civ. 3e, 15 sept. 2010, n° 09-68.656, Bull. civ. III, n° 160 ; AJDI 2011. 438 , obs. N.
Damas ; RTD civ. 2010. 781, obs. B. Fages ).
En l'espèce, l'ayant droit d'une partie à un bail emphytéotique, sans se prévaloir d'une
quelconque fraude, avait agi en déclaration de simulation, afin d'obtenir l'annulation dudit
bail. Le demandeur n'invoquait aucun écrit pouvant contredire l'acte apparent et s'était
contenté de dire que son auteur - la bailleresse - avait laissé faire les choses et n'avait fait
preuve d'aucune rigueur au cours de l'exécution du bail. Le bailleur, avait-il été prétendu,
aurait fait montre de « faiblesse vis-à-vis du locataire en n'exigeant pas l'application stricte
des termes du bail emphytéotique », ce qui signifiait que les parties étaient convenues à
l'origine d'une simulation de bail emphytéotique pour cacher une autre opération. Pouvait-on
se fonder sur le seul comportement d'une partie pour conclure à l'existence d'une simulation,
alors qu'un acte ostensible - le bail emphytéotique - avait été conclu en bonne et due forme ?
Aucun commencement de preuve par écrit n'accréditait la simulation. De même, aucune
impossibilité morale d'établir un écrit n'était-elle alléguée. L'acte apparent écrit ne pouvait
donc être remis en cause que par un autre écrit. A défaut, la preuve d'un simple fait - le
comportement de l'une des parties à l'acte et plus précisément sa complaisance - n'avait-elle
aucune efficacité juridique.
73
Ph. D.
2 - Impossibilité morale de pré-constituer un écrit en présence d'un usage agricole
Comment prouver une vente d'aliments pour le bétail à l'égard d'un acheteur qui n'a pas la
qualité de commerçant (une exploitation agricole à responsabilité limitée) ? Par écrit, si du
moins la valeur de l'opération dépasse 1 500 € ou, encore, sur la base d'un commencement
de preuve par écrit rendant admissible la preuve par d'autres moyens. Ce qui n'est pas le cas
si le demandeur, le vendeur en l'espèce, se prévaut de documents (bons de livraison, bons de
fabrication) émanant de lui-même ou de l'un de ses préposés. Ce qui est cependant le cas, si
ces documents émanent d'un mandataire du demandeur, mandataire dont on peut présumer
l'indépendance. Par commencement de preuve par écrit donc ou, en son absence, par tous
moyens, dans la mesure où le demandeur peut établir une impossibilité morale de préconstituer un écrit. Or, précisément, en matière de vente agricole, l'usage est d'autoriser les
parties à sceller verbalement leurs conventions (V., pour une vente d'engrais naturel, Civ.
1re, 28 févr. 1995, n° 93-15.448, RTD civ. 1996. 170, spéc. 174, obs. J. Mestre ; CCC
1995, n° 83, obs. L. Leveneur). La parole suffit. Le monde rural est encore respectueux de
ses poignées de mains.
C'est au demeurant ce bel usage qui est ici rappelé (Com. 22 mars 2011, n° 09-72.426, D.
2011. 1076, obs. X. Delpech, et 2687, chron. F. Arbellot ; RTD civ. 2011. 491, obs. P.
Deumier ; Dr. rur. 2011. Comm. 81, obs. J.-J. Barbièri ; RDC 2011. 869, obs. Libchaber).
Et l'arrêt d'approuver la cour d'appel qui avait estimé que des commandes d'aliments pour
bétail pouvaient être faites par téléphone et ne pas être concrétisées par un écrit daté et signé
par le client.
Ph. D.
3 - Le défaut de forme de l'acte authentique enfermant une cession de parts n'emporte pas la
nullité du contrat conclu, mais simplement sa réduction en acte sous seing privé
Même s'il relève plus de la forme des actes juridiques que de leur preuve, l'arrêt de la
première chambre civile du 28 septembre 2011 (Civ. 1re, 28 sept. 2011, n° 10-13.733, D.
2011. 2471) mérite d'être signalé dans ce panorama. Il met en cause un acte notarié dont la
régularité passe, comme on le sait, par le respect scrupuleux des dispositions du décret du 26
novembre 1971. Le texte impose, entre autres exigences de forme, la signature du notaire,
celle des parties et des éventuels représentants. En l'espèce, le débat s'est concentré sur
l'absence de signature de l'une des parties (co-cédant des parts sociales d'une SCI faisant
l'objet d'un contrat de cession). Cette carence constituait un défaut de forme au sens de
l'article 1318 du code civil privant l'acte de toute authenticité. Pour autant, l'acte n'était pas
privé de toute valeur instrumentaire et pouvait encore être considéré comme un acte sous
seing privé.
L'arrêt permet de rappeler que lorsqu'un acte authentique est requis à titre de validité, son
irrégularité formelle entraîne la nullité de l'acte. Dans le cas inverse, l'irrégularité n'affecte
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que sa force probante : celle-ci est réduite à celle d'un acte sous seing privé s'il a été signé
(V. Civ. 1re, 21 févr. 2006, n° 04-17.318, Bull. civ. I, n° 85 ; D. 2006. 675 , et 2007. 1901,
obs. T. Vasseur ; RTD civ. 2006. 767, obs. J. Mestre et B. Fages ). Cette réserve n'était
pas en cause en l'espèce, car le co-cédant avait ultérieurement ratifié l'acte de cession, et
c'est bien d'instrumentum irrégulier qu'il s'agissait. La solution de requalification en acte
sous seing privé mérite donc d'être retenue, mais il serait intéressant d'en savoir plus sur la
notion de « défaut de forme » visée par l'article 1318. Le défaut de signature du notaire luimême en fait-il partie ? N'est-ce pas un cas d'inexistence ? Qu'en est-il aussi de l'irrégularité
des pouvoirs donnés à un clerc qui n'en est pas un ? Quid encore de l'annexion de ces
pouvoirs à l'acte lui-même (cf. Décr. 26 nov. 1971, art. 21) ? Ces questions appelleraient,
elles aussi, des réponses claires.
Doc.5. / Extrait de Matthieu Buchberger, Le rôle de l'article 1315 du code civil en cas
d'inexécution d'un contrat - Recueil Dalloz 2011 p. 465
L'essentiel
L'apparente simplicité de l'article 1315 du code civil est trompeuse. Dès lors que l'on
s'écarte de l'hypothèse expressément visée par ce texte, soit celle d'une action en exécution
forcée, déterminer quelle est l'interprétation qui s'est imposée en jurisprudence ne relève pas
de l'évidence. En particulier, il est difficile d'expliquer pourquoi l'inexécution, lorsqu'elle est
invoquée pour résister à une action en exécution forcée, ou sert de fondement à une action
en responsabilité ou en résolution, est parfois, mais parfois seulement, présumée. Une
certaine cohérence peut cependant être révélée en recourant à une interprétation large de
cette disposition et aux propositions doctrinales distinguant entre le défaut d'exécution et
l'exécution défectueuse.
1 - L'actualité jurisprudentielle récente remet au goût du jour la question de la charge de la
preuve en droit des contrats. En particulier, elle soulève la question du sens de la règle, a
priori simple, posée à l'article 1315 du code civil.
Selon le premier aliéna de ce texte, « celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la
prouver ». En écho, le second alinéa énonce que, « réciproquement, celui qui se prétend
libéré doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ». Ce
texte paraît illustrer à merveille la théorie classique qui voit avant tout dans la charge de la
preuve un « jeu de pendule » (1). Quoiqu'elle soit aujourd'hui complétée par une analyse
en termes de « risque de la preuve » (2), cette présentation quelque peu théorique demeure
d'actualité.
La doctrine est unanime pour considérer que le domaine de l'article 1315 du code civil
dépasse largement le droit des contrats, son champ naturel d'application. Cependant, nul
besoin de s'engager dans les autres domaines du droit pour déceler un certain nombre de
problèmes auxquels doctrine et jurisprudence sont à ce jour encore confrontées. En effet, en
droit des contrats, des solutions ou des opinions difficilement conciliables voient le jour, ce
qui suggère la persistance de certaines difficultés.
2 - Ces difficultés sont de deux ordres. La première concerne l'alinéa 1er de l'article 1315 du
75
code civil et, plus précisément, la question de la preuve de l'existence de l'obligation. En
effet, selon cet alinéa, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit en prouver
l'existence. Or, les solutions rendues par les juges du fond révèlent qu'il n'est pas toujours
aisé de savoir comment celui qui agit peut se conformer à cette exigence.
Ainsi, un arrêt de la cour d'appel de Paris rendu à propos d'un prêt consenti par un
particulier a récemment été cassé par la Cour de cassation car les juges du fond n'avaient
pas pris en compte l'existence d'une reconnaissance de dette (3). Pourtant, cette dernière
suffit à prouver l'existence du prêt et celle de la remise des fonds, peu important, selon la
Cour de cassation, que la reconnaissance de dette ne précise pas quelle en était la cause.
Toujours en matière de prêt, la Cour de cassation avait d'ailleurs déjà dû casser un arrêt de
la cour d'appel de Versailles, laquelle avait considéré que la preuve de la remise des fonds
par un particulier suffisait à démontrer l'existence de ce prêt. Cette cassation ne peut qu'être
approuvée puisque, comme le rappelle la haute juridiction, « la preuve de la remise des
fonds à une personne ne suffit pas à justifier l'obligation pour celle-ci de les restituer » (4).
En effet, la remise des fonds pourrait révéler, non pas un prêt, mais une donation.
Au final, ces solutions relatives à la preuve de l'existence de l'obligation paraissent, sinon
appliquées sans difficultés par les juges du fond, du moins tout à fait compréhensibles et
justifiables.
3 - La seconde difficulté soulevée par l'application de l'article 1315 du code civil s'avère
plus délicate. Elle concerne la charge de la preuve quant à l'exécution d'une obligation, ce
dont traite directement cette disposition : est-ce à celui qui allègue l'inexécution de la
démontrer, ou est-ce au débiteur de cette obligation d'en prouver l'exécution (5) ? Si l'on
s'en tient à une analyse littérale de l'article 1315, c'est-à-dire à l'hypothèse d'une demande en
exécution forcée d'une obligation, la solution reste simple. En effet, la combinaison des
deux alinéas de cet article indique que, s'il revient à celui qui réclame l'exécution d'une
obligation d'en démontrer l'existence (al. 1er), c'est en revanche à celui qui se prétend libéré
de démontrer qu'il s'est exécuté ou qu'il n'avait pas à le faire (al. 2) (6). Autrement dit,
celui qui agit n'a à démontrer que l'existence de l'obligation, et non l'inexécution ; et c'est au
débiteur de prouver, pour se défendre, qu'il a exécuté son obligation. En quelque sorte, la
démonstration par le créancier de l'existence de l'obligation fait présumer l'inexécution, et
c'est alors au débiteur de combattre cette présomption en rapportant la preuve de l'exécution.
Par conséquent, si l'on se cantonne à l'hypothèse directement envisagée par l'article 1315,
soit lorsque l'exécution forcée est demandée en raison d'une inexécution, le problème de la
charge de la preuve de l'exécution ou de l'inexécution se résout sans grande difficulté.
Pourtant, nombreuses sont les circonstances, autres qu'une demande en exécution forcée, où
une inexécution peut être alléguée. Quid en particulier lorsque l'inexécution est employée
comme moyen de défense pour résister à la demande d'un créancier ? Quid également
lorsqu'elle est invoquée, non pour fonder une demande en exécution forcée, mais pour
engager la responsabilité du cocontractant ou obtenir la résolution du contrat ? L'article
1315 a-t-il vocation à régir de telles situations ? Peut-on généraliser le raisonnement exposé
précédemment, selon lequel le créancier n'aurait qu'à prouver l'existence de l'obligation, le
débiteur devant démontrer qu'il s'est exécuté ou qu'il n'avait pas à le faire?
Il est fort probable que les rédacteurs du code civil n'envisageaient pas ces autres situations
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lorsqu'ils ont rédigé l'article 1315. De fait, les discours et discussions qui ont précédé
l'adoption de cette disposition révèlent que cette dernière n'était conçue que comme
l'expression d'une évidence (7), ce qui laisse penser qu'aucune portée ne lui était donnée en
dehors de son domaine littéral d'application.
Mais n'est-il pas justifié de raisonner de façon similaire dans ces différentes hypothèses ?
Demander l'exécution forcée, la résolution du contrat, chercher à engager la responsabilité
du cocontractant ou à lui opposer l'exception d'inexécution ne revient-il pas finalement au
même : sanctionner ce dernier, coupable d'une inexécution contractuelle ? Et ne serait-il
donc pas justifié de transposer à ces différentes situations les règles que le code civil ne
semble édicter qu'à propos d'une demande d'exécution forcée. On peut le penser, et ce
d'autant plus que le code civil n'établit aucune hiérarchie entre les sanctions possibles de
l'inexécution (8), ce qui rend peu compréhensible l'édiction d'une règle de preuve
favorable au débiteur dans la seule hypothèse d'une demande en exécution forcée.
Cette idée d'uniformiser le régime de la preuve en cas d'inexécution n'est pas étrangère à la
Cour de cassation, qui se réfère à l'article 1315 dans toutes les hypothèses où l'inexécution
d'une obligation est alléguée. Cependant, cette œuvre d'uniformisation est loin d'être
parfaite, les solutions jurisprudentielles demeurant encore très hétérogènes. Ainsi,
l'application des règles relatives à la charge de la preuve en dehors de leur domaine littérale
d'application n'est parfois pas sans surprendre, car il n'est pas toujours évident de
comprendre quelle lecture de ce texte a fondé la solution retenue, en particulier lorsque cette
dernière heurte le sens littéral de cette disposition, pourtant expressément visée.
L'objectif de cet article est donc de tenter d'apporter quelques clarifications quant au rôle de
l'article 1315 en cas d'inexécution. A cette fin, il importe d'exposer les différentes
interprétations dont l'article 1315 du code civil est susceptible de faire l'objet (I), avant
de les confronter aux solutions retenues par la jurisprudence (II). Il sera alors possible de
dresser un bilan quant au rôle de l'article 1315 du code civil en cas d'inexécution du contrat
(III)
I - Les interprétations possibles de l'article 1315
4 - La première interprétation de l'article 1315 , déjà évoquée, est littérale : ce dernier
aurait vocation à ne s'appliquer que dans le cas où une partie réclame l'exécution d'une
obligation. Dans une telle hypothèse, il revient au créancier de prouver l'existence de
l'obligation, ce qui fait présumer l'inexécution. Quant au débiteur, il doit, pour s'opposer à
une telle demande en exécution forcée, démontrer soit l'exécution de son engagement, soit
le fait qui a produit l'extinction de cette obligation. Dès lors qu'aucune exécution de
l'obligation n'est réclamée, l'article 1315 n'aurait aucun rôle à jouer.
En conséquence, l'action en résolution échapperait au domaine de l'article 1315 car, dans
une telle hypothèse, ce n'est pas l'exécution de l'obligation souscrite par le débiteur qui est
réclamée, mais la remise en cause du lien contractuel. On appliquerait alors l'article 9 du
code de procédure civile en vertu duquel « il incombe à chaque partie de prouver
conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». Le créancier ne
77
pourrait donc pas se contenter d'alléguer l'inexécution. Il devrait prouver l'inexécution, cette
dernière étant l'un des « faits nécessaires » à l'obtention de la résolution.
S'agissant des actions en responsabilité contractuelle, on pourrait croire que l'article 1315
n'a pas à s'appliquer puisque, à s'en tenir à une analyse classique, ce n'est pas l'exécution
forcée qui est demandée. Une telle impression devrait cependant être écartée si l'on adoptait
la théorie qui assimile l'action en responsabilité à une action en exécution forcée (9).
L'hypothèse serait alors directement celle que vise l'article 1315, et la présomption
d'inexécution qu'il édicte devrait alors s'appliquer. Mais il est vrai que cette théorie,
contestée par de nombreux auteurs, ne semble pas s'être imposée en droit positif (10). A
s'en tenir à la conception classique de la responsabilité contractuelle, devrait-on pour autant
en conclure qu'elle échappe au domaine de l'article 1315 ? Rien n'est moins sûr, puisque l'on
peut considérer que le créancier agissant en responsabilité cherche à démontrer l'existence
d'une obligation de réparation dont il demande l'exécution (11). Il faut cependant préciser
que seule l'obligation en réparation est alors concernée par cette disposition, et que
l'inexécution de l'obligation initialement souscrite n'est donc pas présumée. Au contraire,
démontrer l'inexécution de cette obligation est ce qui permet de prouver l'existence de
l'obligation de réparation.
Quant à l'exception d'inexécution, la solution est incertaine. Si l'on considère que celui qui
oppose l'exception d'inexécution ne le fait pas dans le but premier de ne pas respecter ses
engagements, mais dans l'espoir de forcer son cocontractant à s'exécuter, on peut penser
qu'il s'agit d'un moyen de réclamer l'exécution d'une obligation. Dans ce cas, celui qui
oppose une telle exception n'aurait, selon l'article 1315, alinéa 1er, qu'à prouver l'existence
de l'obligation dont il allègue l'inexécution. A l'inverse, si l'on insiste d'avantage sur le fait
que l'exception d'inexécution est un moyen de défense opposé à une demande en exécution,
une interprétation littérale de l'article 1315 conduirait à écarter cette disposition. En
effet, le second alinéa de cet article ne vise comme moyen de défense que la preuve du
payement ou d'une cause d'extinction de l'obligation. Or, l'exception d'inexécution n'est ni
un payement, ni une cause d'extinction de l'obligation, du moins si l'on s'en tient à la liste
dressée à l'article 1234 du code civil. Pour que l'article 1315, alinéa 2, s'applique à
l'exception d'inexécution vue comme un moyen de défense, il faut dépasser une
interprétation littérale de cette disposition, ce qui renvoie à la deuxième analyse dont cet
article peut faire l'objet.
5 - La deuxième analyse de l'article 1315 repose sur une interprétation que l'on pourrait
qualifier de téléologique. Ce qui importe est le mouvement de balancier entre une demande
et la réplique à cette demande, mouvement que suggère l'adverbe « réciproquement »
figurant en tête du second alinéa de l'article 1315. Le demandeur doit prouver ce qu'il
allègue ; le défendeur doit prouver ce qu'il oppose à cette demande, ce qui n'est que
reprendre la règle actori incombit probatio, reus in excipiendo fit actor, elle-même
consacrée à l'article 9 du code de procédure civile (12).
Suivant cette deuxième interprétation, les actions en résolution et en responsabilité tombent
dans le champ d'application de l'article 1315 du code civil. En vertu de l'article 1315, alinéa
1er, que le demandeur invoque l'une ou l'autre de ces actions, il doit prouver ce qui permet
de les mettre en oeuvre. Et le moins qu'il ait à démontrer est l'inexécution de ses obligations
78
par son débiteur. L'inexécution n'est donc pas présumée.
Concernant l'exception d'inexécution, elle peut être vue comme une application de l'article
1315, alinéa 2, si l'on retient cette deuxième interprétation, et si l'on considère que
l'exception d'inexécution est davantage un moyen de défense qu'une manière de réclamer
l'exécution d'une obligation. Il reviendra alors à celui qui allègue ce moyen de défense de le
démontrer, ce qui suppose la preuve de l'inexécution.
6 - Mais à retenir une interprétation de l'article 1315 détachée de sa lettre, on pourrait
être conduit à privilégier une troisième analyse qui conférerait une portée bien plus large à
la présomption d'inexécution qu'il édicte. Cette analyse, à mi-chemin entre une
interprétation littérale et une interprétation téléologique, consisterait à dire qu'en toute
hypothèse (ce qui conduit à dépasser le domaine d'application de l'article 1315 tel qu'il
résulte de sa lettre) un créancier n'a à démontrer que l'existence de l'obligation, laquelle
ferait présumer l'inexécution (ce qui correspond à une interprétation littérale de cette
disposition). Ce serait ensuite au débiteur de démontrer qu'il a exécuté cette obligation, ou
qu'il n'avait pas à le faire. De la sorte, la présomption d'inexécution ne se cantonnerait plus à
l'hypothèse d'une demande en exécution forcée, mais serait appliquée dans tous les cas où
l'inexécution est alléguée par le créancier. Une telle interprétation semble retenue par
certains auteurs qui généralisent la présomption d'inexécution en se fondant soit sur le
premier alinéa de l'article 1315 du code civil (13), soit sur le second (14).
A suivre cette troisième interprétation, le créancier qui agit en résolution ou en
responsabilité contractuelle n'aurait qu'à alléguer l'inexécution, et non à la démontrer, dès
lors qu'il aurait rapporté la preuve de l'existence de l'obligation. De même, le débiteur qui
oppose une exception d'inexécution n'aurait pas à prouver l'inexécution : il reviendrait à son
créancier de démontrer qu'il a bien exécuté sa propre obligation avant de pouvoir exiger
celle de son débiteur.
7 - De ce qui précède, il résulte que l'article 1315 du code civil est susceptible de donner
lieu à trois interprétations.
La première est littérale et conduit à appliquer l'article 1315 aux actions en exécution forcée
et en responsabilité contractuelle, ainsi qu'à l'exception d'inexécution si on y voit davantage
un moyen de réclamer l'exécution d'une obligation qu'un moyen de défense. Alors que,
s'agissant d'une action en responsabilité contractuelle, il reviendrait au créancier de
démontrer l'inexécution, il n'aurait qu'à rapporter la preuve de l'existence de la créance s'il
réclamait l'exécution forcée ou opposait l'exception d'inexécution. La deuxième
interprétation, téléologique, fait de cette disposition une réplique de l'article 9 du code de
procédure civile. Elle conduit à imposer au créancier qui agit en responsabilité contractuelle
et en résolution, ainsi qu'à celui qui oppose l'exception d'inexécution, analysée en un moyen
de défense, de démontrer l'inexécution. Quant à la troisième interprétation, elle a pour
conséquence d'édicter une présomption générale d'inexécution, applicable quelles que soient
les circonstances dans lesquelles l'inexécution est invoquée.
Il reste alors à confronter ces différentes interprétations aux solutions de la jurisprudence,
afin de savoir si l'une d'elles s'est imposée en droit positif.
79
II - L'application jurisprudentielle de l'article 1315
8 - Afin de clarifier les développements qui suivent, il sera distingué selon que l'inexécution
est invoquée comme moyen de défense, par le biais de l'exception d'inexécution (A), ou à
titre principal, au service d'une action en responsabilité ou en résolution (B).
A - L'exception d'inexécution
9 - Un grand nombre d'arrêts fait peser sur le débiteur qui oppose l'exception d'inexécution
la charge de prouver cette inexécution. Ainsi, dans un arrêt du 18 décembre 1990, rendu au
visa de l'article 1315, alinéa 2, du code civil, la Cour de cassation affirme qu'il appartient à
la partie qui se prévaut de l'exception d'inexécution en alléguant l'inexécution partielle par le
débiteur de son obligation de moyens d'établir cette inexécution (15). Ce n'était que
confirmer plusieurs décisions antérieures, lesquelles concernaient également une exécution
défectueuse invoquée par le débiteur pour échapper à ses obligations (16).
De tels arrêts paraissent adopter l'interprétation téléologique (la deuxième interprétation
exposée) de l'article 1315 , laquelle conduit à considérer que l'alinéa 2 vise tout moyen de
défense opposé à la demande du créancier, et non uniquement ceux qu'il énumère
expressément (17), et qu'il revient au débiteur qui oppose cette exception de prouver
l'inexécution.
Cette solution est jugée évidente, car l'inverse conduirait à imposer à tout créancier la
démonstration de l'exécution de sa propre prestation avant de pouvoir exiger celle de son
débiteur (18). Pire, prôner une solution contraire conduirait à présumer l'inexécution (19).
10 - Pourtant, dans d'autres arrêts, la Cour de cassation a semblé obliger le créancier à
démontrer qu'il avait exécuté sa propre obligation avant de pouvoir exiger l'exécution de
celle de son débiteur.
Tel est le cas d'un arrêt rendu le 23 octobre 1990 par la chambre commerciale de la Cour de
cassation (20). Un débiteur avait refusé de payer l'intégralité du prix, arguant qu'une partie
seulement de la marchandise promise avait été reçue. Pour la cour d'appel, le débiteur devait
prouver cette allégation. Son arrêt est cassé, au visa de l'article 1315, au motif qu'il
appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver. Comme le
remarquent certains auteurs, il est difficile de concilier cette solution avec celles retenues en
cas d'exception d'inexécution (21). En effet, invoquer l'exception d'inexécution, c'est
alléguer le non-respect par le créancier de ses engagements pour ne pas avoir à exécuter sa
propre prestation tant que ce dernier ne le fait pas lui-même. Or, dans l'arrêt du 23 octobre
1990, c'est précisément le raisonnement que tenait le débiteur, lequel prétendait n'avoir pas
reçu l'intégralité de sa commande.
La référence à l'article 1315 et à l'obligation pour celui qui réclame l'exécution d'une
obligation de la prouver, ce qui paraît renvoyer à l'alinéa 1er de cet article, semble indiquer
que, pour la Cour de cassation, celui qui oppose l'exception d'inexécution pour ne pas avoir
à exécuter sa propre obligation doit être assimilé à celui qui réclame l'exécution de
l'obligation. C'est, semble-il, considérer que celui qui oppose une telle exception réclame
l'exécution de l'obligation. La solution de la Cour de cassation peut donc découler d'une
interprétation littérale de l'article 1315 , première interprétation à avoir été exposée.
80
Très récemment, la haute juridiction a paru réaffirmer cette solution, considérant que « si le
prêt consenti par un professionnel du crédit est un contrat consensuel, il appartient au
prêteur qui sollicite l'exécution de l'obligation de restitution de l'emprunteur d'apporter la
preuve de l'exécution préalable de son obligation de remise des fonds » (22). Une
interprétation littérale de cet attendu peut conduire à penser que la Cour de cassation
réaffirme l'idée selon laquelle la démonstration par le créancier de l'exécution de son
obligation est un préalable à la possibilité d'agir contre son débiteur.
Le fondement de ce raisonnement est moins évident que dans l'arrêt précédent puisqu'il n'est
pas fait référence à la « réclamation de l'exécution d'une obligation ». On ne sait pas s'il
s'agit d'une interprétation littérale de l'article 1315 du code civil ou d'une interprétation
généralisant la présomption d'inexécution qu'il contient (23). Mais, quoi qu'il en soit, cet
arrêt permet également à celui qui invoque l'exception d'inexécution de se contenter de
démontrer l'existence de l'obligation, sans avoir à démontrer l'inexécution. Il s'oppose ainsi
aux arrêts évoqués précédemment qui lui imposent au contraire de prouver cette
inexécution.
Les arrêts concernant l'exception d'inexécution révèlent par conséquent que
l' interprétation téléologique de l'article 1315 du code civil ne prévaut pas en toute
hypothèse, certaines solutions paraissant appliquer la présomption d'inexécution qu'il recèle.
Ces exceptions se retrouvent s'agissant des actions en résolution et en responsabilité
contractuelle.
B - Les actions en résolution et en responsabilité contractuelle
11 - Concernant l'action en résolution, la jurisprudence semble en principe s'en tenir à
l' interprétation téléologique de l'article 1315 , écartant ainsi la présomption
d'inexécution qu'il énonce. L'inexécution doit être prouvée par le créancier, demandeur à
l'action en résolution (24). La doctrine approuve une telle solution, remarquant qu'il ne
s'agit pas d'une demande en exécution, mais en résolution (25). C'est appliquer la règle
actori incumbit probatio, et donc l'article 1315, alinéa 1er, entendu de façon particulièrement
large (26).
Mais, comme pour l'exception d'inexécution, on dénombre quelques arrêts dissidents qui,
sans le dire expressément, paraissent adopter l'interprétation généralisant la présomption
d'inexécution de l'article 1315 puisqu'ils exigent du débiteur contre lequel le créancier agit
en résolution qu'il démontre l'exécution de son obligation (27).
12 - S'agissant de la responsabilité contractuelle, la jurisprudence écarte généralement la
présomption d'inexécution qu'édicte l'article 1315. En effet, c'est en principe à celui qui
invoque la responsabilité contractuelle de rapporter la preuve de l'inexécution. Plus encore,
parce qu'il est question de responsabilité civile, le créancier doit en outre démontrer que
cette inexécution lui a causé un préjudice (28). On remarquera que les arrêts rendus en
matière de responsabilité contractuelle le sont au visa de l'article 1315 du code civil (outre
le visa des art. 1137 et 1147 c. civ.) (29). Un tel visa peut se comprendre, soit que l'on
considère que le créancier cherche à démontrer l'existence d'une obligation de réparation,
soit que l'on estime plus simplement qu'étant le demandeur, il doit démontrer les éléments
81
qui lui permettent de mettre en jeu la responsabilité de son débiteur. Ainsi, le visa de
l'article 1315 se comprend que l'on adopte l'une ou l'autre des deux premières interprétations
dont il peut faire l'objet.
Il est cependant un domaine de la responsabilité contractuelle, celui des obligations
d'information qui pèsent sur certains professionnels, où les juges paraissent favorables à la
troisième interprétation de l'article 1315 et par conséquent à la généralisation de la
présomption d'inexécution qu'il édicte. En effet, se fondant sur cette disposition, la
jurisprudence fait peser sur le débiteur poursuivi la charge de démontrer qu'il a exécuté
l'obligation d'information à laquelle il est tenu (30).
Par ailleurs, même en dehors du cas particulier des obligations d'information, un arrêt du 18
janvier 1989 a, en matière de mandat, imposé au mandataire de prouver qu'il avait exécuté
son obligation, du moins lorsque c'est une absence totale d'exécution qui est alléguée par le
créancier (31). Là encore, la présomption d'inexécution de l'article 1315 semble être
appliquée en dehors de son domaine originel.
Ces différentes solutions jurisprudentielles exposées, un bilan peut être dressé quant au rôle
de l'article 1315 en cas d'inexécution.
III - Bilan quant au rôle de l'article 1315 en cas d'inexécution
13 - Les solutions jurisprudentielles révèlent que les interprétations de l'article 1315
varient selon les hypothèses où l'inexécution est alléguée, qu'il s'agisse d'exception
d'inexécution, d'action en résolution, ou d'action en responsabilité contractuelle.
Ce texte ne semble donc pas employé comme un moyen rigoureux d'organiser la charge de
la preuve de l'inexécution d'un contrat. Il est d'avantage un instrument servant à parer les
solutions de la Cour de cassation d'une apparence de rigueur, l'interprétation sollicitée étant
étroitement liée au résultat souhaité. Comme cela a déjà été exposé, les véritables
fondements sont ailleurs : vraisemblance, aptitude de chacune des parties à la preuve,
position de faiblesse de l'une des parties, prise en compte de la difficulté de prouver une
abstention, équité... (32).
En somme, en cherchant la cohérence d'un système à travers une lecture unitaire de ce texte,
on découvre le caractère artificiel du raisonnement fondé sur ce dernier.
14 - Ce constat peut inquiéter car ce que l'on gagne en souplesse se perd en prévisibilité.
Aussi, serait-il tentant de suggérer un retour à un système plus rigoureux, fondé sur une
interprétation littérale de l'article 1315 , laquelle conduit à ne présumer l'inexécution
que dans le cadre d'une action en exécution forcée. Mais un tel système ne serait pas sans
inconvénients. D'une part, s'agissant de l'exception d'inexécution, il serait difficile de savoir
si celui qui s'en prévaut bénéficie de la présomption. En effet, cette présomption ne pourrait
s'appliquer que s'il était possible d'assimiler l'exception d'inexécution à une action en
exécution forcée. Or, l'exception d'inexécution peut tout autant être vue comme un moyen
d'obtenir l'exécution d'une obligation que comme une façon de résister à une demande en
exécution. D'autre part, l'exception d'inexécution mise à part, ce retour à la lettre du texte
conduirait à ne présumer l'inexécution que dans le cas d'une action en exécution forcée,
alors que l'on ne voit pas ce qui justifie de cantonner cette solution à cette seule hypothèse.
82
Pourquoi devrait-on présumer l'inexécution lorsque est demandée l'exécution forcée, et non
lorsque le créancier agit en responsabilité, alors que cette dernière action peut conduire à
une réparation en nature, très proche, voire assimilable, à une exécution en nature (33) ?
De même, serait-il vraiment justifié de ne pas présumer l'inexécution lorsque le créancier
agit en résolution puisqu'il s'agit également de sanctionner l'inexécution de ses obligations
par le débiteur, et que l'article 1184, alinéa 2, du code civil semble la présenter comme une
alternative à l'exécution forcée (34) ? Il ne le semble pas. Dès lors, en ce qu'elle échoue à
fournir un régime unitaire de la preuve de l'inexécution, l'interprétation littérale paraît
devoir être écartée.
15 - La deuxième interprétation - l'interprétation téléologique - n'échappe pas à ce grief.
Seule la troisième interprétation, qui fait présumer l'inexécution quelle que soit l'action en
cause, offre un régime unitaire. Mais cette dernière interprétation doit-elle prévaloir ?
Elle peut a priori sembler excessive car elle heurte frontalement un grand nombre de
solutions jurisprudentielles : ce n'est que rarement que l'inexécution est réellement
présumée. Il est néanmoins possible de nuancer les conséquences de cette interprétation en
s'appuyant sur certaines contributions doctrinales visant à redonner une cohérence aux
solutions jurisprudentielles. Il a ainsi été proposé de distinguer selon qu'était invoquée une
exécution défectueuse ou une absence d'exécution (35). Selon certains auteurs, l'article
1315 ne viserait que l'absence totale d'exécution, et la présomption d'inexécution qu'il pose
ne fonctionnerait que dans ce dernier cas (36).
On ne cachera pas que cette théorie présente des inconvénients. Son fondement est incertain
: l'article 1315 peut tout autant viser le défaut d'exécution que l'exécution défectueuse. Il ne
sera en outre pas toujours évident de distinguer ces deux hypothèses (37). Enfin, cette
distinction n'est pas appliquée systématiquement en jurisprudence. Ainsi, à propos de
l'exception d'inexécution, la Cour de cassation considère que le créancier à qui est opposée
une livraison partielle doit prouver qu'il a exécuté intégralement son obligation (38). A
appliquer le critère proposé, cela signifierait qu'une livraison partielle est une absence totale
d'exécution, ce dont on peut douter.
Pourtant, malgré ces défauts, un tel système semble devoir être préconisé. La première
raison est que la distinction sur laquelle il repose n'est pas sans recevoir un certain écho en
jurisprudence. La Cour de cassation y a parfois recours expressément, tant en ce qui
concerne l'exception d'inexécution (39) que l'action en responsabilité (40). De plus, cette
distinction confère une certaine cohérence à des solutions de prime abord difficilement
conciliables (41).
Par ailleurs, ce système présente le mérite de généraliser la présomption d'inexécution à
toutes les hypothèses où l'inexécution est alléguée, soumettant ainsi à des règles identiques
des situations qui ne méritent pas d'être distinguées, du moins quant à leur régime
probatoire. Ce système est également opportun en ce que, tout en généralisant la
présomption d'inexécution, il la cantonne à l'hypothèse où est alléguée une absence totale
d'exécution. De fait, qui mieux que le débiteur est à même de démontrer qu'il n'y a pas
absence totale d'exécution ? Et, à l'inverse, si cette exécution est jugée insatisfaisante par le
créancier, qui mieux que lui peut démontrer en quoi consiste l'exécution défectueuse ?
Par conséquent, lorsqu'un créancier agit en responsabilité contractuelle, il ne devrait pas
83
avoir à prouver l'inexécution dès lors qu'il allègue une inexécution totale, et ce qu'il s'agisse
d'une obligation de moyens ou de résultat (42). La même distinction s'impose en cas
d'action en exécution forcée ou en résolution, voire encore lorsque est opposée l'exception
d'inexécution (43).
Certes, une telle construction doctrinale malmène l'article 1315, puisqu'elle suppose à la fois
de se détacher de sa lettre et de s'y conformer strictement. Cela ne doit pas surprendre outre
mesure : l'évolution de la jurisprudence révèle en effet que ce texte ne fait depuis longtemps
plus l'objet d'une interprétation uniforme et cohérente, ce qui soulève d'ailleurs la question
de son opportunité, du moins en l'état actuel de sa rédaction (44). (suite V. document à la
salle de lecture et sur le site de la FSJP).
Doc. 6. / Source : Civ. 1re, 16 sept. 2010, n° 09-13.947 / Consécration du principe de la
liberté de la preuve du paiement / La preuve du paiement, qui est un fait, peut être
rapportée par tous moyens. www.dalloz-actu-etudiant.fr
Un homme a consenti à une femme un prêt d’argent. Se fondant sur une reconnaissance de
dette, le prêteur assigna l’emprunteur en paiement de la somme ainsi prêtée. La femme ne
versant comme preuve de la libération de sa dette que des attestations (attestations sur
l’honneur et relevé de sa banque) et non une quittance, les juges du fond ont accueilli la
demande du prêteur, subordonnant ainsi la preuve de l’exécution du paiement à un écrit.
Tout en confirmant sa jurisprudence constante depuis 2004 (Civ. 1re, 6 juill. 2004 ; Civ.
1re, 30 avr. 2009), la première chambre civile casse cette analyse au visa de l’article 1341 du
Code civil avec toujours le même attendu de principe : « la preuve du paiement, qui est un
fait, peut être rapportée par tous moyens ».
La Cour rappelle ainsi la nature juridique du paiement : un fait (et non un acte V. à ce
propos la jurisprudence antérieure de la Cour avant le revirement de 2004 : Civ. 1re, 19 mars
2002) dont la preuve peut être rapportée par tous moyens, notamment comme en l’espèce
grâce à une attestation sur l’honneur de l’employé de banque à qui l’emprunteuse avait
confié la destination des fonds ainsi tirés.
Cette solution s’inscrit dans l’esprit de clarification retenu par l’avant-projet de réforme du
droit des obligations (projet Catala). En effet, les futurs articles 1219 et 1231 du Code civil
disposeraient respectivement que : « Le paiement est l’exécution de la prestation due » et
qu’il « (…) se prouve par tous moyens ». Cette définition générique du paiement et la
consécration du principe de la preuve par tous moyens mettraient ainsi fin au débat doctrinal
sur la détermination de la nature juridique du paiement qui était un préalable obligatoire à la
désignation des modes de preuve exigés dans ce domaine.
Civ. 1re, 16 sept. 2010, n°09-13.947
■ Reconnaissance de dette : « Acte par lequel une personne reconnaît unilatéralement
devoir une certaine somme ou un bien fongible à une autre personne; sa validité est
subordonnée à la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes
lettres et en chiffres. » - Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Article 1341 du Code civil
« Il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant
une somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et il n'est reçu
aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué
avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur
moindre.
Le tout sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce. »
84
■ Civ. 1re, 19 mars 2002, n°98-23.083, Bull. civ. I, n°101.
■ Civ. 1re, 6 juill. 2004, n°01-14.618, Bull. civ. I, n°202.
■ Civ. 1re, 30 avr. 2009, n°08-13.705.
■ Avant-projet Catata
Article 1219
« Le paiement est l’exécution de la prestation due. »
Article 1231
« Le paiement se prouve par tous moyens ».
Doc. 7. / www.cdcm-montpellier.fr / Isabelle ALVAREZ (centre du droit de la
consommation – Montpellier 1)
Février 2010 ou l’impossibilité morale de prouver par écrit dans tous ses états
Civ. 1ère, 11 février 2010, n°09-11.527 - Civ. 1ère, 11 février 2010, n°09-12.372 - Civ. 1ère,
25 février 2010, n°09-10.428
Le principe selon lequel un acte juridique doit être prouvé par écrit (C. civ., art. 1341)
connait de nombreuses exceptions, notamment lorsque se présentent des circonstances
empêchant d’établir une preuve littérale : c’est classiquement le contrat conclu sur un
champ de bataille, le contrat conclu en famille, etc.
L’article 1348 du Code civil identifie plus précisément l’hypothèse de l’impossibilité
morale d’établir une preuve littérale.
Le Code civil n’apportant aucune définition de cette notion, il appartient à la jurisprudence
de l’illustrer.
Les usages (voir notamment : Civ. 1ère, 15 avril 1980 – en matière d’usage professionnel en
agriculture : Civ. 1ère, 17 mars 1982 ; TGI Saintes, 2 juillet 1991 ; CA Poitiers, 25
novembre 1992 – en matière de vente de fumier : Civ. 1ère, 28 février 1995), les rapports de
confiance (dans le cadre de la relation d’un avocat avec son client : Civ. 1ère, 9 mai 1996) ou
encore les liens de parenté ou d’affection (voir notamment : Civ. 1ère, 10 octobre 1984 - Civ.
3e, 7 janvier 1981 - Civ. 1ère, 06 décembre 1972 - CA Grenoble, 12 avril 1967 - Civ. 1ère, 16
décembre 1997 - Civ. 1ère, 27 juin 1973) ont déjà fait l’objet de toute l’attention de la Cour
de cassation.
Le mois de février 2010 continue de s’inscrire dans cette lignée.
L’impossibilité morale, d’interprétation stricte en raison de son caractère dérogatoire,
dépend de l’appréciation souveraine des juges du fond.
La Cour de cassation a récemment réaffirmé cela en rejetant un pourvoi ne tendant « qu’à
contester cette appréciation souveraine » (Civ. 1ère, 11 février 2010, n°09-11.527).
Cet arrêt confirme également la solution retenue par la cour d’appel qui avait relevé qu’un
garagiste, demandant le remboursement des réparations effectuées sur le véhicule d’un
particulier à hauteur de 4 917, 66 euros, s’était trouvé dans l’impossibilité morale de se
procurer une preuve écrite de la commande de travaux en raison « d’un lien de voisinage et
d’une entente cordiale, née d’une passion commune des parties pour les voitures
anciennes ».
Le même jour, la Cour reconnaissait que l’existence d’une « liaison » entre les parties suffit
à établir l’exception probatoire. Elle « reproche à la cour d’appel, qui avait pourtant
constaté qu’en raison de leur relation affective les parties étaient dans l’impossibilité
morale de se procurer une preuve littérale de l’avance de frais allégué par l’une d’entre
elle, d’avoir débouté cette dernière de sa demande en remboursement, faute de
commencement de preuve par écrit (art. 1347 c. civ.) » (Civ. 1ère, 11 février 2010, n°0985
12.372 – P. Guiomard, Passion (très) diverses et impossibilité morale de se procurer un
écrit, Dalloz actu., 24 février 2010).
En revanche, le 25 février 2010, la Cour de cassation approuvait les juges du fond qui avait
rejeté l’impossibilité morale malgré les liens familiaux unissant les parties.
En l’espèce, M. D., demandait le remboursement de sommes prétendument versées au
bénéfice de son frère et de ses neveux, dans le cadre de l’acquisition de parcelles de terre.
Il invoquait l’article 1348 du Code civil et l’impossibilité morale pour justifier l’absence de
preuve littérale de ces prêts. Il soulignait en particulier à cet égard qu’il est le frère et l’oncle
et, qu’étant sans enfant, « il considérait ses neveux comme ses propres fils ».
La première chambre civile de la Cour de cassation approuve la décision des juges du fond
rejetant cette argumentation et constatant que « ni les liens de parenté qui unissaient le
demandeur à ses neveux, ni le degré d’estime, de confiance et d’intimité des relations ayant
existé entre les parties ne pouvaient empêcher qu’il leur demandât un écrit s’agissant de
prêts de plus de 300 000 francs ».
Dans cette dernière affaire, le montant important du prêt litigieux semble avoir influencé les
juges dans leur refus de reconnaître l’existence d’une impossibilité morale de se
préconstituer une preuve écrite. Faut-il en conclure qu’il s’agit d’un nouveau critère
permettant de déterminer l’existence d’une impossibilité morale ? Jusqu’à quel montant
l’estime, la confiance et l’intimité pourront constituer des circonstances interdisant,
moralement, de se demander mutuellement un écrit ?
Doc. 8. / L’arrêt Michel Drucker et la preuve en matière civile / LA PREUVE PAR
ECRIT ENTRE CONCUBINS (l'exemple d'un animateur de télévision croqué par son
"nègre") – Par Patrick MORVAN / Professeur Agrégé à l'Université Panthéon-Assas /
Publié dans www.Patrickmorvan.over-blog.com
I. - Le droit civil des preuves est dominé par un principe de légalité transcrit au premier
alinéa de l’article 1341 du Code civil, reprenant les termes de l’ordonnance de Moulins de
1566 : « Il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses
excédant une somme ou une valeur fixée par décret [...] », soit une valeur de 1 500 euros.
En d’autres termes, les parties à un acte juridique – bilatéral (ex. : contrat) ou unilatéral
(ex. : testament) – doivent « préconstituer » par « écrit » la preuve de l’existence de cet acte,
fût-il verbal, dès lors que la demande excède 1500 euros.
Un tel écrit (preuve littérale ou titre) doit revêtir la forme d’un acte authentique (notarié) ou
celle d’un acte sous seing privé. À défaut d’un tel document (instrumentum), la preuve de
l’acte juridique (negotium) ne pourra être rapportée d’aucune autre manière (témoignages,
indices ou présomptions de fait).
Cette preuve littérale ne pourra ensuite être combattue qu’au travers d’un autre écrit
(comme l’indique l’article 1341, al. 1er, en ses derniers mots : « (…) et il n’est reçu aucune
preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes (…)». La contre-preuve doit
consister en un autre écrit (authentique ou sous seing privé) dès lors qu’il s’agit de nier le
contenu de l’acte initial. Dans la mesure où il est improbable qu’il y ait deux titres
divergents constatant le même acte juridique, le titre initial sera souvent décisif.
86
Mais le Code civil aménage des échappatoires à l’article 1341, permettant de contourner
l’impératif de la preuve littérale. En particulier, l’article 1348 dispose que la preuve
redevient libre « lorsque l’une des parties n’a pas eu la possibilité matérielle ou morale de
se procurer une preuve littérale de l’acte juridique ».
L’impossibilité morale de préconstituer un écrit, en particulier, peut résulter d’un lien
affectif entre concubins ou entre parents (pour des exemples devant des cours d’appel : D.
2008, Pan., 2825, obs. Ph. Delebecque), d’un rapport de confiance (ex. : Cass. civ. 3e, 7
janv. 1981, Bull. civ. III, n° 7, relevant des « liens particuliers et quasi familiaux d’estime et
d’affection »), voire d’un usage professionnel (ex. : Cass. civ. 1re, 17 mars 1982, Bull.
civ. I, n° 114 ).
Dans tous ces cas, la preuve par tous moyens (indices, témoignages, etc.) est à nouveau
recevable.
II. - La cour d’appel de Paris vient de donner une intéressante et peu fréquente illustration
de l’impossibilité morale de se préconstituer un écrit en raison d’un lien affectif.
En l’espèce, Madame Calixte Belaya, écrivain franco-camerounaise, réclamait à Monsieur
Michel Drucker, animateur de radio et de télévision, la rémunération de 200.000 euros que
celui-ci lui aurait promise en 2005 afin de rédiger à sa place un livre d’entretiens commandé
par les éditions Albin Michel (soit les réponses à une douzaine de questions posées par
Régis Debray).
La cour d’appel de Paris, par arrêt du 12 janvier 2011, fait droit partiellement à cette
demande (allouant 30.000 euros à titre de dommages-intérêts), en dépit de l’absence de
preuve littérale produite par la demanderesse. La décision se fonde sur l’article 1348 du
Code civil pour affirmer que « la relation de concubinage qu’elle entretenait à l’époque
avec Michel Drucker la plaçait dans l’impossibilité morale d’exiger de lui qu’il formalise
par écrit son engagement ».
Mais une autre question de preuve se pose : comment la concubine amère est-elle parvenue
à démontrer la réalité de ce concubinage au point que les magistrats y virent sans hésiter
la source d’une impossibilité morale d’établir un écrit ? Par sa propre plume : en 2007, elle
publiait un roman (L'Homme qui m'offrait le ciel, Albin Michel) relatant dans un esprit
vengeur sa relation entre 2004 et 2006 avec un présentateur de télévision, incarné par un
personnage masculin dissimulé sous un nom d’emprunt transparent (François Ackerman).
Elle démontra alors être en possession d’une correspondance personnelle émanant de son
amant.
L'animateur a renoncé à former un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel de
Paris. Cela est regrettable pour le droit civil car deux principes encadrant la recevabilité de
la preuve auraient pu être invoqués (sous réserve d’une analyse plus approfondie) :
- D’une part, le « principe selon lequel nul ne peut se constituer une preuve à lui-même »
implique le rejet d’une preuve unilatérale, émanant exclusivement de la partie qui l’a versée
87
aux débats.
- D’autre part, le principe de loyauté de la preuve rend irrecevable en justice celle obtenue
par un procédé déloyal. Ainsi, « l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée,
effectué et conservé à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant
irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue » (Cass. civ. 2e, 7 oct. 2004, Bull. civ. II, n°
447). Toutefois, la Cour de cassation admet qu’un mari produise aux débats, dans une
procédure de divorce, le journal intime et les lettres de son épouse (obtenus sans fraude ni
violence) alors même que ces preuves portent atteinte à la vie privée de l’intéressée (Cass.
civ. 1re, 29 janv. 1997, D. 1997, 296 ; Cass. civ. 2e, 6 mai 1999, JCP G, 1999.II.10201 ;
D. 2000, 557).Dans le même sens, la Cour européenne des droits de l'homme juge non
contraire à l’art. 8 CEDH la production par une épouse, dans une procédure de divorce, de
lettres échangées entre le mari et son amant homosexuel (CEDH 13 mai 2008, RTD civ.
2008, p. 650, obs. J.-P. Marguénaud).
Doc. 9 / France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 février 2012, 10-27101
(www.juricaf.org)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 septembre 2010), que M. Alain X... et Mme
Adeline X... ont, suivant acte notarié, procédé au partage des biens immobiliers dont la
donation leur avait été consentie par leur mère et conclu une convention de voisinage aux
termes de laquelle ils s'engageaient à " ne pas élever entre les maisons et le golf, sauf accord
entre les parties, aucune autre construction que celle existant déjà, à l'exception de piscine et
de constructions souterraines " ; que M. et Mme Alain X..., reprochant à Mme Adeline X...
d'avoir fait construire deux vérandas sans leur accord et en violation de ces stipulations,
l'ont fait assigner aux fins d'en voir ordonner la démolition;
Attendu que M. et Mme Alain X... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande, alors,
selon le moyen :
1°/ qu'il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses
excédant une somme ou une valeur fixée par décret ; que cette règle reçoit exception en cas
d'impossibilité morale de se procurer un écrit ; que cette impossibilité morale suppose
l'existence de circonstances particulières ayant empêché de prouver par écrit ; qu'en
recherchant si M. X... rapportait la preuve de la possibilité, pour sa sœur, de se préconstituer
un écrit sans caractériser des circonstances particulières qui auraient empêché Mme Adeline
X... de se procurer un écrit, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des
articles 1341 et 1348 du code civil ;
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2°/ qu'à défaut de rechercher, comme elle y était invitée, si la conclusion entre les parties
d'une précédente convention, en date du 14 janvier 1983, par écrit, n'établissait pas la
preuve de l'impossibilité morale de se procurer un écrit, la cour d'appel a privé son arrêt de
base légale au sens des articles 1341 et 1348 du code civil ;
3°/ que dans leurs écritures devant la cour d'appel, M. et Mme Alain X... avaient rappelé
que la convention du 14 janvier 1983 avait été conclue par écrit et que l'existence de ce
précédent contrat démontrait l'absence d'impossibilité morale de se procurer un écrit entre
M. X... et sa sœur ; qu'à défaut de répondre à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les
prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ qu'en se fondant sur le motif inopérant selon lequel M. Alain X... aurait demandé la
démolition des vérandas afin d'obtenir une autorisation d'implanter un garage, la cour
d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part, que la preuve des relations affectives et familiales
qui existaient entre M. Alain X... et Mme Adeline X... était rapportée par les pièces
produites et, d'autre part, que M. et Mme Alain X... ne parvenaient pas à démontrer que les
parties ne procédaient entre elles que par échange d'écrits, la cour d'appel, qui n'était pas
tenue de suivre celles-ci dans le détail de leur argumentation, a, abstraction faite du motif
surabondant critiqué par la dernière branche du moyen, souverainement estimé que de telles
circonstances caractérisaient l'impossibilité morale de se procurer un écrit et constaté que
preuve était apportée de l'existence d'un accord tacite de M. et Mme Alain X... à la
construction des vérandas litigieuses ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme Alain X... aux dépens ;
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